Émis le 20 juillet 1983. Graphiste : Li Wei
Des
héroïnes de la Chine antique
HUO
JIANYING
Dans
la Chine antique où la soumission des femmes était la règle, quatre
jeunes héroïnes ont su sortir des rangs. Leur histoire s’est transmise
à la postérité.
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Liang Hongyu au combat dans
un opéra de Pékin.
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IL y a souvent des films qui racontent
l’histoire de malfaiteurs qui tendent un guet-apens à quelqu’un
ou qui commettent un attentat pour détrousser un passant, sans
parler de ceux qui agressent les femmes. Juste à ce moment critique,
des jeunes filles à l'esprit chevaleresque et qui ont la maîtrise
des arts martiaux se portent au secours de ces victimes. Grâce
à ces qualités, ces redresseuses de torts font toujours en sorte
que les détrousseurs prennent la fuite.
Pour témoigner de la reconnaissance
envers ces jeunes filles et chercher à les payer de retour, les
victimes leur demandent de laisser leur nom. Mais ces jeunes héroïnes
estiment unanimement que ce n’est pas la peine de rappeler
une chose aussi insignifiante…
On doit l’histoire de certaines
héroïnes à une œuvre de l’époque des Han de l’Ouest, Les Mémoires
historiques (Shi ji) de Sima Qian (né en 145 av. J.-C.).
Sous sa plume, ne pas reculer devant
son devoir était considéré comme une conduite morale à l’époque
féodale de l’ancienne Chine, et la générosité chevaleresque faisait
partie de l’esprit de l’époque. Cependant, la conception de Sima
Qian n’était pas approuvée par l’échelon supérieur. C’est pourquoi
l’histoire des époques suivantes n’a pas enregistré les actes
héroïques de jeunes filles à l'esprit chevaleresque et redoutable
dans les arts martiaux.
Depuis l’Antiquité, les redresseurs
de torts à l'esprit chevaleresque constituent un groupe social.
Leur position et leur rôle dans la société étaient des questions
discutées car les avis étaient partagés. Dans la société féodale
inégalitaire, étant donné que les masses vivaient dans la couche
inférieure et étaient victimes d’injustices, elles plaçaient leur
émancipation et leur espoir dans ce groupe. Aux yeux de certains,
ce dernier était l’incarnation de la justice et de la sagesse.
Aujourd’hui, les recherches sur
ce groupe sont plus faciles. Ces gens-là
ont joui d’une grande réputation pendant longtemps en Chine.
D’après certaines légendes, nous savons que des jeunes filles
à l'esprit chevaleresque et redoutable dans les arts martiaux
ont aussi connu un grand renom. En voici des exemples.
Shi
San Mei
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Zhang Hongmei, une des membres de
l’équipe de wushu de Beijing, joue le rôle de Shi
San Mei dans le film du même nom.
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He Yufeng se faisait appeler « Treizième
petite sœur » (Shi San Mei). Née dans une famille
de dignitaires, elle était fille unique. Malgré sa beauté, son
père l’a toujours considérée comme un garçon depuis son enfance.
Auprès de son père, elle s’adonnait non seulement à des études
culturelles, mais encore redoublait d’efforts dans les arts martiaux.
Le grand général Ji Xiantang était le supérieur immédiat de son
père. Voyant cette jolie fille, il eut l’intention de l’adopter
comme belle-fille. Le père de He Yufeng refusa. Ji Xiantang s’emporta
sous le coup de l’humiliation. Il jeta le père de He en prison
et envoya son fidèle serviteur à la poursuite de la mère et de
la fille. Après une lutte et avoir capturé son poursuivant,
He Yufeng le libéra. Pour le remercier, le poursuivant conseilla
à He Yufeng et à sa mère de se mettre sous la protection de Deng
Jiugong.
Dans la famille de Deng Jiugong,
un jour, He Yufeng et sa mère rencontrèrent fortuitement un des
ennemis de Deng Jiugong. Quand ces deux adversaires se rencontraient,
leurs yeux lançaient feu et flammes. Au cours d’un combat acharné,
c’est He Yufeng qui aida Deng à vaincre son ennemi. C’est ainsi
que Deng Jiugong et He Yufeng établirent des rapports de maître
à apprenti. Pour venger son père, He Yufeng prit d’abord des dispositions
pour héberger sa mère et fit ensuite ses adieux à son maître.
Dès lors, elle commença à s’engager seule dans la voie de l’aventure.
Elle connut diverses péripéties,
dont celle avec An Ji. Le père d’An Ji était un fonctionnaire
incorruptible qui avait pris en charge des travaux hydrauliques.
Cette année-là, des inondations exceptionnelles avaient rompu
les digues et créé un grand désastre. Son supérieur forgea
donc des charges contre ce fonctionnaire, le destitua et le condamna
à mort.
Dans une auberge, He Yufeng rencontra
An Ji qui se rendait à Beijing avec une forte somme d'argent pour
acheter la grâce de son père. Au temple Nengren, deux voleurs
manigançaient pour tuer le jeune An Ji. He Yufeng lui proposa
donc son aide, et elle porta seule une lourde pierre permettant
d’entraver la porte de la chambre du jeune homme qui redoutait
les voleurs alléchés par l’argent. Après avoir vaincu les
deux voleurs, He l’aida à épouser la belle Zhang Jinfeng.
Mu
Guiying
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Le rôle de Mu Guiying
dans le théâtre dombres chinoises.
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L’histoire de la jeune héroïne
Mu Guiying se transmet de génération en génération. Mu Guiying
a grandi sous la bannière de Mukezhai, une place forte dans une
montagne. Cette jeune bénéficiait d’une grande réputation sous
la dynastie des Song du Nord (960-1127). Pendant les années où
la guerre faisait rage, le trône des Song du Nord était toujours
menacé par les barbares liao (960-1125). À la passe Yanmenguan,
les troupes des Liao réalisèrent une nouvelle disposition des
forces pour entraver l’avance des troupes des Song du Nord. Pour
obtenir l'aide de la jeune Mu Guiying qui s'était retirée dans
ses terres, Yang Yanzhao, généralissime des troupes de la Famille
Yang, usa de subterfuges. Mu Guiying descendit finalement de sa
montagne et épousa le fils de Yang, Yang Zhongbao. L'empereur
lui offrit le commandement de l'armée pour donner l’assaut aux
troupes des Liao à Tianmen. Mu Guiying monta à l’assaut à la tête
de ses troupes et brisa à maintes reprises l’encerclement de l’ennemi.
Cette jeune fille infligea non seulement une grande défaite aux
envahisseurs, mais encore se distingua par ses faits d’armes.
Un jour, pour chercher du bois
Xianglong (dompter le
dragon) servant à faire d’excellents manches de hache,
Yang Zhongbao fut capturé vivant par Mu Guiying. Mu Guiying admirait
beaucoup ce jeune général élégant, de sorte que Yang Zongbao devint
prisonnier de son amour. Un an après leur mariage, Mu Guiying
était enceinte et sur le point d’accoucher. Même à ce moment-là,
Mu Guiying conduisit des troupes au combat et l’armée ennemie
dut battre en retraite en essuyant défaite sur défaite. Alors
que ses troupes exploitaient leur victoire en poursuivant l’ennemi,
Mu Guiying accoucha. En entendant cette nouvelle, l’armée ennemie
organisa un retour en force. Très faible, Mu Guiying porta quand
même son armure et l’arme à la main. Constatant que Mu Guiying
était une général sur une terrasse de désignation, l’armée ennemie
se retira hors de la frontière, craignant de tomber dans un traquenard.
Aujourd’hui, dans le district de Yanqing, on conserve encore une
grande masse de pierre. On dit que c’est la terrasse de désignation
du maréchal Mu Guiying ; sur cette terrasse, on trouve aussi
28 trous qui étaient destinés à installer sa tente et les traces
de ses pieds.
Les opéras mettent en scène les
faits d'armes de la jeune général Mu Guiying ; la jeune femme
général de la famille Yang est l'héroïne de plusieurs opéras,
tout issus du roman L'Héroïque Famille Yang
Hua Mulan
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Le rôle de Hua Mulan
déguisée en homme (2e à droite) dans
un numéro musical. |
Qui était vraiment
Hua Mulan dont l'histoire est très populaire en Chine ? Cette
héroïne aurait vécu entre le IIIe et le IVe
siècle en Chine du Nord. Déguisée en homme, cette fille s'est
engagée dans l'armée à la place de son père afin de combattre
les envahisseurs Huns. Après 12 ans de campagnes militaires, elle
est rentrée au pays couverte de gloire. De nombreuses œuvres artistiques
et littéraires lui ont été consacrées : poèmes antiques, pièces
d'opéra ou de théâtre, ballades chantées, etc.
Qiu Jin
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Photo de Qiu Jin. |
Qiu
Jin (1875-1907) est née dans la province du Zhejiang. Son grand-père
et son père étaient des fonctionnaires de la dynastie des Qing
(1644-1911). Cette jeune fille ambitieuse était intelligente et
habile. Animée de nobles sentiments et de grands idéaux, Qiu Jin
était aussi un redresseuse de torts. Dans son exubérance juvénile,
elle ne connaissait ni fatigue ni lassitude. Ses propos pleins
de promesses renforçait toujours la combativité des révolutionnaires.
En 1894, Qiu Jin a épousé un jeune
dandy de la famille, soucieux de la tenue, grâce à un mariage
arrangé par ses parents. Par la suite, Qiu est arrivée à Beijing,
car elle a accompagné son mari travaillant dans les milieux officiels.
Avec le temps, elle fréquenta surtout des femmes progressistes.
Avec l’élargissement de son horizon, elle brisa les chaînes des
idées féodales et se rendit seule au Japon pour acquérir des connaissances.
Au Japon, elle se jeta activement
dans la lutte révolutionnaire contre la dynastie des Qing, organisée
par les étudiants chinois faisant des études au Japon. Elle s’enrôla
d’abord dans l’Association de libération anti-Qing et rejoignit
les groupes nationalistes, l’Association alliée dirigée par Sun
Yat-sen. Plus tard, elle est devenue responsable de la province
du Zhejiang. En tant que fervente nationaliste, Qiu Jin, introduisit
les questions féministes dans le mouvement. Dans un essai émouvant
écrit à l’automne de 1904, elle insista sur le fait que « nous,
les deux cent millions de femmes de Chine, sommes les objets les
moins bien traités de la terre ». Elle parla des pères qui,
à la naissance d’une fille, la maudissent par ces paroles « Oh,
quel jour funeste! Voici une autre créature inutile ». De
même, elle se plaignit amèrement de la tradition alors en cours
de bander les pieds, ce qui torturait les filles pendant de longues
années.
En 1906, Qiu Jin retourna à Shaoxing
pour y créer la base d’appui de l’Association de libération. Elle
y organisa les forces armées avec Xu Xilin et prépara l’insurrection
armée anti-Qing.
En juillet 1907, le plan de l’insurrection
a été mis au jour et Xu Xilin a été obligé d’accepter
le combat sans préparation à Anqing, dans la province de l’Anhui.
Bien que Xu y ait tué le gouverneur En Ming, l’insurrection
a abouti rapidement à un fiasco. Dans la province du Zhejiang,
l’insurrection armée dirigée par Qiu Jin n’a pas fini mieux que
l’autre. Pour éveiller les masses, elle a donc décidé de mener
un combat décisif. Vaincue par un ennemi supérieur en nombre,
Qiu Jin s’est faite prisonnière et a été exécutée après l’échec
de cette insurrection. Cette année-là, Qiu Jin n’avait que 32
ans.
Quatre ans plus tard, le gouvernement
corrompu de la dynastie des Qing a été renversé. Dès lors, on
a proclamé la fin de la domination anarchique et féodale. Dans
la longue histoire de la Chine, de telles jeunes filles sont mortes
après avoir accompli leur propre mission. Elles ont laissé d’innombrables
histoires inachevées qui ont été reprises par le ballet, l’opéra
et le théâtre traditionnels. Ces histoires représentent des richesses
spirituelles précieuses qui méritent réflexion.