Novembre 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Voyage à travers le plateau

Qinghai-Tibet

ZHANG YAJUN

Montagnes imposantes, lacs sacrés, hada, bannières bouddhiques, monticules de pierres gravées de soutras, mythes, épopées, chemins de pèlerinage, postes de relais d’anciennes voies commerciales, monastères superbes, danse Guozhuang, thé au beurre... autant de merveilles qui attirent les touristes vers le Tibet, pays du lamaïsme avec ses mœurs et coutumes toutes particulières.

Dans l’atmosphère de sainteté du plateau Qinghai-Tibet, on se sent plus près du ciel, loin des poussières de la vie.

 

PARTI de Juyongguan, sur la Grande Muraille dans la banlieue de Beijing, notre convoi de neuf véhicules tout terrain démarre pour un voyage, tant rêvé, à travers le plateau Qinghai-Tibet, suivant un itinéraire qui passera par Hohhot (Mongolie intérieure), Yinchuan (Ningxia), Lanzhou (Gansu) et Xining (Qinghai), avant d’arriver au Tibet.

Le lac Qinghai, un monde de rêve

Après deux jours de cahotements, nous avons décidé de rester un jour à Xining, où nous avons visité le célèbre Ta’er, l’un des six monastères de la secte Gelug-pa (Bonnets Jaunes) situé dans le district de Huangzhong, lieu de naissance de Tsong Khapa, fondateur de cette école. Ses murs blancs, ses rideaux rouge foncé, ses lamas en prières... créent une ambiance religieuse qui captive tout un chacun.

Le lendemain matin, après avoir quitté Xining nous sommes parvenus vers 10 h à un col des monts Riyue (Soleil et Lune), passage unique emprunté par la princesse Wencheng des Tang (618-907) lorsqu’elle se rendit au Tibet pour son mariage avec le roi tibétain. Les monts Riyue représentent non seulement la ligne de démarcation entre le plateau de lœss et le plateau Qinghai-Tibet, mais aussi celle entre les bassins fluviaux endoréique et exoréique, ainsi que celle entre les zones pastorales et agricoles du Tibet. À cette altitude de près de 4 000 m, nous roulions dans une mer de nuages et de brouillard. La rivière Daotang (Cours inversé) nous accompagne jusqu’à l’issue des monts Riyue.

Le chemin de descente se rétrécit. Un cantonnier nous a proposé un raccourci. La poussière qui envahissait la cabine nous étouffait. Tout à coup, une voix annonce à la radio: nous voilà au lac Qinghai. Un spectacle étonnant s’offrait à nos yeux avec la verdure des prairies, l’or des champs de colza, l’azur du grand lac, la neige des nuages, qu’animent des troupeaux de moutons paisibles, l’envol précipité d’oiseaux aquatiques. Selon la légende, lorsque la princesse Wencheng passa par là, elle monta dans la montagne et regarda vers l’est. N’ayant pas aperçu son pays natal, Chang’an, elle fut accablée de chagrin. Le précieux miroir qui l’accompagnait lui échappa des mains, tomba par terre et se cassa en deux. Une moitié se transforma en un soleil d’or et l’autre en une lune d’argent, lesquels lui éclairaient le chemin vers l’ouest. Ses larmes remplirent le lac Qinghai.

Les légendes à propos de la formation du lac Qinghai en sont nombreuses, mais je préfère celle-ci.

Le Tibet, j’arrive

Avant le lever du jour, les conducteurs avaient examiné leur véhicule. À 4 h 30, le convoi s’est remis en route. Après avoir franchi la crête Wudao et le mont Fenghuo, nous avons traversé la rivière Tuotuo, à l’origine du Yangtsé. Les monts Tanggula nous sont là, tout près. La neige qui tombait sous un ciel de plomb nous accueillit entre des montagnes d’une blancheur immaculée. Soudain, j’ai remarqué devant moi des bannières multicolores et des monticules de pierre mani.

Les bannières claquaient dans le vent et la neige. Selon la légende, chaque haute montagne du Tibet incarne une divinité. Les adeptes qui se dirigent vers Lhasa frappent la terre du front et offrent des bannières et des pierres gravées de soutras lorsqu’ils passent par un col. À leur exemple, et par respect pour le bouddhisme, j’ai aussi offert une bannière au moment de passer par un col.

La beauté de Lhasa

Aujourd’hui, nous avons manqué la visite du lac Nam Co, l’un des trois lacs sacrés du Tibet, à cause de la neige qui nous en bloquait l’accès. Dans l’après-midi, le convoi suivait une route accidentée qui conduit à la zone géothermique de Yangbajain, parsemée de geysers fumants et de ruisseaux limpides. De là nous roulions rapidement vers Lhasa, un lieu sacré vieux de plus de 1 300 ans.

En langue tibétaine, Lhasa signifie « lieu sacré » ou « haut lieu bouddhique ». Au VIIe siècle, pour se marier avec la princesse Wencheng de la Cour des Han, le roi tibétain Songtsan Gampo fit construire le palais du Potala, symbole de Lhasa. En sanscrit, Potala signifie « lieu sacré d’Avalokiteçvara ». Tout l’édifice s’adosse à la montagne. Le bâtiment principal, haut de 115 m, avec 13 étages, mesure 400 m de d’est en ouest et 350 m du nord au sud. Il est construit entièrement en pierre et en bois, avec cinq toits recouverts de tuiles dorées. L’architecture de ce magnifique palais marie harmonieusement les cultures tibétaine et chinoise. Par la suite, ont été construits d’autres grands monastères, comme le monastère de Drepung, le Jokhang et le monastère de Sera, qui forment un ensemble de culte du bouddhisme tibétain.

Nous avons eu la chance de participer à la fête Sagadawa, qui tombe le 9e jour du premier mois tibétain, premier jour de la profession du bouddhisme par son fondateur Çakyamuni. Toute la ville, hommes et femmes, jeunes et vieux, a participé à la commémoration de ce jour sacré. Un moulin à prières en main, les gens faisaient le tour de la montagne, de la ville et des monastères. Les buildings, les voitures roulant dans la rue et la foule frappant la terre du front composaient un curieux tableau de la fusion du modernisme avec la tradition.

La Déesse relève son voile

Avec l’impression d’être entre ciel et terre, et à la lumière réfléchie des monts Himalaya, notre convoi escaladait péniblement des sentiers en zigzag, dans la direction du mont Qomolangma (8 848 m), le sommet du globe. Dans les dernières lueurs du couchant, nous l’avons vu. Qomolangma veut dire « Déesse » en langue tibétaine. Il fait face au mont Qowowuyag avec lequel, comme on le dit, il s’est « jumelé ». Nous avons poussé des cris de joie au moment où la « Déesse » venait juste de relever son voile de nuage et de brouillard. Le guide nous a confié que des touristes japonais y avaient une fois attendu des jours entiers pour pouvoir enfin admirer, en pleurant de joie, le visage de la « Déesse ».

Quittant à regret le spectacle grandiose du mont Qomolangma, le convoi est parti vers un monde tout à fait différent, avec des monts enneigés et des déserts arides. Puis, après avoir traversé un col du mont Xixiabangma (8 012 m), nous sommes tombés dans une féerie de verdure. Du chef-lieu du district de Nyalam au bourg de Zham, les 30 km de routes montagneuses accusent une dénivellation de quelque 2 000 m. Situé au sud des monts Himalaya et balayé par les moussons de l’océan Indien, Zham est enveloppé toute l’année de brouillard. D’innombrables chutes d’eau, dessinant des chaînes argentées le long des vallées profondes, descendent parfois des hauteurs de centaines de mètres. Nos véhicules y ont pris un bain agréable, dans l’air devenu frais et humide. Zham se trouve sur la frontière entre la Chine et le Népal. En costume de couleurs voyantes, les Sherpas qui traversaient la rue de ce bourg népalais ne manquaient pas de jeter un regard scrutateur vers nos carrosseries bariolées.

Le royaume de Guge

Ngari frappe par son immensité déserte, mais aussi par sa nature sauvage et vivace.

Le mont sacré Kangrinboqê se dresse dans toute sa majesté, le lac sacré Mapam Yumco, « mère de dix mille rivières », s’enorgueillit d’être « centre mondial » du bouddhisme indien. Sur la steppe sans bornes, seuls quelques ânes sauvages nous poursuivaient, tandis que des gazelles mongoles et des antilopes tibétaines détalaient à toute jambe à notre approche.

Les montagnes qui nous dominent sont criblées de cavernes millénaires, anciens abris des peuples troglodytiques du royaume de Guge. Ça et là des tours de citadelle pointent vers le ciel bleu. Selon la légende, à la mort du dernier roi des Tubo, éclata une guerre sanglante pour la succession du trône. Deux princes s’enfuirent de Lhasa et fondèrent ici le puissant royaume de Guge, qui devait prospérer pendant plusieurs siècles. Au XIe siècle, le Guge fut détruit par un voisin au terme d’une guerre barbare qui tua plus de cent mille personnes en quelques mois, laissant des palais en ruine avec des murs ornés de fresques d’une beauté inouïe. Selon les statistiques des archéologues, on a repéré sur 180 000 m2 de surfaces construites, plus de 400 pièces habitables, près de mille cavernes, trois pagodes bouddhiques d’une dizaine de mètres de hauteur, cinq grands palais, 58 fortins et quatre passages clandestins. Ceux-ci descendaient du sommet de la montagne, d’une hauteur de plus de 300 m, jusqu’au bord de la rivière d’en bas et servaient à faire remonter de l’eau et à assurer une voie de retrait pendant la guerre. À l’issue d’un de ces passages, gisaient encore, pêle-mêle, une centaine de corps momifiés, sous l’effet de la sécheresse glaciale du plateau.

Quittant les vestiges du royaume de Guge, notre convoi avançait vers Ngari. Quelques jours plus tard, nous voilà de retour, la tête remplie de souvenirs inoubliables sur cette terre sainte qu’est le Tibet.

Ce qu’il y a à voir en route 

Le lac Yamzhog Yumco

Situé à moins de 100 km de Lhasa, il représente, avec le lac Nam Co et le Mapam Yumco, les « trois grands lacs sacrés » du Tibet. C’est sur le versant nord de l’Himalaya, à 4 441 m d’altitude, le plus grand lac continental avec ses 250 km de périmètre et ses 638 km2 de surface qui séparent les districts de Nanggarzê et de Konggar relevant de la préfecture de Shannan. Avec ses bras multiples et ses eaux limpides, il offre des sites pittoresques de monts enneigés, de glaciers, d’îlots, de pâturages, de fermes et de sources thermales.

Les habitants locaux vénèrent ce lac, le considérant comme l’incarnation de la fille du Dragon et la résidence de la déesse de la défense de la Loi.

Les tankas

Le tanka est un rouleau de peinture monté sur satin de couleur, que l’on trouve dans tout monastère ou chez les adeptes. C’est une œuvre d’art, symbole du culte du bouddhisme. Les thèmes représentés se rapportent à la religion, à la société et à l’histoire, y compris des scènes de la vie, des coutumes, l’astronomie, le calendrier, ainsi que la médecine et les médicaments tibétains.

La fête du Shoton

C’est la plus solennelle des fêtes religieuses, avec ses trois grandes activités : exposition du portrait du Bouddha, danse de l’opéra tibétain et promenade dans les lingka (parcs).

Conseils aux touristes

1. Se prémunir conter le mal de montagne provoqué par l’air raréfié des hautes altitudes au plateau. Un examen médical est préférable avant le voyage et un repos à l’hôtel s’impose avant le jour des visites. S’abstenir de boire du vin et de fumer, mais boire beaucoup d’eau. Prendre des aliments légers, nutritifs, riches en vitamines, et éviter la satiété, afin de garantir l’eau et la nutrition du corps et d’alléger la charge des poumons et du cœur. Marcher lentement lors des visites. Il est proposé aussi de s’étendre à demi sur le dos pour alléger la charge du cœur. Apporter le pot d’oxygène et du « Hongjingtian », médicament tibétain contre le mal de montagne.

2. Respecter les coutumes et la culture locales, surtout dans les monastères, observer strictement le calme et le respect aux divinités. À la vue d’un monastère ou d’un monticule de pierres mani, faire un détour à droite et tourner le moulin à prière et la roue à prières dans le sens des aiguilles d’une montre. Ne pas parler de mariage ni d’aliments gras devant un lama. Dans la région tibétaine, il est interdit de manger de l’âne, du cheval et du chien, beaucoup de gens ne mangent même pas de poisson.

3. Ne pas jeter par terre des ordures, ni toucher ou attaquer les animaux sauvages.

4. En plus des vêtements nécessaires, apporter un manteau chaud et imperméable, un casque, les lunettes et les crèmes contre le soleil, la pâte à lèvres, des médicaments contre le rhume, un bidon isolant, etc. Les boîtes de conserve et le briquet jetable, faciles à éclater dans l’air raréfié, sont strictement interdits.

5. Apporter suffisamment de pièces de rechange facilement endommagées, avec tous les outils nécessaires et deux roues de secours.