AVRIL 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

 

Le film chinois, un fidèle du Festival de Cannes

À travers une brève rétrospective du cinéma chinois à Cannes, on découvre les hauts et les bas d’un cinéma encore peu connu en Occident.

Les débuts

Ce n’est pas d’hier que le film chinois est présenté à Cannes : ses débuts remontent à 1959. On avait alors présenté La Pécheresse (Dangfu Yu Shengnu), du réalisateur taïwanais Tian Chen. Le film décrivait les expériences légendaires d’une femme durant la guerre de Résistance contre l’agression japonaise (1937-1945) et constituait la première tentative de la Chine pour remporter la Palme d’or du meilleur film.

Au cours de la décennie 1960, Li Han-Hsing (Li Hanxiang) a été le participant chinois qui a le plus souvent fréquenté Cannes. Parmi trois de ses films en compétition, mentionnons L’Ombre enchanteresse (Tchien Gnu You Houn, 1960), La Concubine magnifique (Yang Kwei Fei, 1962) et La Reine diabolique, 1963). La Concubine magnifique remporta alors le Grand Prix de la Commission supérieure technique du cinéma français (meilleure photographie intérieure et couleur) grâce à la décoration somptueuse de ses scènes de palais et à ses merveilleux costumes. Ce fut le premier film en langue chinoise à remporter un prix à Cannes.

En 1975, un film de gongfu, réalisé par le nouveau représentant des arts martiaux, Hu Jinquan, a pris la vedette au festival. King Hu (Sha-nu) rafla le Grand Prix technique de la Commission supérieure technique pour Touch of Zen, prix le plus prestigieux après la Palme d’Or et le Grand Prix du jury. Cette expérience évoque le succès d’un autre film, Tigre et Dragon (Meilleur film en langue étrangère, 2002 aux Oscars) du réalisateur taïwanais Ang Lee en 2001. Ce film a fait une promotion efficace des arts martiaux chinois dans le monde.

Grâce au réalisateur taïwanais Bai Jingrui, Cannes a pu réaliser que les films chinois ne se résumaient pas seulement aux arts martiaux. Son film Girl Friend (Nu Pengyou, 1974) transforma l’attitude des étrangers à propos des films chinois. En effet, pour eux, le film chinois était auparavant synonyme d’action et de costumes.

C’est en 1979 que des films du continent chinois furent présentés à Cannes pour la première fois, après la fondation de la Chine nouvelle. Le réalisateur Xie Tieli y présenta un film qu’il avait fait seize ans auparavant, Early Spring, faisant le portrait sur film d’une Chine de plus en plus ouverte. Par la suite, beaucoup de films ont participé aux diverses expositions tenues pendant le festival; mentionnons les films d’animation Uproar in Heaven, Nezha conquers the Dragon King et The Little Street. Ce n’est qu’en 1982 que le comité d’organisation sélectionnera La véritable histoire de Ah Q de Cen Fan comme l’un des films vedettes en compétition.

Le contact plus étroit

C’est grâce à la cinquième génération des réalisateurs chinois que le monde put voir le film chinois sous un jour totalement nouveau. Au début des années 1980, on peut dire que le film du continent chinois était inférieur à celui de Hongkong et à celui de Taiwan, tant sur le plan de la cinématographie que sur celui du scénario. Cependant, à la fin de cette décennie, le premier groupe de diplômés en cinématographie après la Révolution culturelle (1966-1976) a donné un nouvel aspect au film chinois en utilisant des techniques et des styles de la cinématographie occidentale parallèlement à une narration typiquement chinoise.

Quand on parle de la relation entre Cannes et la Chine, il est impossible de passer sous silence le réalisateur bien connu Chen Kaige. Chen s’est présenté pour la première fois à Cannes en 1987. Avant cela, il avait acquis une certaine renommée avec Terre Jaune (1986) et La Grande Parade (1986). En 1987, il était inscrit à la compétition avec le controversé Roi des Enfants. Bien que Chen n’eût pas remporté de prix, sa cinématographie unique, totalement différente de tous les autres films chinois qui y avaient été présentés, surprit les critiques du festival. En plus de ses paysages impressionnistes, c’est l’intrigue réaliste donnant lieu à un film noir qui a séduit Cannes.

Peu après, Chen réalisa La vie sur un fil (1991), mais les juges de Cannes rejetèrent le film qu’ils qualifièrent de particulièrement médiocre. Chen regagna rapidement la faveur de Cannes, et en mai 1993, son épopée Adieu ma Concubine remporta la Palme d’Or. Ce film allait être un jalon pour le film chinois. Cependant, après que Chen eut atteint l’apogée de sa carrière au début des années 1990, Temptress Moon (1996) et L’Empereur et l’Assassin n’apportèrent que frustration à Chen.

Zhang Yimou, un réalisateur très connu de la cinquième génération.

Zhang Yimou, un autre réalisateur de renom de la cinquième génération, a suscité des réactions mixtes à Cannes.  Qualifié de « Monsieur prix », Zhang Yimou s’est senti vraiment embarrassé de recevoir à répétition un accueil froid à Cannes, alors qu’il avait eu trois films en compétition au festival. Le premier était Ju Dou (1990), mais Zhang dut revenir penaud. Le deuxième, Vivre (1994), ne réussit pas à rafler la Palme d’Or, mais remporta tout de même le Grand Prix du jury et le Prix du Meilleur Acteur. En 1995, son Shanghai Triad, un film très attendu, ne remporta que le Grand Prix de la technique. Ses « liens étroits » avec Cannes prirent fin lorsqu’il se brouilla avec le comité d’organisation à propos de Pas un de moins (1999).

Il n’y a probablement que Cannes qui puisse rendre possible un tel événement : l’acteur-clown Ge You était en nomination et il remporta le Prix du Meilleur Acteur. Cela exprime les différentes valeurs qui ont cours au festival. À Cannes, les superstars de belle apparence d’Hollywood et les scènes qui demandent beaucoup d’argent n’ont pas de signification particulière. Le fait que Ge You ait remporté ce prix a fait en sorte que les réalisateurs comprirent ce qu’ils devaient faire la prochaine fois. Ils suivirent ses traces, mais apparemment, ils n’apprirent rien. Ils ont probablement oublié une chose importante : à Cannes, c’est l’individualité qui est la priorité ultime.

Comparée avec Ge You dont l’apparence est bien ordinaire, Gong Li, l’actrice chinoise la plus populaire à Cannes, est une reine de beauté. Bien qu’elle n’ait jamais remporté de prix pour elle-même, Gong Li a gagné la faveur de bien des cœurs étrangers pour ses cinq films qui ont été en nomination. En 1997, avec l’actrice malaise Michelle Yeoh, Gong Li a été membre du jury, devenant l’une des quelques rares actrices des ligues majeures du cinéma à le faire dans toute l’histoire de Cannes. La superstar de Hongkong Maggie Cheung (In the Mood for Love, 2000), que l’on voit fréquemment sur les écrans de Cannes, a refusé de prendre part à cette grand-messe du vedettariat.

D’autres réalisateurs ont aussi leur place dans l’histoire du Festival de Cannes. Mentionnons Wong Kar-Wai de Hongkong (réalisateur de Happy Together, 1997 et de In the Mood for Love, 2000), le taïwanais Hou Hsiao-hsien, (réalisateur de Millenium Mambo, 2001 et de La Cité des douleurs, 1989) et Edward Yang (réalisateur de A One and a Two (Yi Yi ), 2000 et de A Confucean Confusion (Duli Shidai), 1994). Grâce à Cannes, ces réalisateurs ont acquis une certaine popularité auprès des cinéphiles du monde entier.

La fascination de Cannes

Qu’est-ce qui attire tant les réalisateurs de tous les pays à Cannes? Est-ce son avant-gardisme et son originalité? Il semble que son influence ne faiblira pas auprès de la prochaine génération de réalisateurs chinois, bien au contraire. C’est Cannes qui consacre ceux qui seront les prochains grands du cinéma. Aujourd’hui, de plus en plus de jeunes réalisateurs chinois indépendants font preuve d’une habileté cinématographique remarquable et de talent pour la narration, et ils le démontrent à Cannes. Il suffit de mentionner, entre autres, Lou Ye (Suzhou River, 2000 et Purple Butterfly, 2003), Jia Zhangke (Plaisirs inconnus, 2002) et Jiang Wen (Les Démons à ma porte, 2000).

Cannes offre une scène de choix, et aucun effort n’est ménagé pour montrer au monde une Chine réelle et bien vivante.