AVRIL 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Carnet de notes d’un bénévole qui porte secours aux orphelins du sida

HU JIA

Ayant terminé ses études universitaires en 1996, Hu Jia a travaillé, jusqu’en 2001, dans une O.N.G. de protection de l’environnement appelée Friends of Nature. C'est cette année-là où il a pris contact avec des sidéens et adhéré à un établissement sanitaire ayant pour objectif de vulgariser des connaissances sur la prévention du sida.  Actuellement, Hu a dans ses cartons la création à Beijing et à Shanghai d’une fondation d'organisations d’assistance aux orphelins du sida.

Wu Minglian (à droite) offre des cadeaux aux orphelins.

« Le 1er décembre dernier, l’émission Xinwen Diaocha (Investigation journalistique) de la CCTV (Télévision centrale de Chine) a présenté un dossier spécial sur les orphelins du sida, sensibilisant ainsi le public à la question de ces orphelins. En peu de temps, quantité de donations ont afflué à l’orphelinat, Guan’ai zhijia, « famille de soins », abritant ce genre d’enfants, dont il avait été question à l’émission. Cette manifestation marque une nouvelle étape de l’aide populaire apportée depuis un certain temps aux sidatiques. Déjà en 2002, grâce à l'émission Rensheng rexian, « Téléphone rouge de la vie », de Radio Beijing, certains bénévoles parmi nous avaient rendu publique la situation de ces orphelins à court de vêtements et de nourriture; ils avaient alors proposé une collecte de dons.  Le 1er décembre, Journée internationale du sida, des gens de tous âges des environs de Beijing, chargés de paquets de vêtements propres, sont accourus à notre site de collecte. Quelques jeunes femmes, en lien avec des multinationales ont même travaillé à nos côtés comme bénévoles durant une journée entière; grâce à leur efficacité et à leur rigueur professionnelle, elles nous ont aidés à classer et à attacher ces vêtements, tout en nous transmettant une humeur joviale au travail. Parce que nous n'avions pas assez clairement indiqué notre localisation, une vieille dame approchant les quatre-vingts ans, canne à la main, avait dû faire bien des détours avant d’arriver chez nous avec un gros paquet de vêtements. En lui présentant nos excuses, nous l’avons invitée à s’asseoir, tandis que des bénévoles s’empressaient de masser ses jambes fatiguées et lui offraient un thé pour se réchauffer. Elle a demandé avec insistance d’envoyer ces effets aux orphelins, ce que nous lui avons alors promis solennellement.  Avant Noël 2002, la région Huabei, allant de Beijing à la province du Henan, a connu huit journées de neige d’affilée, une première depuis les 163 ans de météorologie enregistrée.  Les flocons blancs avaient envahi ciel et terre et entraîné la fermeture des autoroutes.  En dépit du froid rigoureux, avec les milliers de vêtements donnés aux orphelins et sidéens par des gens de Beijing, nous nous sommes mis en route en direction des villages de Houyang et Shilipu du district Shangcaiyang du Henan.

En plein hiver, la santé délicate des porteurs de VIH et l’augmentation des complications provoquent une émergence soudaine de malades et de mortalités chez les malades pauvres, d’où l’apparition de nombreux orphelins ou la perspective d’une augmentation de ces derniers. Si leurs parents ont vendu du sang dans le but d’améliorer leur vie nécessiteuse, après avoir contracté le sida à cause du commerce du sang, ils ont davantage appauvri la famille, vu leur incapacité à travailler et les frais des médicaments à payer. En outre, les souffrances corporelles et psychologiques causées par le sida leur sont plus qu’insupportables et le poids de la discrimination les étouffe.

Ces enfants, si mignons, sourient probablement pour la première fois de leur vie, alors qu'ils tiennent dans leurs bras des vêtements offerts par des gens bienveillants. Ils savent que de nombreux inconnus leur prêtent attention. Face à ces visages épanouis, nous ressentons un bonheur indicible et un soulagement inexprimable.

Deux enfants et leur grand-mère lisent une brochure sur le sida.

À l’automne 2003, ayant rassemblé 3 000 dollars US auprès de la communauté chinoise de la région, madame Wu Minglian une expatriée qui vit à Los Angeles, sur la côte Ouest des États-Unis, est venue à Beijing, sans se soucier de la grande distance à parcourir. Le 26 octobre, nous sommes partis de Shanghai pour la province du Henan. À Zhengzhou, nous avons rencontré Zhao Zhen, un sidéen du district Sui, et nous lui avons confié 10 000 yuans pour financer un semestre d’études de 25 orphelins de son village. Le lendemain, apportant l’argent avec grand soin, Zhao a effectué les cinq heures de trajet en autocar pour retourner dans son village, et a été accueilli par les membres du groupe d’entraide aux sidéens. Après tout, des enfants qui peuvent encore continuer un semestre d’études, c’est quelque chose ! Malgré l’incertitude pour les prochains semestres, il faut d’abord qu’ils profitent des précieuses journées qu’ils peuvent passer à l’école. L’argent compte moins pour ces enfants que l’espoir que notre aide leur a apporté.

Le lendemain, à notre arrivée au village du district Cai (Henan), nous avons été accueillis par des sidéens et des enfants. Notre mission consistait à distribuer des droits de scolarité aux meilleurs élèves, dont trois filles d’une école secondaire et un garçonnet de six ans. Ces filles semblaient introverties, mais, interrogée sur son avenir, l'une d’entre elles a dit qu’elle voudrait devenir médecin. Sans doute éprouvée par le sida qui tourmente ses parents, elle a choisi de combattre les maladies. Nous l'avons beaucoup encouragée à persévérer dans ce projet. Cette ambition lui procure certainement une puissante motivation. On lui a présenté tous nos meilleurs vœux de réussite, bien quon ne puisse être sûr qu'elle n’interrompra pas un jour ses études ou qu'elle pourra avoir la chance d'être admise dans une université de médecine; l’accès à ce type d’université est en effet très difficile, étant donné la concurrence acharnée.

La mémoire de certains enfants est fortement marquée, non seulement par les déchirures des derniers adieux de leurs parents, mais aussi par la discrimination. Nous apercevons dans leur regard candide le sentiment de désespoir face à un monde d’indifférence. Nous sommes prêts à tout faire pour égayer ces jeunes visages. »