Le tatouage des femmes de l’ethnie Dulong
SHEN XINGSHI
L'ethnie
Dulong est une minorité nationale peu connue qui compte 5 000 habitants.
La plupart d’entre eux habitent dans la région enclavée de
la vallée du fleuve du même nom, à 1 000 km de Kunming, capitale
de la province du Yunnan. À l’est du fleuve Dulong, se trouvent les monts
Gaoligong; à l’ouest et au sud, il y a les monts Dandanglika qui
confinent avec le Myanmar; et, au nord, c’est le Tibet. La neige
isole cette région du monde extérieur pendant la moitié de l’année.
Montagnards, les Dulong ont de la difficulté à utiliser les machines
agricoles modernes. Ils appliquent toujours les procédés traditionnels
de culture. Avec l’aide
du gouvernement, ils ont développé certains secteurs d’élevage et
de culture. La langue des
Dulong relève de la branche tibéto-birmane de la famille des langues
sino-tibétaines.
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Na Song, 74 ans,
traverse lestement la rivière avec un cordage, bien qu’elle
se dise malade. |
Par tradition, les Dulong étaient animistes, et depuis
longtemps les femmes ont coutume de se tatouer le visage. Les croyances
anciennes en donnent plusieurs explications Les uns disent que les
femmes se tatouaient pour être plus belles, ou pour reconnaître
leur esprit après la mort. D’autres expliquent qu’une fois tatouées,
les femmes n'auraient plus à s’inquiéter d’être enlevées comme esclaves.
Certains autres encore estiment qu’elles agissaient ainsi pour se
distinguer des hommes. Au nord de la région de Kongdang du cours moyen
et supérieur du fleuve Dulong, le mode de tatouage des femmes était
presque le même dans tous les clans et dans toutes les familles. Les jeunes filles devaient se tatouer le visage
lorsqu’elles avaient douze ou treize ans pour montrer qu’elles étaient
déjà adultes; plus particulièrement,
les femmes qui allaient se marier étaient obligées de le faire. Pour le tatouage, on procédait de la façon
suivante : la femme se lavait la figure et s'étendait sur le
dos. D'abord, on traçait des dessins sur son visage à l’aide d un
petit morceau de bambou pointu trempé de jus de tabac. Ensuite,
partout sur les lignes de ce dessin, on piquait la peau.
Finalement, on enduisait longuement le visage de jus de tabac
et de jus d’une sorte d’herbe, et on laissait ces jus pénétrer lentement
dans la peau. Une semaine plus tard, le visage de la tatouée était complètement
désenflé, mais les dessins bleu foncé étaient toujours là et ils
allaient y rester en permanence.
Les Dulong sont hospitaliers. Souvent, ils se sentent même
gênés s’ils ne peuvent offrir de cadeaux à leurs invités.
On a retrouvé seulement soixante-quatre femmes tatouées
dans cette région, et on les a toutes photographiées. La plus âgée a cent huit ans, et la plus jeune,
cinquante; leur âge moyen est de soixante-douze ans. Une femme tatouée, nommée Kaiyuan, espère qu’après
le décès de ces femmes, on exposera leur photo dans la salle d’exposition
la plus grande et la plus belle du monde.
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