Voyage
à travers le plateau
Qinghai-Tibet
ZHANG
YAJUN
Montagnes
imposantes, lacs sacrés, hada, bannières bouddhiques, monticules
de pierres gravées de soutras, mythes, épopées, chemins de pèlerinage,
postes de relais d’anciennes voies commerciales, monastères superbes,
danse Guozhuang, thé au beurre... autant de merveilles qui attirent
les touristes vers le Tibet, pays du lamaïsme avec ses mœurs et
coutumes toutes particulières.
Dans
l’atmosphère de sainteté du plateau Qinghai-Tibet, on se sent plus
près du ciel, loin des poussières de la vie.
PARTI de Juyongguan,
sur la Grande Muraille dans la banlieue de Beijing, notre convoi
de neuf véhicules tout terrain démarre pour un voyage, tant rêvé,
à travers le plateau Qinghai-Tibet, suivant un itinéraire qui passera
par Hohhot (Mongolie intérieure), Yinchuan (Ningxia), Lanzhou (Gansu)
et Xining (Qinghai), avant d’arriver au Tibet.
Le lac Qinghai,
un monde de rêve
Après deux jours
de cahotements, nous avons décidé de rester un jour à Xining, où
nous avons visité le célèbre Ta’er, l’un des six monastères de la
secte Gelug-pa (Bonnets Jaunes) situé dans le district de Huangzhong,
lieu de naissance de Tsong Khapa, fondateur de cette école. Ses
murs blancs, ses rideaux rouge foncé, ses lamas en prières... créent
une ambiance religieuse qui captive tout un chacun.
Le lendemain matin,
après avoir quitté Xining nous sommes parvenus vers 10 h à un col
des monts Riyue (Soleil et Lune), passage unique emprunté par la
princesse Wencheng des Tang (618-907) lorsqu’elle se rendit au Tibet
pour son mariage avec le roi tibétain. Les monts Riyue représentent
non seulement la ligne de démarcation entre le plateau de lœss et
le plateau Qinghai-Tibet, mais aussi celle entre les bassins fluviaux
endoréique et exoréique, ainsi que celle entre les zones pastorales
et agricoles du Tibet. À cette altitude de près de 4 000 m, nous
roulions dans une mer de nuages et de brouillard. La rivière Daotang
(Cours inversé) nous accompagne jusqu’à l’issue des monts Riyue.
Le chemin de descente
se rétrécit. Un cantonnier nous a proposé un raccourci. La poussière
qui envahissait la cabine nous étouffait. Tout à coup, une voix
annonce à la radio: nous voilà au lac Qinghai. Un spectacle étonnant
s’offrait à nos yeux avec la verdure des prairies, l’or des
champs de colza, l’azur du grand lac, la neige des nuages, qu’animent
des troupeaux de moutons paisibles, l’envol précipité d’oiseaux
aquatiques. Selon la légende, lorsque la princesse Wencheng passa
par là, elle monta dans la montagne et regarda vers l’est. N’ayant
pas aperçu son pays natal, Chang’an, elle fut accablée de chagrin.
Le précieux miroir qui l’accompagnait lui échappa des mains, tomba
par terre et se cassa en deux. Une moitié se transforma en un soleil
d’or et l’autre en une lune d’argent, lesquels lui éclairaient le
chemin vers l’ouest. Ses larmes remplirent le lac Qinghai.
Les légendes à
propos de la formation du lac Qinghai en sont nombreuses, mais je
préfère celle-ci.
Le Tibet, j’arrive
Avant le lever
du jour, les conducteurs avaient examiné leur véhicule. À 4 h 30,
le convoi s’est remis en route. Après avoir franchi la crête Wudao
et le mont Fenghuo, nous avons traversé la rivière Tuotuo, à l’origine
du Yangtsé. Les monts Tanggula nous sont là, tout près. La neige
qui tombait sous un ciel de plomb nous accueillit entre des montagnes
d’une blancheur immaculée. Soudain, j’ai remarqué devant moi des
bannières multicolores et des monticules de pierre mani.
Les bannières
claquaient dans le vent et la neige. Selon la légende, chaque haute
montagne du Tibet incarne une divinité. Les adeptes qui se dirigent
vers Lhasa frappent la terre du front et offrent des bannières et
des pierres gravées de soutras lorsqu’ils passent par un col. À
leur exemple, et par respect pour le bouddhisme, j’ai aussi offert
une bannière au moment de passer par un col.
La beauté de
Lhasa
Aujourd’hui, nous
avons manqué la visite du lac Nam Co, l’un des trois lacs sacrés
du Tibet, à cause de la neige qui nous en bloquait l’accès. Dans
l’après-midi, le convoi suivait une route accidentée qui conduit
à la zone géothermique de Yangbajain, parsemée de geysers fumants
et de ruisseaux limpides. De là nous roulions rapidement vers Lhasa,
un lieu sacré vieux de plus de 1 300 ans.
En langue tibétaine,
Lhasa signifie « lieu sacré » ou « haut lieu bouddhique ».
Au VIIe siècle, pour se marier avec la princesse Wencheng
de la Cour des Han, le roi tibétain Songtsan Gampo fit construire
le palais du Potala, symbole de Lhasa. En sanscrit, Potala signifie
« lieu sacré d’Avalokiteçvara ». Tout l’édifice s’adosse
à la montagne. Le bâtiment principal, haut de 115 m, avec 13 étages,
mesure 400 m de d’est en ouest et 350 m du nord au sud. Il est construit
entièrement en pierre et en bois, avec cinq toits recouverts de
tuiles dorées. L’architecture de ce magnifique palais marie harmonieusement
les cultures tibétaine et chinoise. Par la suite, ont été construits
d’autres grands monastères, comme le monastère de Drepung, le Jokhang
et le monastère de Sera, qui forment un ensemble de culte du bouddhisme
tibétain.
Nous avons eu
la chance de participer à la fête Sagadawa, qui tombe le 9e
jour du premier mois tibétain, premier jour de la profession du
bouddhisme par son fondateur Çakyamuni. Toute la ville, hommes et
femmes, jeunes et vieux, a participé à la commémoration de ce jour
sacré. Un moulin à prières en main, les gens faisaient le tour de
la montagne, de la ville et des monastères. Les buildings, les voitures
roulant dans la rue et la foule frappant la terre du front composaient
un curieux tableau de la fusion du modernisme avec la tradition.
La Déesse relève
son voile
Avec l’impression
d’être entre ciel et terre, et à la lumière réfléchie des monts
Himalaya, notre convoi escaladait péniblement des sentiers en zigzag,
dans la direction du mont Qomolangma (8 848 m), le sommet du globe.
Dans les dernières lueurs du couchant, nous l’avons vu. Qomolangma
veut dire « Déesse » en langue tibétaine. Il fait face
au mont Qowowuyag avec lequel, comme on le dit, il s’est « jumelé ».
Nous avons poussé des cris de joie au moment où la « Déesse »
venait juste de relever son voile de nuage et de brouillard. Le
guide nous a confié que des touristes japonais y avaient une fois
attendu des jours entiers pour pouvoir enfin admirer, en pleurant
de joie, le visage de la « Déesse ».
Quittant à regret
le spectacle grandiose du mont Qomolangma, le convoi est parti vers
un monde tout à fait différent, avec des monts enneigés et des déserts
arides. Puis, après avoir traversé un col du mont Xixiabangma (8
012 m), nous sommes tombés dans une féerie de verdure. Du chef-lieu
du district de Nyalam au bourg de Zham, les 30 km de routes montagneuses
accusent une dénivellation de quelque 2 000 m. Situé au sud des
monts Himalaya et balayé par les moussons de l’océan Indien, Zham
est enveloppé toute l’année de brouillard. D’innombrables chutes
d’eau, dessinant des chaînes argentées le long des vallées profondes,
descendent parfois des hauteurs de centaines de mètres. Nos véhicules
y ont pris un bain agréable, dans l’air devenu frais et humide.
Zham se trouve sur la frontière entre la Chine et le Népal. En costume
de couleurs voyantes, les Sherpas qui traversaient la rue de ce
bourg népalais ne manquaient pas de jeter un regard scrutateur vers
nos carrosseries bariolées.
Le royaume
de Guge
Ngari frappe par
son immensité déserte, mais aussi par sa nature sauvage et vivace.
Le mont sacré
Kangrinboqê se dresse dans toute sa majesté, le lac sacré Mapam
Yumco, « mère de dix mille rivières », s’enorgueillit
d’être « centre mondial » du bouddhisme indien. Sur la
steppe sans bornes, seuls quelques ânes sauvages nous poursuivaient,
tandis que des gazelles mongoles et des antilopes tibétaines détalaient
à toute jambe à notre approche.
Les montagnes
qui nous dominent sont criblées de cavernes millénaires, anciens
abris des peuples troglodytiques du royaume de Guge. Ça et là des
tours de citadelle pointent vers le ciel bleu. Selon la légende,
à la mort du dernier roi des Tubo, éclata une guerre sanglante pour
la succession du trône. Deux princes s’enfuirent de Lhasa et fondèrent
ici le puissant royaume de Guge, qui devait prospérer pendant plusieurs
siècles. Au XIe siècle, le Guge fut détruit par un voisin
au terme d’une guerre barbare qui tua plus de cent mille personnes
en quelques mois, laissant des palais en ruine avec des murs ornés
de fresques d’une beauté inouïe. Selon les statistiques des archéologues,
on a repéré sur 180 000 m2 de surfaces construites, plus
de 400 pièces habitables, près de mille cavernes, trois pagodes
bouddhiques d’une dizaine de mètres de hauteur, cinq grands palais,
58 fortins et quatre passages clandestins. Ceux-ci descendaient
du sommet de la montagne, d’une hauteur de plus de 300 m, jusqu’au
bord de la rivière d’en bas et servaient à faire remonter de l’eau
et à assurer une voie de retrait pendant la guerre. À l’issue d’un
de ces passages, gisaient encore, pêle-mêle, une centaine de corps
momifiés, sous l’effet de la sécheresse glaciale du plateau.
Quittant
les vestiges du royaume de Guge, notre convoi avançait vers Ngari.
Quelques jours plus tard, nous voilà de retour, la tête remplie
de souvenirs inoubliables sur cette terre sainte qu’est le Tibet.
Ce
qu’il y a à voir en route
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Le lac
Yamzhog Yumco
Situé à
moins de 100 km de Lhasa, il représente, avec le lac Nam Co
et le Mapam Yumco, les « trois grands lacs sacrés »
du Tibet. C’est sur le versant nord de l’Himalaya, à 4 441
m d’altitude, le plus grand lac continental avec ses 250 km
de périmètre et ses 638 km2 de surface qui séparent
les districts de Nanggarzê et de Konggar relevant de la préfecture
de Shannan. Avec ses bras multiples et ses eaux limpides,
il offre des sites pittoresques de monts enneigés, de glaciers,
d’îlots, de pâturages, de fermes et de sources thermales.
Les habitants
locaux vénèrent ce lac, le considérant comme l’incarnation
de la fille du Dragon et la résidence de la déesse de la défense
de la Loi.
Les tankas
Le
tanka est un rouleau de peinture monté sur satin de couleur,
que l’on trouve dans tout monastère ou chez les adeptes. C’est
une œuvre d’art, symbole du culte du bouddhisme. Les thèmes
représentés se rapportent à la religion, à la société et à
l’histoire, y compris des scènes de la vie, des coutumes,
l’astronomie, le calendrier, ainsi que la médecine et les
médicaments tibétains.
La fête
du Shoton
C’est la
plus solennelle des fêtes religieuses, avec ses trois grandes
activités : exposition du portrait du Bouddha, danse
de l’opéra tibétain et promenade dans les lingka (parcs).
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Conseils
aux touristes
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1. Se prémunir
conter le mal de montagne provoqué par l’air raréfié des hautes
altitudes au plateau. Un examen médical est préférable avant
le voyage et un repos à l’hôtel s’impose avant le jour des
visites. S’abstenir de boire du vin et de fumer, mais boire
beaucoup d’eau. Prendre des aliments légers, nutritifs, riches
en vitamines, et éviter la satiété, afin de garantir l’eau
et la nutrition du corps et d’alléger la charge des poumons
et du cœur. Marcher lentement lors des visites. Il est proposé
aussi de s’étendre à demi sur le dos pour alléger la charge
du cœur. Apporter le pot d’oxygène et du « Hongjingtian »,
médicament tibétain contre le mal de montagne.
2. Respecter
les coutumes et la culture locales, surtout dans les monastères,
observer strictement le calme et le respect aux divinités.
À la vue d’un monastère ou d’un monticule de pierres mani,
faire un détour à droite et tourner le moulin à prière et
la roue à prières dans le sens des aiguilles d’une montre.
Ne pas parler de mariage ni d’aliments gras devant un lama.
Dans la région tibétaine, il est interdit de manger de l’âne,
du cheval et du chien, beaucoup de gens ne mangent même pas
de poisson.
3. Ne pas
jeter par terre des ordures, ni toucher ou attaquer les animaux
sauvages.
4. En plus
des vêtements nécessaires, apporter un manteau chaud et imperméable,
un casque, les lunettes et les crèmes contre le soleil, la
pâte à lèvres, des médicaments contre le rhume, un bidon isolant,
etc. Les boîtes de conserve et le briquet jetable, faciles
à éclater dans l’air raréfié, sont strictement interdits.
5. Apporter
suffisamment de pièces de rechange facilement endommagées,
avec tous les outils nécessaires et deux roues de secours.
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