Décembre 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

À l’écoute de la sagesse des médecins chinois de l’Antiquité

LI WUZHOU et TAN ZHEN

Les statues du pharmacologiste Li Shizhen et du docteur Sun Simiao à Shanghai. Le temple sanctuaire du docteur Zhang Zhongjing, construit dans sa ville natale de Nanyang, au Henan.
La pharmacie centenaire « Hu Qing Yu Tang ». Des internes de l’Institut de médecine chinoise du Canada font un stage d’acupuncture.  


Comme vous l’apprendrez au travers de différentes anecdotes, la science des médecins chinois d’autrefois allait déjà bien au-delà de la seule acupuncture!


UN jour, le duc Huan de Qi (règne de 685 à 643 av. J.-C.) reçut Bian Que dans sa salle d'audience. Après avoir observé la mine du duc Huan et avec le plus grand sérieux, Bian Que révéla au duc Huan ce qu’il pensait de son état de santé : « Notre grand roi est aux prises avec la maladie. Il faut prendre le temps de suivre un traitement, sinon votre maladie s’aggravera. »

À ce moment-là, le duc Huan s'était détaché des autorités centrales et il régnait en maître parmi les feudataires. Il se félicitait de cette situation. Après avoir entendu la parole de Bian Que, il répliqua : « Je suis toujours en bonne santé. Je sais que tous les médecins aiment bien mettre du mystère dans mon état de santé. Leur objectif consiste à faire étalage de leurs propres mérites pour donner l’impression de rendre des services remarquables et ainsi être récompensés. »

Quelques jours plus tard, Bian Que eut une fois de plus l'occasion de rencontrer le duc Huan pour lui donner des explications sur sa maladie. Le duc eut toutefois encore la même réaction. Pour tâcher de le persuader, Bian Que alla le visiter une troisième fois. Puis, dès la quatrième visite, il s'aperçut que la maladie du duc Huan serait difficile à soigner. Alors qu’on lui demandait pourquoi il en était ainsi, Bian Que répondit : « Les symptômes de la maladie du roi ont d’abord été observables par sa peau, puis par ses méridiens principaux et ensuite par sa circulation sanguine. Finalement, son mal a pénétré dans la région du cœur et du diaphragme. Tout comme Bian Que l'avait prévu, le duc Huan est mort peu de temps après.

Transmise pendant plus de 2 500 ans, cette histoire était connue de tous pendant la période des Printemps et Automnes (722-481 av. J.-C.).  Bian Que a créé quatre moyens de diagnostiquer une maladie. Wangzhen est l’observation du teint, de la langue, de l’expression et de l’attitude du malade. Wènzhen est le diagnostic par l’auscultation et l’intuition. Wénzhen est le diagnostic posé après avoir interrogé le malade. Finalement, Qiemai est la prise du pouls. Au fur et à mesure du développement de la médecine dans le monde, la combinaison de la médecine traditionnelle chinoise avec la médecine occidentale a généré de grands effets thérapeutiques. Rassemblant un trésor de connaissances, la médecine et la pharmacologie traditionnelles chinoises constituent une partie importante de notre brillant patrimoine scientifique et culturel. La médecine occidentale est aussi considérée comme une fleur superbe dans le trésor de la médecine humaine.

Le Compendium Materia Medica (Ben Cao Gang Mu) est un ouvrage grandiose composé par l’illustre pharmacologue et docteur chinois Li Shizhen. Totalisant plus de 1,9 million de caractères chinois, ce livre comporte également 1 800 illustrations. Li Shizhen consacra vingt-sept années de sa vie à la rédaction de cette œuvre après avoir inlassablement effectué des enquêtes et des études, consulté plus de 800 œuvres de référence et accumulé une riche expérience médicale au sein de la population.

Quatre célèbres médecins chinois

Les quatre médecins chinois les plus célèbres dans l’histoire sont: Bian Que, époque des Royaumes combattants (770-476 av. J.-C.); Zhang Zhongjing, dynastie des Han (206 av. J.-C.-220); Hua Tuo, dynastie des Han postérieurs (25-220 apr. J.-C.); et Sun Simiao, dynastie des Tang (618-907). 

Bian Que est considéré comme l'ancêtre de la médecine chinoise. On disait que son acupuncture et ses moxas pouvaient guérir les maladies et sauver les gens. Les premiers instruments d’acupuncture étaient bien loin de ressembler aux aiguilles métalliques actuelles; c'était des pierres pointues des pierres bian. Plus précisément, pour obtenir les résultats thérapeutiques, on pressait ou perçait la peau au moyen de morceaux de pierre. En plus des silex taillés ou des aiguilles de pierre, les ancêtres chinois de l’époque néolithique savaient aussi se servir d’aiguilles d’os et de bambou.

Pour traiter quantité de maladies, Bian Que utilisait des techniques de massage et d’acupuncture et l’application de compresses chaudes; il les combinait aussi avec des décoctions et d’autres traitements. Bian Que excellait bien sûr en médecine générale, mais  il était aussi expert en gynécologie, pédiatrie, ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie.    .

Au cours de ses tournées médicales, Bian Que tâcha de faire de son mieux pour aider les malades.  Par exemple, notant un jour que les maladies gynécologiques étaient relativement répandues à Handan du Hebei, il décida de les traiter. À Luoyang du Henan, il soigna des personnes âgées sourdes ou atteintes de maladies ophtalmiques. À Xianyang du Shaanxi, il se consacra à la pédiatrie.

En recourant aux quatre méthodes de diagnostic et à des traitements divers, Bian Que réussit à guérir le prince du royaume de Guo, alors qu’on le donnait pour mort.  En effet, arrivant un jour dans le royaume de Guo avec ses disciples, Bian Que apprit que le prince était subitement tombé dans le coma depuis une bonne demi-journée et que tout le monde à la cour le croyait déjà mort. Comme Bian Que en doutait, accompagné de sa suite, il se rendit d'urgence à la cour. Un examen minutieux lui permit de constater que les narines du malade bougeaient encore légèrement, ce qui voulait dire que la respiration n’avait pas cessé complètement. Touchant le corps du malade, Bian Que constata que les jambes n’étaient pas encore tout à fait refroidies. De ces faits, il conclut que le prince n’était pas mort, mais seulement en état de mort apparente. Lui et ses aides procédèrent alors à des traitements d’acupuncture sur le malade qui revint à lui quelques instants plus tard; puis, Bian lui appliqua une compresse chaude et lui fit prendre des tisanes. Ainsi, en une vingtaine de jours, le prince se rétablit totalement.

Dans les Précieuses Ordonnances pour les cas d’urgence (Qian Jin Yao Fang) et les Précieuses Ordonnances supplémentaires (Qian Jin Yi Fang), Sun Simiao a respectivement recueilli 5 300 et 2 000 recettes éprouvées.

Un jour, Sun Simiao croisa un cortège funèbre sur sa route. Voyant que du sang coulait par les interstices du cercueil, il demanda au cortège de s’arrêter aussitôt. Dès qu’on lui demanda pourquoi il avait fait cette demande, il expliqua : « La femme allongée dans le cercueil n’a pas rendu son dernier souffle, car j’ai vu que du sang coulait. Si elle avait été morte, son sang aurait été coagulé. »

Après avoir entendu ses paroles, le mari de cette femme déclara en pleurant : « Ma femme est enceinte depuis plus d’un an. Hier, elle a senti bouger le fœtus, mais elle est morte des suites d’un accouchement difficile. » Pour sauver cette femme, Sun Simiao examina d’abord la respiration et le pouls de la femme et procéda à des traitements d’acupuncture. Après quelques instants, la femme était revenue à elle et tout le monde s’exclamait de joie. Puis, Sun Simiao donna des médicaments au mari et lui demanda de les apporter à la maison. Après quelques jours, la femme donna naissance à un gros bébé.

Rédigé par Zhang Zhongjing, le Traité sur la typhoïde et autres maladies (Shang Han Za Bing Lun) est le premier ouvrage de médecine clinique. Cette monographie médicale avait alors le niveau le plus avancé dans le monde. Sa parution remonte à 700 ans avant celle du Canon de la médecine, rédigé par le médecin Avicenne (980-1037), originaire de Boukhara. Zhang est l’un des hommes les plus remarquables de l’Orient par l’étendue de ses connaissances.

Ce livre de 113 prescriptions représentatives et de 397 méthodes thérapeutiques est considéré aujourd’hui comme le principe et le guide théoriques dans les traitements médicaux.

Un cas de grippe, publié dans un journal, raconte qu’un patient souffrait de maux de tête et d’éblouissements. Il avait 21-9 de tension. Sa langue était rouge, très peu chargée et accompagnée de sécrétions salivaires. D’après le Traité sur la typhoïde (Shang Han Lun), le médecin demanda au patient de prendre de la tisane de xanthoxyle. Après avoir pris des décoctions de cette plante médicinale chinoise, le patient se rétablit complètement.

Hua Tuo est un médecin connu tant en Chine qu’à l’étranger. Il utilisa l’anesthésie générale pour opérer un patient. Son anesthésique Ma Fei San est 1 600 ans plus ancien que celui utilisé en Europe. En 1979, des maisons d’édition chinoises et étrangères ont publié à tour de rôle le livre Ordonnances étonnantes de Hua Tuo (Hua Tuo Shen Fang) rédigé par Sun Simiao. La composition de l’anesthésique Ma Fei San est la suivante : 9 g de rhododendron mou (Yang Zhi Zhu), 3 g de racines de jasmin (Mo Li Hua Gen), 30 g d’angélique officinale (Dang Gui) et 0,9 g dacore calame (Chang Pu). Cette prescription demande au patient de préparer une décoction.

Parmi les médecins, Hua Tuo sert de modèle, de sorte que l’on compare souvent l’art médical d’un médecin réputé à celui de Hua Tuo. Hua est le nom de famille de Hua Fu, et Tuo est son nom professionnel signifiant « Roi des remèdes », bodhisattva guérisseur de l’Inde.

Un art médical étonnant

Un jour, deux malades désiraient consulter le docteur Hua Tuo. Ces deux malades avaient mal à la tête et étaient fiévreux. Après avoir posé son diagnostic, Hua Tuo donna à chacun un traitement différent : l’un dut prendre des sudorifiques et l’autre, des laxatifs. Quelqu’un qui avait assisté à la séance se demandait bien pourquoi. Après avoir consulté Hua Tuo, il apprit que, bien que leurs symptômes eussent été les mêmes, l’un était enrhumé, et l’autre avait une accumulation d’aliments et souffrait de troubles de la digestion.

Un jour, Hua Tuo rencontra en chemin un malade qui gémissait de douleur dans une charrette. Constatant que le larynx du malade était obstrué, Hua Tuo demanda à son frère d’acheter de l’ail et du vinaigre pour le soigner. Après avoir pris la potion qu’on lui avait préparée, le malade expulsa un parasite par sa bouche et il se rétablit. Un autre jour, le docteur Hua Tuo donna une consultation à un fonctionnaire. Il fit exprès de faire enrager le malade en lui envoyant une lettre lui annonçant le coût du traitement. Cette lettre permit en effet au fonctionnaire de trembler de colère et de vomir du sang noir. Dès qu’il eut été guéri, le fonctionnaire reconnut les bonnes intentions de Hua Tuo.

À l’époque des Trois Royaumes (220-280), Cao Cao (155-220), chef militaire et poète de la dynastie des Wei, souffrit de céphalée, et Hua Tuo le soigna par l’acupuncture et le guérit. Cao Cao demanda à Hua Tuo de devenir son médecin particulier. Pour donner plus de services au peuple, Hua Tuo prétexta que sa femme était malade pour tirer habilement son épingle de jeu. Fou de colère, Cao Cao condamna Hua Tuo à mort.

Guérir les maladies pour sauver l’homme

Sur le plan théorique, la médecine traditionnelle chinoise et la médecine occidentale sont deux systèmes différents. La médecine traditionnelle chinoise met l’accent sur un traitement dialectique en appliquant le principe de « prendre des mesures adéquates », et la médecine occidentale procède à un traitement clinique immédiat (soigner la tête quand on a mal à la tête et le pied quand on a mal au pied).

La médecine traditionnelle chinoise attache toujours de l’importance aux recettes populaires et aux recettes éprouvées.

Sous le règne de l’empereur Qianlong des Qing (1736-1795), Xu Dachun, médecin célèbre du Sud du Yangtsé se rendit à Beijing sur l’ordre de l’empereur. Sa mission consistait à soigner l’impératrice douairière qui se sentait la poitrine oppressée, avait le ventre ballonné et manquait d’appétit depuis des années. Une fois arrivé sur les lieux, Xu Dachun fit d’abord des enquêtes parmi les servantes de la cour impériale et demanda ensuite à l’impératrice douairière de prendre des graines de navet. Après les avoir prises, l’impératrice douairière fut tout de suite prise de diarrhée.  Sa poitrine oppressée et son ventre ballonné se relâchèrent.  Se réjouissant du succès obtenu, l’empereur Qianlong conféra un titre nobiliaire au docteur Xu Dachun.

Fan Zhongyan (989-1052) était un ministre réputé de la dynastie des Song (960-1279). Avant de prendre ses fonctions, Fan avait exprimé ses aspirations élevées devant la statue de Bouddha : « Si je ne peux pas obtenir le poste de ministre, je voudrais devenir un bon médecin. » Quelqu’un lui demanda alors : « Vous êtes un homme viril, vous avez le calibre pour devenir un vrai ministre. Pourquoi donc choisiriez-vous d’être bon médecin? » Fan Zhongyan rétorqua : « Le ministre peut secourir les nécessiteux et le bon médecin, guérir les maladies pour sauver l’homme

Dong Feng, un des trois médecins fameux de Jian’an, habitait au pied sud du mont Lushan (Jiangxi) et aimait soigner gratuitement les malades de sa région natale. Après en avoir guéri un, il lui demanda de planter un abricotier sur le versant du mont. Ainsi, le nombre d’arbres fruitiers se multipliait d’année en année et les arbres grandissaient de jour en jour. Dès que les abricotiers portèrent des fruits, Dong les utilisa pour secourir les passants. Chaque année, on compte qu’il soigna ainsi plus de 20 000 personnes.

Sous la dynastie des Qing (1644-1911), un chef de district souffrait de dépression. Il se plaignait d’insomnies et mangeait sans trouver de saveur aux aliments. Après avoir tâté le pouls du malade, le médecin diagnostiqua une dépression. Le médecin prit un air grave et déclara : « Vous avez dérogé aux règles. » Après avoir entendu ces paroles, le chef du district se tordit de rire et délogea le médecin. Depuis lors, le chef de district racontait cette histoire à ses amis en riant sans arrêt. Jour après jour, il recouvra la santé sans s’en apercevoir…