La réforme
de l'appareil gouvernemental chinois
ZHANG XUEYING
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Lors dune inspection
sur la production agricole dans la province du Hunan, le président
Hu Jintao sentretient avec un paysan dans une rizière. |
Certains experts qualifient cette réforme de « réforme
du pouvoir par le pouvoir », mais en dépit des difficultés
rencontrées, elle a déjà permis de dire adieu
à la langue de bois des fonctionnaires et elle leur impose
un nouveau sens des responsabilités vis-à-vis du public,
ce qui est un pas dans la bonne direction.
Des personnalités de la scène
politique
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Le premier ministre Wen Jiabao
(1er au centre) rend visite à des mineurs et dîne
avec eux. |
Dans la mémoire des gens, les fonctionnaires chinois nont
jamais donné une impression aussi marquée quaujourdhui.
Autrefois, ils avaient lair grave et inflexible, mais aujourdhui,
certains dentre eux peuvent parler devant les journalistes
avec esprit et humour. Non seulement ils prennent linitiative
de sexprimer, mais en plus, ils affichent leur tempérament.
Autrefois, présenter un caractère uniforme était
la règle généralement respectée par
les fonctionnaires. Désormais, ils évitent dutiliser
la langue de bois et sefforcent de laisser une image originale
pour mener à bien leur travail et obtenir de bons résultats.
Bo Xilai, ministre du Commerce, est une vedette de la politique.
Lorsquil était maire de Dalian, il ne cessait de faire
connaître par la presse ses actions et son style de travail.
Dans les années 1990, non seulement la ville de Dalian est
devenue lexemple des villes chinoises, mais en plus, les gens
de tous les milieux parlaient du maire de cette ville. Un chercheur
sur le système politique chinois sest prononcé
ainsi : « Parce que Bo Xilai excelle à communiquer
avec la presse, il est devenu un homme que lon reconnaît
facilement. »
La presse a jugé Wang Qishan comme « lun des
hommes politiques chinois les plus remarqués de la nouvelle
génération». Il a eu une phrase digne de réflexion
: « Il faut permettre aux fonctionnaires de se tromper. »
En mai 2003, le SRAS sévissait à Beijing. La plupart
des gens de la ville étaient renfermés chez eux. Wang
Qishan, alors maire adjoint, se rendait dans les parcs et bavardait,
tout détendu, avec des personnes âgées en train
de faire des exercices matinaux. À travers la presse, il
demandait au public : « Mes amis, quest-ce que vous
pouvez suggérer pour nous aider? » On a alors effectué
un sondage dopinions et découvert que le courage et
la capacité de Wang Qishan avaient réconforté
beaucoup de citadins de Beijing, pris de panique. Cette catastrophe
est maintenant chose du passé, mais Wang Xishan a été
depuis promu maire de Beijing.
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Le ministre du
Commerce Bo Xilai répond aux questions des journalistes. |
M.Wang Qishan,
maire de Beijing. |
M. Li Keqiang,
jeune secrétaire du comité du Parti de la province
du Liaoning. |
La ville de Chengdu na jamais eu autant de personnalité
quaujourdhui. Li Chuncheng, secrétaire général
du comité du Parti de cette ville, a proposé de communiquer
en mandarin dans les activités de gestion des affaires publiques.
Il a aussi suggéré que les cadres et les directeurs
ne sinterpellent pas par leur titre de fonction. À
coups defforts, il a aménagé la vieille ville
et a introduit la société Interl dans la ville de
Chengdu. Dès lors, la presse la surnommé «
Le nouveau rêve de Chengdu ». Au temps de sa direction,
la ville de Chengdu avait invité Zhang Yimo, célèbre
réalisateur chinois, à faire un documentaire sur la
ville. Au tout début de ce film, Zhang a utilisé cette
phrase « Chengdu, une ville que vous ne voudrez plus quitter
une fois que vous y serez entré. » Le secrétaire
Li aime communiquer avec les journalistes.
Dans les trois premiers trimestres de 2004, le gouverneur Li Keqiang
a réussi à faire augmenter de 19,5 % le revenu moyen
des paysans de la province du Henan; pour la première fois,
cette augmentation dépassait celle du revenu moyen des citadins.
M. Li avait été nommé gouverneur de la province
du Henan à lâge de 43 ans; il était alors
le plus jeune gouverneur de toute la Chine. Il a aussi été
le premier gouverneur chinois à être titulaire dun
doctorat. Il est actuellement secrétaire du comité
du Parti de la province du Liaoning. Pendant quil uvrait
dans la province du Henan (1998-2004), il sest rendu à
trois reprises dans un village comptant plusieurs sidatiques. Pour
la première fois dans la province, il a organisé des
travaux dinspection générale sur cette maladie.
En tant que docteur en sciences économiques de luniversité
de Beijing, il a publié un livre intitulé «
Le choix stratégique vers la prospérité ».
Ce livre a obtenu le prix de Sun Yefang, le plus grand prix du milieu
économiique de Chine.
Entre le pouvoir et lintérêt
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Grâce à la politique
de transparence en matière daffaires gouvernementales,
on peut sinformer dans Internet des politiques et des
règlements. |
Pour M. Mao Shoulong, docteur de lUniversité du peuple
de Chine, notre environnement est déjà en mesure dabriter
des cadres de caractère particulier.
En novembre dernier, quatorze dirigeants des échelons ministériel
et provincial des municipalités de Beijing, Shanghai et Chongqing,
de même que des provinces du Liaoning et du Shaanxi, ont accordé
une interview aux journalistes de la Télévision centrale
de Chine, et chacun a parlé de son expérience relative
à léconomie de sa municipalité ou de
sa province. « Nous navions pas pensé quil
y aurait autant de dirigeants municipaux et provinciaux qui seraient
près à venir parler, tout confiants, devant notre
caméra, des difficultés quils affrontent et
des solutions appliquées pendant lannée 2004
», a confié un producteur de cette télévision.
Des observateurs estiment quavec cette forme de compte-rendu
public sur les résultats et les insuffisances du travail
gouvernemental, ces dirigeants ont lancé une nouvelle offensive
de familiarisation avec le public. Auparavant, ce dernier ne pouvait
connaître le travail de ce type de dirigeants que par lentremise
des rapports du gouvernement, souvent longs et monotones.
Pour M. Shang Dewen, docteur de luniversité de Beijing
qui connaît bien le travail qui saccomplit au gouvernement
chinois, le fait de présenter à la Télévision
centrale ces quatorze responsables municipaux et provinciaux révèle
un nouvel aspect de la politique : avec la réforme des structures
politiques des dernières années, certains dirigeants
ont commencé à apprendre comment bien se présenter
en public. Ils se sont rendu compte que leur autorité résulterait
de la compréhension et du soutien dun large public.
Pour cela, ils doivent sexprimer en public et faire savoir
comment ils travaillent.
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Des habitants de Beijing élisent
leurs représentants de quartier. |
Depuis 1978, parallèlement à la réforme économique,
le Parti communiste chinois procède à une réforme
politique. À la fin de 1980, Deng Xiaoping a indiqué
: « La réforme du système de direction du Parti
et de lÉtat consiste principalement à combattre
la bureaucratie, à réaliser la décentralisation
des pouvoirs et la direction collective, à supprimer les
postes à vie des dirigeants et à faire avancer la
démocratie au sein du Parti.
Vers le milieu des années 1980, cette réforme sest
transformée en une réforme « des structures
politiques ». Des mots comme « dialogue », «
transparence », « ouverture » ont été
entendus de plus en plus souvent.
Selon M. Yang Guang, chercheur de lAcadémie des sciences
sociales de Chine : « En réalité, la réforme
politique en Chine est bien une épreuve de force entre le
pouvoir et les intérêts. En Chine, la difficulté
de la réforme tient au fait quon ne peut procéder
quà une réforme du pouvoir par le pouvoir
». Pour ce chercheur, la vraie réforme des structures
politiques consiste à ce que le pouvoir soit soumis au choix
et au contrôle du peuple. Cest le critère dune
véritable réforme des structures politiques de la
Chine.
Avec le soutien du gouvernement, une marée de vérification
des comptes a eu lieu à léchelle nationale;
environ 600 cadres ont été démis de leurs fonctions,
parce quils avaient été impliqués dans
des cas de transfert illégal de fonds publics et de perte
par lÉtat de 100 millions de yuans de capitaux. Certains
départements navaient pas respecté les règlements
financiers pour ce qui est des comptes. Ce fut une mesure remarquable
que le gouvernement chinois a prise dans la lutte contre la corruption.
Être cadre, une fonction de plus
en plus difficile
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Les responsables de léruption
de gaz dans un champs gazier dans la province du Sichuan ont
été appelés à comparaître
en justice. Cnsphoto.
Les photos
non signées sont fournies par lAgence Xinhua
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Assumer les responsabilités et donner sa démission,
voilà une phrase courante dans la vie politique chinoise
daujourdhui. On a mis fin aux quinze ans de carrière
politique de M. Jiang Chenggu, chef adjoint du district de Pengxian
de la ville de Chongqing. Il a été aussi le premier
cadre déchelon supérieur au district à
donner sa démission dans toute la Chine, et ce, en raison
dun accident de voiture. Dans la matinée du 3 juillet
2002, un autocar du district de Pengshui est tombé dans un
précipice à cause dun ennui technique, causant
la mort de douze personnes. Dans la matinée du 20 août,
un autre autocar a été impliqué dans un accident
faisant 26 morts, et la cause de cet accident était tout
à fait singulière : le conducteur était depuis
longtemps aveugle de lil gauche. Même dans cet
état, il avait réussi à passer lexamen
physique !
Selon le règlement sur la démission des cadres de
direction du Parti et du gouvernement municipal de Chongqing, les
cadres doivent démissionner de leur poste de direction, si
dans leur unité de travail ou leur région, se produisent
des accidents causant de graves pertes en biens et en personnes.
Tel était le cas de Jiang Chenggu.
Aujourdhui, « être cadre de direction est devenu
un métier à haut risque », a dit un certain
monsieur Yang, chef adjoint dun district du Sichuan. D'après
ses statistiques, il y a plus de 180 règlements sur le comportement
des cadres, et linfraction à lun de ces règlements
peut entraîner des sanctions sévères, voire
même la perte du poste de direction.
Notamment, la responsabilité des cadres chargés de
la sécurité de la production et du transport est celle
qui est la plus lourde. Ces dernières années, certains
cadres ont endossé la responsabilité de graves accidents
et ont donné leur démission. Dans certains cas, lopinion
publique avait déjà décidé du destin
des fonctionnaires. Jusquau mois de septembre 2004, plus de
5 000 cadres aux différents échelons avaient été
destitués. Cest un nouveau changement dans le domaine
politique en Chine. « Assumer la responsabilité »
entraîne de grands risques dans la carrière politique
de plus de 40 millions de cadres aux différents échelons
en Chine. De nombreux cadres ont révélé : «Aujourdhui,
il est de plus en plus difficile dêtre cadre ».
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Les habitants de Nanjing remplissent
consciencieusement des fiches dévaluation sur les
fonctionnaires.
Cnsphoto
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Daprès ce quon rapporte, dans
la Loi sur les fonctionnaires dÉtat qui sera promulguée,
lendossement dune faute et la démission seront
institutionnalisés. La réforme du système
du personnel est le maillon le plus important de la réforme
politique en Chine. On espère quune série
de règles scientifiques et efficaces sera établie
concernant la sélection et lexamen des cadres.
Depuis lannée dernière, les différents
échelons de gouvernement ont essayé de mettre en
place un nouveau mode démocratique de sélection
des cadres. Dans les provinces du Sichuan, du Shandong et du Hubei,
la sélection des cadres se fait par voie démocratique
; en effet, ceux-ci doivent se soumettre à lopinion
publique et ils ne seront plus à leur poste de travail
ou nauront pas de promotion si lopinion publique na
pas donné son feu vert.
Daprès un expert du système administratif,
le système dévaluation des cadres va dans
un sens pluriel. La sélection des cadres par voie démocratiques
montre que le gouvernement chinois porte déjà attention
à la tendance pluraliste du système dévaluation
des cadres. Mais la mise en place dun système de
ce genre ne sera pas très facile. Il faut penser aux intérêts
à court terme et à long terme, au PIB et à
lenvironnement, etc. Il faut combiner tous les éléments
pour en arriver à une évaluation relativement juste
et équitable. Bien que la réforme soit longue et
demande beaucoup de prudence, cest sans contredit le commencement
dune recherche véritable dans ce sens.
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