La
reconstruction du « Trésor vert »
LONG ZEWEN
 
Après des années
de surexploitation de ses réserves forestières, depuis 1998, la
région de la chaîne montagneuse des Grands Hinggan (Xing’an) procède
actuellement à un redéploiement de sa structure économique pour
mieux assurer la survie de ses ressources et le bien-être de sa
population.
 
EN Chine du Nord-Est, on trouve une grande étendue
de forêts et de montagnes verdoyantes. C’est la chaîne des
Grands Hinggan, connue en Chine sous le nom de Trésor vert.
La réserve de ressources forestières y est abondante. Dans
cette région, d’après les statistiques, la couverture forestière
atteint 7,13 millions d’ha, la réserve en bois, 665 millions
de m3, et 40 % de la superficie de la forêt vierge
est actuellement prête à être exploitée.
La région forestière des Grands Hinggan traverse
la région autonome de la Mongolie intérieure et la province du Heilongjiang.
C’est la zone forestière la plus étendue et une des plus importantes
bases de production de bois en Chine. Au cours des 40 dernières
années, cette région a fourni 110 millions de m3
de bois commercial et a acquis des droits d’une valeur de 4,9 milliards
de yuans. Le bois d’œuvre qu’elle a produit pourrait faire
deux fois et demie le tour de l’équateur, ce qui a généré une grande
contribution économique.
Selon les dires de M.. Zhou Shengxian,
haut fonctionnaire chargé des affaires forestières en Chine, la
production forestière des Grands Hinggan a apporté une grande contribution
à la croissance économique nationale et à l’accumulation primaire
de la Chine nouvelle.
C’est justement pour cette contribution économique
importante que la production forestière des Grands Hinggan a gagné
le titre honorifique de « première en production forestière ».
Pour évoquer l’histoire de l’exploitation forestière qui y a
lieu, il faut remonter à 1964. En août de cette année-là,
100 000 personnes se sont rendues dans cette région forestière
déserte et au climat rigoureux pour commencer l’abattage des arbres.
Cette exploitation forestière avait pour but de répondre aux besoins
de l’édification du pays, dans la situation où des métiers tels
que la construction, les pâtes et papiers, les chantiers navals
et l’installation du chemin de fer reprenaient vie.
Les dix grands édifices les plus célèbres de Beijing, dont le palais
de l’Assemblée nationale et le Musée de l’Histoire ont utilisé le
bois des Grands Hinggan. À cette époque, la sylviculture
des Grands Hinggan était à l’honneur, justement en raison de leur
contribution à l’édification nationale. M. Tai Wanchun, ancien
commissaire préfectoral adjoint de cette région et qui y a travaillé
pendant plus de 30 ans, a exprimé : « Pendant ces
années-là, les jeunes filles du Nord-Est cherchaient à épouser des
ouvriers forestiers; c’est la raison pour laquelle les femmes de
ces ouvriers sont très belles. »
Étant donné les grandes quantités
de bois requises par l’État, les ressources forestières ont
été surexploitées, ce qui a réduit les réserves de ressources forestières
exploitables. C’est ainsi que sont apparus les abus propres à la
structure d’une économie monopolistique. Le salaire mensuel
d’un employé est alors descendu aussi bas que 200 yuans.
La dégradation de l’environnement écologique a produit
un effet indescriptible. M. Tai est arrivé dans les Grands
Hinggan dans les années 60. En évoquant ces années-là, il
dit : « Dans la région forestière, à ce moment-là, on
voyait souvent des ours, des chevreuils et des sangliers; maintenant,
on n’entend même plus le cri des animaux sauvages, pas même le chant
des oiseaux. Pires encore que la diminution du nombre et de
la variété des animaux, des catastrophes écologiques se sont produites
ces dernières années. Par exemple, les précipitations annuelles
ont diminué à près de 100 mm, et les jours d’orage ont augmenté.
En juin 1996, il a même neigé. En 2001, les rafales de sable sont
apparues. En juillet 2002, la température a atteint 38 °C.
La capacité d'absorption d’eau de la forêt a diminué et des inondations
fréquentes ont fait leur apparition. La superficie ayant subi
des pertes en eau et en sol dépasse les 20 000 km2.
En outre, la couche glacée s'épaissit d'année en année et la dégénérescence
forestière s’aggrave.
L’économie et les ressources de la
région forestière se trouvaient donc dans une situation lamentable.
 
Réaliser le progrès de l’économie
sociale
En réalité, le système de la planification avait
permis aux ouvriers forestiers du Nord-Est de classer l’exploitation
forestière de la région aux premiers rangs du pays.
La réforme a révélé les défauts de la planification, le plus
important facteur de la décadence de cette exploitation. Pour
cette raison, la réforme du système de la sylviculture s’est avérée
la planche de salut des ouvriers forestiers des Grands Hinggan.
En 1998, après le lancement des travaux nationaux
de protection des ressources forestières naturelles, les gouvernements
locaux et l’Administration nationale de la forêt ont bien saisi
cette occasion pour s’efforcer d’ajuster la structure de l’économie
et de la production forestière. À la fin de 2003, la
valeur des produits biologiques était de 350 millions de yuans,
et les aliments de ce type commençaient à être bien connus tant
à l’extérieur qu'à l’intérieur du pays. La superficie cultivée
en produits biologiques atteignait 524 000 mu (un mu
égale 1/15 ha.) et 15 produits ont obtenu la certification
de marque de produit bio, ce qui a permis la création de la célèbre
marque commerciale Beiqishen des Grands Hinggan.
L’élevage particulier pratiqué dans la région a
permis de réaliser une valeur de 110 millions de yuans.
La fourrure recherchée d’animaux comme le renard, la martre et d'autres
espèces est exploitée en Asie du Sud-Est, dans les régions de Hongkong
et de Taiwan, de même que sur les marchés à l’intérieur du pays.
Ce commerce présente un grand potentiel économique. On estime
que la valeur des produits d’élevage de la région forestière atteindra
deux milliards de yuans en 2010.
L’exploitation des médicaments prend forme également.
Les grands Hinggan disposent d’abondantes ressources médicinales;
l’industrie pharmacologique s’y développe rapidement. Dans
la région, on compte maintenant trois entreprises de produits pharmaceutiques
et deux laboratoires, capables de produire 9 types de 4 séries d’articles
de protection de la santé; parmi ceux-là, notons une capsule anticancéreuse
et un vin de bois de cerf. La superficie de la base de culture
des plantes médicinales est de 2 190 mu; 966 familles
s’occupent de l’élevage et de la culture des matériaux médicinaux;
et 4 100 personnes s’adonnent à la production des médicaments.
En 2002, les entreprises associées à la production de médicaments
ont généré une valeur de 41 millions de yuans et versé 3,28 millions
en impôt et bénéfices.
Le secteur touristique thématique connaît une activité
vigoureuse. En 2003, les recettes ont atteint 52 millions
de yuans. Maintenant, des activités touristiques comme le
tourisme en forêt, dans la neige, à la rivière Dajie, les
excursions pour fuir la chaleur, le tourisme automobile et le tourisme
de conférence, sont exploitées, ce qui attire beaucoup les touristes
chinois et étrangers.
Parallèlement, la région a enregistré un progrès
économique et social net. Le PIB est passé de 3,55 milliards
de yuans en 1997 à 5,32 milliards de yuans à la fin de 2003,
soit un PIB par personne de 10 061 yuans. Quant à l’ajustement
de la structure de production, on peut dire que la région a réussi
son pari.
Aujourd’hui, dans la région forestière, une industrie
chimique forestière a déjà pris forme. Meubles haut de gamme,
parquets en bois, parquets à frise, panneaux agglomérés en copeaux
de bois, panneaux en contreplaqué et plancher spécial pour fond
de conteneur couvrent déjà les marchés chinois et étrangers.
Les Grands Hinggan sont connus comme l'une des bases principales
d'approvisionnement en produits du bois en Chine.
L’économie privée est soutenue énergiquement.
La valeur annuelle de l’économie privée est actuellement de 1,43 milliard
de yuans, ce qui représente une force considérable pour le développement
économique de la région forestière. Aujourd’hui, l’économie
non publique occupe 31,7 % du PIB de la région.
Un grand changement de physionomie
Aux premières années de l’exploitation forestière,
influencé par la politique d’édification « production d’abord
et vie ensuite », l’environnement de vie des ouvriers forestiers
était très dur. Les difficultés étaient omniprésentes à tout
moment. L’habitat, l’eau potable, les difficultés d’accès
et d’approvisionnement obsédaient la vie et la production de la
population.
Pour changer cet état de chose, il a fallu attendre
1998, au moment où la région a réalisé un grand bond en avant historique.
Depuis cette année-là, grâce à l’appel de projets d’affaires, à
l’introduction des investissements et à l’accumulation des fonds,
la région a réuni des fonds d’édification des infrastructures d’une
valeur de 4,29 milliards de yuans, ce qui représente davantage que
l’accumulation globale de la décennie précédente. La surface
d’habitation personnelle a augmenté de 2,59 m2.
150 000 personnes peuvent enfin boire une eau traitée. Dans
une dizaine de districts et de préfectures, l’approvisionnement
en eau courante est installé. Le taux d’approvisionnement
en eau courante dans les zones urbaines est passé de 44,4 %
en 1998 à 62 % en 2003. Cent six km de routes ont
été réparés ou construits, de sorte qu’il y a maintenant 209 km
de routes de haute qualité, soit 50 % du kilométrage dans les
zones urbaines de la région, grâce à l’absorption d’un investissement
de 220 millions de yuans. Vu l’amélioration de l’environnement
des communications, les habitants bénéficient d’une plus grande
facilité de déplacements.
L’environnement d’habitation et le niveau de vie
de la population locale s’améliorent visiblement. D’après
des statistiques compilées à la fin de 2003, le revenu personnel
disponible dépassait 5 656 yuans, au sixième rang parmi les 13 villes
et préfectures de la province du Heilongjiang, ce qui représente
une augmentation de 1 818, 1516 et 508 yuans par rapport à celui
de 1998, 2000 et 2002. À la fin de 2003, le total des
épargnes des habitants de la région avait atteint 6,87 milliards
de yuans, passant de 8 468 yuans en 1998 à 12 968 yuans par personne
en 2003. La même année, la construction de HLM a atteint 1,048
million de m2 pour un investissement de 950 millions
de yuans, ce qui a fait passer la surface d’habitation urbaine par
personne de 10,1 m2 en 1998 à 14,8 m2
en 2003.
Pour les secteurs de l’éducation, des services sanitaires
et de la culture, le développement est également rapide. En
40 ans, la région y a investi plus de 2 milliards de yuans.
Aujourd’hui, la région dispose de 153 écoles secondaires et primaires,
de 8 écoles professionnelles secondaires, d’un institut professionnel
et de 150 institutions d’éducation privées. Ces institutions
jouent un rôle important pour fournir bon nombre de personnes qualifiées
qui travailleront à l’édification économique et au développement
de la région. Le service sanitaire couvre toutes les fermes
de la région. Le traitement médical, qui était difficilement
assuré autrefois, est maintenant plus accessible. La mise en service
des installations de loisirs améliore sensiblement la qualité de
vie de la population de la région forestière.
En 2002, M. Ma Shujie, alors vice
gouverneur et gouverneur actuel de la province du Heilongjiang,
a ainsi apprécié Jagdaqi et Mohe, deux villes de cette région forestière :
« Ce sont des petites villes, mais belles comme une peinture ».
La réussite de l’édification écologique
Le développement économique doit se
faire à partir de l’édification écologique. Le rôle et la situation
écologique des Grands Hinggan sont remarquables. Ils sont la source
de deux fleuves− le Heilongjiang et le Nenjiang− et
sont considérés comme un écran naturel de protection pour la plaine
Songnen, la steppe de la Mongolie intérieure et même la Chine du
Nord et du Nord-Est.
Depuis la mise en application des travaux de protection
des ressources forestières naturelles, la région accorde de l’attention
à la formation et à la protection des ressources. La quantité
de bois abattu est passée de 3,504 m3 en 1997 à
2,144 m3 en 2003, soit une réduction de 38,81 %.
Pour sa part, le taux de couverture est passé de 75 % en 1997
à 78,42 % aujourd’hui, soit une augmentation de 3,4 %.
Pour parler de l’édification écologique prévue, le secrétaire de
la préfecture, Wang Zhonglin, a affirmé : « Les Grands
Hinggan forment la région forestière la plus étendue de Chine, et
nous ne pouvons plus laisser la production être basée sur la pure
consommation des ressources forestières. Nous sommes prêts
à assumer le fardeau économique que cela représente, car nous ne
sommes pas des criminels voulant nuire à l’environnement écologique.
»
Pour renforcer la protection de l’environnement,
dès 2002, la région a supprimé toutes les activités portant atteinte
à l’environnement écologique, telle l’exploitation d’une mine d’or,
même si cette interdiction a représenté une diminution des revenus
de près de 200 millions de yuans, une baisse de 2 % du PIB
de la région.
Maintenant, sept réserves naturelles, dont Huzhong,
Shuanghe, Nanhonghe et Zuohe, sont classées dans la liste des réserves
naturelles du Heilongjiang et de l’État. Après 17 ans d’efforts,
Mohe, Tuqiang et Amour, qui avaient été touchés par les grands incendies
de forêt de 1987 (une étendue de 1,04 million d’ha) ont rétabli
leur environnement écologique.
L’amélioration des infrastructures
urbaines
De 1964 à 1998, le système des transports et communications
avait accumulé 35 années et tirait de l’arrière sur son temps.
La longueur totale des routes bétonnées représentait moins de 80 km,
sans même parler de l’absence d’autoroute. Cette situation
gênait gravement le développement économique de la région forestière.
En 1998, les autorités locales et le bureau de sylviculture des
Grands Hinggan ont commencé à appliquer activement la politique
d’ouverture sur l’extérieur pour attirer de plus en plus d’hommes
d’affaires et introduire des capitaux étrangers. Pour transformer
radicalement l’aspect arriéré de la région forestière, ils ont renforcé
la construction des infrastructures. De 1998 à 2003, les investissements
ont atteint 1,69 milliard de yuans.
En octobre 2004, la route de haut niveau reliant
Jagdaqi et le village de Beiji (Mohe) sera mise en service.
La construction de cette route accélérera grandement le rythme de
développement du tourisme de la région forestière.
En mai 2004, une liaison aérienne
entre Jagdaqi et Harbin, effectuée par la CAAC, a été mise en service.
Grâce aux politiques préférentielles pour la mise
en valeur de l’Ouest du pays, les travaux de l’aéroport de la ligne
Harbin-village Beiji (Mohe) ont commencé cette année. La construction
de cet aéroport réduira la durée de voyage entre ces deux villes
de 24 h à 4 h. À la frontière entre la Chine et
la Russie, le projet du grand pont enjambant la rivière Luogu, un
des affluents du fleuve Heilongjiang, a été soumis à l’approbation.
La construction de ce pont pourrait grandement promouvoir le commerce
et le tourisme avec la Russie. Son chemin de fer facilitera
le transport des voyageurs.
Actuellement,
Jagdaqi, chef-lieu de la région des Grands Hinggan, dispose de lignes
ferroviaires en liaison directe avec Beijing, Harbin, Shenyang,
Dalian et Mohe. En renforçant les liaisons avec l’extérieur
de la région, l’essor de l’économie forestière est en vue.
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