Les
Jingpo

Les Jingpo, qui regroupent plus de 119 300
personnes, vivent principalement dans la préfecture autonome dai-jingpo
de Dehong, province du Yunnan, en bon voisinage avec les ethnies
han, de’ang, lisu et achang. Quelques autres habitent dans la préfecture
autonome lisu de Nujiang.
On retrouve surtout les Jingpo dans des régions
montagneuses couvertes de forêts, à quelque 1 500 mètres au-dessus
du niveau de la mer, là où le climat est doux. Quantité de sentiers
relient les villages jingpo qui regroupent habituellement des maisons
en bambou à deux étages, dissimulées au creux de forêts denses.
La région habitée par les Jingpo abonde en bois
aux essences rares et en herbes médicinales. Parmi les cultures
économiques, on compte le caoutchouc, le thé, le café, la laque.
Les principales ressources minières incluent le fer, le cuivre,
l’étain, le charbon, l’or, l’argent et les pierres précieuses. Le
tigre, le léopard, l’ours, le python, le faisan et le perroquet
vivent dans les forêts de la région.
La langue des Jingpo appartient à la famille des
langues tibéto-birmanes du système de langues sino-tibétaines. Il
y a 70 ans encore, alors qu’un système alphabétique basé sur les
lettres latines a été introduit, les Jingpo conservaient des registres
en gravant le bois ou en faisant des nœuds. Ils calculaient en se
servant de fèves.
Histoire
Selon les légendes locales et les registres historiques,
les ancêtres des Jingpo habitaient la partie méridionale du plateau
Xikang-Tibet. Ils se déplacèrent peu à peu vers le sud, en direction
du nord-ouest du Yunnan, à l’ouest du fleuve Nujiang. Les habitants
locaux, tout comme les Jingpo nouvellement arrivés, étaient alors
appelés les « hommes de « Xunchuan » et ils vivaient
principalement de la chasse.
Durant la dynastie des Yuan (1271-1368), la cour
impériale mit en place un bureau d’administration au Yunnan, et
la région des Xunchuan tomba sous sa compétence administrative.
Au fil du développement de la production, différents groupes de
Jingpo fusionnèrent en deux grosses alliances tribales − les
Chashan et les Lima ». Ces tribus étaient dirigées par des nobles,
dont le titre se transmettait de génération en génération, et qui
étaient appelés « shanguan ». Les hommes libres et les
esclaves formaient deux autres classes.
Au début du XVe siècle, la dynastie
des Ming (1368-1644), qui institua un système héréditaire de nomination
des chefs locaux, mit en place des bureaux d’administration et nomma
des nobles jingpo comme administrateurs. Durant les Qing (1644-1911),
la région relevait des bureaux préfectoraux et de district établis
par la cour des Qing. À partir du XVIe siècle, beaucoup
de Jingpo se déplacèrent vers la région de Dehong. Sous l’influence
des Han et des Dai, qui maîtrisaient des techniques de production
avancées et avaient une économie féodale, les Jingpo commencèrent
à utiliser des outils en fer, dont la charrue, et ils apprirent
plus tard comment cultiver le riz. Au fur et à mesure de ce processus
d’apprentissage, le système d’esclavage fut mis à mal et se termina
au milieu du XIXe siècle. Jusqu’au milieu du XXe
siècle, on a pu observer des vestiges de communes primitives.
Une commune rurale était constituée d’une région dirigée par un
« shanguan ». Chaque village de la commune l’était par
un chef tribal qui aidait le « shanguan » dans les affaires
administratives. En dépit de la progression de la propriété privée,
les terres non cultivées et les versants de montagne appartenaient
toujours à la commune. Ses membres pouvaient réquisitionner un lopin
de terre. Toutefois, les rizières étaient cultivées en permanence
par des propriétaires ou par certaines personnes, de sorte que les
nobles et les chefs obtinrent de plus en plus de terres et de rizières
au fil du temps. Au milieu du XXe siècle, les propriétaires
formaient un pour cent des ménages jingpo, et les paysans riches,
deux pour cent. Les deux groupes possédaient de 20 à 30 pour cent
des rizières et 20 pour cent du bétail. Seuls quinze pour cent des
paysans jingpo possédaient des rizières et du bétail, alors que
la majorité vivait dans une grande pauvreté, sans compter que ces
pauvres paysans devaient payer un certain montant en « riz
officiel » à leur « shanguan » et effectuer deux
ou trois jours de corvée.
Après la libération, la région autonome dai-jingpo
de Dehong a été établie en 1953 et est devenue une préfecture en
1956. Depuis lors, les Jingpo élisent leurs représentants dans les
principaux organes de la région autonome et aux assemblées populaires
provinciale et nationale.
Maintenant, les Jingpo s’occupent de la culture
du thé et du riz et de vergers. La PME s’est développée, et elle
inclut des centrales électriques, une usine de moteurs, une usine
d’outils de ferme et une produisant des produits chimiques d’usage
courant. Les villages montagneux des Jingpo sont desservis par des
routes, et la plupart des maisons ont l’électricité. Chaque communauté
dispose d’une école primaire et chaque district d’une école secondaire.
Us et coutumes
Famille et mariage.
L’unité de base de la société jingpo est la famille nucléaire. Certains
« shanguan » et paysans riches pratiquaient autrefois
la polygamie. La famille est dirigée par le père. Une famille ayant
seulement des filles peut demander à un beau-fils de vivre sous
son toit, mais ce beau-fils ne changera pas de nom de famille et
ses enfants prendront son nom et pas celui du beau-père de leur
père. Une famille sans enfant peut adopter un fils, et celui-ci
doit s’occuper de ses parents adoptifs et peut hériter de leurs
biens. Des parents s’occupent généralement des personnes âgées sans
enfant. La famille jingpo a conservé le système d’héritage légué
au fils cadet qui demeure avec ses parents, même après son mariage,
alors que le fils aîné établit une famille distincte. Le fils cadet
a un statut supérieur à ses autres frères. Dans la société jingpo,
les femmes avaient autrefois un statut bien peu enviable.
Les Jingpo pratiquaient un système matrimonial
hiérarchique, c’est-à-dire de mariages entre les familles « shanguan
» et les familles paysannes entre elles. Les jeunes pouvaient se
rencontrer librement, mais leur mariage, qui donnait lieu à des
cadeaux de fiançailles fort nombreux, était arrangé par les parents.
L’enlèvement de fiancées était chose courante.
Funérailles. À leur décès, les personnes sont enterrées, sauf celles qui ne sont
pas décédées d’une mort naturelle. Ces dernières sont incinérées
sans exception, et l’on enterre leurs cendres.
Habitation. Les Jingpo habitaient autrefois dans des maisons en bambou et en
bois au toit de chaume, sauf quelques « shanguan » et
chefs qui disposaient d’une maison en brique et en tuile. Ces maisons
oblongues avaient deux étages. L’étage inférieur, situé à environ
un mètre au-dessus du sol, servait à garder les animaux, alors que
l’étage supérieur, habituellement divisé en quatre pièces (parfois
jusqu’à dix) aux murs de bambou, servait d’habitation pour les membres
de la famille. Au milieu de chaque pièce, il y avait un foyer autour
duquel les membres de la famille dormaient. Ces maisons devaient
être reconstruites chaque sept ou huit ans. Cette reconstruction
ne prenait quelques jours grâce à l’assistance de tous les villageois.
Aujourd’hui, beaucoup de ces maisons ont été remplacées par des
maisons en brique.
Alimentation. Le riz est l’alimentation de base, bien que le maïs soit plus important
dans certains endroits. Les légumes, les fèves, les pommes de terre
et les patates sont cultivés dans les potagers. Les Jingpo cueillent
également des herbes et des fruits sauvages pour compléter leur
alimentation.
Habillement. Les hommes portent habituellement une veste noire boutonnée sur le
devant et un pantalon court et ample. Les plus âgés portent une
queue de cheval nouée sur le dessus de la tête qu’ils couvrent d’un
turban noir. Les jeunes préfèrent les turbans blancs. Lorsqu’ils
sortent, les Jingpo laissent pendre un long couteau à leur taille
ou prennent un fusil. Tous portent des sacs brodés contenant du
tabac ou de la noix de bétel. Les femmes portent habituellement
une veste noire boutonnée sur le devant, au centre ou à gauche.
À la veste, elles assortissent une jupe en tricot coloré et des
jambières en laine. Les femmes aiment porter des parures en argent.
Divertissements. Les Jingpo sont de bons chanteurs et d’habiles danseurs. Ils préfèrent
les danses en groupe qui reflètent leur vie, leur travail et leurs
rites sacrificiels. Ces danses se composent parfois de plus de 1 000
personnes. Les musiciens jingpo utilisent des tambours en bois,
des tambours à « patte d’éléphant », des gongs, des cymbales
et des flûtes en bambou.
Religion. Les Jingpo pratiquaient le fétichisme et croyaient que les esprits
se trouvaient dans le soleil, la lune, les oiseaux, les arbres et
les rochers et apportaient bonheur ou malheur aux humains. C’est
ainsi que la superstition était très courante, tout comme les tabous.
Des rites sacrificiels accompagnaient les semailles, la récolte,
les maladies, les mariages, les funérailles et les combats.
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