À
l’écoute de la sagesse des médecins chinois de l’Antiquité
LI
WUZHOU et TAN ZHEN
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Les
statues du pharmacologiste Li Shizhen et du docteur Sun Simiao
à Shanghai. |
Le
temple sanctuaire du docteur Zhang Zhongjing, construit dans
sa ville natale de Nanyang, au Henan. |
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La
pharmacie centenaire « Hu Qing Yu Tang ». |
Des
internes de l’Institut de médecine chinoise du Canada font un
stage d’acupuncture. |
Comme vous l’apprendrez au travers de différentes
anecdotes, la science des médecins chinois d’autrefois allait déjà
bien au-delà de la seule acupuncture!
UN jour, le duc Huan de Qi (règne de 685 à 643 av. J.-C.) reçut
Bian Que dans sa salle d'audience. Après avoir observé la mine du
duc Huan et avec le plus grand sérieux, Bian Que révéla au duc Huan
ce qu’il pensait de son état de santé : « Notre grand
roi est aux prises avec la maladie. Il faut prendre le temps de
suivre un traitement, sinon votre maladie s’aggravera. »
À ce moment-là, le duc Huan
s'était détaché des autorités centrales et il régnait en maître
parmi les feudataires. Il se félicitait de cette situation. Après
avoir entendu la parole de Bian Que, il répliqua : « Je
suis toujours en bonne santé. Je sais que tous les médecins aiment
bien mettre du mystère dans mon état de santé. Leur objectif consiste
à faire étalage de leurs propres mérites pour donner l’impression
de rendre des services remarquables et ainsi être récompensés. »
Quelques jours plus tard,
Bian Que eut une fois de plus l'occasion de rencontrer le duc Huan
pour lui donner des explications sur sa maladie. Le duc eut toutefois
encore la même réaction. Pour tâcher de le persuader, Bian Que alla
le visiter une troisième fois. Puis, dès la quatrième visite, il
s'aperçut que la maladie du duc Huan serait difficile à soigner.
Alors qu’on lui demandait pourquoi il en était ainsi, Bian Que répondit :
« Les symptômes de la maladie du roi ont d’abord été observables
par sa peau, puis par ses méridiens principaux et ensuite par sa
circulation sanguine. Finalement, son mal a pénétré dans la région
du cœur et du diaphragme. Tout comme Bian Que l'avait prévu, le
duc Huan est mort peu de temps après.
Transmise pendant plus de 2 500 ans,
cette histoire était connue de tous pendant la période des Printemps
et Automnes (722-481 av. J.-C.). Bian Que a créé quatre
moyens de diagnostiquer une maladie. Wangzhen
est l’observation du teint, de la langue, de l’expression et de
l’attitude du malade. Wènzhen est le diagnostic par l’auscultation
et l’intuition. Wénzhen est le diagnostic posé après avoir
interrogé le malade. Finalement, Qiemai est la prise du pouls.
Au fur et à mesure du développement de la médecine dans le monde,
la combinaison de la médecine traditionnelle chinoise avec la médecine
occidentale a généré de grands effets thérapeutiques. Rassemblant
un trésor de connaissances, la médecine et la pharmacologie traditionnelles
chinoises constituent une partie importante de notre brillant patrimoine
scientifique et culturel. La médecine occidentale est aussi considérée
comme une fleur superbe dans le trésor de la médecine humaine.
Le Compendium Materia Medica (Ben Cao Gang Mu) est un ouvrage
grandiose composé par l’illustre pharmacologue et docteur chinois
Li Shizhen. Totalisant plus de 1,9 million de caractères chinois,
ce livre comporte également 1 800 illustrations. Li Shizhen
consacra vingt-sept années de sa vie à la rédaction de cette œuvre
après avoir inlassablement effectué des enquêtes et des études,
consulté plus de 800 œuvres de référence et accumulé une riche expérience
médicale au sein de la population.
Quatre célèbres médecins chinois
Les quatre médecins chinois les plus célèbres dans l’histoire sont:
Bian Que, époque des Royaumes combattants (770-476
av. J.-C.); Zhang Zhongjing, dynastie
des Han (206 av. J.-C.-220); Hua Tuo, dynastie des Han
postérieurs (25-220 apr. J.-C.); et Sun Simiao, dynastie des
Tang (618-907).
Bian Que est considéré comme l'ancêtre de la médecine chinoise. On
disait que son acupuncture et ses moxas pouvaient guérir les maladies
et sauver les gens. Les premiers instruments d’acupuncture étaient
bien loin de ressembler aux aiguilles métalliques actuelles; c'était
des pierres pointues des pierres bian. Plus précisément, pour obtenir les résultats
thérapeutiques, on pressait ou perçait la peau au moyen de morceaux
de pierre. En plus des silex taillés ou des aiguilles de pierre,
les ancêtres chinois de l’époque néolithique savaient aussi se servir
d’aiguilles d’os et de bambou.
Pour traiter quantité de maladies, Bian
Que utilisait des techniques de massage et d’acupuncture et l’application
de compresses chaudes; il les combinait aussi avec des décoctions
et d’autres traitements. Bian Que excellait bien sûr en médecine
générale, mais il était aussi expert en gynécologie, pédiatrie,
ophtalmologie et en oto-rhino-laryngologie. .
Au cours de ses tournées médicales, Bian
Que tâcha de faire de son mieux pour aider les malades. Par exemple,
notant un jour que les maladies gynécologiques étaient relativement
répandues à Handan du Hebei, il décida de les traiter. À Luoyang
du Henan, il soigna des personnes âgées sourdes ou atteintes de
maladies ophtalmiques. À Xianyang du Shaanxi, il se consacra
à la pédiatrie.
En recourant aux quatre méthodes de diagnostic
et à des traitements divers, Bian Que réussit à guérir le prince
du royaume de Guo, alors qu’on le donnait pour mort. En effet,
arrivant un jour dans le royaume de Guo avec ses disciples, Bian
Que apprit que le prince était subitement tombé dans le coma depuis
une bonne demi-journée et que tout le monde à la cour le croyait
déjà mort. Comme Bian Que en doutait, accompagné de sa suite, il
se rendit d'urgence à la cour. Un examen minutieux lui permit de
constater que les narines du malade bougeaient encore légèrement,
ce qui voulait dire que la respiration n’avait pas cessé complètement.
Touchant le corps du malade, Bian Que constata que les jambes n’étaient
pas encore tout à fait refroidies. De ces faits, il conclut que
le prince n’était pas mort, mais seulement en état de mort apparente.
Lui et ses aides procédèrent alors à des traitements d’acupuncture
sur le malade qui revint à lui quelques instants plus tard; puis,
Bian lui appliqua une compresse chaude et lui fit prendre des tisanes.
Ainsi, en une vingtaine de jours, le prince se rétablit totalement.
Dans les Précieuses Ordonnances pour les cas d’urgence (Qian
Jin Yao Fang) et les Précieuses Ordonnances supplémentaires
(Qian Jin Yi Fang), Sun Simiao a respectivement recueilli
5 300 et 2 000 recettes éprouvées.
Un jour, Sun Simiao croisa un cortège funèbre sur sa route. Voyant
que du sang coulait par les interstices du cercueil, il demanda
au cortège de s’arrêter aussitôt. Dès qu’on lui demanda pourquoi
il avait fait cette demande, il expliqua : « La femme
allongée dans le cercueil n’a pas rendu son dernier souffle, car
j’ai vu que du sang coulait. Si elle avait été morte, son sang aurait
été coagulé. »
Après avoir entendu ses paroles, le mari de cette femme déclara en
pleurant : « Ma femme est enceinte depuis plus d’un an.
Hier, elle a senti bouger le fœtus, mais elle est morte des suites
d’un accouchement difficile. » Pour sauver cette femme, Sun Simiao
examina d’abord la respiration et le pouls de la femme et procéda
à des traitements d’acupuncture. Après quelques
instants, la femme était revenue à elle et tout le monde s’exclamait
de joie. Puis, Sun Simiao donna des médicaments au mari et lui demanda de les apporter
à la maison. Après quelques jours, la femme donna naissance à un
gros bébé.
Rédigé par Zhang Zhongjing, le Traité sur la typhoïde et autres maladies (Shang
Han Za Bing Lun) est le premier ouvrage de médecine clinique.
Cette monographie médicale avait alors le niveau le plus avancé
dans le monde. Sa parution remonte à 700 ans avant celle du Canon
de la médecine, rédigé par le médecin Avicenne (980-1037), originaire
de Boukhara. Zhang est l’un des hommes les plus remarquables de
l’Orient par l’étendue de ses connaissances.
Ce livre de 113 prescriptions
représentatives et de 397 méthodes thérapeutiques est considéré
aujourd’hui comme le principe et le guide théoriques dans les traitements
médicaux.
Un cas de grippe, publié dans un journal, raconte qu’un patient souffrait
de maux de tête et d’éblouissements. Il avait 21-9 de tension. Sa
langue était rouge, très peu chargée et accompagnée de sécrétions
salivaires. D’après le Traité sur la typhoïde
(Shang Han Lun), le médecin demanda au
patient de prendre de la tisane de xanthoxyle. Après avoir pris
des décoctions de cette plante médicinale chinoise, le patient se
rétablit complètement.
Hua Tuo est un médecin connu
tant en Chine qu’à l’étranger. Il utilisa l’anesthésie générale
pour opérer un patient. Son anesthésique Ma Fei San est 1
600 ans plus ancien que celui utilisé en Europe. En 1979, des maisons
d’édition chinoises et étrangères ont publié à tour de rôle le livre
Ordonnances étonnantes de Hua Tuo (Hua Tuo Shen Fang)
rédigé par Sun Simiao. La composition de l’anesthésique Ma Fei
San est la suivante : 9 g de rhododendron mou
(Yang Zhi Zhu), 3 g de racines de jasmin (Mo
Li Hua Gen), 30 g d’angélique officinale (Dang Gui)
et 0,9 g d’acore calame (Chang Pu). Cette prescription
demande au patient de préparer une décoction.
Parmi les médecins, Hua
Tuo sert de modèle, de sorte que l’on compare souvent l’art médical
d’un médecin réputé à celui de Hua Tuo. Hua est le nom de famille
de Hua Fu, et Tuo est son nom professionnel signifiant « Roi
des remèdes », bodhisattva guérisseur de l’Inde.
Un art médical étonnant
Un jour, deux malades désiraient
consulter le docteur Hua Tuo. Ces deux malades avaient mal à la
tête et étaient fiévreux. Après avoir posé son diagnostic, Hua Tuo
donna à chacun un traitement différent : l’un dut prendre des
sudorifiques et l’autre, des laxatifs. Quelqu’un qui avait assisté
à la séance se demandait bien pourquoi. Après avoir consulté Hua
Tuo, il apprit que, bien que leurs symptômes eussent été les mêmes,
l’un était enrhumé, et l’autre avait une accumulation d’aliments
et souffrait de troubles de la digestion.
Un jour, Hua Tuo rencontra
en chemin un malade qui gémissait de douleur dans une charrette.
Constatant que le larynx du malade était obstrué, Hua Tuo demanda
à son frère d’acheter de l’ail et du vinaigre pour le soigner. Après
avoir pris la potion qu’on lui avait préparée, le malade expulsa
un parasite par sa bouche et il se rétablit.
Un autre jour, le docteur Hua Tuo donna une consultation à
un fonctionnaire. Il fit exprès de faire enrager le malade en lui
envoyant une lettre lui annonçant le coût du traitement. Cette lettre
permit en effet au fonctionnaire de trembler de colère et de vomir
du sang noir. Dès qu’il eut été guéri, le fonctionnaire reconnut
les bonnes intentions de Hua Tuo.
À l’époque des Trois Royaumes (220-280), Cao Cao (155-220), chef militaire
et poète de la dynastie des Wei, souffrit de céphalée, et Hua Tuo
le soigna par l’acupuncture et le guérit. Cao Cao demanda à Hua
Tuo de devenir son médecin particulier. Pour donner plus de services
au peuple, Hua Tuo prétexta que sa femme était malade pour tirer
habilement son épingle de jeu. Fou de colère, Cao Cao condamna Hua
Tuo à mort.
Guérir les maladies pour
sauver l’homme
Sur le plan théorique, la
médecine traditionnelle chinoise et la médecine occidentale sont
deux systèmes différents. La
médecine traditionnelle chinoise met l’accent sur un traitement
dialectique en appliquant le principe de « prendre des mesures
adéquates », et la médecine occidentale procède à un traitement
clinique immédiat (soigner la tête quand on a mal à la tête
et le pied quand on a mal au pied).
La médecine traditionnelle chinoise attache toujours de l’importance
aux recettes populaires et aux recettes éprouvées.
Sous le règne de l’empereur Qianlong des
Qing (1736-1795), Xu Dachun, médecin célèbre du Sud du Yangtsé se
rendit à Beijing sur l’ordre de l’empereur. Sa mission consistait
à soigner l’impératrice douairière qui se sentait la poitrine oppressée,
avait le ventre ballonné et manquait d’appétit depuis des années.
Une fois arrivé sur les lieux, Xu Dachun fit d’abord des enquêtes
parmi les servantes de la cour impériale et demanda ensuite à l’impératrice
douairière de prendre des graines de navet. Après les avoir prises,
l’impératrice douairière fut tout de suite prise de diarrhée. Sa
poitrine oppressée et son ventre ballonné se relâchèrent. Se réjouissant
du succès obtenu, l’empereur Qianlong conféra un titre nobiliaire
au docteur Xu Dachun.
Fan Zhongyan (989-1052) était un ministre réputé de la dynastie des
Song (960-1279). Avant de prendre ses fonctions, Fan avait exprimé
ses aspirations élevées devant la statue de Bouddha : « Si
je ne peux pas obtenir le poste de ministre, je voudrais devenir
un bon médecin. » Quelqu’un lui demanda alors : « Vous
êtes un homme viril, vous avez le calibre pour devenir un vrai ministre.
Pourquoi donc choisiriez-vous d’être bon médecin? » Fan Zhongyan
rétorqua : « Le ministre peut secourir les nécessiteux
et le bon médecin, guérir les maladies pour
sauver l’homme.»
Dong Feng, un des trois médecins fameux de Jian’an, habitait au pied sud du mont
Lushan (Jiangxi) et aimait soigner gratuitement les malades de sa
région natale. Après en avoir guéri un, il lui demanda de planter
un abricotier sur le versant du mont. Ainsi, le nombre d’arbres
fruitiers se multipliait d’année en année et les arbres grandissaient
de jour en jour. Dès que les abricotiers portèrent des fruits, Dong
les utilisa pour secourir les passants. Chaque année, on compte
qu’il soigna ainsi plus de 20 000 personnes.
Sous la dynastie des Qing (1644-1911), un chef de district souffrait
de dépression. Il se plaignait d’insomnies et mangeait sans trouver
de saveur aux aliments. Après avoir tâté le pouls du malade, le
médecin diagnostiqua une dépression. Le médecin prit un air grave
et déclara : « Vous avez dérogé aux règles. » Après avoir
entendu ces paroles, le chef du district se tordit de rire et délogea
le médecin. Depuis lors, le chef de district racontait cette histoire
à ses amis en riant sans arrêt. Jour après jour, il recouvra la
santé sans s’en apercevoir…
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