Le film chinois, un fidèle du Festival de Cannes
À travers
une brève rétrospective du cinéma chinois à Cannes, on découvre
les hauts et les bas d’un cinéma encore peu connu en Occident.
Les débuts
Ce n’est pas d’hier que le film chinois est présenté
à Cannes : ses débuts remontent à 1959. On avait alors présenté
La Pécheresse (Dangfu Yu Shengnu), du réalisateur taïwanais Tian Chen. Le film décrivait
les expériences légendaires d’une femme durant la guerre de Résistance
contre l’agression japonaise (1937-1945) et constituait la première
tentative de la Chine pour remporter la Palme d’or du meilleur
film.
Au cours de la décennie 1960, Li Han-Hsing (Li Hanxiang)
a été le participant chinois qui a le plus souvent fréquenté Cannes.
Parmi trois de ses films en compétition, mentionnons L’Ombre enchanteresse (Tchien Gnu You Houn, 1960), La Concubine magnifique (Yang Kwei Fei, 1962) et La Reine diabolique, 1963). La Concubine magnifique remporta alors
le Grand Prix de la Commission supérieure technique du cinéma
français (meilleure photographie intérieure et couleur) grâce
à la décoration somptueuse de ses scènes de palais et à ses merveilleux
costumes. Ce fut le premier film en langue chinoise à remporter
un prix à Cannes.
En 1975, un film de gongfu, réalisé par le nouveau représentant des arts martiaux, Hu
Jinquan, a pris la vedette au festival. King Hu (Sha-nu) rafla
le Grand Prix technique de la Commission supérieure technique
pour Touch of Zen, prix
le plus prestigieux après la Palme d’Or et le Grand Prix du jury.
Cette expérience évoque le succès d’un autre film, Tigre et Dragon (Meilleur
film en langue étrangère, 2002 aux Oscars) du réalisateur taïwanais
Ang Lee en 2001. Ce film a fait une promotion efficace des arts
martiaux chinois dans le monde.
Grâce au réalisateur taïwanais Bai Jingrui, Cannes a
pu réaliser que les films chinois ne se résumaient pas seulement
aux arts martiaux. Son film Girl
Friend (Nu Pengyou, 1974) transforma l’attitude
des étrangers à propos des films chinois. En effet, pour eux,
le film chinois était auparavant synonyme d’action et de costumes.
C’est en 1979 que des films du continent chinois furent
présentés à Cannes pour la première fois, après la fondation de
la Chine nouvelle. Le réalisateur Xie Tieli y présenta un film
qu’il avait fait seize ans auparavant, Early
Spring, faisant le portrait sur film d’une Chine de plus en
plus ouverte. Par la suite, beaucoup de films ont participé aux
diverses expositions tenues pendant le festival; mentionnons les
films d’animation Uproar
in Heaven, Nezha conquers the Dragon
King et The Little Street.
Ce n’est qu’en 1982 que le comité d’organisation sélectionnera
La véritable histoire de Ah Q de Cen Fan
comme l’un des films vedettes en compétition.
Le contact plus étroit
C’est grâce à la cinquième génération des réalisateurs
chinois que le monde put voir le film chinois sous un jour totalement
nouveau. Au début des années 1980, on peut dire que le film du
continent chinois était inférieur à celui de Hongkong et à celui
de Taiwan, tant sur le plan de la cinématographie que sur celui
du scénario. Cependant, à la fin de cette décennie, le premier
groupe de diplômés en cinématographie après la Révolution culturelle
(1966-1976) a donné un nouvel aspect au film chinois en utilisant
des techniques et des styles de la cinématographie occidentale
parallèlement à une narration typiquement chinoise.
Quand on parle de la relation entre Cannes et la Chine,
il est impossible de passer sous silence le réalisateur bien connu
Chen Kaige. Chen s’est présenté pour la première fois à Cannes
en 1987. Avant cela, il avait acquis une certaine renommée avec
Terre Jaune (1986) et
La Grande Parade (1986).
En 1987, il était inscrit à la compétition avec le controversé
Roi des Enfants. Bien que Chen n’eût pas
remporté de prix, sa cinématographie unique, totalement différente
de tous les autres films chinois qui y avaient été présentés,
surprit les critiques du festival. En plus de ses paysages impressionnistes,
c’est l’intrigue réaliste donnant lieu à un film noir qui a séduit
Cannes.
Peu après, Chen réalisa La vie sur un fil (1991), mais les juges de Cannes rejetèrent le film
qu’ils qualifièrent de particulièrement médiocre. Chen regagna
rapidement la faveur de Cannes, et en mai 1993, son épopée Adieu ma Concubine remporta la Palme d’Or. Ce film allait être un
jalon pour le film chinois. Cependant, après que Chen eut atteint
l’apogée de sa carrière au début des années 1990, Temptress
Moon (1996) et L’Empereur
et l’Assassin n’apportèrent que frustration à Chen.
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Zhang Yimou, un réalisateur
très connu de la cinquième génération. |
Zhang Yimou, un autre réalisateur de renom de la cinquième
génération, a suscité des réactions mixtes à Cannes. Qualifié de « Monsieur prix », Zhang
Yimou s’est senti vraiment embarrassé de recevoir à répétition
un accueil froid à Cannes, alors qu’il avait eu trois films en
compétition au festival. Le premier était Ju
Dou (1990), mais Zhang dut revenir penaud. Le deuxième, Vivre
(1994), ne réussit pas à rafler la Palme d’Or, mais remporta tout
de même le Grand Prix du jury et le Prix du Meilleur Acteur. En
1995, son Shanghai Triad, un film très attendu, ne
remporta que le Grand Prix de la technique. Ses « liens étroits »
avec Cannes prirent fin lorsqu’il se brouilla avec le comité d’organisation
à propos de Pas un de moins
(1999).
Il n’y a probablement que Cannes qui puisse rendre possible
un tel événement : l’acteur-clown Ge You était en nomination
et il remporta le Prix du Meilleur Acteur. Cela exprime les différentes
valeurs qui ont cours au festival. À Cannes, les superstars de
belle apparence d’Hollywood et les scènes qui demandent beaucoup
d’argent n’ont pas de signification particulière. Le fait que
Ge You ait remporté ce prix a fait en sorte que les réalisateurs
comprirent ce qu’ils devaient faire la prochaine fois. Ils suivirent
ses traces, mais apparemment, ils n’apprirent rien. Ils ont probablement
oublié une chose importante : à Cannes, c’est l’individualité
qui est la priorité ultime.
Comparée avec Ge You dont l’apparence est bien ordinaire,
Gong Li, l’actrice chinoise la plus populaire à Cannes, est une
reine de beauté. Bien qu’elle n’ait jamais remporté de prix pour
elle-même, Gong Li a gagné la faveur de bien des cœurs étrangers
pour ses cinq films qui ont été en nomination. En 1997, avec l’actrice
malaise Michelle Yeoh, Gong Li a été membre du jury, devenant
l’une des quelques rares actrices des ligues majeures du cinéma
à le faire dans toute l’histoire de Cannes. La superstar de Hongkong
Maggie Cheung (In the Mood
for Love, 2000), que l’on voit fréquemment sur les écrans
de Cannes, a refusé de prendre part à cette grand-messe du vedettariat.
D’autres réalisateurs ont aussi leur place dans l’histoire
du Festival de Cannes. Mentionnons Wong Kar-Wai de Hongkong (réalisateur
de Happy Together, 1997
et de In the Mood for Love,
2000), le taïwanais Hou Hsiao-hsien, (réalisateur de Millenium
Mambo, 2001 et de La
Cité des douleurs, 1989) et Edward Yang (réalisateur de A One and a Two (Yi Yi ), 2000 et de A Confucean Confusion (Duli
Shidai), 1994). Grâce à Cannes, ces réalisateurs ont acquis
une certaine popularité auprès des cinéphiles du monde entier.
La fascination de Cannes
Qu’est-ce qui attire tant les réalisateurs de tous les
pays à Cannes? Est-ce son avant-gardisme et son originalité? Il
semble que son influence ne faiblira pas auprès de la prochaine
génération de réalisateurs chinois, bien au contraire. C’est Cannes
qui consacre ceux qui seront les prochains grands du cinéma. Aujourd’hui,
de plus en plus de jeunes réalisateurs chinois indépendants font
preuve d’une habileté cinématographique remarquable et de talent
pour la narration, et ils le démontrent à Cannes. Il suffit de
mentionner, entre autres, Lou Ye (Suzhou
River, 2000 et Purple
Butterfly, 2003), Jia Zhangke (Plaisirs
inconnus, 2002) et Jiang Wen (Les
Démons à ma porte, 2000).
Cannes offre une scène de choix, et aucun effort n’est
ménagé pour montrer au monde une Chine réelle et bien vivante.