Le
7e art français sonde
le
cœur du public chinois
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Xu Jinglei (à g.) une actrice
connue, et Hao Haidong (au centre), joueur de foot vedette
sont présents à la cérémonie d’ouverture. (Xiao Huaiyuan) |
Le cinéma français
a ses institutions consacrées, comme le festival de Cannes, mais
il connaît aussi des débuts prometteurs en Chine grâce au premier
Panorama du cinéma français qui s’est tenu en avril dernier dans
la capitale chinoise. Qu’en disent les différents protagonistes?
Le réalisateur Jacques-Rémy Girerd
n’a pas caché son étonnement devant le millier de cinéphiles chinois
qui avaient rempli la salle pour visionner la première asiatique
de son film La prophétie des grenouilles. « Je n’avais
jamais pensé qu’un jour je viendrais dans ce lointain empire du
Milieu pour présenter mon film. Je ne m’attendais pas non plus à
ce qu’il gagne le cœur de tant de gens », déclara-t-il en acceptant
l’ovation debout que les cinéphiles chinois avaient réservée à ce
film poétique bien ficelé. Girerd a mis six ans à le compléter et
il est considéré par plusieurs comme la réinterprétation de l’arche
de Noé.
Des amis qui veulent se comprendre
Girerd faisait partie de la délégation officielle
de l’industrie du cinéma français qui était venue en Chine. Celle-ci
était composée d’officiers commerciaux, d’artisans du cinéma et
de producteurs, et elle avait apporté dix films français produits
durant les deux dernières années. Parmi ces films, cinq marquaient
le début de leur réalisateur et huit avaient été lancés en France
à la fin de 2003. Les œuvres étaient représentatives de la force
la plus nouvelle et dynamique de l’industrie française du cinéma.
En outre, ce panorama, tout comme les expositions du film chinois
en France depuis octobre dernier, marquent les échanges cinématographiques
les plus importants entre les deux pays depuis plusieurs décennies.
C’est grâce aux contacts continus entre les institutions chinoises
et françaises, et notamment au ministre de la Culture de France,
M. Jean-Jacques Aillagon, et de l’ambassade de France en Chine,
que ces échanges ont pu se concrétiser. Ainsi, un deuxième panorama
du cinéma français aura lieu en 2005.
Selon Li Ershi, historien de l’Académie du film
de Beijing, les films français ne sont pas inconnus des cinéphiles
chinois, particulièrement ceux de la génération plus âgée, qui sont
familiers avec des films comme Zorro mettant en vedette Alain
Delon et la comédie La grande vadrouille réalisée par Gérard
Oury. Mais aujourd’hui, les cinéphiles, particulièrement les plus
jeunes, connaissent davantage les films à grand succès, notamment
ceux qui sont importés des États-Unis depuis le début des années
1990. « En contraste, le nombre de films français présentés aux
cinéphiles chinois ces dernières années est vraiment minime »,
fait remarquer Li.
Pour attirer l’attention du public
chinois sur les films français présentés, on avait invité de gros
canons du cinéma chinois, dont les Jiang Wen, Xu Jinglei, Jiang
Wenli et la vedette sportive Hao Haidong. En outre, tous les films
étaient en français, avec sous-titres anglais et chinois. Après
le visionnement, réalisateur, producteur, acteurs ou actrices du
film présenté répondaient aux questions du public. Ce fut assurément
une recette à succès, car tous les visionnements se sont déroulés
à guichet fermé.
Qu’en disent les cinéphiles
chinois?
« Selon mon expérience, la plupart
des films français, sinon tous, ont une intrigue qui se déroule
lentement et les protagonistes parlent trop, la plupart du temps
d’une manière philosophique », déclare Qu Jia, un étudiant
d’université qui a assisté à certaines de ces présentations. « Je
pouvais lire les sous-titres, mais bien souvent je n’arrivais pas
à suivre le sujet du dialogue. » D’autres cinéphiles ont dit ne
pas être habitués à la finale des films français où l’intrigue semble
non résolue.
Selon le critique de film Zhao
Xingying, c’est une approche qui est rarement adoptée par les films
de Hollywood dans lesquels l’histoire se déroule selon un certain
modèle et dont l’intrigue connaît un dénouement clair à la fin.
Les caractères hollywoodiens sont créés selon certaines « formules
éprouvées » et les détails du suspense sont toujours dévoilés
à la fin.
Le style narratif français, peu
conventionnel, est bien différent de celui utilisé par les réalisateurs
de Hollywood, ce qui laisse bien des Chinois perplexes. Par exemple,
après avoir visionné Jeux d’enfants, de nombreux cinéphiles
chinois ont admis ne pas trop comprendre l’intrigue complexe du
film. Mais pour d’autres, cette incompréhension est justement un
exemple de la nécessité de tenir un tel panorama du film français.
Pour le Chinois moyen, visionner
un film français offre une bonne chance d’apprendre davantage sur
ce pays qui s’enorgueillit d’une longue histoire et d’une riche
civilisation, tout comme la nation chinoise, dit Gong Hua, directeur
du marketing de Titan Sports Weekly, qui est fasciné
par l’art et la culture de France et qui a vécu pendant huit ans
dans ce pays.
« Le film français, une force majeure
dans la famille du film européen, nous offre de nouveaux choix qui
sont très différents de ceux des films commerciaux de Hollywood
», affirme Mei Feng, un chercheur sur le film chinois du Département
du cinéma de l’université Paris 8. Selon ce chercheur, si nous regardons
toujours des films commerciaux, faciles à comprendre, nos esprits
vont peu à peu s’affadir et nos goûts devenir moins raffinés. Non
seulement le cinéphile chinois ordinaire peut bénéficier des films
français, mais les professionnels du film chinois peuvent aussi
apprendre auprès de leurs homologues français, pour le plus grand
bien des films chinois.
Un pas dans la bonne direction
Selon Margaret Menegoz, présidente d’Unifrance,
un organisme de promotion et de coordination de l’industrie cinématographique
française, «le Panorama du cinéma français à Beijing est le point
de départ d’échanges plus approfondis entre les deux pays». Tong
Gang, directeur de l’Administration d’État du film, espère également
que les réalisateurs français et chinois collaboreront davantage.
Pour sa part, Marc Piton, attaché à l’audio-visuel à l’ambassade
de France en Chine, déclare : « Le programme d’échanges
culturels Années croisées France-Chine, ainsi que les négociations
actuellement en cours entre le Centre national de la cinématographie
et l’Administration d’État du film à propos d’un accord de coopération,
ont joué un rôle important pour stimuler la concrétisation de ce
Panorama du cinéma français. Ainsi, à cette occasion, la délégation
française a aussi rencontré des officiels de haut rang de l’industrie
chinoise du cinéma, et au moins trente réalisateurs et artistes
chinois, dont Chen Kaige, Zhang Yimou et Feng Xiaogang. Le milieu
du cinéma français considère que le marché chinois a un énorme potentiel,
car par tradition, le film français était présenté à la télévision
et beaucoup moins au cinéma. Toutefois en 2004, quatre films français
ont été présentés sur les écrans chinois, dont Wasabi et
Fanfan la Tulipe de Gérard Krawczyk, Le peuple migrateur
de Jacques Perrin et Belphegor : le fantôme du Louvre
de Jean-Paul Salomé.
L’espoir nourri : que ce panorama
soit étendu à d’autres villes chinoises pour dynamiser la distribution
du film français en Chine.
Extraits d’un article
de Zhu Linyong publié dans le China Daily.
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