08/2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Adopter une attitude ouverte à l’égard du Tibet

JON MOGGIO

 
  Des enfants tibétains jouent au billard.

« Je suis un graphiste de San Francisco et tout le monde m’appelle Moge. Je ne suis jamais allé au Tibet, mais j’ai vu plein de photos sur cette région. J’ai un ami qui s’y est rendu à quelques reprises. Chaque fois qu’il parle du Tibet, son visage prend une expression lointaine, rêveuse et joyeuse à la fois. Rien qu’en me basant là-dessus, j’étais certain que ce voyage allait être une expérience particulière.

« Le peu de la situation du Tibet que je connais, c’est que c’est un gâchis. Je sais que le gouvernement chinois déclare que le Tibet appartient à la Chine à cause de raisons historiques, que c’est une position ténue.

« La position officielle de la Chine parle de protection de la culture, mais certains points de vue non officiels estiment que le gouvernement chinois est en train d’assimiler la culture du Tibet à la culture chinoise, qu’il va la diminuer, sinon complètement l’assimiler. C’est pour cela que je suis curieux - que je m’inquiète devrais-je dire - de savoir si le Tibet existera à long terme ou si cette région deviendra en quelque sorte un objet de musée.

« À Xigazê, deuxième grande ville du Tibet, Katy et moi avons visité le quartier tibétain. Nous sommes entrés dans une boutique d’artisanat ; j’y ai vu une guitare et je me suis mis à en jouer. Le patron de cette boutique m’a coiffé d’un chapeau tibétain et a dit en riant : “ Voilà, comme un Tibétain! ” Beaucoup de personnes nous ont vus et nous ont entourés. À nos côtés, les enfants parlaient en riant, mais lorsque nous avons parlé avec eux, ils se sont dispersés timidement. Dans la rue, il y a beaucoup de tables de billard. J’ai essayé de jouer huit balles. C’est beaucoup moins cher qu’aux États-Unis. C’était une très bonne table, pas comme celles aux États-Unis, les très petites tables dans les bars. Les gens autour étaient très amicaux. C’était comme un match collectif où chacun vous donne son opinion sur le coup à jouer.

« Après le dîner, nous avons assisté à un spectacle de chants et danses tibétains. Le spectacle était bizarre et singulier. Après, les artistes ont offert à chacun de nous un chapeau en feutre de yack; je l’aime beaucoup.

« Nous avons visité la maison de deux familles tibétaines. L’une est la maison de Kalsang Phuntso. Ce dernier nous a accompagnés dans la visite de sa maison. Une des pièces avait sa propre niche de Bouddha, consacrée à la prière, comme s’il avait un petit monastère chez lui. Kalsang est bouddhiste, mais au mur de sa maison est aussi accroché un portrait du président Mao. Kalsang a hautement louangé les grands changements que le Tibet a connus ces dernières années.

« De retour à Lhasa, nous sommes allés visiter la demeure de Yixi Luozhui; c’est un appartement situé dans un immeuble. Yixi Luozhui, 69 ans, nous a invités à y entrer. Son appartement est beaucoup plus petit que la maison que nous avions visitée à la campagne. C’est cependant un bel appartement confortable. Il y a aussi une pièce servant à vénérer Bouddha. Au mur, il a également accroché le portrait de Mao, et lui aussi a fait l’éloge du gouvernement actuel en disant que le niveau de vie du peuple s’était élevé et que le Tibet avait changé pour le mieux.

« Cette expérience m’a fait beaucoup réfléchir. Ma première réaction a été de penser qu’il était une sorte de “représentant du gouvernement ”, car en fait, c’était une visite organisée par le

gouvernement. Je pensais donc que c’était ce dernier qui lui avait demandé de parler ainsi. Mais à bien réfléchir, je pense qu’autrefois le Tibet était peut-être un endroit où il était difficile de vivre. Mais aujourd’hui, le niveau de vie s’est complètement amélioré. Ce Tibétain a un très bon appartement. Dieu sait où cet homme habitait quand il avait 15 ou 20 ans.

« Plus je découvre le Tibet, plus je me sens confus, ce qui est en réalité une bonne chose. Avant mon arrivée au Tibet, tout ce que j’en connaissais, c’était ce qui m’avait été décrit par la politique des médias étatsuniens. Depuis mon arrivée, j’ai entendu différents points de vue. C’est une bonne chose. Bien que ceux-ci ne règlent pas tout, cela me fait au moins réfléchir encore davantage et me fait réaliser que ce que je sais, c’est que je ne sais pas.

« Le plus important changement que mon point de vue a connu depuis mon arrivée au Tibet - et j’en suis fort surpris - c’est que je ne crois plus que le Tibet ait vraiment besoin d’être un pays indépendant. Avant mon voyage, “ Free Tibet ” allait de soi. Mais maintenant que je suis là et après avoir parlé de la situation actuelle avec quelques Tibétains, je n’estime pas du tout que le Tibet ait besoin de devenir un pays indépendant. Je ne crois même pas que la majorité des Tibétains espèrent l’indépendance du Tibet.

« Le conseil le plus important que j’aimerais donner à ceux qui veulent venir au Tibet : prendre une attitude ouverte et laisser de côté tous les préjugés que vous avez sur le Tibet. Je sais que j’avais beaucoup de préjugés que d’autres personnes m’avaient inculqués. Plus que jamais, je trouve que les médias étatsuniens expriment une opinion unilatérale. Et au début, il était très difficile de ne pas éprouver ce type de réaction viscérale par rapport à ce qu’une personne ou une autre disait, et cela m’a pris un certain temps pour m’en débarrasser. J’ai aussi mis un certain temps à me défaire de ces préjugés, mais après, j’ai réussi à affronter la réalité. Ça fait deux semaines, et je ne fais que commencer à surmonter ma réaction naturelle face à la nature du communisme et à l’indépendance du Tibet, et à pouvoir entendre et voir ce qui se passe vraiment. Je trouve que c’est très important pour tous ceux qui viendront ici.»