MAI 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Shanghai, la cosmopolite

Inesa Pleskacheuskaya

Dans les arrondissements Waitan et Pudong, les bâtiments modernes et anciens dessinent le nouveau paysage de Shanghai.

De la Shanghai légendaire à la Shanghai d’aujourd’hui, cet article vous fait découvrir des aspects originaux de cette métropole de l’Orient.

Vous souvenez-vous des premières scènes du film Indiana Jones et le Temple maudit dans lesquelles des hommes en costume sirotent du vin et fument le cigare, un portrait de Shanghai en 1935 ? La Shanghai de cette époque était en effet légendaire et fait surgir des images de filles à la taille svelte et aux longs cheveux ondulés à l’asiatique, la bouche en forme de bouton de rose, de fumeries d’opium et d’interminables banquets somptueux.

Il y a sept décennies, l’atmosphère de cette capitale de la mode était parfumée de l’odeur du café et des vins français. C’était une ville de joueurs qui gagnaient et perdaient des fortunes deux fois en une nuit, de fumeurs d’opium, de gigolos, de millionnaires, de missionnaires et de gangsters. Berceau des révolutions – la révolution culturelle y a commencé –, la ville vivait au rythme de la poudre à canon.

Des impressions aux paradoxes

Les habitants admirent les pruniers au début du printemps.

La première fois que je suis allée à Shanghai, tout me semblait familier, comme si je l’avais connue dans une autre vie. Pour tout connaisseur de l’histoire de Shanghai, ce sentiment de déjà-vu peut se comprendre, car l’architecture de cette ville tire ses origines à Kiev, Paris et Londres. Après tout, cette ville est une création occidentale! Quand les Britanniques y ont établi leur première concession en 1842, après la seconde guerre de l’Opium, Shanghai n’était qu’un petit bourg sans âme. Les Français y sont arrivés en 1847, et vingt et un ans plus tard (1863), la première concession internationale y a été fondée. En 1895, la ville était divisée en différentes zones, chacune gouvernée suivant les lois des pays respectifs, au lieu de la loi locale.

Au milieu du XIXe siècle, Shanghai dénombrait seulement 50 000 habitants, mais en 1900, sa population avait atteint plus d’un million de personnes. Dans les années 1930,  une époque héroïque s’il en est, il y avait plus de 60 000 ressortissants étrangers dans ce qui était alors le plus grand port d’Asie. La ville s’est enrichie par le commerce de l’opium, de la soie et du thé. Elle abritait aussi les plus puissantes banques mondiales ainsi que de célèbres bordels.

Saviez-vous que HSBC, le sigle de l’une des plus grandes institutions financières actuellement, est celui de la Hong Kong & Shanghai Banking Corporation ? Son bâtiment originel, situé sur le Bund, abrite maintenant le siège d’une banque de Chine et se classe parmi les plus beaux de la ville. À l’apogée de la ville, rien que les investissements britanniques dépassaient 400 000 livres, une somme énorme à ce moment-là.

Et que pensez-vous de ce paradoxe historique? La Shanghai décadente a vu naître sur son territoire le Parti communiste chinois qui allait la libérer du mal et de la  colonisation en 1949? Depuis lors, Shanghai affiche le baromètre social et économique de la nation.

Shanghai et ses liens avec le monde

Sur la base de l’ancien quartier Shikumen, s’est construit le « Xintiandi Shanghai », un nouveau site touristique et lieu de loisirs.

Shanghai possède également des racines et des liens forts avec la Russie. Elle est la seule ville asiatique ornée d’un monument commémorant Alexandre Pouchkine, le poète national des Russes. Alexander Vertinsky, une sorte de culte du milieu artistique russe, y possédait un club dans les années 1930 et 1940. Et le saviez-vous, c’est à Shanghai que l’on a joué les premières musiques du jazz soviétique? Le célèbre orchestre d’Oleg Lundstrem y a fait ses débuts.

Des milliers de Russes, fuyant la révolution de 1917, se sont exilés à Shanghai, et dans les années 1930, plus de 20 000 d’entre eux y vivaient. Ils publiaient des journaux tels Shanghaiskaya Zarya, Rubezh, et Slovo, édifiaient des cathédrales et des églises, et ils ont même ouvert une école de ballet et un théâtre. En 1947, le quartier russe a disparu et ses habitants sont retournés en Union Soviétique ou se sont déplacés vers les Philippines, les États-Unis et d’autres pays.

Au contraire, le quartier français est toujours bien vivant. Maintenant, ce sont surtout des professionnels chinois et un mélange cosmopolite qui y sont installés. Des rues comme Huaihai, Ximing et Huashan constituaient les concessions internationales du XIXe siècle. Aujourd’hui, elles forment une zone connue pour ses magasins, sa cuisine occidentale (à prix modéré ou cher) et ses villas miraculeusement préservées et entretenues. Si, tout en étant en Chine, vous voulez avoir un aperçu de Kiev ou de Paris, déambulez sur Huaihai et ses alentours pour y goûter l’ambiance européenne. Vous pouvez tout aussi bien vous asseoir simplement dans un café pour y flâner un peu.

Shanghai, un concentré de Chine

Nanjing Lu est encore plus prospère qu’autrefois.

Mais Shanghai est avant tout une ville chinoise où l’on peut observer et vivre les traditions et les coutumes de ce grand pays. Dans le labyrinthe des ruelles étroites de son quartier chinois s’alignent des maisons à l’architecture raffinée, des temples anciens et des boutiques vendant bibelots, éventails et vases en fine porcelaine, ou tout ce que vous pouvez imaginer. Il ne faut pas oublier le beau salon de thé Yu Yuan et son jardin, connu comme un jardin des plaisirs. Le pont des Neuf Détours, étroit et sinueux et dont le plan a été conçu pour chasser les mauvais esprits, enjambe un étang artificiel et mène au salon de thé. Une cérémonie de thé s’y tient, mais soyez bien préparés à y mettre le prix – aujourd’hui, les traditions sont coûteuses.

Un voyage à Shanghai ne saurait être complet sans un peu d’emplettes. Pour l’heure, cette ville est un super magasin. On peut tout y acheter : des souvenirs au système de télévision dernier cri. Et ce qui est merveilleux, c’est que vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin à un prix d’occasion. La Mecque des enthousiastes d’achats, c’est Nanjing Lu, souvent surnommée l’avenue d’or; elle attire autant les touristes des quatre coins de Chine que ceux du monde entier. Je vous assure qu’en matière de courses, Shanghai surpasse de loin Beijng, ville que je croyais  être depuis toujours le paradis des acheteurs.

Que le quartier Pudong, dont les 330 m2 soulignent l’importance dans la mégalopole, n’ait été, il y a seulement douze ans, qu’un grand jardin maraîcher peut vous surprendre. Aujourd’hui, les gratte-ciel y abondent. On pourrait coiffer cette zone économique spéciale du qualificatif de Manhattan chinois. Vue du quai opposé de la Huangpu, sa silhouette n’impressionne pas moins que celle de sa cousine des États-Unis.

Le Grand Hyatt – l’hôtel le plus haut du monde – s’y trouve. Son bar Nine Clouds, au 87e étage, offre une vue à vol d’oiseau de la ville. L’autre site à ne pas manquer – la tour Perle de l’Orient, est la plus haute du genre en Asie et la troisième plus haut du monde avec ses 468 mètres.  En complément des studios de télédiffusion, y figurent un salon de thé panoramique, des restaurants, des magasins, un hôtel et l’excellent musée de l’histoire de Shanghai.

Au début du XXe siècle, Shanghai était la ville dont le développement était le plus rapide au monde, une réputation qui l’accompagne encore en ce nouveau millénaire. L’arrondissement Pudong a attiré à lui seul quelque 37 milliards de dollars US d’investissements. Depuis l’adhésion de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en décembre 2001, plus de 100 multinationales ont établi leur siège à Shanghai, et leur nombre croît sans cesse.

Il y a mille et une raisons d’aimer Shanghai, mais pas une seule excuse pour ne pas s’y rendre.