JUILLET 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Le 7e art français sonde

le cœur du public chinois

Xu Jinglei (à g.) une actrice connue, et Hao Haidong (au centre), joueur de foot vedette sont présents à la cérémonie d’ouverture. (Xiao Huaiyuan)

Le cinéma français a ses institutions consacrées, comme le festival de Cannes, mais il connaît aussi des débuts prometteurs en Chine grâce au premier Panorama du cinéma français qui s’est tenu en avril dernier dans la capitale chinoise. Qu’en disent les différents protagonistes?

Le réalisateur Jacques-Rémy Girerd n’a pas caché son étonnement devant le millier de cinéphiles chinois qui avaient rempli la salle pour visionner la première asiatique de son film La prophétie des grenouilles. « Je n’avais jamais pensé qu’un jour je viendrais dans ce lointain empire du Milieu pour présenter mon film. Je ne m’attendais pas non plus à ce qu’il gagne le cœur de tant de gens », déclara-t-il en acceptant l’ovation debout que les cinéphiles chinois avaient réservée à ce film poétique bien ficelé. Girerd a mis six ans à le compléter et il est considéré par plusieurs comme la réinterprétation de l’arche de Noé.

Des amis qui veulent se comprendre

Girerd faisait partie de la délégation officielle de l’industrie du cinéma français qui était venue en Chine. Celle-ci était composée d’officiers commerciaux, d’artisans du cinéma et de producteurs, et elle avait apporté dix films français produits durant les deux dernières années. Parmi ces films, cinq marquaient le début de leur réalisateur et huit avaient été lancés en France à la fin de 2003. Les œuvres étaient représentatives de la force la plus nouvelle et dynamique de l’industrie française du cinéma. En outre, ce panorama, tout comme les expositions du film chinois en France depuis octobre dernier, marquent les échanges cinématographiques les plus importants entre les deux pays depuis plusieurs décennies. C’est grâce aux contacts continus entre les institutions chinoises et françaises, et notamment au ministre de la Culture de France, M. Jean-Jacques Aillagon,  et de l’ambassade de France en Chine, que ces échanges ont pu se concrétiser. Ainsi, un deuxième panorama du cinéma français aura lieu en 2005.

Selon Li Ershi,  historien de l’Académie du film de Beijing, les films français ne sont pas inconnus des cinéphiles chinois, particulièrement ceux de la génération plus âgée, qui sont familiers avec des films comme Zorro mettant en vedette Alain Delon et la comédie La grande vadrouille réalisée par Gérard Oury. Mais aujourd’hui, les cinéphiles, particulièrement les plus jeunes, connaissent davantage les films à grand succès, notamment ceux qui sont importés des États-Unis depuis le début des années 1990. « En contraste, le nombre de films français présentés aux cinéphiles chinois ces dernières années est vraiment minime », fait remarquer Li.

Pour attirer l’attention du public chinois sur les films français présentés, on avait invité de gros canons du cinéma chinois, dont les Jiang Wen, Xu Jinglei, Jiang Wenli et la vedette sportive Hao Haidong. En outre, tous les films étaient en français, avec sous-titres anglais et chinois. Après le visionnement, réalisateur, producteur, acteurs ou actrices du film présenté répondaient aux questions du public. Ce fut assurément une recette à succès, car tous les visionnements se sont déroulés à guichet fermé.

Qu’en disent les cinéphiles chinois?

« Selon mon expérience, la plupart des films français, sinon tous, ont une intrigue qui se déroule lentement et les protagonistes parlent trop, la plupart du temps d’une manière philosophique », déclare Qu Jia, un étudiant d’université qui a assisté à certaines de ces présentations. « Je pouvais lire les sous-titres, mais bien souvent je n’arrivais pas à suivre le sujet du dialogue. » D’autres cinéphiles ont dit ne pas être habitués à la finale des films français où l’intrigue semble non résolue.

Selon le critique de film Zhao Xingying, c’est une approche qui est rarement adoptée par les films de Hollywood dans lesquels l’histoire se déroule selon un certain modèle et dont l’intrigue connaît un dénouement clair à la fin. Les caractères hollywoodiens sont créés selon certaines « formules éprouvées » et les détails du suspense sont toujours dévoilés à la fin.

Le style narratif français, peu conventionnel, est bien différent de celui utilisé par les réalisateurs de Hollywood, ce qui laisse bien des Chinois perplexes. Par exemple, après avoir visionné Jeux d’enfants, de nombreux cinéphiles chinois ont admis ne pas trop comprendre l’intrigue complexe du film. Mais pour d’autres, cette incompréhension est justement un exemple de la nécessité de tenir un tel panorama du film français.

Pour le Chinois moyen, visionner un film français offre une bonne chance d’apprendre davantage sur ce pays qui s’enorgueillit d’une longue histoire et d’une riche civilisation, tout comme la nation chinoise, dit Gong Hua, directeur du marketing de Titan Sports Weekly, qui est fasciné par l’art et la culture de France et qui a vécu pendant huit ans dans ce pays.

« Le film français, une force majeure dans la famille du film européen, nous offre de nouveaux choix qui sont très différents de ceux des films commerciaux de Hollywood », affirme Mei Feng, un chercheur sur le film chinois du Département du cinéma de l’université Paris 8. Selon ce chercheur, si nous regardons toujours des films commerciaux, faciles à comprendre, nos esprits vont peu à peu s’affadir et nos goûts devenir moins raffinés. Non seulement le cinéphile chinois ordinaire peut bénéficier des films français, mais les professionnels du film chinois peuvent aussi apprendre auprès de leurs homologues français, pour le plus grand bien des films chinois.

Un pas dans la bonne direction

Selon  Margaret Menegoz, présidente d’Unifrance, un organisme de promotion et de coordination de l’industrie cinématographique française, «le Panorama du cinéma français à Beijing est le point de départ d’échanges plus approfondis entre les deux pays». Tong Gang, directeur de l’Administration d’État du film, espère également que les réalisateurs français et chinois collaboreront davantage. Pour sa part, Marc Piton, attaché à l’audio-visuel à l’ambassade de France en Chine, déclare : « Le programme d’échanges culturels Années croisées France-Chine, ainsi que les négociations actuellement en cours entre le Centre national de la cinématographie et l’Administration d’État du film à propos d’un accord de coopération, ont joué un rôle important pour stimuler la concrétisation de ce Panorama du cinéma français. Ainsi, à cette occasion, la délégation française a aussi rencontré des officiels de haut rang de l’industrie chinoise du cinéma, et au moins trente réalisateurs et artistes chinois, dont Chen Kaige, Zhang Yimou et Feng Xiaogang. Le milieu du cinéma français considère que le marché chinois a un énorme potentiel, car par tradition, le film français était présenté à la télévision et beaucoup moins au cinéma. Toutefois en 2004, quatre films français ont été présentés sur les écrans chinois, dont Wasabi et Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk, Le peuple migrateur de Jacques Perrin et Belphegor : le fantôme du Louvre de Jean-Paul Salomé.

L’espoir nourri : que ce panorama soit étendu à d’autres villes chinoises pour dynamiser la distribution du film français en Chine.

Extraits d’un article de Zhu Linyong publié dans le China Daily.