L’enseignement
supérieur vit une pénurie de fonds
LUO
YUANJUN
Étudiants et familles préoccupés, universités qui cherchent
divers modes de financement,− même des loteries − la
situation de l’enseignement supérieur chinois suscite le débat et accélère la réforme de ses fonctions.
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Des
étudiants analysent le développement des plantes. |
Huang
Yue, une élève du 2e cycle de l’école secondaire nº 1
du district de Lianshui, province du Jiangsu, a de bons résultats
scolaires. Son professeur fonde de grands espoirs sur cette élève
et discute souvent avec elle du choix d’une université. Mais Huang
ne fait pas preuve de beaucoup d’enthousiasme, car même si elle
est admise par une bonne école, il y a de fortes chances que ses
parents ne puissent pas payer ses frais de scolarité. Combien un
étudiant doit-il débourser pour ses études? Quel montant doit être
assumé par la famille d’un étudiant pour sa scolarisation? Selon
les chiffres fournis par le département des finances du ministère
de l’Éducation, ces dernières années, presque le quart des étudiants
pauvres parmi les étudiants inscrits à l’université ont plus ou
moins besoin d’une aide financière. Pour quelque 80 % des familles
rurales et urbaines à bas revenu, payer annuellement de 4 000
à 5 000 yuans en frais de scolarité constitue une grosse somme et
une charge un peu trop lourde.
Fang
Fan, qui a achevé ses études de doctorat à l’Université des communications
de Xi’an il y a quelques années, révèle : « Je ne veux
pas critiquer la réforme du paiement des frais de scolarité universitaires,
mais avec ma situation familiale d’alors, j’aurais été incapable
d’aller à l’université si j’avais dû payer une telle somme. »
Depuis
la fondation de la Chine nouvelle jusqu’en 1994, l’enseignement
supérieur a toujours été gratuit, ce qui montre la grande importance
qu’accordait l’État à l’éducation. Bien entendu, cela faisait aussi
partie de l’économie planifiée. Zhang Dongling, une employée d’un
cabinet d’avocats à Beijing, a été admise à l’Université du peuple
de Chine en 1997, la dernière promotion à bénéficier d’études supérieures
gratuites. « J’ai peu dépensé pour mes études, mais je n’ai
pas eu beaucoup de liberté pour trouver un travail. À cette époque-là,
les diplômés étaient affectés à un poste; ce n’était pas comme maintenant
où l’on cherche librement un travail », explique-t-elle.
En 1993,
pour chaque étudiant universitaire, les dépenses en éducation incluses
au budget atteignaient 5 310 yuans, soit 82,4 % des 6 442 yuans
nécessaires. Ce pourcentage est passé à 84 % en 1994, ce qui a beaucoup
aggravé la crise du financement de l’enseignement supérieur. C’est
dans ce contexte qu’a été entamée la réforme du paiement des frais
de scolarité.
Quelles
sont les conséquences de la réforme?
De 2004
à 2006, l’université de Guangzhou projette d’attirer 100 nouveaux
chercheurs et professeurs. À cet effet, elle a mis en place la nouvelle
Méthode d’application relative à l’introduction des personnes
qualifiées, selon laquelle ces dernières pourront bénéficier
d’un traitement préférentiel; en outre, les membres de l’ Académie
de l’ingénierie et de l’Académie des sciences pourront obtenir
jusqu’à 3 millions de yuans pour amorcer leur recherche scientifique,
installer leur famille et acheter leur logement. Ye Qi, un étudiant
au doctorat de l’Académie des sciences sociales de Chine, déclare :
« La mesure prise par l’université de Guangzhou prouve une
théorie: il y a un prix
à payer pour des personnes qualifiées. »
Il y
a peu d’universités qui sont fortunées. En comparaison avec l’université
de Guangzhou, certaines sont moins généreuses.
Par manque de capitaux, elles ne peuvent assurer le traitement
exigé par des personnes qualifiées et elles sont obligées de les
voir partir. Selon des statistiques, pendant la période du IXe
plan quinquennal, les établissements d’enseignement supérieur de
la province du Shanxi ont perdu plus de 1 500 étudiants à la maîtrise
ou de niveau supérieur, un chiffre équivalant à l’effectif des professeurs
de deux universités modernes. Ce problème existe dans une certaine
proportion, non seulement dans toutes les universités de la province
du Shanxi, mais aussi dans d’autres écoles qui manquent de capitaux.
Ce problème
a causé une pénurie d’effectifs compétents et influencé directement
l’enseignement, la recherche scientifique et la formation des étudiants.
D’ailleurs, à cause du manque de capitaux, l’équipement affecté
à la recherche scientifique est désuet et incomplet, les subventions,
insuffisantes, les livres et le matériel, trop vieux, ce qui empêche
le développement rapide de l’enseignement supérieur.
D’où
vient ce problème?
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Certains
étudiants travaillent à temps partiel. |
Ces dernières
années, l’État maintient toujours un fort taux d’augmentation des
dépenses budgétaires dans le domaine de l’enseignement supérieur.
En 2003, les sommes consacrées à l’éducation représentaient 3,41 %
du PIB par rapport à 2,5 % en 2002, mais le volume réel des fonds
affectés à l’éducation supérieure était relativement très bas. En
outre, ces dernières années, comme les universités ont augmenté
le nombre des étudiants admis, la dépense moyenne par personne est
faible et a même diminué. Par conséquent, la situation de la pénurie
de fonds dans l’enseignement supérieur ne s’est manifestement pas
améliorée en Chine.
Zhou
Ji, ministre de l’Éducation, a révélé : « Il existe encore
un grand écart entre les ressources éducationnelles de bonne qualité
et les besoins de plus en plus criants de l’éducation populaire.
L’investissement dans l’éducation est la clé pour résoudre ce problème.
D’après le Rapport de la Banque mondiale sur le développement dans
le monde, publié en 1994, la proportion des crédits affectés à l’éducation
au sein du PIB des pays développés
étaient de 5,7 %, alors que cette proportion atteignait 4,4 % dans
les pays moyennement développés,
preuve que la Chine a encore un grand espace pour investir
dans l’éducation. À part l’insuffisance des investissements de l’État
dans l’éducation, le faible taux d’utilisation des fonds est aussi
une cause importante du problème.
Règle
générale, en Chine, les établissements d’enseignement supérieur
possèdent leur propre hôpital, leur jardin d’enfants et même leur
école primaire et secondaire. Ce phénomène a causé un excédent d’effectifs
dans les services annexes, et les dépenses dans ce domaine occupent
une grande part des fonds affectés à l’éducation. Selon les statistiques,
en 1998, le nombre des employés travaillant dans l’administration
représentait 60 % du total des effectifs des établissements
d’enseignement supérieur en Chine, tandis qu’au Japon, ce pourcentage
était de 22 %.
Pour
ce qui est des installations, leur taux d’utilisation n’est pas
satisfaisant non plus. Dans chaque université, il y a non seulement
une bibliothèque principale, mais aussi des salles de documentation
dans chaque institut et dans chaque faculté, de sorte que les mêmes
livres sont parfois achetés en double.
Comment
résoudre ce manque de fonds?
Il faut
augmenter l’investissement budgétaire du gouvernement pour résoudre
le problème de l’insuffisance de fonds des établissements d’enseignement
supérieur. Comme l’enseignement supérieur ne s’inscrit pas dans
le cadre de l’éducation obligatoire, l’État n’a pas l’obligation
de le financer. Mais en tant que cause d’intérêt public, l’enseignement
supérieur doit obtenir le soutien financier du gouvernement. Comme
le déclare Liu Kuan, étudiant au doctorat de l’École normale supérieure:
« C’est une simple théorie, mais le progrès d’un pays dépend
de l’élévation de la qualité du peuple, et pour cela, l’enseignement
supérieur est un chaînon indispensable. »
En fait,
une loi existe déjà pour garantir des fonds à l’éducation. D’après
l'article 55 de la Loi sur l’éducation de la République populaire,
les fonds versés en éducation, alloués par le budget des gouvernements
aux différents échelons, doivent augmenter plus que ceux de la recette
financière courante, augmenter progressivement selon les dépenses
moyennes par étudiant pour l’éducation et augmenter progressivement
selon les dépenses publiques destinées à assurer le salaire des
professeurs et les dépenses moyennes par étudiant.
Il faut
noter qu’en tenant compte du déséquilibre de développement économique
entre les différentes régions, le gouvernement central doit renforcer
l’investissement dans les établissements d’enseignement supérieur.
En plus de l’investissement dans les universités sélectionnées pour
les « Travaux 211 » (au XXIe siècle, on met
l’accent sur la construction de cent universités ou facultés importantes)
et les « Travaux 985 » (à partir de 1998, des universités
chinoises ont lancé un mot d’ordre : devenir des écoles de
calibre international, et ce projet a été nommé « Travaux 985 »
par le ministère de l’Éducation), il ne faut pas négliger d’aider
les universités qui se trouvent dans les régions moins développées.
Bien
entendu, dans la Chine actuelle où la puissance financière est limitée,
il serait illusoire de compter seulement sur l’État ; il faut
exploiter d’autres canaux pour rassembler des fonds, y compris des
dons en argent et en matériel des individus, des entreprises et
des organismes de toutes sortes. Dans ce domaine, chaque école donne
sa mesure. Octobre prochain marquera le 60e anniversaire
de la fondation de l’École normale supérieure du Shaanxi. Depuis
avril, elle a commencé à organiser des activités de collecte de
fonds.
En 2001,
la Fondation de l’éducation de l’université Qinghua a reçu 43,8
millions de yuans lors de son 90e anniversaire de fondation.
Pour une école connue, les dons peuvent être considérables, mais
une école ordinaire doit souvent compter sur ses propres forces
et trouver d’autres canaux.
L’utilisation
des sources de financement locales pour trouver des fonds est aussi
un raccourci pour l’université. Le gouvernement chinois encourage
les institutions d’enseignement à utiliser pleinement ses atouts
scolaires; ainsi, après qu’elle ait achevé son mandat d’éducation
impératif et sa tâche de recherche scientifique, l’université peut
ouvrir des cours d’enseignement et de formation professionnelle
pour adultes. Dans ce domaine, la Chine a adopté une série de mesures
favorables afin d’encourager les entreprises et les institutions,
les établissements de recherche scientifique, ainsi que les individus
à gérer conjointement les écoles et à fonder des écoles privées
et des écoles professionnelles. Grâce à ces mesures, l’entreprise
et l’individu sont exemptés des impôts sur le revenu provenant de
leur investissement dans une institution d’enseignement, ce qui
a résolu dans une certaine mesure le problème du manque de financement
dans le domaine de l’éducation en Chine.
Zeng
Jianqiu, professeur de l’Institut de gestion économique de l’Université
des postes et télécommunications de Beijing, a dit : « Dans
les pays développés, l’enseignement supérieur bénéficie de fonds
relativement abondants; ses principales sources de financement proviennent
de la société et des entreprises, car dans ces pays occidentaux,
la production, l’enseignement et la recherche sont étroitement liés.
Une entreprise investit des capitaux dans la recherche de l’institution
d’enseignement et pourra en tirer de grands profits. Il y a encore un long chemin à parcourir pour
que s’instaure une collaboration étroite entre l’université et l’entreprise
en Chine », a-t-il conclu.
 |
Des
étudiants attendent d'entrer dans la salle de projection,
lors du festival des films chinois organisé à
leur intention. |
En 1999,
le revenu des entreprises fondées par des universités chinoises
a atteint 37,9 milliards de yuans, et il y avait 64 écoles dont
le revenu dépassait 100 millions de yuans. À l’heure actuelle, les
entreprises de ce genre se trouvent dans une période de croissance
rapide. En Chine, plus de 1 000 écoles supérieures possèdent 5 000
entreprises. L’université de Beijing est un exemple dans ce domaine
avec les groupes Founder et Jade Bird; ces derniers ont sept sociétés
cotées à la Bource de Hongkong et à l’intérieur de la Chine. À propos
de la création d’une entreprise par une institution d’enseignement,
les points de vue divergent. Pan Yunhe, président de l’université
du Zhejiang, a une attitude négative. « L’université a pour
tâche l’enseignement scientifique, la diffusion des connaissances
et la formation du personnel et n’a pas pour objet de tout embrasser
et de tout faire », critique-t-il.
Yang
Ruilong, professeur de l’Institut d’économie de l’Université du
peuple de Chine, a résumé les quatre types d’entreprises fondées
par des universités : 1) société fondée avec des fonds de l’université
et destinée à transformer les fruits de la recherche scientifique
en produits réels. 2) société établie en s’appuyant sur la force
technique de l’université. 3) sociétés du secteur tertiaire, de
propriété de l’université, dont hôtel et restaurant, par exemple.
4) société qui n’entretient aucun lien avec l’université, mais qui
utilise seulement la notoriété de son nom. Pour les deux premiers
types d’entreprises, les points de vue sont différents, mais pour
les deux derniers, on est unanime à penser que l’université doit
rompre rapidement ces liens avec eux.
D’après
le professeur Zeng Jianqiu, une école n’est pas un organisme à but
lucratif. Si elle consacre son énergie principale à augmenter les
profits, la qualité de l’enseignement va sûrement diminuer. C’est
une façon de nuire à la jeune génération. D’après lui, le directeur
d’une école doit déployer des efforts pour mener à bien son travail
d’éducation. C’est ce qu’il doit faire, et dans cette tâche, il
ne doit s’accorder aucun répit. Mais si les capitaux se distinguaient de la gestion d’entreprise,
on pourrait accepter cette formule.
« La
distribution des billets de loterie est une méthode acceptable,
a-t-il dit, compte tenu de la situation financière de notre pays
et de la grande potentialité du marché de la loterie. La Chine pourrait
profiter de l’expérience de l’étranger et établir des fonds spéciaux
pour l’éducation à travers la distribution de billets de loterie.
Toutefois,
il n’y a pas que rassembler des fonds par divers moyens qui compte,
la façon de les utiliser est aussi importante. Après l’entrée de
la Chine à l’OMC, le rythme de réajustement de la structure industrielle
a commencé à s’accélérer, ce qui a demandé d’établir une discipline
appropriée. Tous les établissements d’enseignement supérieur doivent,
selon leur réalité et leur besoin de développement économique et
social, utiliser les crédits limités dans les disciplines prioritaires,
pour que les étudiants soient bien adaptés à la demande de la société.
Afin
de bien utiliser les crédits affectés à l’éducation, il faut accélérer
la réforme des fonctions économiques de l’université. D’abord, l’État
peut attribuer certains crédits pour transformer les services annexes
des universités en entreprises sociales. Une fois que les conditions
seront mûres, on pourra prendre des mesures préférentielles, telles
que la réduction de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur le chiffre
d’affaires, pour que ces services se retirent progressivement et
définitivement de l’université.
Tableau I : Affectation
des fonds en éducation pendant le IXe Plan quinquennal
Année
|
Total des fonds
|
Dépenses budgétaires
de l’État
|
Crédits alloués
par le budget de l’État
|
Montant (100 M
de yuans)
|
Augmentation annuelle
moyenne (%)
|
Montant (100 M
de yuans)
|
Augmentation annuelle
moyenne (%)
|
Montant (100 M
de yuans)
|
Augmentation annuelle
moyenne (%)
|
1996
|
2262,34
|
20,47
|
1671,7
|
18,43
|
1211,91
|
17,85
|
1997
|
2531,73
|
11,91
|
1862,54
|
11,42
|
1357,73
|
12,03
|
1998
|
2949,06
|
16,48
|
2032,45
|
9,12
|
1565,59
|
15,31
|
1999
|
3349,04
|
13,56
|
2287,18
|
12,53
|
1815,76
|
15,98
|
2000
|
3849,08
|
14,93
|
2562,61
|
12,04
|
2085,68
|
14,87
|
Total
|
14941,29
|
15,43
|
10416,49
|
12,67
|
8036,67
|
15,19
|
Tableau II : Sources financières
des dépenses de la Chine en éducation 1996-2002(unité :
100 M de yuans)
Année
|
1996
|
1997
|
1998
|
1999
|
2000
|
Total des dépenses
|
2262
|
2532
|
2949
|
3349
|
3849
|
1. Crédits inclus
au budget pour l’éducation
|
1212
|
1358
|
1566
|
1816
|
2086
|
2. Impôts perçus
par les gouvernements à tous les échelons pour l’éducation
|
240
|
268
|
279
|
282
|
284
|
3. Investissements
des entreprises dans des ouvertures d’écoles
|
116
|
119
|
129
|
132
|
136
|
4. Recettes des
entreprises fondées par des écoles utilisées dans l’éducation
|
87
|
99
|
59
|
57
|
57
|
5. Dépenses des
organisations sociales ou des individus dans l’ouverture
d'écoles
|
26
|
30
|
48
|
63
|
86
|
6. Contribution
des milieux sociaux et fonds rassemblés pour l’éducation
|
188
|
171
|
142
|
126
|
114
|
7. Frais de scolarité
et frais divers
|
261
|
326
|
370
|
464
|
595
|
|