JUIN 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

L’enseignement supérieur vit une pénurie de fonds

LUO YUANJUN

Étudiants et familles préoccupés, universités qui cherchent divers modes de financement,− même des loteries − la situation de l’enseignement supérieur chinois suscite le débat et accélère la réforme de ses fonctions.

Des étudiants analysent le développement des plantes.

Huang Yue, une élève du 2e cycle de l’école secondaire nº 1 du district de Lianshui, province du Jiangsu, a de bons résultats scolaires. Son professeur fonde de grands espoirs sur cette élève et discute souvent avec elle du choix d’une université. Mais Huang ne fait pas preuve de beaucoup d’enthousiasme, car même si elle est admise par une bonne école, il y a de fortes chances que ses parents ne puissent pas payer ses frais de scolarité. Combien un étudiant doit-il débourser pour ses études? Quel montant doit être assumé par la famille d’un étudiant pour sa scolarisation? Selon les chiffres fournis par le département des finances du ministère de l’Éducation, ces dernières années, presque le quart des étudiants pauvres parmi les étudiants inscrits à l’université ont plus ou moins besoin d’une aide financière. Pour quelque 80 % des familles rurales et urbaines à bas revenu, payer annuellement de 4 000 à 5 000 yuans en frais de scolarité constitue une grosse somme et une charge un peu trop lourde.

Fang Fan, qui a achevé ses études de doctorat à l’Université des communications de Xi’an il y a quelques années, révèle : « Je ne veux pas critiquer la réforme du paiement des frais de scolarité universitaires, mais avec ma situation familiale d’alors, j’aurais été incapable d’aller à l’université si j’avais dû payer une telle somme. »

Depuis la fondation de la Chine nouvelle jusqu’en 1994, l’enseignement supérieur a toujours été gratuit, ce qui montre la grande importance qu’accordait l’État à l’éducation. Bien entendu, cela faisait aussi partie de l’économie planifiée. Zhang Dongling, une employée d’un cabinet d’avocats à Beijing, a été admise à l’Université du peuple de Chine en 1997, la dernière promotion à bénéficier d’études supérieures gratuites. « J’ai peu dépensé pour mes études, mais je n’ai pas eu beaucoup de liberté pour trouver un travail. À cette époque-là, les diplômés étaient affectés à un poste; ce n’était pas comme maintenant où l’on cherche librement un travail », explique-t-elle.

En 1993, pour chaque étudiant universitaire, les dépenses en éducation incluses au budget atteignaient 5 310 yuans, soit 82,4 % des 6 442 yuans nécessaires. Ce pourcentage est passé à 84 % en 1994, ce qui a beaucoup aggravé la crise du financement de l’enseignement supérieur. C’est dans ce contexte qu’a été entamée la réforme du paiement des frais de scolarité.

Quelles sont les conséquences de la réforme?

De 2004 à 2006, l’université de Guangzhou projette d’attirer 100 nouveaux chercheurs et professeurs. À cet effet, elle a mis en place la nouvelle Méthode d’application relative à l’introduction des personnes qualifiées, selon laquelle ces dernières pourront bénéficier d’un traitement préférentiel; en outre, les membres de l’ Académie de l’ingénierie et de l’Académie des sciences pourront obtenir jusqu’à 3 millions de yuans pour amorcer leur recherche scientifique, installer leur famille et acheter leur logement. Ye Qi, un étudiant au doctorat de l’Académie des sciences sociales de Chine, déclare : « La mesure prise par l’université de Guangzhou prouve une théorie: il y a un  prix à payer pour des personnes qualifiées. »

Il y a peu d’universités qui sont fortunées. En comparaison avec l’université de Guangzhou, certaines sont moins généreuses.  Par manque de capitaux, elles ne peuvent assurer le traitement exigé par des personnes qualifiées et elles sont obligées de les voir partir. Selon des statistiques, pendant la période du IXe plan quinquennal, les établissements d’enseignement supérieur de la province du Shanxi ont perdu plus de 1 500 étudiants à la maîtrise ou de niveau supérieur, un chiffre équivalant à l’effectif des professeurs de deux universités modernes. Ce problème existe dans une certaine proportion, non seulement dans toutes les universités de la province du Shanxi, mais aussi dans d’autres écoles qui manquent de capitaux.

Ce problème a causé une pénurie d’effectifs compétents et influencé directement l’enseignement, la recherche scientifique et la formation des étudiants. D’ailleurs, à cause du manque de capitaux, l’équipement affecté à la recherche scientifique est désuet et incomplet, les subventions, insuffisantes, les livres et le matériel, trop vieux, ce qui empêche le développement rapide de l’enseignement supérieur.

D’où vient ce problème?

Certains étudiants travaillent à temps partiel.

Ces dernières années, l’État maintient toujours un fort taux d’augmentation des dépenses budgétaires dans le domaine de l’enseignement supérieur. En 2003, les sommes consacrées à l’éducation représentaient 3,41 % du PIB par rapport à 2,5 % en 2002, mais le volume réel des fonds affectés à l’éducation supérieure était relativement très bas. En outre, ces dernières années, comme les universités ont augmenté le nombre des étudiants admis, la dépense moyenne par personne est faible et a même diminué. Par conséquent, la situation de la pénurie de fonds dans l’enseignement supérieur ne s’est manifestement pas améliorée en Chine.

Zhou Ji, ministre de l’Éducation, a révélé : « Il existe encore un grand écart entre les ressources éducationnelles de bonne qualité et les besoins de plus en plus criants de l’éducation populaire. L’investissement dans l’éducation est la clé pour résoudre ce problème. D’après le Rapport de la Banque mondiale sur le développement dans le monde, publié en 1994, la proportion des crédits affectés à l’éducation au sein du PIB des pays développés étaient de 5,7 %, alors que cette proportion atteignait 4,4 % dans les pays moyennement développés,  preuve que la Chine a encore un grand espace pour investir dans l’éducation. À part l’insuffisance des investissements de l’État dans l’éducation, le faible taux d’utilisation des fonds est aussi une cause importante du problème.

Règle générale, en Chine, les établissements d’enseignement supérieur possèdent leur propre hôpital, leur jardin d’enfants et même leur école primaire et secondaire. Ce phénomène a causé un excédent d’effectifs dans les services annexes, et les dépenses dans ce domaine occupent une grande part des fonds affectés à l’éducation. Selon les statistiques, en 1998, le nombre des employés travaillant dans l’administration  représentait 60 % du total des effectifs des établissements d’enseignement supérieur en Chine, tandis qu’au Japon, ce pourcentage était de 22 %.

Pour ce qui est des installations, leur taux d’utilisation n’est pas satisfaisant non plus. Dans chaque université, il y a non seulement une bibliothèque principale, mais aussi des salles de documentation dans chaque institut et dans chaque faculté, de sorte que les mêmes livres sont parfois achetés en double.

Comment résoudre ce manque de fonds?

Il faut augmenter l’investissement budgétaire du gouvernement pour résoudre le problème de l’insuffisance de fonds des établissements d’enseignement supérieur. Comme l’enseignement supérieur ne s’inscrit pas dans le cadre de l’éducation obligatoire, l’État n’a pas l’obligation de le financer. Mais en tant que cause d’intérêt public, l’enseignement supérieur doit obtenir le soutien financier du gouvernement. Comme le déclare Liu Kuan, étudiant au doctorat de l’École normale supérieure: « C’est une simple théorie, mais le progrès d’un pays dépend de l’élévation de la qualité du peuple, et pour cela, l’enseignement supérieur est un chaînon indispensable. »

En fait, une loi existe déjà pour garantir des fonds à l’éducation. D’après l'article 55 de la Loi sur l’éducation de la République populaire, les fonds versés en éducation, alloués par le budget des gouvernements aux différents échelons, doivent augmenter plus que ceux de la recette financière courante, augmenter progressivement selon les dépenses moyennes par étudiant pour l’éducation et augmenter progressivement selon les dépenses publiques destinées à assurer le salaire des professeurs et les dépenses moyennes par étudiant.

Il faut noter qu’en tenant compte du déséquilibre de développement économique entre les différentes régions, le gouvernement central doit renforcer l’investissement dans les établissements d’enseignement supérieur. En plus de l’investissement dans les universités sélectionnées pour les « Travaux 211 » (au XXIe siècle, on met l’accent sur la construction de cent universités ou facultés importantes) et les « Travaux 985 » (à partir de 1998, des universités chinoises ont lancé un mot d’ordre : devenir des écoles de calibre international, et ce projet a été nommé « Travaux 985 » par le ministère de l’Éducation), il ne faut pas négliger d’aider les universités qui se trouvent dans les régions moins développées.

Bien entendu, dans la Chine actuelle où la puissance financière est limitée, il serait illusoire de compter seulement sur l’État ; il faut exploiter d’autres canaux pour rassembler des fonds, y compris des dons en argent et en matériel des individus, des entreprises et des organismes de toutes sortes. Dans ce domaine, chaque école donne sa mesure. Octobre prochain marquera le 60e anniversaire de la fondation de l’École normale supérieure du Shaanxi. Depuis avril, elle a commencé à organiser des activités de collecte de fonds.

En 2001, la Fondation de l’éducation de l’université Qinghua a reçu 43,8 millions de yuans lors de son 90e anniversaire de fondation. Pour une école connue, les dons peuvent être considérables, mais une école ordinaire doit souvent compter sur ses propres forces et trouver d’autres canaux.

L’utilisation des sources de financement locales pour trouver des fonds est aussi un raccourci pour l’université. Le gouvernement chinois encourage les institutions d’enseignement à utiliser pleinement ses atouts scolaires; ainsi, après qu’elle ait achevé son mandat d’éducation impératif et sa tâche de recherche scientifique, l’université peut ouvrir des cours d’enseignement et de formation professionnelle pour adultes. Dans ce domaine, la Chine a adopté une série de mesures favorables afin d’encourager les entreprises et les institutions, les établissements de recherche scientifique, ainsi que les individus à gérer conjointement les écoles et à fonder des écoles privées et des écoles professionnelles. Grâce à ces mesures, l’entreprise et l’individu sont exemptés des impôts sur le revenu provenant de leur investissement dans une institution d’enseignement, ce qui a résolu dans une certaine mesure le problème du manque de financement dans le domaine de l’éducation en Chine.

Zeng Jianqiu, professeur de l’Institut de gestion économique de l’Université des postes et télécommunications de Beijing, a dit : « Dans les pays développés, l’enseignement supérieur bénéficie de fonds relativement abondants; ses principales sources de financement proviennent de la société et des entreprises, car dans ces pays occidentaux, la production, l’enseignement et la recherche sont étroitement liés. Une entreprise investit des capitaux dans la recherche de l’institution d’enseignement et pourra en tirer de grands profits.  Il y a encore un long chemin à parcourir pour que s’instaure une collaboration étroite entre l’université et l’entreprise en Chine », a-t-il conclu.

Des étudiants attendent d'entrer dans la salle de projection, lors du festival des films chinois organisé à leur intention.

En 1999, le revenu des entreprises fondées par des universités chinoises a atteint 37,9 milliards de yuans, et il y avait 64 écoles dont le revenu dépassait 100 millions de yuans. À l’heure actuelle, les entreprises de ce genre se trouvent dans une période de croissance rapide. En Chine, plus de 1 000 écoles supérieures possèdent 5 000 entreprises. L’université de Beijing est un exemple dans ce domaine avec les groupes Founder et Jade Bird; ces derniers ont sept sociétés cotées à la Bource de Hongkong et à l’intérieur de la Chine. À propos de la création d’une entreprise par une institution d’enseignement, les points de vue divergent. Pan Yunhe, président de l’université du Zhejiang, a une attitude négative. « L’université a pour tâche l’enseignement scientifique, la diffusion des connaissances et la formation du personnel et n’a pas pour objet de tout embrasser et de tout faire », critique-t-il.

Yang Ruilong, professeur de l’Institut d’économie de l’Université du peuple de Chine, a résumé les quatre types d’entreprises fondées par des universités : 1) société fondée avec des fonds de l’université et destinée à transformer les fruits de la recherche scientifique en produits réels. 2) société établie en s’appuyant sur la force technique de l’université. 3) sociétés du secteur tertiaire, de propriété de l’université, dont hôtel et restaurant, par exemple. 4) société qui n’entretient aucun lien avec l’université, mais qui utilise seulement la notoriété de son nom. Pour les deux premiers types d’entreprises, les points de vue sont différents, mais pour les deux derniers, on est unanime à penser que l’université doit rompre rapidement ces liens avec eux.

D’après le professeur Zeng Jianqiu, une école n’est pas un organisme à but lucratif. Si elle consacre son énergie principale à augmenter les profits, la qualité de l’enseignement va sûrement diminuer. C’est une façon de nuire à la jeune génération. D’après lui, le directeur d’une école doit déployer des efforts pour mener à bien son travail d’éducation. C’est ce qu’il doit faire, et dans cette tâche, il ne doit s’accorder aucun répit.  Mais si les capitaux se distinguaient de la gestion d’entreprise, on pourrait accepter cette formule.

« La distribution des billets de loterie est une méthode acceptable, a-t-il dit, compte tenu de la situation financière de notre pays et de la grande potentialité du marché de la loterie. La Chine pourrait profiter de l’expérience de l’étranger et établir des fonds spéciaux pour l’éducation à travers la distribution de billets de loterie.

Toutefois, il n’y a pas que rassembler des fonds par divers moyens qui compte, la façon de les utiliser est aussi importante. Après l’entrée de la Chine à l’OMC, le rythme de réajustement de la structure industrielle a commencé à s’accélérer, ce qui a demandé d’établir une discipline appropriée. Tous les établissements d’enseignement supérieur doivent, selon leur réalité et leur besoin de développement économique et social, utiliser les crédits limités dans les disciplines prioritaires, pour que les étudiants soient bien adaptés à la demande de la société.

Afin de bien utiliser les crédits affectés à l’éducation, il faut accélérer la réforme des fonctions économiques de l’université. D’abord, l’État peut attribuer certains crédits pour transformer les services annexes des universités en entreprises sociales. Une fois que les conditions seront mûres, on pourra prendre des mesures préférentielles, telles que la réduction de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur le chiffre d’affaires, pour que ces services se retirent progressivement et définitivement de l’université.

Tableau I : Affectation des fonds en éducation pendant le IXe Plan quinquennal

Année

Total des fonds

Dépenses budgétaires de l’État

Crédits alloués par le budget de l’État

Montant (100 M de yuans) 

Augmentation annuelle moyenne (%)  

Montant (100 M de yuans) 

Augmentation annuelle moyenne (%) 

Montant (100 M de yuans) 

Augmentation annuelle moyenne (%)

1996

2262,34 

20,47 

1671,7 

18,43 

1211,91 

17,85

1997

2531,73 

11,91 

1862,54

11,42

1357,73 

12,03

1998

2949,06 

16,48 

2032,45

9,12

1565,59

15,31

1999

3349,04 

13,56

2287,18

12,53

1815,76

15,98

2000

3849,08 

14,93 

2562,61

12,04

2085,68

14,87

Total

14941,29

15,43 

10416,49

12,67 

8036,67 

15,19

Tableau II : Sources financières des dépenses de la Chine en éducation 1996-2002(unité : 100 M de yuans)

Année

1996

1997

1998

1999

2000

Total des dépenses 

2262

2532

2949

3349

3849

1. Crédits inclus au budget pour l’éducation

1212

1358

1566

1816

2086

2. Impôts perçus par les gouvernements à tous les échelons pour l’éducation 

240

268

279

282

284

3. Investissements des entreprises dans des ouvertures d’écoles 

116

119

129

132

136

4. Recettes des entreprises fondées par des écoles utilisées dans l’éducation 

87

99

59

57

57 

5. Dépenses des organisations sociales ou des individus dans l’ouverture d'écoles

26

30

48

63

86

6. Contribution des milieux sociaux et fonds rassemblés pour l’éducation 

188

171

142

126

114

7. Frais de scolarité et frais divers

261

326

370

464

595