MARS 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 


Heshun, premier relais de Chine pour la poste et les caravanes

 

ZHANG HONG

Célèbre dans l’histoire, ce village vit aujourd'hui des gloires de son passé qu’il a su bien conserver.

Paysage pittoresque de Heshun.

Les Européens dînent à l’européenne et boivent du thé noir.

D’où le premier thé noir est-il originaire? Du Yunnan de Chine.
Dès la dynastie des Tang (618-907), des caravanes populaires faisaient le commerce du thé. Elles partaient du Xishuangbanna et de Simao, en passant par Dali et Lijiang, puis entraient au Tibet, passaient ensuite en Inde puis en Europe et dans d’autres régions. C’est pendant cette période que le thé comprimé fermenté naturellement est devenu le thé noir. La voie empruntée était la voie antique Chama (thé et chevaux)—la voie la plus haute et la plus escarpée du monde, une « échelle céleste » qui faisait communiquer les hommes et les chevaux avec le monde extérieur et les marchés.
Au terminal de la voie Chama à l’intérieur du pays, on trouve une cité antique frontalière –Tengchong. Et tout près, il y a Heshun, un village mystérieux d’où sont originaires bon nombre de grands commerçants et lettrés.

La voie nécessaire du commerce des jades précieux

Villageois de Heshun au marché.

Heshun, un village au style classique, est un lieu très connu des Chinois d’outre-mer. Son histoire remonte à 600 ans. Le village abrite quelque 6 000 personnes, et les Chinois d’outre-mer en représentent 7 000. On peut dire que toutes les familles ont des parents qui résident à l’étranger.
Un matin de juillet, nous sommes arrivés à Heshun. Comme tous les gens qui y arrivent pour la première fois, nous avons été saisis d’admiration : l’eau coule sous un petit pont, des maisons aux murs blancs et aux toits de tuiles grises nous permettent de constater que nous sommes dans une région située au sud du fleuve Yangtsé. À l’est du village, la chaîne des monts Hengduan s’étend sur des kilomètres; à l’ouest, c’est la frontière.
En regardant au loin, on s’aperçoit que Heshun se situe dans une plaine où coule une rivière; des ruisseaux et des volcans éteints l’entourent.
Étant donné la proximité du Myanmar, le lieu de traitement des jades de ce pays se trouve près de Heshun. C’est ainsi que Heshun est devenu une voie nécessaire du commerce des jades précieux : du Yunnan et du Sichuan vers le Myanmar et l’Inde. Depuis l’antiquité, les métiers risqués du jade ont attiré beaucoup de gens, car un jade brut pouvait rapporter des bénéfices mirobolants ou la ruine. Cette situation a stimulé le commerce du jade.
Depuis toujours, Heshun a peu de terres cultivées et une population relativement nombreuse. Au cours des différentes dynasties, des garnisons étaient stationnées aux frontières, et des gens se déplaçaient vers ce village, mais ils ne pouvaient pas gagner leur vie en s’appuyant sur la culture de la terre. Selon des registres historiques, il y a 2 400 ans, des commerçants du cours moyen du Yangtsé y sont venus pour chercher des trésors. Pendant les dynasties des Ming (1368-1644) et des Qing (1644-1911), bon nombre de caravanes échangeaient de la soie contre du jade. Ces caravanes transportaient par monts et par vaux des produits spéciaux, des bijoux, des marchandises étrangères, même des livres de Charles Darwin et de Henrik Ibsen. Ils échappaient souvent de justesse à la mort.
Selon les dires, chaque maison et chaque rue cachaient une histoire sur le jade. Pour vivre, les ancêtres de Heshun ont participé aux caravanes. Un grand nombre d’hommes de Heshun ont quitté leur pays et n’y sont pas revenus; certains sont même décédés à l’étranger et ont laissé de nombreuses veuves fidèles à leur mari. C’est ainsi qu’il y a beaucoup de portiques commémorant la fidélité au mari.
Bon nombre d’habitants de Heshun ont fait fortune avec le jade. Ils possédaient des maisons de commerce à Shanghai, à Hongkong et en Asie du Sud-Ouest, et ils en rapportaient des objets et le style de vie qui y étaient à la mode. Ils ont construit des maisons luxueuses dans leur village natal.
Yin Rong, un Chinois d’outre-mer de Heshun, a été le maître de quatre rois de Birmanie grâce ses connaissances vastes et profondes; Zhang Baoting, le roi du jade, a construit plusieurs ouvrages importants en Birmanie et a reçu une médaille d’or de la reine d’Angleterre; Cun Yuting a quitté Heshun et est devenu un personnage du secteur du jade; à 14 ans, Yin Qishun a marché sept jours pour se rendre en Birmanie, a surmonté de rudes épreuves et est devenu un commerçant célèbre.

La prospérité se reflète dans les maisons luxueuses

Vue de Heshun.

Se promener dans les rues de Heshun, c’est un vrai plaisir! Au hasard, on découvre une belle maison avec une vaste cour. C’est la maison de la famille Li; au milieu du XIXe siècle, elle était la maison de commerce Yongmohe qui jouissait d’une grande réputation et d’une grande puissance. Pendant un siècle et cinq générations, le commerce de cette maison s’est fait entre Heshun et la Birmanie. Ses succursales se trouvaient partout au pays. Aujourd’hui, les descendants résident aux quatre coins du monde. Il n’y a qu’un vieillard qui y habite maintenant.
Le jour où nous y sommes passés, ce vieillard était en train de décortiquer des haricots, tranquillement sur sa galerie, et un magnolia était en fleurs. Au milieu de la pièce principale, un panneau plaqué or portait des inscriptions; sur le mur, une horloge avec chiffres romains faisait contraste avec le style de cette maison. « C’est une horloge italienne qui fonctionne depuis cent ans », a dit le vieillard.
De génération en génération, la famille Li a amassé une petite fortune, mais ne vivait pas dans le luxe ; des objets étrangers - une cuvette allemande, un pot à fleurs japonais et un verre français - témoignent que ce village entretenait beaucoup de relations avec le monde occidental.
Les gens de Heshun ont rapporté plus de 160 variétés de marchandises de plus de 30 pays et territoires, ainsi que des objets courants et des objets d’art de différents styles, dont du verre de couleur, des fenêtres de style européen, une machine à coudre de fabrication allemande, un abat-jour de Tchécoslovaquie.
Malgré son éloignement, Heshun est un village mi-chinois mi-occidental. Certaines gens ont même remarqué une paire de boîtes noires dans une maison : les boîtes que les nobles britanniques réservaient pour leur chapeau. À travers ces objets anciens, ce sont les chagrins et les joies de nombreuses années qui défilent devant nos yeux.

Un village qui mérite le déplacement

Chaque recoin du village porte les marques du temps. Les rues sont pavées, et après la pluie, elles sont rutilantes de propreté. Le site Shuidui ? Yuanlong ? est un lieu pittoresque de Heshun. Au Yunnan, pas une rivière qui soit toujours calme ou impétueuse; la rivière Dayingjiang passe devant Heshun et semble calme et douce, mais tout à coup surgit un rapide. Autrefois, les hommes de Heshun ont construit des pavillons pour la lessive afin que femmes puissent se mettre à l’abri du vent et de la pluie. Ces pavillons formaient le seul lieu public où les femmes pouvaient alors se rendre.
A présent, la Yunnan Brilliant Heshun Tourism Development Co.,Ltd, est chargée, par contrat forfaitaire, de l’exploitation touristique de Heshun. Son vice-directeur, M. Alex Jiao a révélé : la compagnie exploite le restaurant Heshun Renjia de beauté classique ? dans une vieille maison restaurée. Depuis lors, cette dernière a connu un regain de vigueur.

La première bibliothèque rurale de Chine

La bibliothèque du village de Heshun.

Depuis l’antiquité, Tengchong est considérée comme une région froide, isolée de l’intérieur de la Chine, et Heshun est encore plus éloignée. Selon les croyances, dans cet environnement, la culture chinoise ne devrait pas être très vigoureuse, mais au contraire, la culture traditionnelle y est bien enracinée.
On y trouve une bibliothèque qui collectionne 70 000 livres. C’est quasiment un miracle. Elle est la gloire du village, car même aujourd’hui, il n’y a pas une bibliothèque rurale qui peut rivaliser avec elle. Jadis, l’endroit a été la première école des filles du Yunnan. Cette bibliothèque est un fossile vivant qui témoigne que Heshun était un lieu ouvert au monde.
La bibliothèque de Heshun conserve bon nombre d’exemplaires uniques, d’éditions rares et de documents locaux. Plus de 10 000 éditions rares ont attiré des savants venus de milliers de kilomètres. Un écrivain de Beijing a soupiré devant une ancienne revue précieuse : Hebdomadaire de vie (nom en pinyin) À Beijing, cette revue est conservée dans un coffre en verre, on peut la voir, mais il est interdit d’y toucher.
Il y a plus de 70 ans, pour fonder cette bibliothèque, un groupe de commerçants de Heshun se sont rendus en Birmanie pour recueillir de l’argent, et beaucoup d’hommes aux nobles aspirations ont fait preuve de largesses. Les gens de Heshun ont toujours été avides de connaissances. Le villageois Yang Kaitai, 70 ans, est abonné à sept journaux et revues. Il dit : « Il n’y a pas de contradiction entre l’économie et la culture, le jade et le livre peuvent coexister. La bibliothèque de Heshun a été fondée en 1928 par des hommes d’affaires. »
Le célèbre philosophe An Siqi est né à Heshun. Dès l’enfance, il a été envoyé à l’étranger pour étudier. Ses ancêtres ont entretenu beaucoup de liens avec cette bibliothèque. Son œuvre La philosophie populaire (inclure aussi le nom en pinyin) a influencé plusieurs générations de Chinois. Au milieu des années 1930, il a publié Le discours de la philosophie qui a marqué le début de la diffusion de la philosophie en Chine.
Il y a peu, l’ordinateur est entré dans cette bibliothèque, ce qui a accéléré la communication avec le monde extérieur.
En 1980, la bibliothèque de Heshun a été placée dans le système de bibliothèques d’État publiques, et classée parmi les unités de monuments historiques sous protection du Yunnan.

Document :
Heshun se situe à quatre kilomètres à l’ouest du district de Tengchong. Si on veut se rendre à Heshun, il faut d’abord aller à Tengchong. De Kunming, l’avion ou l’autocar assure la liaison avec Tengchong, puis l’autocar avec Heshun.
A : Par avion : prendre l’avion à Kunming pour la ville de Baoshan ou de Mangshi, puis l’autocar pour Tengchong.
(1) Avion de Kunming à Baoshan : 40 minutes, 440 yuans par personne; de Baoshan à Tengchong, 168 kilomètres et un trajet de 3 h 30 minutes.
(2) Avion de Kunming à Mangshi : 50 minutes, 530 yuans par personne; de Mangshi à Tengchong, 115 kilomètres et un trajet de 3 h 10 minutes.
B : Par autocar : De la gare sud de Kunming, de la brasserie de Kunming ou de l’Hôtel Tengyi à Tengchong ; 761 kilomètres et un trajet de 19 heures.