Carnet de notes d’un bénévole qui
porte secours aux orphelins du sida
HU JIA
Ayant terminé ses études universitaires
en 1996, Hu Jia a travaillé, jusqu’en 2001, dans une O.N.G. de protection de l’environnement appelée Friends
of Nature. C'est cette
année-là où il a pris
contact avec des sidéens et adhéré à un établissement sanitaire ayant pour objectif de vulgariser des connaissances sur la prévention
du sida. Actuellement,
Hu a dans ses cartons la création
à Beijing et à Shanghai d’une fondation d'organisations
d’assistance aux orphelins du sida.
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Wu
Minglian (à droite) offre des cadeaux aux orphelins. |
« Le 1er décembre dernier, l’émission Xinwen Diaocha (Investigation journalistique)
de la CCTV (Télévision centrale de Chine) a présenté un dossier
spécial sur les orphelins du sida, sensibilisant
ainsi le public à la question de ces orphelins. En peu de temps,
quantité de donations ont afflué à l’orphelinat, Guan’ai zhijia, « famille de soins », abritant ce genre
d’enfants, dont il avait été question à l’émission. Cette manifestation
marque une nouvelle étape de l’aide populaire apportée depuis un
certain temps
aux sidatiques. Déjà en 2002, grâce à l'émission Rensheng rexian, « Téléphone rouge de la vie », de Radio Beijing,
certains bénévoles parmi nous avaient rendu publique la situation
de ces orphelins à court de vêtements et de nourriture; ils avaient
alors proposé une collecte de dons.
Le 1er décembre, Journée internationale du sida,
des gens de tous âges des environs de Beijing, chargés de paquets
de vêtements propres, sont accourus à notre site de collecte.
Quelques jeunes femmes, en lien avec des multinationales ont même
travaillé à nos côtés comme bénévoles durant une journée entière; grâce à leur
efficacité et à leur rigueur professionnelle, elles nous ont aidés
à classer et à attacher ces vêtements, tout en nous transmettant
une humeur joviale au travail. Parce que nous n'avions pas assez
clairement indiqué notre localisation, une vieille dame approchant
les quatre-vingts ans, canne à la main, avait dû faire bien des
détours avant d’arriver chez nous avec un gros paquet de vêtements.
En lui présentant nos excuses, nous l’avons invitée à s’asseoir,
tandis que des bénévoles s’empressaient de masser ses jambes fatiguées
et lui offraient un thé pour se réchauffer. Elle a demandé avec insistance d’envoyer ces effets
aux orphelins, ce que nous lui avons alors promis solennellement. Avant Noël 2002, la région Huabei, allant de
Beijing à la province du Henan, a connu huit journées de neige
d’affilée, une première depuis les 163 ans de météorologie enregistrée. Les flocons blancs avaient envahi ciel et terre
et entraîné la fermeture des autoroutes.
En dépit du froid rigoureux, avec les milliers de vêtements
donnés aux orphelins et sidéens par des gens de Beijing, nous
nous sommes mis en route en direction des villages de Houyang
et Shilipu du district Shangcaiyang du Henan.
En plein hiver, la santé délicate des porteurs de VIH et l’augmentation
des complications provoquent une émergence soudaine de malades
et de mortalités chez les malades pauvres, d’où l’apparition de
nombreux orphelins ou la perspective d’une augmentation de ces
derniers. Si leurs parents ont vendu du sang dans le but d’améliorer
leur vie nécessiteuse, après avoir contracté le sida à cause du
commerce du sang, ils ont davantage appauvri la famille, vu leur
incapacité à travailler et les frais des médicaments à payer.
En outre, les souffrances corporelles et psychologiques causées
par le sida leur sont plus qu’insupportables et le poids de la
discrimination les étouffe.
Ces enfants, si mignons, sourient probablement pour la première fois de
leur vie, alors qu'ils tiennent dans leurs bras des vêtements
offerts par des gens bienveillants. Ils savent que de nombreux
inconnus leur prêtent attention. Face à ces visages épanouis,
nous ressentons un bonheur indicible et un soulagement inexprimable.
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Deux
enfants et leur grand-mère lisent une brochure sur le sida. |
À l’automne 2003, ayant rassemblé 3 000 dollars US auprès de la communauté
chinoise de la région, madame Wu Minglian une expatriée qui vit
à Los Angeles, sur la côte Ouest des États-Unis, est venue à Beijing,
sans se soucier de la grande distance à parcourir. Le 26 octobre,
nous sommes partis de Shanghai pour la province du Henan. À Zhengzhou,
nous avons rencontré Zhao Zhen, un sidéen du district Sui, et
nous lui avons confié 10 000 yuans pour financer un semestre d’études
de 25 orphelins de son village. Le lendemain, apportant l’argent
avec grand soin, Zhao a effectué les cinq heures de trajet en
autocar pour retourner dans son village, et a été accueilli par
les membres du groupe d’entraide aux sidéens. Après tout, des
enfants qui peuvent encore continuer un semestre d’études, c’est
quelque chose ! Malgré l’incertitude pour les prochains semestres,
il faut d’abord qu’ils profitent des précieuses journées qu’ils
peuvent passer à l’école. L’argent compte moins pour ces enfants
que l’espoir que notre aide leur a apporté.
Le lendemain, à notre arrivée au village du district Cai (Henan), nous
avons été accueillis par des sidéens et des enfants. Notre mission
consistait à distribuer des droits de scolarité aux meilleurs
élèves, dont trois filles d’une école secondaire et un garçonnet
de six ans. Ces filles semblaient introverties, mais, interrogée sur son avenir, l'une d’entre elles
a dit qu’elle voudrait devenir médecin. Sans doute éprouvée par
le sida qui tourmente ses parents, elle a choisi de combattre
les maladies. Nous l'avons beaucoup encouragée à persévérer dans
ce projet. Cette ambition lui procure certainement une puissante
motivation. On lui a présenté tous nos meilleurs vœux de réussite,
bien qu’on ne puisse être sûr qu'elle n’interrompra
pas un jour ses études ou qu'elle pourra avoir la chance d'être
admise dans une université de médecine; l’accès à ce type d’université
est en effet très difficile, étant donné la concurrence acharnée.
La mémoire de certains enfants est fortement marquée, non seulement par
les déchirures des derniers adieux de leurs parents, mais aussi
par la discrimination. Nous apercevons dans leur regard candide
le sentiment de désespoir face à un monde d’indifférence. Nous
sommes prêts à tout faire pour égayer ces jeunes visages. »