À la découverte de l’empereur Yongle des Ming
HUO JIANYING
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Zhu
Di, l’empereur Yongle. |
Lorsque Zhu Yuanzhang (1328-1398),
fondateur de la dynastie des Ming (1368-1644),
eut renversé les Yuan et fondé la dynastie des Ming (1368),
la capitale de l’empire chinois fut un temps à Nanjing. Dadu prit
le nom de Beiping et échut au quatrième fils du vainqueur, Zhu
Di (le futur Yongle), qui fut fieffé « prince de Yan ».
Mais Zhu Di ne se contenta pas de ce titre et amorça une lente
ascension vers le trône…
Yongle et
la construction de Beijing
Dans l’histoire de Chine, Zhu Di quitta Nanjing et arriva à Beiping à l’âge
de vingt ans. Il dut alors résister à des attaques-surprises des
forces restantes de la dynastie des Yuan (1206-1368). Pour protéger
cette métropole septentrionale, Zhu Di fut obligé de conduire
à maintes reprises le gros de ses troupes dans des batailles acharnées.
Après dix ans de batailles pénibles, il avait non seulement vaincu
toutes ces forces restantes, mais encore enrichi ses capacités
militaires dans la pratique. En 1390, avec la capitulation des
ennemis, une puissante armée fut organisée.
En 1398, Zhu Yuanzhang mourut des
suites d’une maladie. Son petit-fils, Zhu Yunwen, lui succéda
en prenant le nom de règne de Jianwen (Huidi).
Au moment de son accession au trône, le pays était divisé en fiefs où 25 princes
régnaient en maîtres. L’empereur estima donc que cette situation
constituait une grande menace pour sa domination. Ainsi, il accepta
le conseil de ses ministres et décida de réduire les forces des
princes vassaux. Après avoir détrôné cinq princes faibles durant
la première année, il se préparait à le faire pour Zhu Di, alors
le prince le plus puissant. Il envoya d’abord des généraux de
confiance guetter Zhu Di et chercha ensuite une occasion favorable
pour le mettre sous arrêt.
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Construit
à la 18e année de Yongle, le Temple du ciel fait
maintenant partie du patrimoine mondial. |
Pour échapper au danger, Zhu Di fit
l’imbécile. Dès qu’il eut entendu parler de l’ordre secret d’arrestation,
il décida de déclencher aussitôt une offensive à Beiping, sous prétexte d’éliminer les traîtres de la cour impériale. Après
quatre ans de combats acharnés, son armée réussit à occuper Nanjing.
Voyant que la capitale n’était qu’une mer de feu, on estima que
l’empereur Jianwen devait avoir été brûlé vif. Ainsi, Zhu Di se
proclama empereur et prit le nom de règne de Yongle, en jouissant
du soutien de tous les princes. Après avoir pris le pouvoir, il
décida de reporter la capitale de l’empire, là où elle avait été
sous les Yuan. Deux facteurs motivèrent son choix. Premièrement,
la ville et ses environs étaient sa sphère d’influence, y compris
la puissance politique, économique et militaire; deuxièmement,
la position géographique de la ville était extrêmement importante
dans sa défense militaire, puisqu’elle était proche de la frontière
du nord. Elle pouvait résister à l’attaque d’ennemis et éviter
l’encerclement des envahisseurs. Yongle lui donna le nom de Beiping. Le 4 février 1403, il déclara officiellement
que le nom de Beiping allait être changé en celui de Beijing.
Depuis lors, le nom de cette ville fut transmis de génération
en génération parmi le peuple chinois. Sous son règne, le plan
de Beijing subit des changements notables.
En 1406, sous l’ordre de Yongle, on compte que plus de 230 000 artisans, des
milliers de terrassiers et de soldats travaillèrent durant quinze
ans à l’édification urbaine de Beijing. Grâce à leurs efforts,
une nouvelle capitale magnifique se déploya. Sous la domination
de Yongle, les guides anciens avaient coutume de diviser la ville
emmurée en trois villes distinctes : 1) au centre, la ville
pourpre interdite (Zijincheng
ou Gongcheng), constituée
par le Palais impérial de trois kilomètres de circonférence; 2)
entourant celle-ci, la cité impériale (Huangcheng) ;
3) entourant la cité impériale et le palais, la ville intérieure
(Neicheng ou Jingcheng). Les cours et les constructions s’ordonnaient selon trois
axes parallèles nord-sud et l’axe central était le plus important. Au sud, se trouvaient les édifices destinés
à la vie officielle, au nord, les plus importants des édifices
réservés à la vie privée. Les axes latéraux étaient occupés par
des appartements secondaires et des annexes.
La première ville avait un plan sensiblement carré : 6,5 km du sud
au nord et 5,7 km de l’est à l’ouest. Le Palais impérial
occupait un rectangle de 960 m sur 750 m, soit une superficie
de 720 000 m². Il était entouré d’une douve de 50 m de large
remplie d’eau et d’une muraille continue de 7,9 m
de haut.
La ville pourpre interdite était entourée de la cité impériale. Sur neuf km
de ses environs se trouvaient des annexes : le Temple des
ancêtres impériaux (Taimiao,
aujourd’hui le parc de la Culture du peuple), l’autel du Dieu
du sol et des moissons (Shejitan, aujourd’hui le parc Sun Yat-sen)
et le siège du gouvernement central (Zhongnanhai).
Dès que l’empereur Yongle eut décidé d’installer sa
capitale à Beijing, il fit aussi construire les remparts de la
ville intérieure : 22,5 km de circonférence et 12 m de haut.
En 1437, ceux-ci furent recouverts de briques et entourés
d’une douve large aux eaux profondes; au cours du temps, ces remparts
furent restaurés et consolidés à plusieurs reprises. Au sommet,
un chemin de ronde permettait aux cavaliers de faire le tour de
la ville; de loin en loin, le mur était ou bien renforcé par des
tours, notamment aux angles, ou bien percé de neuf portes. Chacune
livrait passage à une circulation particulière.
La ville pourpre interdite se trouvait au centre de
la ville. Un axe central nord-sud de 6,5 km reliait la tour
de la Cloche (au nord) et la porte Yongding (au sud) en traversant
le centre du Palais impérial. À ses deux côtés, des boutiques
et des maisons étaient rangées en une disposition rationnelle.
En plus de l’édification urbaine, l’empereur Yongle
pratiqua encore une série de politiques pour transformer Beijing
en une ville prospère. En 1403, sous son ordre, plus de 136 000
foyers de la province du Shanxi emménagèrent à Beijing. En 1408,
il donna encore l’ordre d’une exemption d’impôts de trois ans.
Il concentra plus de 200 000 artisans habiles du pays pour participer
aux travaux de construction de la capitale, à la création des
ateliers et des marchés. Il concentra aussi plus de 300 000 terrassiers
pour draguer le Grand Canal. Ainsi, la circulation était fluide
sur cette grande artère allant du sud au nord du pays, et de grandes
quantités de céréales du Sud furent transportées immédiatement
à Beijing. Après des années de guerres, l’économie de la capitale
connut un développement rapide et les citadins purent enfin mener
une vie tranquille. Yongle est également à l’origine de sites
qui font maintenant partie du patrimoine mondial : Palais
impérial, Temple du ciel, Treize Tombeaux des Ming à Beijing,
constructions du mont Wudang dans la province du Hubei.
Yongle et la culture :
la plus grande encyclopédie de l’histoire chinoise
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La
voie sacrée des Treize Tombeaux des Ming fait maintenant partie
du patrimoine mondial. |
On ne peut passer sous silence la Yongle Dadian (Grande Encyclopédie de Yongle), rédigée sous son règne. Yongle était non seulement un militaire
qui savait mener des soldats au combat, mais il lisait aussi énormément.
En tant que politicien, il aimait tirer les leçons de l’histoire ;
en tant qu'empereur, il savait bien qu’un fonctionnaire civil
peut gouverner un pays et qu’un fonctionnaire militaire peut pacifier
les pays voisins.
Après avoir étudié, il apprit par l’expérience que toutes les choses de l’univers
sont multiples et variables et que toutes les connaissances humaines
sont enregistrées dans les livres. Mais il était difficile de
les chercher pour les employer. Il pensa donc que si on traitait
toutes les connaissances humaines dans un ordre alphabétique ou
méthodique en rédigeant un recueil ou un ensemble de toutes les
connaissances, il serait plus facile de les chercher. Sous la
direction de Yongle, une centaine de lettrés travaillèrent pendant
un an et rédigèrent un grand livre intitulé « Réussite complète des documents ».
Après avoir lu ce grand livre, l’empereur Yongle n’en fut pas satisfait, car
le recueil de connaissances était trop simple. Ainsi, il demanda
aux lettrés de rédiger une édition augmentée, en fonction de son
principe : « Il faut rédiger une série de livres qui
collectionnent les connaissances d’une centaine de familles, y
compris l’astronomie, les annales des districts, les principes
féminin et masculin, la médecine, la divination, les huit trigrammes,
les religions et les technologies. » Il ajouta : « Des
lecteurs ont de l’argent pour acheter des livres; pourquoi la
cour impériale ne pourrait-elle pas aussi le faire? » Dès
lors, il envoya des gens acheter à prix unique de bons livres
dans toutes les provinces du pays. Le contingent de travailleurs
à cette fin passa d’une centaine à 2 169 personnes. Grâce à leurs
efforts, un ensemble de grands ouvrages furent finalement rédigés
durant l’hiver 1408. L’empereur Yongle donna le nom de « Yongle Dadian » et préfaça lui-même ce grand ouvrage.
Ce dernier comprend plus de 8 000 livres de différentes catégories. Son contenu
concerne des classiques et des légendes populaires. Cette grande
encyclopédie de 370 millions de caractères est la plus grande
encyclopédie de Chine, et elle comprend 11 095 tomes et 22 877
volumes. Rien que son sommaire couvre 60 volumes.
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Brûle-parfum
en forme de trépied en porcelaine céladon conservé par le
Palais impérial. |
Après sa rédaction, l’exemplaire unique du « Yongle Dadian » fut transporté à Beijing par Yongle, lors du
transfert de la capitale de Nanjing à Beijing, et conservé dans
le pavillon Wenlou (Wenzhaoge).
À ce moment-là, quelqu’un conseilla d’en faire une impression
typographique, mais ces travaux gigantesques connurent des difficultés
terribles. Plus tard, un incendie se déclara, et l’ouvrage frôla
la destruction. Dans ce contexte, l’empereur Jiajing (1522-1567)
prit la résolution d’en faire une copie collationnée avec l’original.
Ces travaux gigantesques occupèrent une centaine d’intellectuels qui travaillèrent
consciencieusement. Pour réaliser la copie manuscrite de la Yongle Dadian, chaque personne devait copier
textuellement trois pages par jour. Après avoir fini la copie
d’un tome, le copieur et le correcteur devaient signer. Cette
glorieuse mission historique fut accomplie en six ans.
Par la suite, l’original de ce grand recueil fut conservé au pavillon Wenyuan
(Wenyuange) ; maintenant,
on ignore où se trouve ce recueil ancien. Des savants estiment
qu’il a été possiblement brûlé dans les années où la guerre faisait
rage. Parallèlement, sa copie, conservée par les Archives impériales
(Huangshicheng), a aussi été victime de
catastrophes. Au XVIIIe siècle, la grande collection
Siku Quanshu comprenant 79 070 volumes
fut rédigée sous le règne de l’empereur Qianlong (1736-1796) des
Qing. À cette époque-là, 2 400 volumes de Yongle
Dadian avaient disparu. Au milieu du XIXe
siècle, alors que la guerre faisait rage en Chine,
il n’en restait que 64 tomes. Ces dernières années, on
a trouvé plus de 150 tomes. Tous ces livres sont des mines de
renseignements.
Yongle et les échanges avec l’extérieur
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Monnaie
de l’époque Yongle. |
Dans la société féodale, Li Shimin (599-649), empereur Taizong des Tang (618-907)
et Zhu Di, empereur Yongle des Ming,
sont les deux empereurs qui attachèrent une grande importance
au développement des relations avec les pays étrangers.
Au début des Ming, le gouvernement limita sérieusement les échanges et le
commerce avec l’extérieur. Sous son règne, Yongle mena plutôt
une politique commerciale officielle, en supprimant l’interdiction
imposée à la population sur les échanges et le commerce avec l’extérieur.
Trois mois après avoir monté sur le trône, Yongle dépêcha une
série d’envoyés dans les pays de l’Asie du Sud-Est (Malaisie,
Indonésie, Viet Nam, etc.) Aussi, Zheng He (1371-1435), eunuque
originaire du Yunnan et navigateur célèbre, fut chargé, de 1405
à 1433, de conduire sa grande flotte de commerce vers les mers
de l’Ouest. En 28 ans, il se rendit dans une trentaine
de pays en Asie et en Afrique. Pour établir des relations politiques,
économiques et culturelles, il fit un voyage de plus de 50 000 km.
Lors de son premier voyage, il fut équipé d’une flotte de plus
de 200 bateaux et de plus de 20 000 suites (y compris ses équipages,
ses soldats, ses techniciens, ses interprètes, ses médecins, etc.)
À l’exception de l’or et de l’argent, ses marchandises comprenaient
de la soie, de la porcelaine, des objets en bronze, en fer, etc.
À chaque endroit, où il arrivait, Zheng He offrait des cadeaux
au roi ou au chef de tribu au nom de l’empereur Yongle. Par des
échanges commerciaux avec des locaux, Zheng He acheta des pierres
précieuses, des perles, des aromates, du bois et des spécialités
locales. Des pays occidentaux envoyaient aussi des messagers amicaux
en Chine avec le retour de sa flotte.
En 1417, trois rois des îles des Philippines
conduisirent une délégation de plus de quatre cents personnes
en Chine. Ils avaient apporté des cadeaux (poires, carets et spécialités
locales) pour offrir à la cour impériale. Parallèlement, le gouvernement
des Ming leur réserva un accueil chaleureux. Après un séjour de
27 jours, la délégation prit la route du retour. Le gouvernement
des Ming leur offrit de l’or, de l’argent, des soieries et des
broderies et envoya des eunuques pour les accompagner. Malheureusement,
un des trois rois tomba malade en route et mourut à Dezhou (Shandong).
Après avoir appris cette nouvelle, l’empereur Yongle, affligé,
envoya un fonctionnaire pour rendre hommage à ce roi. L’empereur
Yongle écrivit en personne l’inscription de la stèle qui fit grand
éloge de la contribution du roi aux relations amicales entre les
deux pays.
En 1424, à 65 ans, Yongle mourut des suites d’une maladie pendant la bataille
de Yumuchuan. Après avoir été inhumé au mausolée Changling des
Treize Tombeaux des Ming, chaque jour, un flot de visiteurs se
pressait pour rendre hommage à sa dépouille.