JUILLET 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Enquête au front de la lutte contre la drogue au Yunnan

---- le Triangle d’or où fleurit le pavot

Une histoire de coopération internationale qui porte ses fruits dans un domaine concernant non seulement les paysans de ces régions, mais également l’humanité entière.

Mars 2004 marquait une nouvelle floraison de pavot somnifère. Nous étions partis de Kunming, capitale de la province du Yunnan, et après avoir traversé au Myanmar via Simao, ville située dans le district autonome des ethnies minoritaires dai, lagu et va de Menglian de cette province, nous sommes entrés dans le Triangle d’or, aujourd’hui, le plus grand centre de production d’opium dans le monde. Le district possède deux ports terrestres qui y donnent accès.

Le Triangle d’or est une notion géographique qui désigne la convergence des frontières entre le Myanmar, le Laos et la Thaïlande. Confinant avec la frontière de la Chine, le Triangle d’or a une superficie totale de 2 millions de km2 et compte 2 millions d’habitants.  C’est une région qui exploite en abondance non seulement l’or et le teck, mais aussi l’opium et l’héroïne.

Le front de la lutte contre la drogue

La frontière entre la Chine et le Myanmar du district de Menglian s’étire sur plus de 130 km. Sur celle-ci, on compte au total 18 passages, des grands et des plus petits, et quatre villes sino-birmanes .  Du côté chinois, il y a deux passages importants entre les deux pays, le bourg de Mengxin et le port de Meng’a, qui conduisent respectivement au district de Mengbo et à la ville de Phekhon, chef-lieu de l’État shan du Myanmar.  Le port de Menglian entretient toujours une relation commerciale avec le Myanmar et la Thaïlande. Le commerce et le tourisme frontaliers sont prospères.  À cause du transport facile, les narcotrafiquants considèrent ce port comme un passage important pour le trafic transfrontalier de la drogue.

Étant donné la prospérité du commerce frontalier, les gardes-frontières y maintiennent toujours une grande vigilance.  Il y a peu, en quatre heures, le poste d’inspection des frontières a découvert trois affaires de trafic de drogue.  On a arrêté cinq criminels, saisi 2 262 kg d’héroïne et 1 865 kg d’opium. 

Il existe beaucoup d’histoires sur la coopération internationale liée à la lutte contre la drogue.  Un jour, la police chinoise a découvert qu’il y avait un point de transformation de la morphine dans un village du Myanmar.  Selon le principe de l’« échange des renseignements et de la prise d’actions communes », les polices des deux pays ont coopéré étroitement et ont attaqué ce point de transformation.  On a alors arrêté douze criminels.  À une autre occasion, c'est en Chine que la police du Myanmar a découvert la cible qu’elle cherchait.  La police chinoise lui a alors permis d’entrer au pays et de prendre action. De cette façon, le temps de trajet pour la poursuite a été réduit de trois jours et 72 suspects ont été arrêtés.  La coopération internationale joue un grand rôle dans la lutte contre le trafic de la drogue.  Pour diminuer le fléau de la drogue à l’intérieur du pays, le poste de défense des frontières du Yunnan constitue la première ligne solide pour bloquer l’entrée de la drogue; les gardes-frontières et les policiers sont fin prêts à attaquer tout criminel à tout moment.

Étendre la grande muraille verte au Triangle d’or

Un grand nombre de véhicules passent la frontière au port de Meng’a de Menglian.  Chaque jour, 26 autocars font la navette entre la Chine et le Myanmar. L’exploitation commerciale et économique est animée dans cette région frontalière. Chaque année, 150 000 personnes entrent en Chine et en sortent à cet endroit. En importance, c’est le premier passage ouvert sur l’extérieur pour le district de Menglian.

La Chine et le Myanmar sont séparés par la rivière Nanka. Phekhon, chef-lieu de la deuxième région spéciale de l’État shan (aussi appelé État Wa), se trouve de l’autre côté de cette rivière. Située au nord-est du Myanmar, cette deuxième région spéciale de l’État shan est voisine des régions de Lincang et de Simao, au Yunnan. Cette région a une superficie de 30 000 km2 et compte 60 000 habitants, dont 70 % sont des Wa.  Après le renversement du groupe des Karen en 1996, le gouvernement régional des Wa est devenu le plus grand pouvoir local du Triangle d’Or.

La région urbaine de Phekhon, située à moins de 2 km du port de Meng’a,  ressemble beaucoup à une petite ville chinoise.  Dans la rue, presque toutes les enseignes de magasins sont écrites en chinois.  Bon nombre de boutiques sont tenues par des Chinois. Ces derniers n'ont aucunement l'impression d'être à l’étranger. Lao Yang est un journaliste du Yunnan. À plusieurs reprises ces deux dernières années, il a effectué des reportages sur le Triangle d’Or. Selon lui, Phekhon a connu un grand changement.  Autrefois, on n’y trouvait qu’une vieille rue bordée de maisons délabrées. Aujourd'hui, le développement économique lui a apporté la prospérité.

Depuis le milieu des années 1990, poussé par la communauté internationale et la province du Yunnan de Chine, le gouvernement de cette région a élaboré un nouveau programme. D’après celui-ci, en 2005, on aura atteint l’objectif d’éradiquer totalement la drogue dans cette région.  Les districts chinois tout près se sont impliqués activement par des fonds et des forces techniques pour aider à la culture de plantes de remplacement.  Pour l’heure, on y a déjà planté des dizaines de milliers de mu (un mu = 1 / 15 d'hectare) d'arbres à caoutchouc, de caféiers et d’arbres fruitiers.  En outre, on a déjà aidé cette région à construire des infrastructures de transport, d’énergie, de tourisme et de commerce.

Un responsable d’un département de l’État Wa, a déclaré : « La décision d’arrêter de façon planifiée et progressive la plantation de l’opium a déjà été prise par le gouvernement de l'État Wa. Bien entendu, les gens de cette région cultivent l’opium depuis plus de 100 ans, il est très difficile de changer cette habitude. Groupe par groupe et région par région, nous sommes en train de prendre des mesures pour proscrire la plantation de l’opium. Au fur et à mesure, nous devons construire des routes, exploiter des mines, développer le commerce et implanter des cultures de remplacement.  Ce n’est que lorsqu’ils auront trouvé d’autres moyens de subsistance que les paysans pourront se débarrasser de la plantation de pavot».

Ces dernières années, certaines sociétés du Yunnan, surtout la Société du caoutchouc du district de Menglian, qui confine avec cette région du Myanmar, et des spécialistes agricoles et sylvicoles du district de Lancang, sont venus aider les paysans de cette région. Ils leur ont appris à cultiver le riz et à exploiter les arbres à caoutchouc et les arbres fruitiers; les semences et les engrais chimiques sont même fournis par la partie chinoise.  D’ailleurs, dans certains endroits, après la récolte, les produits de ces cultures sont négociés au prix d’achat de l’intérieur de la Chine. Cela a suscité l’enthousiasme des paysans pour l'exploitation de ces cultures. L'expansion de l'exploitation des cultures de substitution a non seulement résolu leur problème de subsistance, mais leur a permis d’obtenir une source financière stable.  Maintenant, les techniciens chinois apprennent à ces agriculteurs à cultiver des fleurs, du colza, etc., selon les conditions locales.  Au fur et à mesure de l’amélioration de leurs conditions de vie, ayant trouvé un autre moyen de subsistance, beaucoup d’agriculteurs abandonnent la plantation du pavot.

Il y a quelques années, lors d'une tournée d’inspection au Yunnan, un responsable du Programme des Nations unies pour le contrôle international des drogues (PNUCID) a hautement apprécié l’aide que la province du Yunnan avait fournie au Myanmar dans les cultures de substitution.  « La Chine a aidé ses pays voisins à exploiter des cultures de remplacement, a-t-il dit. Cela a été fait d’une façon indépendante et sans aide des Nations unies.  Les résultats sont plus importants que ce que j’avais prévu. »          L’expérience du Yunnan montre à la communauté mondiale que les cultures de remplacement peuvent réussir. Cette expérience a fourni une preuve suffisamment convaincante pour que les Nations unies fixent une nouvelle stratégie de prohibition de la drogue. » D’après lui, ce serait un moyen vraiment efficace si la communauté mondiale fournissait des fonds pour que la province chinoise du Yunnan et d’autres pays aident le Triangle d’or à remplacer la culture illicite par des cultures permises.

De belles fleurs qui cachent des crimes horribles

Si l’on traverse la frontière par le bourg de Mengxin, on voit une tout autre scène.  À ce port, il y a moins de véhicules et de personnes qu’au port de Meng’a.  C’est un passage de transit des marchandises et des voyageurs.  Des camions chargés de bois viennent du Myanmar; du bois d’œuvre est entassé au bord de la route.  Si l’on traverse la frontière à pied, au bord de la route on voit la borne n200, écrite en chinois et en birman.  Au sud de la borne, c’est la région montagneuse de la deuxième zone spéciale de l’État shan du Myanmar. 

À quelque cent mètres de la frontière, apparaissent sur la pente de vastes champs de pavot, une sorte de belle grande fleur de couleurs blanche, rose et violette.  Mais derrière la beauté de ces fleurs ravissantes, se cachent des crimes horribles.

Le pavot appartient à la famille des papavéracées et on en trouve de nombreuses espèces. Toutefois, seulement deux variétés fournissent l’opium. Dans le Triangle d’or, on produit actuellement une sorte seulement parmi les deux types de pavot à opium. 

À moins d’un kilomètre des champs de pavot, sous un grand rocher, habite une famille de paysans qui en cultive.  Le couple et ses deux fils gagnent leur vie de cette culture. Yao Yu, la femme de cette famille, est originaire de l’ethnie suli du Yunnan et elle a émigré au Myanmar.  Dès ce moment, sa famille a commencé à cultiver le pavot.

« On sème du pavot en novembre chaque année et on le voit fleurir en février de la deuxième année, a expliqué Yao Yu; par la suite, cette plante donne une capsule verte aussi grande qu’un œuf.  Dès que la capsule croît, ce qui prend environ deux semaines, on commence à récolter de l’opium.  Avec un couteau spécial, on découpe la capsule à la verticale, et un latex blanc en coule qui devient un collant brun au contact de l’air. C’est l’opium.  On peut découper une capsule à six reprises pour obtenir 80 mg d’opium.  Un hectare de pavot peut produire de 8 à 15 kg d’opium.  Au moment de la récolte, le cultivateur lèche souvent la lame de son couteau pour que celui-ci n’adhère pas au latex.  C’est ainsi qu’il se drogue progressivement.

La famille de Yao Yu cultive de l’opium, en récolte et en vend d’année en année, mais cela ne lui permet pas de mener une vie aisée.  Drogué depuis longtemps, son mari est retourné à Menglian pour se sevrer de la drogue, mais en vain, il est retombé dans sa vie d’autrefois.

Pour connaître l’histoire de la plantation du pavot dans le Triangle d’or, il faut remonter au XIXe siècle.  Avant cette époque, les gens de l’endroit ne connaissaient pas cette plante.  Ils gagnaient leur vie en cultivant le maïs et en chassant.  On doit attendre 1825 pour que les colonialistes anglais entrent dans cette région et qu’ils y sèment la première graine de pavot.  Pour assurer une quantité suffisante d’opium, ils utilisèrent même le paiement d’avance pour attirer les paysans à en cultiver.  Maintenant, certains paysans n’ont jamais planté autre chose que du pavot. La production de l’opium est leur seul moyen de subsistance.  Comme Martin Bouth l’a écrit dans History of Opium :« Il y a toute une histoire criminelle derrière cette plante simple.  » Comme tous les cultivateurs du Triangle d’or, la famille de Yao Yu gagne sa vie à planter du pavot, mais elle est exploitée par les acheteurs ; la famille doit vendre l’opium à bas prix.  Plus de 10 kg d’opium lui rapportent seulement quelque mille yuans.

Selon le rapport annuel du PNUCID, dans la région du Triangle d’or, le Myanmar est encore le plus grand producteur d’opium du monde.  Sa production représente de 50-60 % de la production mondiale.  Non seulement le PNUCID, mais aussi le FBI et les chercheurs chinois sur la drogue sont unanimes à estimer que la production totale d’opium de l’État Wa représente de 70 à 80 % de celle de toute la région du Triangle d’or. Beaucoup d’analystes dans ce domaine croient que la production d’opium de cet État oriente la tendance de celle du Triangle d’or.  Toutes ces données et ces points de vue font que l’État Wa est le centre du Triangle d’or.  Selon les statistiques des départements concernés, la superficie plantée en pavot dans le Triangle d’or touche encore plus de 100 000 hectares.  D’après ces chiffres, l’État Wa, dont la production représente 80 % de celle du Triangle d’or, garderait encore une superficie de 80 000 hectares de pavot.

Selon les promesses du gouvernement de cet État, bien que le jour où la la plantation de pavot sera complètement interdite ne soit plus très loin (2005), la famille de Yao Yu, sans instruction, n’aurait pu imaginer vivre sans planter du pavot.

DENG SHULIN

Fruits de la coopération internationale dans l’interdiction de la drogue

La province du Yunnan dispose d’une frontière terrestre de 4 000 km avec le Triangle d’or.  Depuis des années, le gouvernement et la police s’efforcent de procéder à une coopération régionale ou bilatérale avec les pays de cette région.  La Chine soutient ardemment et stimule la coopération sub-régionale proposée par les Nations unies.  La Chine, le Myanmar, le Laos et la Thaïlande ont conjointement effectué des enquêtes sur la situation de la drogue dans la région arrosée par le Mékong. En plus, la Chine a signé avec le Myanmar, le Laos, le Vietnam et la Thaïlande, le Mémorandum d’entente sur le contrôle des stupéfiants.  La lutte contre la drogue menée par la Chine et ces pays avance d’une façon satisfaisante.  Ces coopérations comprennent l’échange de renseignements, la coopération dans la lutte contre les activités criminelles et la formation du personnel pour l’application de la loi. 

L’année dernière, les services de la police chinoise, de concert avec la police birmane et laotienne, a attaqué 38 activités criminelles, détruit 3 ateliers de transformation de drogue, saisi 281 kg d’héroïne, 8 kg de méthamphétamine et 429 kg d’opium.  La Chine continuera à coopérer avec ces pays pour résoudre le problème de la drogue dans cette région.

Cette année, on a obtenu encore de nouveaux résultats dans la coopération internationale liée à la lutte contre la drogue. Le 12 février, la police chinoise et celle des Philippines ont élucidé une affaire de trafic transfrontalier de drogue.  Les deux pays ont arrêté 5 suspects et saisi 296 kg de méthamphétamine (une valeur de 100 millions de yuans) et saisi le revenu de ce trafic de drogue équivalant à 1,97 million de yuans.

Parallèlement, le gouvernement chinois a renforcé la coopération avec les États-Unis, les Philippines, le Japon, la Corée du Sud et les Pays-Bas dans le domaine de l’échange des renseignements et de l’aide juridique.

Pour éradiquer le problème de la source de la drogue, à partir des années 90, la province du Yunnan a été la première à coopérer avec les pays voisins et des organisations locales pour développer les cultures de substitution dont la superficie atteint maintenant 30 000 hectares.  Ce « Projet vert du contrôle de la drogue » est hautement apprécié par la communauté internationale.

Situation de la lutte contre la drogue au Yunnan

La police, l’armée, la douane et la population de cette province ont établi en coordination près de la frontière, à l’intérieur de la province, aux aéroports, aux gares d’autobus et aux quais des gares trois lignes pour empêcher la drogue d’entrer en Chine. 

On compte 152 équipes professionnelles de contrôle de la drogue avec un effectif de 2 200 personnes.  C’est en 1982 que la première équipe professionnelle de ce genre a été établie, après la fondation de la Commission de contrôle de la drogue de la province du Yunnan de Chine. De 1982 à 2003, la province du Yunnan a enregistré de brillants résultats dans cette lutte.  Pendant cette période, on a élucidé 125 000 affaires liées à la drogue, arrêté 168 000 suspects, capturé 116,7 tonnes de drogue et découvert 1 985 tonnes de toutes sortes de produits chimiques illicites utilisés dans la production de la drogue.

« Projet vert du contrôle de la drogue » au Yunnan

Pour éradiquer la source de la drogue, à partir du milieu des années 90, la province du Yunnan a entamé une coopération avec le gouvernement des pays voisins et les organisations locales, afin d’aider la région où se cultive le pavot à développer des cultures de substitution, ce qui a été appelé le « Projet vert du contrôle de la drogue ».

Depuis la mise en place de ce projet, la province du Yunnan a utilisé 500 millions de yuans pour fournir de bonnes variétés de semences de céréales et 1 million de jeunes plants au Myanmar et au Laos.  Parallèlement, elle a envoyé 3 000 techniciens apprendre aux paysans à cultiver le riz, la canne à sucre, le caoutchouc, des fruits et des légumes, etc.  La superficie totale des cultures de substitution a atteint 445 000 millions de mu

La première et la quatrième zone spéciales de l’État shan du Myanmar, trois provinces du Laos (Phongsaly, Luangnamtha, Oudomxay) cultivent plus 200 000 mu de riz hybride, de canne à sucre, de caoutchouc et de thé.  Dans ces régions, la superficie de pavot a beaucoup diminué.  Selon les chiffres fournis par les départements concernés, la superficie cultivée en pavot au Myanmar et celle au Laos ont respectivement diminué de 24 % et de 15 % ces dernières années.  La province du Yunnan a aidé par divers moyens les paysans de cette région à trouver un autre moyen de subsistance que le pavot.

Ce projet est déjà une façon de faire et se généralise peu à peu.  D’après le PNUCID, le « Projet vert du contrôle de la drogue » est un événement sans précédent dans l’histoire mondiale du contrôle de la drogue et une grande cause qui ne peut qu’apporter du bien-être à l’humanit