Qui était Xiaowendi, empereur des Wei
du Nord ?
HUO JIANYING
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Peinture
laquée des Wei du Nord découverte à Datong, province du Shanxi. |
En 493, une armée forte de 300 000
d’hommes quitta Pingcheng, capitale des Wei du Nord (386-534), l’actuelle
Datong, pour Luoyang. Tuoba Hong (un Tagbhatch), 26 ans, qui régnait
alors seulement sur la Chine du Nord, était son commandant suprême.
Tuoba Hong, alias Xiaowendi (471-499), était l’empereur des Wei
du Nord. Ce qui différenciait cette armée, c’est qu’elle regroupait
non seulement des officiers et des soldats, mais encore des fonctionnaires
et dignitaires de la cour impériale de cette dynastie. Si on compare
Xiaowendi avec d’autres empereurs, ce personnage historique jouit
d’une grande réputation grâce à son statut particulier et à ses
exploits qui l’ont immortalisé en Chine.
Le transfert de la capitale : l’aspiration de l’empereur
Un mois après son départ, cette puissante
armée, qui avait connu maintes vicissitudes en cours d’expédition,
entra à Luoyang, province du Henan, en bravant la pluie. Bien qu’elle
eût été hors d’haleine, l’armée fut obligée d’exécuter l’ordre d’avancer
vers la zone de guerre. Face à cet ordre
soudain, la colère de l’armée gronda. Les fonctionnaires et dignitaires,
extrêmement fatigués, se prosternèrent les uns après les autres
devant le cheval de Xiaowendi pour lui déconseiller de poursuivre
cette expédition. Les larmes aux yeux, un noble xianbei, tribu proto-mongole
de la Sibérie orientale appartenant au groupe toungouse, raconta
la leçon historique qu’avait durement apprise et payée du sang de
victimes l’ancienne armée mise en déroute dans la région riveraine
de la rivière Huaihe.
Xiaowendi n’en tint pas compte, car il voulait profiter
de cette conjoncture favorable et prévisible pour réaliser son plan
de transfert de la capitale. Ainsi, simulant la déraison, il dit :
« Notre expédition du Sud a mobilisé tant de monde que nous
devons en avoir pour notre peine. D’après votre opinion, si nous
cessons l’expédition du Sud, nous pourrons transférer notre capitale
de Pingcheng à Luoyang. Dans ce contexte, vous devez prendre position
pour une des deux propositions. Ceux qui sont pour le transfert
de la capitale se rangent du côté gauche et ceux qui sont contre,
du côté droit. »
Depuis des années, avec les expéditions du Sud, les
officiels civils et militaires des Wei du Nord n’avaient pas le
temps de revenir de leur frayeur. Ceux qui étaient toujours contre
le transfert de la capitale furent donc obligés de se ranger comme
un seul homme du côté gauche. Dans cette situation, Xiaowendi annonça
immédiatement le résultat de leur choix : « Le plan de
transférer la capitale a été préparé de longue date parmi nous.
Cependant, il y a toujours bon nombre de dignitaires qui s’opposent
à ce projet. Aujourd’hui, ils en sont arrivés à accepter ma proposition
et le plan de transférer la capitale est finalement réalisé. »
Ici, on doit dire que le jeune empereur Xiaowendi avait tendu un
piège aux dignitaires prudents et avisés. Il réalisa son plan de
transférer la capitale sous le couvert de cette expédition du Sud.
Né en 467 à la cour impériale de Pingcheng, Xiaowendi
fut institué prince héritier de l’empereur à l’âge de trois ans.
Il monta sur le trône à l’âge de cinq ans avec l’aide de l’impératrice
douairière Wenming. En s’appuyant sur son intelligence et sa sagesse,
il accéda graduellement aux fonctions d’empereur ; diligent,
franc et droit, c’était aussi un homme de grand talent et
un stratège.
En 490, l’impératrice douairière Wenming mourut.
Xiaowendi, alors âgé de 23 ans, commença à gouverner son État. Pour
déployer ses talents et ses nobles aspirations politiques, il commença
à préparer son projet de transférer la capitale.
Auparavant, pendant plus de 90 ans, la capitale Pingcheng
avait été occupée par les conservateurs des Xianbei, à l’époque
des dynasties du Sud et du Nord (386-534). Leur puissance entrava
gravement la réforme politique de l’empereur Xiaowendi et le transfert
de sa capitale.
D’après les analyses, l’empereur Xiaowendi estima
qu’il y avait trois facteurs lui permettant de transférer sa capitale.
Premièrement, Pingcheng se trouvait dans une région frontalière.
Son éloignement créait bien des difficultés pour contrôler les provinces
centrales et occuper le Sud du Yangtsé. Deuxièmement, cette capitale
était souvent la cible des attaques des ethnies qui, chaque jour,
se renforçaient. Leurs invasions constituaient de grandes menaces
à la vie sociale, culturelle et économique de cette région. Troisièmement,
les conditions naturelles de Pingcheng, qui étaient moins bonnes
que celles des villes de la Plaine centrale (le bassin des cours
moyen et inférieur du fleuve Jaune), avaient gravement entravé son
développement agricole.
À partir de ces trois facteurs, l’empereur Xiaowendi
affirma que Pingcheng n’était qu’une forteresse frontalière et militaire,
et Luoyang, Xi’an ainsi que d’autres villes situées dans la Plaine
centrale méritaient bien le titre de capitale pour dominer et unifier
le pays.
L’application de la réforme des us et coutumes
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Fondée en 484, 8e
année de règne de l’empereur Xiaowendi, l’école supérieure Songyang
se trouve dans le district Dengfeng de Luoyang, province du
Henan. |
En 386, l’armée des Xianbei avait vaincu une dizaine
de nationalités ethniques et fondé la dynastie des Wei du Nord,
dans la Chine du Nord alors peuplée d’ethnies. La population han,
qui constituait la majorité de la population, joua un rôle important
dans les domaines idéologique, politique, culturel et économique.
Bien que Xiaowendi fût né dans la famille impériale
des Xianbei, il était profondément influencé par la civilisation
traditionnelle de la Plaine centrale. Pour bien gouverner son pays,
il assimila assidûment les connaissances historiques des ancêtres,
en tirant profit de l’expérience de l’empereur de chaque dynastie.
Pour réaliser la stabilité et l’unité de l’État, il estima que la
population xianbei devait abandonner tous ses préjugés ethniques
et s’harmoniser avec la civilisation de la Plaine centrale.
Après avoir transféré sa capitale de Pingcheng à
Luoyang, l’empereur Xiaowendi trouva que les conditions d’une réforme
politique avaient mûri. Un jour, dans le palais impérial de Luoyang,
il présenta une proposition et demanda l’avis des fonctionnaires,
en disant : « Messieurs, êtes-vous pour ou contre l’application
de la réforme des us et coutumes ? » Les fonctionnaires
ne sachant pas trop quelles intentions cachait la demande de l’empereur,
répondirent d’une seule voix qu’ils soutenaient la réforme des us
et coutumes. L’empereur Xiaowendi se contenta de répondre :
« Si tout le monde est d’accord, nous nous préparerons donc
à appliquer la réforme. » Par la suite, Xiaowendi promulgua
les lois et les décrets suivants :
1)
Les fonctionnaires xianbei n’ayant
pas atteint 30 ans doivent tous parler la langue des Han. Les hommes
de plus de 30 ans doivent adopter graduellement leur pensée à la
réalité objective.
2)
Tous les habitants et fonctionnaires xianbei doivent
porter le costume des Han. Il faut copier les Cinq livres canoniques :
Livre des Mutations, Livre des Odes, Canon des Documents, Mémoires
sur les Rites, Chunqiu (Chronique de la Principauté
de Lu) ; et les Quatre livres de l’école confucéenne (Lunyu,
Zhongyong, Daxue et Mengzi) pour éduquer les
enfants xianbei.
3)
Il faut changer 118 noms de famille à deux syllabes
des Xianbei en nom de famille han portant une seule syllabe. Les
Xianbei décédés ne doivent pas être déménagés de Luoyang et être
enterrés dans sa colline Mengshan.
4)
Pour renforcer l’unité et les liens
de parenté, les différentes nationalités de la région de Luoyang
peuvent se marier entre elles.
En vertu de ces lois, l’impératrice de Xiaowendi
et les femmes de ses six frères étaient des Han. Parallèlement,
l’impératrice douairière Wenming pratiqua aussi le système de répartition
égalitaire des terres cultivées. Ce système terrien appliqué pendant
plus de 300 ans stimula grandement le développement économique et
le progrès de la civilisation des Wei du Nord.
Après avoir réformé les règlements dans ce qu’ils
avaient d’irrationnels et les châtiments corporels, Xiaowendi révisa
le statut de la fonction publique et du décret impérial, en faisant
référence à des documents historiques des dynasties de la Plaine
centrale. L’application de la réforme créa des conditions favorables
à l’unification du pays, mais elle provoqua un vif mécontentement
et une violente opposition des dignitaires conservateurs. À Pingcheng,
une révolte armée lancée par le fils de Xiaowendi dut être réprimée,
et son fils fut victime de cette lutte. Sans aucun doute, c’est
un succès que Xiaowandi paya cher. Pourtant, le courant de l’histoire
est irréversible. Aucune menace ou opposition n’ébranlait la ferme
volonté de cet empereur réformiste.
Le grand déménagement permit à plus d’un million de Xianbei de
Pingcheng d’entrer à Luoyang et dans la Plaine centrale. La politique,
l’économie et la culture de ces régions connurent une nouvelle période
de prospérité. Entre autres, Luoyang devint la métropole non seulement
de Chine mais aussi de l’Asie. La dynastie des Wei du Nord connut
alors son apogée.
La gloire des Xianbei
Quatre cents ans auparavant, soit à la fin de la
société primitive, la tribu xianbei, conduite par son grand chef,
était sortie des monts Hinggan pour faire son entrée dans la grande
prairie Hulunbuir (Mongolie intérieure) Pour édifier une société
civilisée, elle dut parcourir un long chemin. La persévérance dans
ses convictions et la largesse d’esprit permirent à cette tribu
travailleuse et courageuse de se perfectionner sans cesse. Finalement,
elle réussit à être suffisamment puissante pour disposer en maître
de sa destinée et vivre en parfaite harmonie avec une société dotée
d’un mode de production d’avant-garde et d’une haute civilisation.
Il est bien dommage que l’empereur Xiaowendi n’ait
pas réussi à unifier la Chine avant sa mort en 499, à l’âge de 33
ans.
La dynastie des Wei du Nord dura 148 ans. C’est une
dynastie qui eut une grande influence dans l’histoire de la Chine.
Sa contribution consiste à avoir agrandi la nation chinoise et à
avoir jeté une base solide pour l’unification de l’ensemble de Chine
que réalisera la dynastie des Sui (581-618) et la prospérité de
la dynastie des Tang (618-907).
D’après des études historiques, la mère de Li Shimin,
deuxième empereur des Tang qui régna de 626-649, et son impératrice
Sun appartenaient à la tribu xianbei. L’impératrice Sun fut considérée
comme la première impératrice sage et vertueuse de Chine. C’est
elle qui aida son mari à s’emparer du pouvoir et à gouverner son
pays.
Dans l’histoire, la dynastie des Tang entretenait
encore des liens avec les Xianbei. Les us et coutumes des Xianbei
se manifestèrent tant dans l’application de la politique d’ouverture
sur l’extérieur que dans la société et la vie courante de l’époque
des Tang. Chang’an, leur capitale, était une ville peuplée qui abritait
différentes nationalités. Héritage du style des Xianbei, certaines
femmes des Tang aimaient aussi monter à cheval et faire la chasse.
À la façon des Xianbei, certains empereurs des Tang épousèrent l’impératrice
de leur père (comme Wu Zetian, une ancienne concubine) ou
l’impératrice de leur fils (comme l’impératrice Yang Yuhuan).
La révision du statut de la fonction publique et
des décrets effectuée par Xiaowendi influença profondément ceux
des Sui et des Tang.
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Les
statues de bouddha des grottes Yungang à Datong (Shanxi) possèdent
le style des Wei du Nord. |
La dynastie des Wei préconisait le bouddhisme. Elle
organisa un grand nombre d’effectifs pour creuser des grottes bouddhiques.
Les grottes bouddhiques Yungang (à Datong du Shanxi) et les grottes
bouddhiques Longmen (à Luoyang du Henan), creusées sous cette dynastie,
ont été inscrites dans la liste du patrimoine mondial. Yuan Zhen,
célèbre poète des Tang était un Xianbei.
Après plus d’un millénaire, beaucoup de descendants
des Xianbei vivent parmi nous. Dans la grande famille de la nation
chinoise, leurs brillants exploits resteront toujours gravés dans
nos cœurs.
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