MARS 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

  Émis le 20 juillet 1983. Graphiste : Li Wei

Des héroïnes de la Chine antique

HUO JIANYING

Dans la Chine antique où la soumission des femmes était la règle, quatre jeunes héroïnes ont su sortir des rangs. Leur histoire s’est transmise à la postérité.

Liang Hongyu au combat dans un opéra de Pékin.

IL y a souvent des films qui racontent l’histoire de malfaiteurs qui tendent un guet-apens à quelqu’un ou qui commettent un attentat pour détrousser un passant, sans parler de ceux qui agressent les femmes. Juste à ce moment critique, des jeunes filles à l'esprit chevaleresque et qui ont la maîtrise des arts martiaux se portent au secours de ces victimes. Grâce à ces qualités, ces redresseuses de torts font toujours en sorte que les détrousseurs prennent la fuite.

Pour témoigner de la reconnaissance envers ces jeunes filles et chercher à les payer de retour, les victimes leur demandent de laisser leur nom. Mais ces jeunes héroïnes estiment unanimement que ce n’est pas la peine de rappeler une chose aussi insignifiante… 

On doit l’histoire de certaines héroïnes à une œuvre de l’époque des Han de l’Ouest, Les Mémoires historiques (Shi ji) de Sima Qian (né en 145 av. J.-C.). 

Sous sa plume, ne pas reculer devant son devoir était considéré comme une conduite morale à l’époque féodale de l’ancienne Chine, et la générosité chevaleresque faisait partie de l’esprit de l’époque. Cependant, la conception de Sima Qian n’était pas approuvée par l’échelon supérieur. C’est pourquoi l’histoire des époques suivantes n’a pas enregistré les actes héroïques de jeunes filles à l'esprit chevaleresque et redoutable dans les arts martiaux.

Depuis l’Antiquité, les redresseurs de torts à l'esprit chevaleresque constituent un groupe social. Leur position et leur rôle dans la société étaient des questions discutées car les avis étaient partagés. Dans la société féodale inégalitaire, étant donné que les masses vivaient dans la couche inférieure et étaient victimes d’injustices, elles plaçaient leur émancipation et leur espoir dans ce groupe. Aux yeux de certains, ce dernier était l’incarnation de la justice et de la sagesse.

Aujourd’hui, les recherches sur ce groupe sont plus faciles. Ces gens-là  ont joui d’une grande réputation pendant longtemps en Chine. D’après certaines légendes, nous savons que des jeunes filles à l'esprit chevaleresque et redoutable dans les arts martiaux ont aussi connu un grand renom. En voici des exemples.

Shi San Mei

 

Zhang Hongmei, une des membres de l’équipe de wushu de Beijing, joue le rôle de Shi San Mei dans le film du même nom.

 

He Yufeng se faisait appeler « Treizième petite sœur » (Shi San Mei). Née dans une famille de dignitaires, elle était fille unique. Malgré sa beauté, son père l’a toujours considérée comme un garçon depuis son enfance. Auprès de son père, elle s’adonnait non seulement à des études culturelles, mais encore redoublait d’efforts dans les arts martiaux. Le grand général Ji Xiantang était le supérieur immédiat de son père. Voyant cette jolie fille, il eut l’intention de l’adopter comme belle-fille. Le père de He Yufeng refusa. Ji Xiantang s’emporta sous le coup de l’humiliation. Il jeta le père de He en prison et envoya son fidèle serviteur à la poursuite de la mère et de la fille. Après une lutte et avoir capturé son poursuivant, He Yufeng le libéra. Pour le remercier, le poursuivant conseilla à He Yufeng et à sa mère de se mettre sous la protection de Deng Jiugong.

Dans la famille de Deng Jiugong, un jour, He Yufeng et sa mère rencontrèrent fortuitement un des ennemis de Deng Jiugong. Quand ces deux adversaires se rencontraient, leurs yeux lançaient feu et flammes. Au cours d’un combat acharné, c’est He Yufeng qui aida Deng à vaincre son ennemi. C’est ainsi que Deng Jiugong et He Yufeng établirent des rapports de maître à apprenti. Pour venger son père, He Yufeng prit d’abord des dispositions pour héberger sa mère et fit ensuite ses adieux à son maître. Dès lors, elle commença à s’engager seule dans la voie de l’aventure.

Elle connut diverses péripéties, dont celle avec An Ji. Le père d’An Ji était un fonctionnaire incorruptible qui avait pris en charge des travaux hydrauliques. Cette année-là, des inondations exceptionnelles avaient rompu les digues et créé un grand désastre. Son supérieur forgea donc des charges contre ce fonctionnaire, le destitua et le condamna à mort.

Dans une auberge, He Yufeng rencontra An Ji qui se rendait à Beijing avec une forte somme d'argent pour acheter la grâce de son père. Au temple Nengren, deux voleurs manigançaient pour tuer le jeune An Ji. He Yufeng lui proposa donc son aide, et elle porta seule une lourde pierre permettant d’entraver la porte de la chambre du jeune homme qui redoutait les voleurs alléchés par l’argent. Après avoir vaincu les deux voleurs, He l’aida à épouser la belle Zhang Jinfeng.

Mu Guiying

 

Le rôle de Mu Guiying dans le théâtre d’ombres chinoises.

 

L’histoire de la jeune héroïne Mu Guiying se transmet de génération en génération. Mu Guiying a grandi sous la bannière de Mukezhai, une place forte dans une montagne. Cette jeune bénéficiait d’une grande réputation sous la dynastie des Song du Nord (960-1127). Pendant les années où la guerre faisait rage, le trône des Song du Nord était toujours menacé par les barbares liao (960-1125). À la passe Yanmenguan, les troupes des Liao réalisèrent une nouvelle disposition des forces pour entraver l’avance des troupes des Song du Nord. Pour obtenir l'aide de la jeune Mu Guiying qui s'était retirée dans ses terres, Yang Yanzhao, généralissime des troupes de la Famille Yang, usa de subterfuges. Mu Guiying descendit finalement de sa montagne et épousa le fils de Yang, Yang Zhongbao. L'empereur lui offrit le commandement de l'armée pour donner l’assaut aux troupes des Liao à Tianmen. Mu Guiying monta à l’assaut à la tête de ses troupes et brisa à maintes reprises l’encerclement de l’ennemi. Cette jeune fille infligea non seulement une grande défaite aux envahisseurs, mais encore se distingua par ses faits d’armes.

Un jour, pour chercher du bois Xianglong (dompter le  dragon) servant à faire d’excellents manches de hache, Yang Zhongbao fut capturé vivant par Mu Guiying. Mu Guiying admirait beaucoup ce jeune général élégant, de sorte que Yang Zongbao devint prisonnier de son amour. Un an après leur mariage, Mu Guiying était enceinte et sur le point d’accoucher. Même à ce moment-là, Mu Guiying conduisit des troupes au combat et l’armée ennemie dut battre en retraite en essuyant défaite sur défaite. Alors que ses troupes exploitaient leur victoire en poursuivant l’ennemi, Mu Guiying accoucha. En entendant cette nouvelle, l’armée ennemie organisa un retour en force. Très faible, Mu Guiying porta quand même son armure et l’arme à la main. Constatant que Mu Guiying était une général sur une terrasse de désignation, l’armée ennemie se retira hors de la frontière, craignant de tomber dans un traquenard. Aujourd’hui, dans le district de Yanqing, on conserve encore une grande masse de pierre. On dit que c’est la terrasse de désignation du maréchal Mu Guiying ; sur cette terrasse, on trouve aussi 28 trous qui étaient destinés à installer sa tente et les traces de ses pieds.

Les opéras mettent en scène les faits d'armes de la jeune général Mu Guiying ; la jeune femme général de la famille Yang est l'héroïne de plusieurs opéras, tout issus du roman L'Héroïque Famille Yang
 

Hua Mulan

Le rôle de Hua Mulan déguisée en homme (2e à droite) dans un numéro musical.

Qui était vraiment Hua Mulan dont l'histoire est très populaire en Chine ? Cette héroïne aurait vécu entre le IIIe et le IVe siècle en Chine du Nord. Déguisée en homme, cette fille s'est engagée dans l'armée à la place de son père afin de combattre les envahisseurs Huns. Après 12 ans de campagnes militaires, elle est rentrée au pays couverte de gloire. De nombreuses œuvres artistiques et littéraires lui ont été consacrées : poèmes antiques, pièces d'opéra ou de théâtre, ballades chantées, etc.

 

Qiu Jin

Photo de Qiu Jin.

 Qiu Jin (1875-1907) est née dans la province du Zhejiang. Son grand-père et son père étaient des fonctionnaires de la dynastie des Qing (1644-1911). Cette jeune fille ambitieuse était intelligente et habile. Animée de nobles sentiments et de grands idéaux, Qiu Jin était aussi un redresseuse de torts. Dans son exubérance juvénile, elle ne connaissait ni fatigue ni lassitude. Ses propos pleins de promesses renforçait toujours la combativité des révolutionnaires.

En 1894, Qiu Jin a épousé un jeune dandy de la famille, soucieux de la tenue, grâce à un mariage arrangé par ses parents. Par la suite, Qiu est arrivée à Beijing, car elle a accompagné son mari travaillant dans les milieux officiels. Avec le temps, elle fréquenta surtout des femmes progressistes. Avec l’élargissement de son horizon, elle brisa les chaînes des idées féodales et se rendit seule au Japon pour acquérir des connaissances.

Au Japon, elle se jeta activement dans la lutte révolutionnaire contre la dynastie des Qing, organisée par les étudiants chinois faisant des études au Japon. Elle s’enrôla d’abord dans l’Association de libération anti-Qing et rejoignit les groupes nationalistes, l’Association alliée dirigée par Sun Yat-sen. Plus tard, elle est devenue responsable de la province du Zhejiang. En tant que fervente nationaliste, Qiu Jin, introduisit les questions féministes dans le mouvement. Dans un essai émouvant écrit à l’automne de 1904, elle insista sur le fait que « nous, les deux cent millions de femmes de Chine, sommes les objets les moins bien traités de la terre ». Elle parla des pères qui, à la naissance d’une fille, la maudissent par ces paroles « Oh, quel jour funeste! Voici une autre créature inutile ». De même, elle se plaignit amèrement de la tradition alors en cours de bander les pieds, ce qui torturait les filles pendant de longues années.

En 1906, Qiu Jin retourna à Shaoxing pour y créer la base d’appui de l’Association de libération. Elle y organisa les forces armées avec Xu Xilin et prépara l’insurrection armée anti-Qing.

En juillet 1907, le plan de l’insurrection a été mis au jour et Xu Xilin  a été obligé d’accepter le combat sans préparation à Anqing, dans la province de l’Anhui. Bien que Xu  y ait tué le gouverneur En Ming, l’insurrection a abouti rapidement à un fiasco. Dans la province du Zhejiang, l’insurrection armée dirigée par Qiu Jin n’a pas fini mieux que l’autre. Pour éveiller les masses, elle a donc décidé de mener un combat décisif. Vaincue par un ennemi supérieur en nombre, Qiu Jin s’est faite prisonnière et a été exécutée après l’échec de cette insurrection. Cette année-là, Qiu Jin n’avait que 32 ans.

Quatre ans plus tard, le gouvernement corrompu de la dynastie des Qing a été renversé. Dès lors, on a proclamé la fin de la domination anarchique et féodale. Dans la longue histoire de la Chine, de telles jeunes filles sont mortes après avoir accompli leur propre mission. Elles ont laissé d’innombrables histoires inachevées qui ont été reprises par le ballet, l’opéra et le théâtre traditionnels. Ces histoires représentent des richesses spirituelles précieuses qui méritent réflexion.