AVRIL 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

La mondialisation des entreprises chinoises : défis et débouchés


LUO YUANJUN

Le 8 décembre dernier, Lenovo, le fabricant no 1 d'ordinateurs personnels en Chine, est devenu le no 3 mondial en faisant l'acquisition de la division PC d'IBM pour 1,25 milliard $US. Cette nouvelle, largement discutée dans les médias chinois et étrangers, a suscité des commentaires tant positifs que négatifs, et elle a démontré que de grandes compagnies chinoises sont bien décidées à prendre la voie de la mondialisation.

Le 8 décembre 2004, Lenovo a fait l'acquisition de la division PC d'IBM. M. Liu Chuanzhi (à gauche), actuel président de Lenovo, échange une poignée de main cordiale avec le représentant d'IBM, après la signature du contrat à Beijing.

EN janvier dernier, le comité d'organisation de la Conférence sur la situation du développement économique dans le monde a parrainé un symposium portant sur la situation économique de la Chine qui avait été organisé par l'Institut international des sociétés multinationales de Chine. Au cours de cette conférence, l'économiste Li Xingshan a déclaré que les sociétés transnationales de Chine manquaient non seulement de techniques et d'avantages compétitifs clefs, mais aussi de produits de marques renommées. Dans ce contexte, elles ne pouvaient pas être considérées comme des sociétés transnationales à proprement parler.
D'après les critères de l'ONU, peut être considérée comme une société transnationale, toute entité, qu'elle soit de production ou non, établie grâce à des investissements à l'étranger. La Chine aurait donc environ mille sociétés de ce genre.
Mais selon les dires de M. Li : " Bien que certaines entreprises chinoises aient établi des succursales à l'étranger, elles n'ont toujours pas réalisé leur intégration complète dans le marché mondial. Leur exploitation ne respecte pas les coutumes internationales et leur gestion ne peut affronter les compétiteurs à armes égales dans le marché international. "

L'exemple de Lenovo

Le siège du groupe Lenovo.

En 1984, Liu Chuanzhi et dix autres personnes étaient de bons camarades de travail. Ils ont donc décidé de créer la société informatique Lenovo; à cette fin, ils ont alors investi 200 000 yuans. Aujourd'hui, après plus de 20 ans de développement, cette société est le plus grand groupe informatique en Chine. La puissance économique de ce groupe a suffi pour qu'en 2004, il puisse acheter la division PC d'IBM. Parallèlement, ses produits ont acquis une grande renommée tant en Chine qu'à l'étranger.
Dans ce contexte, l'objectif de développement de cette société consiste désormais à se transformer en une véritable société transnationale. Pour appliquer cette stratégie d'internationalisation, le premier pas a été l'acquisition de la division PC d'IBM. " IBM s'en sort bien, car son objectif était avant tout d'abandonner le marché du PC, puisque ce marché ne lui était plus profitable. Maintenant, c'est à Lenovo de faire un succès de cet essai ", commente Martin Gilliland, un analyste du cabinet d'études Gartner. " Notre objectif prioritaire est de créer une entreprise réellement transnationale ", explique M. Liu, actuel président de Lenovo. Avant cette transaction, certains autres groupes avaient aussi procédé à des essais semblables. Par exemple, l'été dernier, le géant chinois de l'électronique TCL, jusqu'alors peu connu hors de l'Asie, est devenu le fabricant no 1 de téléviseurs dans le monde en prenant le contrôle de la branche de téléviseurs de Thomson. Par la suite, TCL a acheté la division des téléphones portables d'Alcatel, une autre société française. Sur la façon de sortir du pays et de prendre une plus large part des ressources du marché mondial, le groupe Lenovo a donné un bon exemple aux entreprises chinoises. L'application de cette stratégie de développement a permis à Lenovo d'atteindre une plus grande capacité concurrentielle. Sa portée consiste à réussir à tirer parti de son expérience, car la réalité prouve que les entreprises chinoises peuvent se classer parmi les sociétés transnationales en s'appuyant sur leurs propres efforts.
L'internationalisation des entreprises chinoises
Aujourd'hui, on ne doute plus du danger que représente la mondialisation économique. Parallèlement, nul ne peut arrêter son processus. Pendant 30 ans (1949-1979), la Chine a laissé passer des occasions propices à son développement économique, car elle était séparée du marché international. Les faits valent mieux que de longs discours. Si son économie se développe au même rythme que l'économie mondiale, il faut approfondir l'application de la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur. L'internationalisation des entreprises chinoises est une réalité historique incontournable.
Il est évident que le développement économique de la Chine nécessite une grande quantité de fonds et que ses propres capitaux sont loin de satisfaire les besoins de son développement. Pour résoudre le problème du manque de ressources financières, la Chine doit faire appel aux capitaux internationaux. Par ailleurs, la Chine doit aussi introduire des techniques avancées et du personnel technique. La gestion des entreprises chinoises doit tirer profit des expériences étrangères. Parallèlement, la Chine doit aussi former ses propres sociétés transnationales pour fabriquer des produits destinés au marché international. Selon les règles de l'économie internationale, les sociétés transnationales sont des plate-formes permettant l'échange des ressources. Au cours des transactions économiques et techniques, ce n'est que lorsque les sociétés transnationales chinoises seront mûres qu'elles auront leur mot à dire et des droits dans le marché international.
En un mot, l'internationalisation des entreprises chinoises consiste à les harmoniser au développement du marché international et à introduire des ressources naturelles, économiques et techniques internationales pour qu'elles profitent d'un meilleur développement.

Les débouchés

Les parties signataires de l'accord sur l'Usage de l'accès sans fil : Lenovo, IT, HP et IBM.

Le 11 décembre 2001, la Chine entrait au sein de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), ce qui allait avoir un énorme impact sur les secteurs économique, social, scientifique et technologique du pays. Depuis lors, l'économie chinoise se développe en parfaite harmonie avec le courant principal de l'économie mondiale. C'est un important choix stratégique qui aura des répercussions profondes sur la croissance de l'économie mondiale.
Pour les entreprises chinoises, la participation du pays à l'OMC est le moment ou jamais de profiter de l'occasion pour créer leurs propres sociétés transnationales.
Pour l'entreprise privée, le moment est venu d'augmenter ses exportations et ses investissements à l'étranger. D'après le principe de réciprocité, les entreprises chinoises ont le droit d'investir dans le secteur des services des pays étrangers, et leurs implantations à l'étranger peuvent profiter du traitement national.
Pour l'entreprise d'État, c'est le moment de réformer son ancien système de gestion sclérosé en profitant de la mondialisation économique. Le travail d'internationalisation des entreprises chinoises doit démarrer par la réforme de son ancien système. Une société transnationale doit satisfaire à certaines conditions bien précises : un droit de propriété bien défini, un système clair de contraintes et de primes, une culture et des valeurs qui lui sont propres. Pour faire concurrence avec des compétiteurs internationaux, les entreprises chinoises doivent perfectionner leur système.
La Chine est un vaste pays, riche en ressources naturelles. Son grand marché et sa main-d'œuvre bon marché sont des avantages qui constitueront sans aucun doute un facteur et un complément dans la réorganisation de l'ancienne chaîne industrielle mondiale.
Pour Lenovo, la participation de la Chine à l'OMC a été l'occasion de faire l'acquisition de la division PC d'IBM. Il y a trois ans, cette possibilité aurait été inimaginable, mais depuis son entrée dans le marché mondial, sa stratégie d'internationalisation joue un rôle important dans son développement, sans compter le soutien du gouvernement chinois.
Cependant, pour la Chine, le défi est désormais d'augmenter sa croissance et d'attirer des investisseurs étrangers. Il y a ceux qui comptent sur leurs propres forces et partent seuls à l'assaut des marchés étrangers; et il y a ceux qui, comme Lenovo avec IBM, se payent une internationalisation en faisant l'acquisition d'entreprises étrangères. Mais la stratégie est la même, car elle fait émerger des entreprises de taille internationale, susceptibles de rivaliser avec les multinationales existantes. La Chine ne se contente plus d'être l'" usine du monde ". Elle veut imposer ses marques et sa technologie, et provoquer une véritable redistribution des cartes économiques à l'échelle mondiale.

Les défis ne sont pas négligeables

La chaîne de production de Lenovo.

Selon M. Zeng Ming, professeur de l'Institut de commerce Changjiang, le taux de réussite du processus d'internationalisation des entreprises chinoises ne dépasse pas 30 %. En respectant la coutume et les règlements internationaux, l'internationalisation des entreprises chinoises doit surmonter tous les obstacles liés aux différences de culture, aux barrières commerciales et aux différends sur le droit de propriété intellectuelle.
Quelqu'un a considéré l'acquisition de la division PC d'IBM par Lenovo comme le cas d'un " serpent qui avale un éléphant ". En réalité, sa stratégie cherche à faire émerger des entreprises de taille internationale, susceptibles de rivaliser avec les multinationales existantes. Toutefois, même après l'annonce officielle de l'acquisition, il y avait encore des sceptiques.
Un représentant d'une compagnie de courtage de Hongkong a dit : " Lenovo a fait l'acquisition de la division PC d'IBM à un prix trop élevé. Cette division n'est pas rentable. Parce qu'elle va réduire le revenu du groupe, les actions de Lenovo subiront une baisse à court terme. "
Ces trois dernières années, Lenovo s'était toujours appuyé sur ses produits de marque renommée pour occuper le marché international. Cependant, cette stratégie n'a pas obtenu de succès. Lenovo a donc pensé miser sur les produits de marque renommée d'IBM. Pour cela, l'entreprise a payé 1,75 milliard $US.
M. William Bao Bean, analyste à la Deutsche Bank, a exprimé : " Le développement de Lenovo affrontera certains dangers dans le futur. Jusqu'à la publication des détails de la transaction, les analystes et les investisseurs agiront avec prudence. " M. Fung Ee Lim dit aussi : " Après avoir fait l'acquisition de la division PC de Compaq pour 19 milliards $US, la société HP n'a pas obtenu le résultat escompté. Par contre, elle a été dépassée par Dell. On associe cet exemple au groupe informatique Lenovo qui manque encore d'expérience internationale. "
Conscient de la gravité de la situation, Lenovo a désigné M. Steven Ward, vice-président senior et directeur général d'IBM comme chef de la direction en déplaçant son siège à New York. C'est le commencement d'une délocalisation stratégique.
En essayant d'explorer le marché international, certaines sociétés ont connu des pertes. À la fin de décembre 2004, la société de téléviseurs couleur Changhong a été dupée d'une somme de 480 millions $US (4 milliards de yuans). Par la suite, elle dut suspendre temporairement la vente de ses actions.
Actuellement, l'internationalisation est une stratégie fixée pour beaucoup d'entreprises chinoises. Dans ce contexte, le courage n'est pas garant du succès, mais ce dernier dépend de la stratégie de marché, de la gestion et du niveau technique de ces entreprises. La société Samsung est un bon exemple. Pour réaliser son internationalisation, elle a mis une quarantaine d'années. Sans aucun doute, l'internationalisation des entreprises chinoises a encore un long chemin à parcourir.
Quelques informations :
1. L'internationalisation d'une entreprise.
L'internationalisation exige de la part des entreprises de bien respecter la coutume et les règlements internationaux pour répartir rationnellement leurs ressources dans le monde. Ceci a deux répercussions importantes :
Premièrement, réaliser l'internationalisation des ressources. En profitant du marché des capitaux internationaux, les entreprises peuvent directement réaliser l'internationalisation des canaux d'appel de capitaux; en profitant du marché international des prêts, elles peuvent indirectement réaliser l'internationalisation des canaux d'appel de capitaux; en profitant du marché international du personnel qualifié, elles peuvent réaliser l'internationalisation des ressources humaines; en profitant du marché international de marchandises, elles peuvent réaliser leur commerce international des marchandises, et en profitant du marché international des techniques, elles peuvent réaliser une structure convenable des techniques. En introduisant des techniques pratiques d'avant-garde, les entreprises peuvent participer, par la voie d'investissements transnationaux, à la division et à la coopération internationale.
Deuxièmement, les activités des entreprises doivent posséder des systèmes d'exploitation et de gestion avancés qui respectent la coutume internationale. Théoriquement, les entreprises réalisent l'internationalisation en utilisant complètement les deux marchés (international et national), les deux ressources (internationale et nationale), pour augmenter leur compétitivité et réduire les taux de consommation des matières premières et de l'énergie.
2. Les deux étapes de l'internationalisation des entreprises chinoises.
La première étape a commencé dans les années 1980. Les entreprises chinoises n'ont alors installé que des bureaux outre-mer qu'elles considéraient comme des fenêtres de l'entreprise à l'étranger. La deuxième étape touche les années 1990. Avec l'application de la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur, les entreprises chinoises ont commencé à accélérer leur rythme de participation à la division internationale. Aujourd'hui, certaines entreprises chinoises possèdent leur propre capacité et leurs propres supériorités pour affronter la concurrence internationale.