FÉVRIER 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Le tatouage des femmes de l’ethnie Dulong

SHEN XINGSHI

L'ethnie Dulong est une minorité nationale peu connue qui compte 5 000 habitants.  La plupart d’entre eux habitent dans la région enclavée de la vallée du fleuve du même nom, à 1 000 km de Kunming, capitale de la province du Yunnan.  À l’est du fleuve Dulong, se trouvent les monts Gaoligong; à l’ouest et au sud, il y a les monts Dandanglika qui confinent avec le Myanmar; et, au nord, c’est le Tibet. La neige isole cette région du monde extérieur pendant la moitié de l’année. Montagnards, les Dulong ont de la difficulté à utiliser les machines agricoles modernes.  Ils appliquent toujours les procédés traditionnels de culture.  Avec l’aide du gouvernement, ils ont développé certains secteurs d’élevage et de culture.  La langue des Dulong relève de la branche tibéto-birmane de la famille des langues sino-tibétaines.

Na Song, 74 ans, traverse lestement la rivière avec un cordage, bien qu’elle se dise malade.

Par tradition, les Dulong étaient animistes, et depuis longtemps les femmes ont coutume de se tatouer le visage. Les croyances anciennes en donnent plusieurs explications Les uns disent que les femmes se tatouaient pour être plus belles, ou pour reconnaître leur esprit après la mort. D’autres expliquent qu’une fois tatouées, les femmes n'auraient plus à s’inquiéter d’être enlevées comme esclaves. Certains autres encore estiment qu’elles agissaient ainsi pour se distinguer des hommes.  Au nord de la région de Kongdang du cours moyen et supérieur du fleuve Dulong, le mode de tatouage des femmes était presque le même dans tous les clans et dans toutes les familles.  Les jeunes filles devaient se tatouer le visage lorsqu’elles avaient douze ou treize ans pour montrer qu’elles étaient déjà adultes;  plus particulièrement, les femmes qui allaient se marier étaient obligées de le faire.  Pour le tatouage, on procédait de la façon suivante : la femme se lavait la figure et s'étendait sur le dos. D'abord, on traçait des dessins sur son visage à l’aide d un petit morceau de bambou pointu trempé de jus de tabac. Ensuite, partout sur les lignes de ce dessin, on piquait la peau.  Finalement, on enduisait longuement le visage de jus de tabac et de jus d’une sorte d’herbe, et on laissait ces jus pénétrer lentement dans la peau.  Une semaine plus tard, le visage de la tatouée était complètement désenflé, mais les dessins bleu foncé étaient toujours là et ils allaient y rester en permanence.  Les Dulong sont hospitaliers. Souvent, ils se sentent même gênés s’ils ne peuvent offrir de cadeaux à leurs invités.

On a retrouvé seulement soixante-quatre femmes tatouées dans cette région, et on les a toutes photographiées.  La plus âgée a cent huit ans, et la plus jeune, cinquante; leur âge moyen est de soixante-douze ans.  Une femme tatouée, nommée Kaiyuan, espère qu’après le décès de ces femmes, on exposera leur photo dans la salle d’exposition la plus grande et la plus belle du monde.