Mars 2004 marquait une nouvelle
floraison de pavot somnifère. Nous étions partis de Kunming, capitale
de la province du Yunnan, et après avoir traversé au Myanmar via
Simao, ville située dans le district autonome des ethnies minoritaires
dai, lagu et va de Menglian de cette province, nous sommes entrés
dans le Triangle d’or, aujourd’hui, le plus grand centre de production
d’opium dans le monde. Le district possède deux ports terrestres
qui y donnent accès.
Le Triangle
d’or est une notion géographique qui désigne la convergence des
frontières entre le Myanmar, le Laos et la Thaïlande. Confinant
avec la frontière de la Chine, le Triangle d’or a une superficie
totale de 2 millions de km2 et compte 2 millions
d’habitants. C’est une région qui exploite en abondance non seulement
l’or et le teck, mais aussi l’opium et l’héroïne.
Le front
de la lutte contre la drogue
La
frontière entre la Chine et le Myanmar du district de Menglian
s’étire sur plus de 130 km. Sur celle-ci, on compte au total
18 passages, des grands et des plus petits, et quatre villes sino-birmanes .
Du côté chinois, il y a deux passages importants entre les deux
pays, le bourg de Mengxin et le port de Meng’a, qui conduisent
respectivement au district de Mengbo et à la ville de Phekhon,
chef-lieu de l’État shan du Myanmar. Le port de Menglian entretient
toujours une relation commerciale avec le Myanmar et la Thaïlande.
Le commerce et le tourisme frontaliers sont prospères. À cause
du transport facile, les narcotrafiquants considèrent ce port
comme un passage important pour le trafic transfrontalier de la
drogue.
Étant
donné la prospérité du commerce frontalier, les gardes-frontières
y maintiennent toujours une grande vigilance. Il y a peu, en
quatre heures, le poste d’inspection des frontières a découvert
trois affaires de trafic de drogue. On a arrêté cinq criminels,
saisi 2 262 kg d’héroïne et 1 865 kg d’opium.
Il
existe beaucoup d’histoires sur la coopération internationale
liée à la lutte contre la drogue. Un jour, la police chinoise
a découvert qu’il y avait un point de transformation de la morphine
dans un village du Myanmar. Selon le principe de l’« échange
des renseignements et de la prise d’actions communes », les
polices des deux pays ont coopéré étroitement et ont attaqué ce
point de transformation. On a alors arrêté douze criminels.
À une autre occasion, c'est en Chine que la police du Myanmar
a découvert la cible qu’elle cherchait. La police chinoise lui
a alors permis d’entrer au pays et de prendre action. De cette
façon, le temps de trajet pour la poursuite a été réduit de trois
jours et 72 suspects ont été arrêtés. La coopération internationale
joue un grand rôle dans la lutte contre le trafic de la drogue.
Pour diminuer le fléau de la drogue à l’intérieur du pays, le
poste de défense des frontières du Yunnan constitue la première
ligne solide pour bloquer l’entrée de la drogue; les gardes-frontières
et les policiers sont fin prêts à attaquer tout criminel à tout
moment.
Étendre
la grande muraille verte au Triangle d’or
Un
grand nombre de véhicules passent la frontière au port de Meng’a
de Menglian. Chaque jour, 26 autocars font la navette entre la
Chine et le Myanmar. L’exploitation commerciale et économique
est animée dans cette région frontalière. Chaque année, 150 000
personnes entrent en Chine et en sortent à cet endroit. En importance,
c’est le premier passage ouvert sur l’extérieur pour le district
de Menglian.
La Chine et
le Myanmar sont séparés par la rivière Nanka. Phekhon, chef-lieu
de la deuxième région spéciale de l’État shan (aussi appelé État
Wa), se trouve de l’autre côté de cette rivière. Située au nord-est
du Myanmar, cette deuxième région spéciale de l’État shan est
voisine des régions de Lincang et de Simao, au Yunnan. Cette région
a une superficie de 30 000 km2 et compte
60 000 habitants, dont 70 % sont des Wa. Après le renversement
du groupe des Karen en 1996, le gouvernement régional des Wa est
devenu le plus grand pouvoir local du Triangle d’Or.
La
région urbaine de Phekhon, située à moins de 2 km du port
de Meng’a, ressemble beaucoup à une petite ville chinoise. Dans
la rue, presque toutes les enseignes de magasins sont écrites
en chinois. Bon nombre de boutiques sont tenues par des Chinois.
Ces derniers n'ont aucunement l'impression d'être à l’étranger.
Lao Yang est un journaliste du Yunnan. À plusieurs reprises ces
deux dernières années, il a effectué des reportages sur le Triangle
d’Or. Selon lui, Phekhon a connu un grand changement. Autrefois,
on n’y trouvait qu’une vieille rue bordée de maisons délabrées.
Aujourd'hui, le développement économique lui a apporté la prospérité.
Depuis
le milieu des années 1990, poussé par la communauté internationale
et la province du Yunnan de Chine, le gouvernement de cette région
a élaboré un nouveau programme. D’après celui-ci, en 2005, on
aura atteint l’objectif d’éradiquer totalement la drogue dans
cette région. Les districts chinois tout près se sont impliqués
activement par des fonds et des forces techniques pour aider à
la culture de plantes de remplacement. Pour l’heure, on y a déjà
planté des dizaines de milliers de mu (un mu = 1 / 15
d'hectare) d'arbres à caoutchouc, de caféiers et d’arbres fruitiers.
En outre, on a déjà aidé cette région à construire des infrastructures
de transport, d’énergie, de tourisme et de commerce.
Un responsable
d’un département de l’État Wa, a déclaré : « La décision
d’arrêter de façon planifiée et progressive la plantation de l’opium
a déjà été prise par le gouvernement de l'État Wa. Bien entendu,
les gens de cette région cultivent l’opium depuis plus de 100 ans,
il est très difficile de changer cette habitude. Groupe par groupe
et région par région, nous sommes en train de prendre des mesures
pour proscrire la plantation de l’opium. Au fur et à mesure, nous
devons construire des routes, exploiter des mines, développer
le commerce et implanter des cultures de remplacement. Ce n’est
que lorsqu’ils auront trouvé d’autres moyens de subsistance que
les paysans pourront se débarrasser de la plantation de pavot».
Ces dernières
années, certaines sociétés du Yunnan, surtout la Société du caoutchouc
du district de Menglian, qui confine avec cette région du Myanmar,
et des spécialistes agricoles et sylvicoles du district de Lancang,
sont venus aider les paysans de cette région. Ils leur ont appris
à cultiver le riz et à exploiter les arbres à caoutchouc et les
arbres fruitiers; les semences et les engrais chimiques sont même
fournis par la partie chinoise. D’ailleurs, dans certains endroits,
après la récolte, les produits de ces cultures sont négociés au
prix d’achat de l’intérieur de la Chine. Cela a suscité l’enthousiasme
des paysans pour l'exploitation de ces cultures. L'expansion de
l'exploitation des cultures de substitution a non seulement résolu
leur problème de subsistance, mais leur a permis d’obtenir une
source financière stable. Maintenant, les techniciens chinois
apprennent à ces agriculteurs à cultiver des fleurs, du colza,
etc., selon les conditions locales. Au fur et à mesure de l’amélioration
de leurs conditions de vie, ayant trouvé un autre moyen de subsistance,
beaucoup d’agriculteurs abandonnent la plantation du pavot.
Il y a quelques
années, lors d'une tournée d’inspection au Yunnan, un responsable
du Programme des Nations unies pour le contrôle international
des drogues (PNUCID) a hautement apprécié l’aide que la province
du Yunnan avait fournie au Myanmar dans les cultures de substitution.
« La Chine a aidé ses pays voisins à exploiter des cultures
de remplacement, a-t-il dit. Cela a été fait d’une façon indépendante
et sans aide des Nations unies. Les résultats sont plus importants
que ce que j’avais prévu. » L’expérience du Yunnan
montre à la communauté mondiale que les cultures de remplacement
peuvent réussir. Cette expérience a fourni une preuve suffisamment
convaincante pour que les Nations unies fixent une nouvelle stratégie
de prohibition de la drogue. » D’après lui, ce serait un
moyen vraiment efficace si la communauté mondiale fournissait
des fonds pour que la province chinoise du Yunnan et d’autres
pays aident le Triangle d’or à remplacer la culture illicite par
des cultures permises.
De belles
fleurs qui cachent des crimes horribles
Si l’on traverse
la frontière par le bourg de Mengxin, on voit une tout autre scène.
À ce port, il y a moins de véhicules et de personnes qu’au port
de Meng’a. C’est un passage de transit des marchandises et des
voyageurs. Des camions chargés de bois viennent du Myanmar; du
bois d’œuvre est entassé au bord de la route. Si l’on traverse
la frontière à pied, au bord de la route on voit la borne no 200,
écrite en chinois et en birman. Au sud de la borne, c’est la
région montagneuse de la deuxième zone spéciale de l’État shan
du Myanmar.
À quelque
cent mètres de la frontière, apparaissent sur la pente de vastes
champs de pavot, une sorte de belle grande fleur de couleurs blanche,
rose et violette. Mais derrière la beauté de ces fleurs ravissantes,
se cachent des crimes horribles.
Le pavot appartient
à la famille des papavéracées et on en trouve de nombreuses espèces.
Toutefois, seulement deux variétés fournissent l’opium. Dans le
Triangle d’or, on produit actuellement une sorte seulement parmi
les deux types de pavot à opium.
À moins d’un
kilomètre des champs de pavot, sous un grand rocher, habite une
famille de paysans qui en cultive. Le couple et ses deux fils
gagnent leur vie de cette culture. Yao Yu, la femme de cette famille,
est originaire de l’ethnie suli du Yunnan et elle a émigré au
Myanmar. Dès ce moment, sa famille a commencé à cultiver le pavot.
« On
sème du pavot en novembre chaque année et on le voit fleurir en
février de la deuxième année, a expliqué Yao Yu; par la suite,
cette plante donne une capsule verte aussi grande qu’un œuf.
Dès que la capsule croît, ce qui prend environ deux semaines,
on commence à récolter de l’opium. Avec un couteau spécial, on
découpe la capsule à la verticale, et un latex blanc en coule
qui devient un collant brun au contact de l’air. C’est l’opium.
On peut découper une capsule à six reprises pour obtenir 80 mg
d’opium. Un hectare de pavot peut produire de 8 à 15 kg
d’opium. Au moment de la récolte, le cultivateur lèche souvent
la lame de son couteau pour que celui-ci n’adhère pas au latex.
C’est ainsi qu’il se drogue progressivement.
La
famille de Yao Yu cultive de l’opium, en récolte et en vend d’année
en année, mais cela ne lui permet pas de mener une vie aisée.
Drogué depuis longtemps, son mari est retourné à Menglian pour
se sevrer de la drogue, mais en vain, il est retombé dans sa vie
d’autrefois.
Pour connaître
l’histoire de la plantation du pavot dans le Triangle d’or, il
faut remonter au XIXe siècle. Avant cette époque,
les gens de l’endroit ne connaissaient pas cette plante. Ils
gagnaient leur vie en cultivant le maïs et en chassant. On doit
attendre 1825 pour que les colonialistes anglais entrent dans
cette région et qu’ils y sèment la première graine de pavot.
Pour assurer une quantité suffisante d’opium, ils utilisèrent
même le paiement d’avance pour attirer les paysans à en cultiver.
Maintenant, certains paysans n’ont jamais planté autre chose que
du pavot. La production de l’opium est leur seul moyen de subsistance.
Comme Martin Bouth l’a écrit dans History of Opium :« Il
y a toute une histoire criminelle derrière cette plante simple.
» Comme tous les cultivateurs du Triangle d’or, la famille de
Yao Yu gagne sa vie à planter du pavot, mais elle est exploitée
par les acheteurs ; la famille doit vendre l’opium à bas
prix. Plus de 10 kg d’opium lui rapportent seulement quelque
mille yuans.
Selon le rapport
annuel du PNUCID, dans la région du Triangle d’or, le Myanmar
est encore le plus grand producteur d’opium du monde. Sa production
représente de 50-60 % de la production mondiale. Non seulement
le PNUCID, mais aussi le FBI et les chercheurs chinois sur la
drogue sont unanimes à estimer que la production totale d’opium
de l’État Wa représente de 70 à 80 % de celle de toute la
région du Triangle d’or. Beaucoup d’analystes dans ce domaine
croient que la production d’opium de cet État oriente la tendance
de celle du Triangle d’or. Toutes ces données et ces points de
vue font que l’État Wa est le centre du Triangle d’or. Selon
les statistiques des départements concernés, la superficie plantée
en pavot dans le Triangle d’or touche encore plus de 100 000 hectares.
D’après ces chiffres, l’État Wa, dont la production représente
80 % de celle du Triangle d’or, garderait encore une superficie
de 80 000 hectares de pavot.
Selon les
promesses du gouvernement de cet État, bien que le jour où la
la plantation de pavot sera complètement interdite ne soit plus
très loin (2005), la famille de Yao Yu, sans instruction, n’aurait
pu imaginer vivre sans planter du pavot.
DENG
SHULIN
Fruits
de la coopération internationale dans l’interdiction de la drogue
La province
du Yunnan dispose d’une frontière terrestre de 4 000 km avec
le Triangle d’or. Depuis des années, le gouvernement et la police
s’efforcent de procéder à une coopération régionale ou bilatérale
avec les pays de cette région. La Chine soutient ardemment et
stimule la coopération sub-régionale proposée par les Nations
unies. La Chine, le Myanmar, le Laos et la Thaïlande ont conjointement
effectué des enquêtes sur la situation de la drogue dans la région
arrosée par le Mékong. En plus, la Chine a signé avec le Myanmar,
le Laos, le Vietnam et la Thaïlande, le Mémorandum d’entente sur
le contrôle des stupéfiants. La lutte contre la drogue menée
par la Chine et ces pays avance d’une façon satisfaisante. Ces
coopérations comprennent l’échange de renseignements, la coopération
dans la lutte contre les activités criminelles et la formation
du personnel pour l’application de la loi.
L’année
dernière, les services de la police chinoise, de concert avec
la police birmane et laotienne, a attaqué 38 activités criminelles,
détruit 3 ateliers de transformation de drogue, saisi 281 kg d’héroïne,
8 kg de méthamphétamine et 429 kg d’opium. La Chine
continuera à coopérer avec ces pays pour résoudre le problème
de la drogue dans cette région.
Cette
année, on a obtenu encore de nouveaux résultats dans la coopération
internationale liée à la lutte contre la drogue. Le 12 février,
la police chinoise et celle des Philippines ont élucidé une affaire
de trafic transfrontalier de drogue. Les deux pays ont arrêté
5 suspects et saisi 296 kg de méthamphétamine (une valeur
de 100 millions de yuans) et saisi le revenu de ce trafic de drogue
équivalant à 1,97 million de yuans.
Parallèlement,
le gouvernement chinois a renforcé la coopération avec les États-Unis,
les Philippines, le Japon, la Corée du Sud et les Pays-Bas dans
le domaine de l’échange des renseignements et de l’aide juridique.
Pour
éradiquer le problème de la source de la drogue, à partir des
années 90, la province du Yunnan a été la première à coopérer
avec les pays voisins et des organisations locales pour développer
les cultures de substitution dont la superficie atteint maintenant
30 000 hectares. Ce « Projet vert du contrôle de la drogue »
est hautement apprécié par la communauté internationale.
Situation
de la lutte contre la drogue au Yunnan
La
police, l’armée, la douane et la population de cette province
ont établi en coordination près de la frontière, à l’intérieur
de la province, aux aéroports, aux gares d’autobus et aux quais
des gares trois lignes pour empêcher la drogue d’entrer en Chine.
On
compte 152 équipes professionnelles de contrôle de la drogue avec
un effectif de 2 200 personnes. C’est en 1982 que la première
équipe professionnelle de ce genre a été établie, après la fondation
de la Commission de contrôle de la drogue de la province du Yunnan
de Chine. De 1982 à 2003, la province du Yunnan a enregistré
de brillants résultats dans cette lutte. Pendant cette période,
on a élucidé 125 000 affaires liées à la drogue, arrêté 168 000
suspects, capturé 116,7 tonnes de drogue et découvert 1 985 tonnes
de toutes sortes de produits chimiques illicites utilisés dans
la production de la drogue.
« Projet
vert du contrôle de la drogue » au Yunnan
Pour
éradiquer la source de la drogue, à partir du milieu des années
90, la province du Yunnan a entamé une coopération avec le gouvernement
des pays voisins et les organisations locales, afin d’aider la
région où se cultive le pavot à développer des cultures de substitution,
ce qui a été appelé le « Projet vert du contrôle de la drogue ».
Depuis
la mise en place de ce projet, la province du Yunnan a utilisé
500 millions de yuans pour fournir de bonnes variétés de semences
de céréales et 1 million de jeunes plants au Myanmar et au Laos.
Parallèlement, elle a envoyé 3 000 techniciens apprendre aux paysans
à cultiver le riz, la canne à sucre, le caoutchouc, des fruits
et des légumes, etc. La superficie totale des cultures de substitution
a atteint 445 000 millions de mu
La première
et la quatrième zone spéciales de l’État shan du Myanmar, trois
provinces du Laos (Phongsaly, Luangnamtha, Oudomxay) cultivent
plus 200 000 mu de riz hybride, de canne à sucre, de caoutchouc
et de thé. Dans ces régions, la superficie de pavot a beaucoup
diminué. Selon les chiffres fournis par les départements concernés,
la superficie cultivée en pavot au Myanmar et celle au Laos ont
respectivement diminué de 24 % et de 15 % ces dernières
années. La province du Yunnan a aidé par divers moyens les paysans
de cette région à trouver un autre moyen de subsistance que le
pavot.
Ce projet est
déjà une façon de faire et se généralise peu à peu. D’après le
PNUCID, le « Projet vert du contrôle de la drogue »
est un événement sans précédent dans l’histoire mondiale du contrôle
de la drogue et une grande cause qui ne peut qu’apporter du bien-être
à l’humanit