MARS 2005

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

La réforme de l'appareil gouvernemental chinois

ZHANG XUEYING

Lors d’une inspection sur la production agricole dans la province du Hunan, le président Hu Jintao s’entretient avec un paysan dans une rizière.

Certains experts qualifient cette réforme de « réforme du pouvoir par le pouvoir », mais en dépit des difficultés rencontrées, elle a déjà permis de dire adieu à la langue de bois des fonctionnaires et elle leur impose un nouveau sens des responsabilités vis-à-vis du public, ce qui est un pas dans la bonne direction.


Des personnalités de la scène politique

Le premier ministre Wen Jiabao (1er au centre) rend visite à des mineurs et dîne avec eux.

Dans la mémoire des gens, les fonctionnaires chinois n’ont jamais donné une impression aussi marquée qu’aujourd’hui. Autrefois, ils avaient l’air grave et inflexible, mais aujourd’hui, certains d’entre eux peuvent parler devant les journalistes avec esprit et humour. Non seulement ils prennent l’initiative de s’exprimer, mais en plus, ils affichent leur tempérament. Autrefois, présenter un caractère uniforme était la règle généralement respectée par les fonctionnaires. Désormais, ils évitent d’utiliser la langue de bois et s’efforcent de laisser une image originale pour mener à bien leur travail et obtenir de bons résultats.
Bo Xilai, ministre du Commerce, est une vedette de la politique. Lorsqu’il était maire de Dalian, il ne cessait de faire connaître par la presse ses actions et son style de travail. Dans les années 1990, non seulement la ville de Dalian est devenue l’exemple des villes chinoises, mais en plus, les gens de tous les milieux parlaient du maire de cette ville. Un chercheur sur le système politique chinois s’est prononcé ainsi : « Parce que Bo Xilai excelle à communiquer avec la presse, il est devenu un homme que l’on reconnaît facilement. »
La presse a jugé Wang Qishan comme « l’un des hommes politiques chinois les plus remarqués de la nouvelle génération». Il a eu une phrase digne de réflexion : « Il faut permettre aux fonctionnaires de se tromper. »
En mai 2003, le SRAS sévissait à Beijing. La plupart des gens de la ville étaient renfermés chez eux. Wang Qishan, alors maire adjoint, se rendait dans les parcs et bavardait, tout détendu, avec des personnes âgées en train de faire des exercices matinaux. À travers la presse, il demandait au public : « Mes amis, qu’est-ce que vous pouvez suggérer pour nous aider? » On a alors effectué un sondage d’opinions et découvert que le courage et la capacité de Wang Qishan avaient réconforté beaucoup de citadins de Beijing, pris de panique. Cette catastrophe est maintenant chose du passé, mais Wang Xishan a été depuis promu maire de Beijing.

Le ministre du Commerce Bo Xilai répond aux questions des journalistes. M.Wang Qishan, maire de Beijing. M. Li Keqiang, jeune secrétaire du comité du Parti de la province du Liaoning.

La ville de Chengdu n’a jamais eu autant de personnalité qu’aujourd’hui. Li Chuncheng, secrétaire général du comité du Parti de cette ville, a proposé de communiquer en mandarin dans les activités de gestion des affaires publiques. Il a aussi suggéré que les cadres et les directeurs ne s’interpellent pas par leur titre de fonction. À coups d’efforts, il a aménagé la vieille ville et a introduit la société Interl dans la ville de Chengdu. Dès lors, la presse l’a surnommé « Le nouveau rêve de Chengdu ». Au temps de sa direction, la ville de Chengdu avait invité Zhang Yimo, célèbre réalisateur chinois, à faire un documentaire sur la ville. Au tout début de ce film, Zhang a utilisé cette phrase « Chengdu, une ville que vous ne voudrez plus quitter une fois que vous y serez entré. » Le secrétaire Li aime communiquer avec les journalistes.
Dans les trois premiers trimestres de 2004, le gouverneur Li Keqiang a réussi à faire augmenter de 19,5 % le revenu moyen des paysans de la province du Henan; pour la première fois, cette augmentation dépassait celle du revenu moyen des citadins. M. Li avait été nommé gouverneur de la province du Henan à l’âge de 43 ans; il était alors le plus jeune gouverneur de toute la Chine. Il a aussi été le premier gouverneur chinois à être titulaire d’un doctorat. Il est actuellement secrétaire du comité du Parti de la province du Liaoning. Pendant qu’il œuvrait dans la province du Henan (1998-2004), il s’est rendu à trois reprises dans un village comptant plusieurs sidatiques. Pour la première fois dans la province, il a organisé des travaux d’inspection générale sur cette maladie. En tant que docteur en sciences économiques de l’université de Beijing, il a publié un livre intitulé « Le choix stratégique vers la prospérité ». Ce livre a obtenu le prix de Sun Yefang, le plus grand prix du milieu économiique de Chine.

Entre le pouvoir et l’intérêt

Grâce à la politique de transparence en matière d’affaires gouvernementales, on peut s’informer dans Internet des politiques et des règlements.

Pour M. Mao Shoulong, docteur de l’Université du peuple de Chine, notre environnement est déjà en mesure d’abriter des cadres de caractère particulier.
En novembre dernier, quatorze dirigeants des échelons ministériel et provincial des municipalités de Beijing, Shanghai et Chongqing, de même que des provinces du Liaoning et du Shaanxi, ont accordé une interview aux journalistes de la Télévision centrale de Chine, et chacun a parlé de son expérience relative à l’économie de sa municipalité ou de sa province. « Nous n’avions pas pensé qu’il y aurait autant de dirigeants municipaux et provinciaux qui seraient près à venir parler, tout confiants, devant notre caméra, des difficultés qu’ils affrontent et des solutions appliquées pendant l’année 2004 », a confié un producteur de cette télévision. Des observateurs estiment qu’avec cette forme de compte-rendu public sur les résultats et les insuffisances du travail gouvernemental, ces dirigeants ont lancé une nouvelle offensive de familiarisation avec le public. Auparavant, ce dernier ne pouvait connaître le travail de ce type de dirigeants que par l’entremise des rapports du gouvernement, souvent longs et monotones.
Pour M. Shang Dewen, docteur de l’université de Beijing qui connaît bien le travail qui s’accomplit au gouvernement chinois, le fait de présenter à la Télévision centrale ces quatorze responsables municipaux et provinciaux révèle un nouvel aspect de la politique : avec la réforme des structures politiques des dernières années, certains dirigeants ont commencé à apprendre comment bien se présenter en public. Ils se sont rendu compte que leur autorité résulterait de la compréhension et du soutien d’un large public. Pour cela, ils doivent s’exprimer en public et faire savoir comment ils travaillent.

Des habitants de Beijing élisent leurs représentants de quartier.

Depuis 1978, parallèlement à la réforme économique, le Parti communiste chinois procède à une réforme politique. À la fin de 1980, Deng Xiaoping a indiqué : « La réforme du système de direction du Parti et de l’État consiste principalement à combattre la bureaucratie, à réaliser la décentralisation des pouvoirs et la direction collective, à supprimer les postes à vie des dirigeants et à faire avancer la démocratie au sein du Parti.
Vers le milieu des années 1980, cette réforme s’est transformée en une réforme « des structures politiques ». Des mots comme « dialogue », « transparence », « ouverture » ont été entendus de plus en plus souvent.
Selon M. Yang Guang, chercheur de l’Académie des sciences sociales de Chine : « En réalité, la réforme politique en Chine est bien une épreuve de force entre le pouvoir et les intérêts. En Chine, la difficulté de la réforme tient au fait qu’on ne peut procéder qu’à “une réforme du pouvoir par le pouvoir” ». Pour ce chercheur, la vraie réforme des structures politiques consiste à ce que le pouvoir soit soumis au choix et au contrôle du peuple. C’est le critère d’une véritable réforme des structures politiques de la Chine.
Avec le soutien du gouvernement, une marée de vérification des comptes a eu lieu à l’échelle nationale; environ 600 cadres ont été démis de leurs fonctions, parce qu’ils avaient été impliqués dans des cas de transfert illégal de fonds publics et de perte par l’État de 100 millions de yuans de capitaux. Certains départements n’avaient pas respecté les règlements financiers pour ce qui est des comptes. Ce fut une mesure remarquable que le gouvernement chinois a prise dans la lutte contre la corruption.

Être cadre, une fonction de plus en plus difficile

Les responsables de l’éruption de gaz dans un champs gazier dans la province du Sichuan ont été appelés à comparaître en justice. Cnsphoto.

Les photos non signées sont fournies par l’Agence Xinhua

Assumer les responsabilités et donner sa démission, voilà une phrase courante dans la vie politique chinoise d’aujourd’hui. On a mis fin aux quinze ans de carrière politique de M. Jiang Chenggu, chef adjoint du district de Pengxian de la ville de Chongqing. Il a été aussi le premier cadre d’échelon supérieur au district à donner sa démission dans toute la Chine, et ce, en raison d’un accident de voiture. Dans la matinée du 3 juillet 2002, un autocar du district de Pengshui est tombé dans un précipice à cause d’un ennui technique, causant la mort de douze personnes. Dans la matinée du 20 août, un autre autocar a été impliqué dans un accident faisant 26 morts, et la cause de cet accident était tout à fait singulière : le conducteur était depuis longtemps aveugle de l’œil gauche. Même dans cet état, il avait réussi à passer l’examen physique !
Selon le règlement sur la démission des cadres de direction du Parti et du gouvernement municipal de Chongqing, les cadres doivent démissionner de leur poste de direction, si dans leur unité de travail ou leur région, se produisent des accidents causant de graves pertes en biens et en personnes. Tel était le cas de Jiang Chenggu.
Aujourd’hui, « être cadre de direction est devenu un métier à haut risque », a dit un certain monsieur Yang, chef adjoint d’un district du Sichuan. D'après ses statistiques, il y a plus de 180 règlements sur le comportement des cadres, et l’infraction à l’un de ces règlements peut entraîner des sanctions sévères, voire même la perte du poste de direction.
Notamment, la responsabilité des cadres chargés de la sécurité de la production et du transport est celle qui est la plus lourde. Ces dernières années, certains cadres ont endossé la responsabilité de graves accidents et ont donné leur démission. Dans certains cas, l’opinion publique avait déjà décidé du destin des fonctionnaires. Jusqu’au mois de septembre 2004, plus de 5 000 cadres aux différents échelons avaient été destitués. C’est un nouveau changement dans le domaine politique en Chine. « Assumer la responsabilité » entraîne de grands risques dans la carrière politique de plus de 40 millions de cadres aux différents échelons en Chine. De nombreux cadres ont révélé : «Aujourd’hui, il est de plus en plus difficile d’être cadre ».

Les habitants de Nanjing remplissent consciencieusement des fiches d’évaluation sur les fonctionnaires.

Cnsphoto

D’après ce qu’on rapporte, dans la Loi sur les fonctionnaires d’État qui sera promulguée, l’endossement d’une faute et la démission seront institutionnalisés. La réforme du système du personnel est le maillon le plus important de la réforme politique en Chine. On espère qu’une série de règles scientifiques et efficaces sera établie concernant la sélection et l’examen des cadres.
Depuis l’année dernière, les différents échelons de gouvernement ont essayé de mettre en place un nouveau mode démocratique de sélection des cadres. Dans les provinces du Sichuan, du Shandong et du Hubei, la sélection des cadres se fait par voie démocratique ; en effet, ceux-ci doivent se soumettre à l’opinion publique et ils ne seront plus à leur poste de travail ou n’auront pas de promotion si l’opinion publique n’a pas donné son feu vert.
D’après un expert du système administratif, le système d’évaluation des cadres va dans un sens pluriel. La sélection des cadres par voie démocratiques montre que le gouvernement chinois porte déjà attention à la tendance pluraliste du système d’évaluation des cadres. Mais la mise en place d’un système de ce genre ne sera pas très facile. Il faut penser aux intérêts à court terme et à long terme, au PIB et à l’environnement, etc. Il faut combiner tous les éléments pour en arriver à une évaluation relativement juste et équitable. Bien que la réforme soit longue et demande beaucoup de prudence, c’est sans contredit le commencement d’une recherche véritable dans ce sens.