Le
peintre Marco, la pensée sous toutes ses couleurs
LOUISE
CADIEUX et HU CHUNHUA
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Le peintre
Marco, lors de l’entrevue. |
Né en Italie,
le peintre autodidacte Marco S. Mallamaci a installé son chevalet
à Beijing depuis 1999, après avoir vécu dans différents pays.
Intégration d’éléments symboliques, de références culturelles
et de concepts philosophiques,
sa peinture a séduit le milieu chinois de la peinture par
le puissant message social qu’elle veut livrer. Nous avons rencontré
Marco (comme on l’appelle en Chine) afin de mieux connaître sa
peinture et sa vie dans ce pays.
Q :
Pouvez-vous nous présenter brièvement votre cheminement de peintre?
R : C’est en Belgique que j’ai commencé à peindre
vers 1983, alors que j’étais dans la trentaine. Au début des années
1980, en Italie, j’avais partagé pendant quelques mois l’appartement
d’Eugenio Barra, un professeur aux Beaux-Arts, et le soir, en
revenant de travailler, je le regardais peindre. Il faisait surtout
des paysages. Il a été ma source d’inspiration. Depuis lors, la
peinture est toujours restée ma passion.
Q :
Cet homme a été votre premier
maître en quelque sorte?
R :
Non, je ne le considère pas comme tel, seulement comme mon inspiration.
Je n’ai jamais suivi de cours de peinture; j’ai appris cet art
dans les livres et par la pratique.
Q :
Quelle est votre façon de travailler?
R :
Je travaille très lentement, je laisse mûrir longtemps une idée,
car j’aime que ma peinture livre un message. Et il faut que le
contexte soit approprié, que je me sente inspiré, que la température
soit agréable. Lorsque je me mets à l’œuvre, je laisse aller mon
inspiration, de sorte qu’il m’arrive de changer complètement ce
que j’avais prévu. Je ne peins environ qu’une seule toile en deux
ans.
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Le
Général, œuvre de 1984. |
Q :
Comment qualifiez-vous votre peinture? Une école particulière
vous a-t-elle influencé?
R :
Je me sens différent des autres et je n’appartiens à aucune école.
Dans chacune de mes peintures, il y a beaucoup de philosophie
de la vie, je tente toujours d’exprimer une idée profonde.
Q :
Et si vous nous présentiez quelques-unes de vos peintures…
R :
Bien sûr. Voici ma première, intitulée Le
Général. Elle représente l’Amérique centrale et l’Amérique
du Sud sous le visage d’un général connu… Cette région a souvent
subi des coups d’État qui ont été fomentés avec l’aide des États-Unis.
Vous voyez les balles avec les signes de dollars? Et on peut distinguer
le mot a-b-u-s, que l’on peut décliner dans bien des langues.
Le sang coule partout…. Pour moi, cette peinture exprime l’opposition
à quiconque (personne, pays ou régime) tente d’abuser les gens.
Elle ne vise pas quelqu’un en particulier, elle a une symbolique
universelle. Après avoir vu cette toile, un écrivain américain
très connu m’a envoyé un courriel en me disant que le message
de cette peinture est tellement fort que celle-ci pourrait faire
la couverture d’un de ses livres. Lors d’expositions, des peintres,
des professeurs et des étudiants en art m’ont fait part de la
puissance d’évocation qu’ils ont sentie dans cette toile.
Q :
Et votre préférée?
R :
Difficile à dire. Tiens, celle-ci. L’Apocalypse.
Tout est détruit, mais la couleur surgit de partout. Alors que
je vivais à Bogota, un jeune garçon de 7 ans est venu chez moi
avec son père. Il regardait mes toiles comme s’il avait été un
critique d’art. Spontanément, il a choisi cette peinture comme
sa préférée. Pour lui, c’était un endroit où il y avait eu la
guerre et où tout avait été détruit. Il voyait même un hélicoptère,
qui évidemment n’y est pas! Cette autre peinture (Marco indique la toile intitulée « Le Christ ») est celle qui a été la plus exigeante à faire. Tant sur le plan
de la couleur que du trait. Ce Christ, il peut avoir le visage
de quiconque…
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Italia
Berluschina, œuvre peinte en Chine en 2001, l’une
des œuvres préférées de Marco. |
Q :
Y a-t-il un endroit dont vous rêvez pour peindre?
R :
Une île à moi tout seul! J’aimerais trouver un endroit calme,
près de la mer. L’Italie, la Grèce, l’Espagne, la Chine…. Oui,
pourquoi pas la Chine? À Hainan, par exemple. Beijing c’est trop froid
l’hiver, et trop chaud l’été. Mais j’aime beaucoup la Chine, et
les Chinois m’aiment bien.
Q :
Avez-vous des toiles qui ont été peintes en Chine?
R. :
Justement celle-ci, une de mes préférées. Son titre est Italia Berluschina. Cette peinture se découvre sous diverses facettes.
On peut y voir, sans penser à rien d’autre, l’Italie de la volupté,
l’endroit où l’on mange et où l’on boit; la Sardaigne et la Sicile
sont d’ailleurs représentées comme une bouteille de vin et un
fruit. Mais c’est aussi l’Italie de Berlusconi, l’Italie sous
Berlusconi, l’Italie qui ploie…
Q :
Vous êtes en Chine depuis quatre ans déjà; la Chine vous inspire-t-elle?
R. :
Oui, mais cela me demande du temps pour transposer cette Chine
sur la toile. Ce qui m’attire surtout, ce sont les gens de condition
modeste. Ils dégagent une telle joie de vivre! On est riche, mais
bien souvent malheureux, alors qu’eux…. Ces gens sont très inspirants.
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LApocalypse,
uvre de 1987. |
Q :
Vous initiez-vous à la peinture traditionnelle chinoise?
R : Je ne l’ai pas étudiée, mais j’aime l’admirer.
Je trouve la calligraphie un peu difficile à saisir, car les caractères
chinois me sont étrangers. Ce
que j’aime surtout, ce sont les peintures chinoises qui décrivent
la vie. La peinture shan
shui (montagne et eau, peinture de paysages) m’attire aussi,
mais celle des grands maîtres, pour leur maîtrise technique.
Q :
Avez-vous tenu des expositions de vos œuvres en Chine?
R :
En 2003, j’ai participé à deux expositions internationales d’art,
celle de Beijing et celle du Guangdong. Cela m’a permis d’y rencontrer
bon nombre d’artistes chinois et d’échanger avec eux. Prochainement,
je vais probablement tenir une exposition dans un hôtel à Beijing.
Durant ces
expositions, les œuvres de Marco ont été fort remarquées. Entre
autres, il a été élu par le magazine « Mingjia. Beijing »
comme l’un des meilleurs artistes étrangers en Chine. Et dans
une dédicace, on peut lire : « Peintre contemporain
remarquable. La peinture italienne a trouvé un héritier. »