Des 
                Chinoises de talent de l’Antiquité 
                 
               
              HUO 
                JIANYING
              
              À propos de leur beauté ou 
                de leur laideur, l’histoire ne dit mot. Certaines femmes ont avant 
                tout marqué leur époque par leur talent et leur intelligence.
              
                
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                  | Des femmes de talent | 
                
              
              L’histoire 
                rapporte que, pendant la dynastie des Song du Nord (960-1127), 
                Su Xun (1009 -1066), un lettré de renom, et sa conjointe eurent 
                trois enfants fort doués et célèbres : le poète Su Dongpo 
                (1037-1102), le lettré Su Che (1039-1112) et la lettrée Su Xiaomei, 
                la cadette.  Les deux fils 
                étaient non seulement célèbres, mais aussi des lettrés de troisième 
                grade (doctorat). Intelligente, Su Xiaomei manifesta, dès sa tendre 
                enfance, beaucoup de talent, et elle acquit une solide instruction.  Reconnaissant son savoir-faire, son père affirma 
                un jour : « C'est dommage qu’elle soit une fille; autrement, 
                elle aussi aurait été un personnage renommé aux examens officiels.  »
              À l’époque 
                féodale, le système des examens impériaux était le principal moyen 
                par lequel les hommes pouvaient accéder à la fonction publique.  Si ce système avait permis aux femmes d’y participer, je crois que 
                la plupart des hommes auraient perdu leur poste et l’histoire 
                de la Chine aurait pu être très différente…
              Bien 
                que ce système injuste eût contraint beaucoup de femmes de 
                valeur à rester dans l’ombre, il n’a pas réussi à dissimuler leur 
                talent remarquable.  Le cours de l’histoire n’a pu négliger leur 
                position sociale et leur rôle historique; par exemple, l’impératrice 
                Wu Zetian (624 -750) et sa servante Shangguan Wan’er (664 -710) 
                ont ajouté un nouveau chapitre à l’histoire de Chine. 
              Wu 
                Zetian et Shangguan Wan’er
              
                 
                    | 
                
                 
                  | Shangguan Wan’er (à 
                    g.) et  Wu Zetian. | 
                
              
              En 
                684, Wu Zetian usurpa le pouvoir, et en 690, elle monta sur le 
                trône, devenant ainsi la seule impératrice dans l’histoire de 
                Chine. Elle changea alors le nom de la dynastie en celui de Zhou.  
                Shangguan Wan’er, une femme douée, était alors l’assistante 
                experte de l’impératrice.
              À l'origine, 
                Shangguan Wan’er était une servante ayant gagné la confiance de 
                Wu Zetian ; pendant plusieurs dizaines d’années, elle fut 
                une de ses aides importantes,  
                une inséparable de l'impératrice, un peu comme le corps 
                et son ombre.  Le sort de la dynastie des Tang a été longtemps entre les mains 
                de ces deux femmes compétentes.  
                Le temps est le juge le plus impartial et le plus impitoyable.  Les faits historiques ont confirmé la contribution 
                impérissable de ces femmes à la stabilité et à la prospérité de 
                la dynastie des Tang.
              Cependant, 
                du jour de leur rencontre à leur connaissance réciproque et jusqu’à 
                leur exercice commun du pouvoir, ces deux femmes talentueuses 
                connurent un chemin semé d’embûches.  
                
              Shangguan 
                Wan’er était née dans une famille de fonctionnaires.  
                Son grand-père, Shangguan Yi, avait été ministre important 
                de la Cour impériale et poète célèbre de la dynastie des Tang.  Sous le règne de l’empereur Gaozong (649 -683), il avait été mêlé 
                à une rivalité acharnée pour le pouvoir.  
                Finalement, il avait été mis à mort sous de fausses accusations.  Ayant été compromis dans cette affaire judiciaire, 
                son fils fut victime de ce crime.  
                Heureusement, à cette époque, alors que la mère de Shangguan 
                Wan’er s’était vendue comme esclave de la cour impériale en serrant 
                son enfant contre son sein, cette dernière n’avait qu’un mois.  
                Cette enfant était douée d’une bonne mémoire.  Malgré l’adversité, elle s’adonna aux études auprès des femmes fonctionnaires.  
                D’année en année, elle lut énormément et laissa libre cours 
                à son inspiration.  Alors que l’adolescente avait quatorze ans, 
                Wu Zetian prit connaissance des poèmes brillants et d’un talent 
                littéraire exceptionnel de cette fille, alors qu’elle était chez 
                le prince héritier, et elle la convoqua.  
                Par la suite, Shangguan Wan’er devint sa secrétaire.  
                À dix-neuf ans, elle était déjà une femme faisant autorité 
                auprès de l’impératrice.  Elle 
                avait le droit de rédiger des décrets impériaux et de vérifier 
                des rapports adressés à l’empereur.
              On 
                dit qu’alors qu’elle était enceinte d’elle, la mère de Shangguan 
                Wan’er aurait rencontré une divinité en rêve qui lui aurait offert 
                une balance.  Un oniromancien aurait interprété son rêve en disant que cet enfant 
                ferait autorité et maîtriserait plus tard des affaires d’État.
              Avant 
                de participer aux affaires publiques, Shangguan Wan’er vouait 
                une haine implacable à l’impératrice Wu Zetian qui avait fait 
                tuer deux générations de sa famille.  
                Après avoir commencé à prendre part au gouvernement, elle 
                comprit peu à peu que cette dominatrice était une bonne impératrice.  
                Elle faisait preuve non seulement de courage et de perspicacité, 
                mais encore était assidue aux affaires publiques et aimait son 
                peuple.  Parallèlement, 
                Wu Zetian était bien au fait du sort de Shangguan Wan’er, et en 
                bonne politicienne, elle donna sa confiance à cette fille talentueuse, 
                la forma et lui confia des charges.
              Plus 
                tard, Wu Zetian accorda à Shangguan Wan’er la faveur d’épouser 
                son fils Li Xian, l’empereur Zhongzong des Tang, qui régna de 
                705 à 710, et elle lui conféra le titre honorifique de Zhaorong.  
                 À cette époque, Shangguan Wan’er alla jusqu’à 
                assumer la fonction de premier ministre, et elle bénéficiait d’un 
                traitement équivalant à celui accordé aux princes.  
                Dans cette position de force, elle assista de tout son 
                cœur son mari pour mettre au jour un complot de coup d’État et 
                le faire avorter.  Pour réprimer une révolte, elle se montra pleine 
                de ressources dans les moments critiques et poussa les gardes 
                du corps à attaquer le chef de l’armée rebelle.  
                Elle recommanda à son mari d’installer beaucoup de bibliothèques 
                et de rechercher des hommes qualifiés.  
                Shangguan était également chargée de commenter des poèmes 
                du pays.  Ainsi, un grand nombre de lettrés renommés 
                se sont réunis autour d’elle.  
                On peut dire que toutes ses mesures encouragèrent grandement 
                le progrès littéraire, de sorte que quantité de jeunes lettrés 
                furent formés sous son influence.
              En 
                710, Shangguan Wan’er fut involontairement tuée par Li Longji 
                ( petit-fils de l’impératrice) pendant un coup d’État.  
                Deux ans plus tard, Li Longji, empereur Xuanzong (régna 
                de 712 à 754) monta sur le trône.  
                Pour commémorer le talent de Shangguan Wan’er, il donna 
                l’ordre de recueillir les documents qu’elle avait laissés.  
                Tous ces documents furent compilés en un livre de vingt 
                volumes.  Le premier ministre 
                Zhang Yue préfaça cet ouvrage.  Le talent et l’œuvre accomplie par Shangguan 
                Wan’er furent hautement appréciés.  
                Zhang écrivit : « On sait que des femmes annalistes 
                ont enregistré les succès et les erreurs de l’histoire de Chine 
                et que des secrétaires impériaux ont participé aux affaires politiques ».  Shangguan Wan’er a excellé dans l’administration 
                de deux dynasties : les Tang et les Zhou.  Chaque jour, elle a dû régler une multitude 
                d’affaires importantes, mais son sens de la répartie lui a permis 
                de faire face à des situations compliquées.  
                Dans la dynastie des Han (206 av. J.-C. -220 apr. J.-C), 
                Ban Zhao, sœur cadette de Ban Gu, dont elle compléta l’Histoire 
                des Han, et Zuo Fen, dans la dynastie des Jin (265 - 420), 
                furent des femmes de lettres célèbres.  Tout comme Shangguan Wan’er, elles excellèrent 
                à assister l’empereur dans les affaires politiques.  Dans le Recueil des poèmes des Tang, 
                on compte 32 poèmes écrits par Shangguan Wan’er.
              Ban 
                Zhao et Cai Wenji
              
                
                    | 
                
                
                  | Rôle de Ban Zhao dans le 
                    Kunqu (opéra de Kunshan du Jiangxi). | 
                
              
              Dans 
                l’histoire de Chine, Ban Zhao (49 -120) est une historienne célèbre 
                issue d’une famille de la haute noblesse. Ban Biao, son père, 
                et Ban Gu, son frère aîné, sont des historiens connus de la dynastie 
                des Han.
              Ban 
                Biao a composé 65 articles de la suite des Shi Ji, les 
                Mémoires historiques de Sima Qian (145 -86 av.  
                J.-C.).  Après la mort de Ban Biao, Ban Gu continua 
                L’Histoire des Han commencée par son père.  
                Il consacra plus de vingt ans à l’accomplissement de sa 
                partie principale.  Impliqué dans une lutte entre hommes influents, 
                Ban Gu mourut en prison en 92.  
                Pour achever L’Histoire des Han continuée par son 
                frère, Ban Zhao prit la relève; et  
                pour populariser la langue classique utilisée dans ce livre, 
                elle donna un cours dans la bibliothèque impériale.
              Dans l’année Yongyuan des Han, l’empereur Hedi 
                (88 -105), qui admirait beaucoup les connaissances de Ban Zhao, la fit 
                venir à la cour impériale pour enseigner à l’impératrice et à 
                des concubines.  Sous le 
                règne de l’impératrice douairière Deng, Ban participa au gouvernement 
                à titre de professeur.  À la mort de celle-ci,  l’impératrice douairière 
                Deng se vêtit de blanc et décréta un deuil national.
              Ban 
                Zhao n’était pas seulement une historienne, mais aussi une femme 
                de lettres.  Ses fu (genre de poèmes en prose rimée, 
                en vogue sous les Han), ses odes et ses poèmes ont été compilés 
                en un recueil de trois volumes.  
                Il est regrettable qu’une grande partie des chapitres aient 
                été perdus. Aujourd’hui, il ne reste que huit poèmes en prose 
                rimée.
              
                 
                    | 
                
                 
                  | Rôle de Cai Wenji (à 
                    l’avant-plan) dans le théâtre parlé. | 
                
              
              Cai 
                Wenji est la fille de Cai Yong (132 -192), lettré célèbre des 
                Han de l’Est (25 -220).  Née dans une période de troubles, cette femme 
                de lettres renommée et érudite était également une musicienne 
                accomplie.  Sa poésie narrative Hujia Shibapai 
                est une œuvre qui a passé à la postérité.  
                Après la mort de son père en prison,  
                Cai a été capturée par des Tartares et est devenue l’épouse 
                du roi Zuo Xianwang. Elle lui donna deux enfants.  
                Douze ans plus tard, Cao Cao (155 -220), chef militaire 
                et poète,  qui était resté fidèle à son amitié avec Cai 
                Yong, offrit de payer la rançon d’un otage (Cai Wenji).  Celle-ci en éprouva une joie mêlée de tristesse.  
                Cai était contente de rentrer chez elle, mais elle était 
                aussi profondément affligée de se séparer à jamais de ses deux 
                enfants.  Pour raconter 
                le malheur de la population et sa vie errante, elle écrivit sa 
                poésie narrative Hujia Shibapai.
              Après 
                son retour dans son pays natal, Cai Wenji épousa Dong Si, un fonctionnaire 
                terrien.  Peu de temps après, Dong Si commit un crime 
                et fut condamné à mort par Cao Cao.   
                Malgré le froid hivernal, Cai Wenji, les cheveux ébouriffés 
                et pieds nus, intercéda pour son mari.  
                Touchés par la véracité des sentiments de cette femme, 
                Cao Cao et ses fonctionnaires tombèrent d’accord pour absoudre 
                le crime de Dong Si.
              On 
                sait que Cai Yong avait collectionné plus de 4 000 volumes.  
                Dans ce contexte, Cao Cao demanda à Cai Wenji quelle était 
                la situation de ces livres.  Après 
                avoir appris que tous ces livres avaient disparu, Cao Cao en éprouva 
                bien du regret.  Cai Wenji demanda alors à Cao Cao de lui donner 
                un pinceau et des papiers pour écrire les 400 articles qu’elle 
                avait retenus, les ayant souvent récités par cœur.  
                S’appuyant sur son intelligence et son habileté, cette 
                femme talentueuse a préservé des œuvres historiques.
              Li 
                Qingzhao
              
                
                    | 
                
                
                  | L’ancienne demeure de Li 
                    Qingzhao. | 
                
              
              Li 
                Qingzhao (1084 env. -1151) 
                était née dans une famille de la haute noblesse.  Ses parents avaient une excellente culture 
                littéraire.  Auprès d’eux, 
                Li fit des études dès son plus jeune âge, et elle pouvait réciter 
                beaucoup de poèmes.  Elle maîtrisait aussi des instruments de musique, 
                le jeu de Go, la calligraphie et la peinture.
              À 18 
                ans, elle épousa Zhao Mingcheng, fils d’un premier ministre.  Zhao Mingcheng se montrait studieux et passionné par ses études.  
                Il aimait ardemment les antiquités, surtout les inscriptions 
                sur bronzes et stèles.  Ses aspirations élevées lui avaient permis 
                de devenir un artiste faisant preuve d’une maîtrise exceptionnelle.
              Li 
                Qingzhao a toujours soutenu et respecté les études de son mari, 
                bien que ses connaissances et ses habiletés eussent surpassé ceux 
                de celui-ci.  On disait que ce couple vivait dans les études : « Chaque 
                jour, après les repas, le couple allait au salon pour préparer 
                du thé et discuter des connaissances de chacun sous le style questions/réponses.  Le gagnant pouvait boire du thé.  Souvent, les deux se tordaient de rire et l’eau 
                éclaboussait leur vêtement.  »
              En 
                1117, Zhao Mingcheng écrivit sa thèse Jinshi Lu (Recueil 
                des inscriptions sur bronzes et stèles).  
                En 1128, des soldats des Jin prirent la ville de Qingzhou.  
                L’ancienne demeure du couple et les objets d’art historiques 
                qui s’y trouvaient furent complètement brûlés par les feux de 
                la guerre.  En 1129, Zhao Mingcheng mourut.  Apportant des livres, des peintures et des inscriptions de stèle, Li Qingzhao 
                prit la fuite vers le Sud dans les rangs des réfugiés.  Au prix de grandes fatigues et de mille épreuves, 
                elle installa finalement sa famille à Hangzhou.  Plus tard, elle consacra plusieurs années à 
                accomplir l’ouvrage de son mari, ce qui totalisa 30 volumes, plus 
                de 500 articles et plus de 2 000 sortes d’empreintes sur papier 
                d’inscriptions lapidaire. Li Qingzhao écrivit beaucoup de ci 
                (poème à chanter et poème en vers inégaux).  
                Son style simple est tout à fait original.
              Depuis 
                plusieurs années, on part à la recherche des traces historiques 
                des femmes talentueuses de l’Antiquité.  
                Sous le joug du féodalisme, ces femmes traversèrent de 
                rudes épreuves.  Heureusement, tout ceci fait partie du passé.