JANVIER 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Tour d’horizon de Lijiang

WANG TONG

Un petit pont enjambe un cours d’eau, vue caractéristique d’un pays d’eau.

Les personnes âgées passent une vie agréable à Lijiang.  Puisqu’il y fait si bon, autant vivre, disent-elles.

La caravane est appelée l’ancienne route du thé et des chevaux.  C’est l'une des caractéristiques de l’ancienne ville de Lijiang.

Le week-end, des femmes Naxi se réunissent à la place Sifang pour exécuter leur danse traditionnelle.

Concert de musique ancienne des Naxi présenté par le professeur Xuan Ke.

Ce Français (à g) raconte sans réticence sa vie à Lijiang.

Depuis toujours, Lijiang fait tomber beaucoup de voyageurs sous son charme. La raison en est simple : ses atouts sont nombreux et elle sait bien les mettre en valeur.

Située dans le nord-ouest de la province du Yunnan, Lijiang est une petite ville du haut plateau.  Construite dans les premières années de la dynastie des Song (960-1279), cette ville de 800 ans est appelée cité vivante à cause de sa vieille civilisation, de l’écriture Dongba, de la musique ancienne des Naxi et de ses habitations populaires typiques.

Les découvertes d’une promenade

Parmi les anciennes villes culturelles et historiques de Chine, Lijiang est la seule à ne pas avoir de remparts. La raison tient au fait que ses chefs de tribu portaient le nom de Mu et qu’ils craignaient que la construction de remparts ne cause une ressemblance avec le caractère signifiant encadré et celui signifiant « embarras » .  Trois petites rivières traversent la ville du nord au sud, et l’étang Heilong constitue leur source.  Le mont Yulong, enneigé à longueur d’année, s’élance vers le ciel  Dans la ville, les ruelles sont pavées de pierres multicolores sur lesquelles on peut encore distinguer des empreintes de sabot de cheval.

Depuis l'ajout de la ville de Lijiang à la liste des sites du Patrimoine mondial de l'humanité en 1997, le gouvernement municipal alloue une somme importante à la protection de cette cité ancienne.  Un rapport d'un organisme autorisé des milieux du tourisme international présente cette ville comme l'une des dix villes chinoises qui plongent les touristes dans le ravissement.

Les murs des habitations populaires anciennes sont blancs, alors que leur toit est noir, et leur structure en bois contraste avec le ciel bleu et les nuages blancs.  Les murs et plafonds à caissons sont encore décorés de dessins de bon augure. Lijiang est la cristallisation de la culture des Naxi.  Les panneaux portant des inscriptions et les stèles sont imprégnés de leur civilisation, tant sur le plan de l’esthétique que de la culture. Les rivières qui y coulent sont comme des veines qui feraient circuler vie dans la ville.  L’eau est l’âme de Lijiang, la ville en dépend.  Dans ce contexte, les ponts sont un peu comme le véhicule de cette âme.  La ville possède 365 ponts en bois ou en pierre, et cette densité se classe au premier rang au pays.

Sifang, un incontournable pour les visiteurs

Le quartier Sifang est le berceau de l’âme de cette ancienne ville. C’est une place rectangulaire qui a une histoire plus que millénaire.  Autrefois, ce quartier était le centre de distribution des marchandises sur l’ancienne route des caravanes de thé et de chevaux (Chama), une ligne importante pour faire communiquer la Chine avec le continent eurasiatique.  Cette route, longue de 4 000 km, part de Simao du Yunnan, s’allonge au sud jusqu’au Népal, en Inde et au Myanmar.  C’est une voie qui existe depuis longtemps et qio a permis à la Chine de faire des échanges commerciaux avec les pays étrangers; les historiens l’appellent un des canaux de diffusion de la civilisation dans la localisation géographique la plus dangereuse du monde.

Depuis que le tourisme fait la renommée de Lijiang, le gouvernement local renforce les mesures pour protéger cette ancienne ville.  La Commission de gestion de l’ancienne ville alloue une grosse somme pour la restauration des maisons, l’aménagement des cours d’eau, l’agrandissement des espaces verts, la mise en valeur de la culture de Naxi et autres projets.  Pour 1994 seulement, la Commission a alloué 70 millions de yuans de capitaux dans le sauvetage des vestiges historiques, et pendant la période de lutte contre le SRAS, elle a investi encore une grosse somme pour enterrer des fils et des câbles électriques et de télécommunications, ainsi que pour réparer 12 500 m2 de chaussées et en construire 61 400 m2 de plus

À propos de l’exploitation touristique et de la protection, le responsable de cette commission nous a révélé : « Lijiang est une ancienne ville vivante.  Elle abrite plus de 20 000 habitants.  Si nous ne procédons pas une exploitation touristique raisonnable pour améliorer la vie de la population et faire en sorte que les habitants de Lijiang en profitent, le zèle des habitants à protéger l’environnement ne pourra être stimulé convenablement.  Si nous manquons à notre tâche, l’ancienne Lijiang finira comme bien d’autres villes : elle sera submergée par le modernisme.

Des étrangers sont séduits…

À Lijiang, tout le monde connaît Joseph F. Rock. C’est grâce à cet austro-américain que les étrangers ont commencé à découvrir cette ancienne ville orientale.  Sur son lit de mort, il avait déclaré : « Je voudrais être avec mes frères naxi plutôt que d’être allongé sur ce lit.»  Ces paroles témoignent de son sentiment profond envers Lijiang.

À l’époque, Joseph Rock, envoyé spécial du ministère de l’Agriculture des États-Unis, était entré à Lijiang avec une caravane, assis dans un palanquin porté par quatre personnes.  Les 27 années qu’il a passées à Lijiang en ont fait une personne de l’endroit.  Sans arrêt, il a transmis aux quatre coins du monde les informations qu’il avait colligées et les photos qu’il avait prises.  Ses œuvres, tout comme celle le Lost Horizon de James Hilton, ont attiré l’attention du monde occidental sur ce Shangri-la.

En 2000, un homme d’affaires français travaillant pour une multinationale du pétrole ayant un projet à Daqing de Chine, a commencé voyager dans le pays, accompagné de son épouse, et les deux se sont arrêtés finalement à Lijiang en raison de : « son air frais, l’aspect original bien conservé de l’ancienne ville et l’eau limpide et agréable, ce qui permet de se débarrasser de toutes les angoisses.» Par conséquent, cet homme d’affaires a décidé d’y ouvrir un bar, et son commerce prend de l’expansion.

En soirée, alors que les lampadaires commencent à s’illuminer, l’ancienne ville semble se couvrir d’une couleur mystérieuse et vous transporter dans un monde de rêves.  S’asseoir dans un restaurant ou un bar aux bords de l’eau pour déguster un thé et admirer à volonté le paysage nocturne si poétique, quel bonheur !

Le tourisme de Lijiang se développe de manière continue.  En 2001 et 2002, la ville a accueilli respectivement 3,32 et 3,37 millions de touristes.  Le taux de croissance annuelle du nombre des touristes chinois et étrangers et celui des revenus du secteur ont été respectivement de 7,8 % et de 11,9 % pour ces deux ans.  En 2003, l’augmentation des revenus touristiques a dépassé pour la première fois celle du nombre des touristes, ce qui permet à Lijiang de se tailler une place remarquable parmi les villes touristiques célèbres dans le monde.

La musique ancienne des Naxi et le professeur Xuan Ke

On dit que, si on n’assiste pas à un concert de musique ancienne des Naxi, donné par des musiciens de cette ethnie, on ne peut être compté au nombre des visiteurs de Lijiang.

Le concert est présenté dans une habitation populaire de type cour carrée, typique à Lijiang.  La salle principale sert de scène, la cour et le couloir autour de la cour sont réservés aux spectateurs.

Les Naxi sont l’une des ethnies minoritaires de Chine.  Elle compte 278 000 personnes qui habitent surtout dans la région de Lijiang.  La musique des Naxi était autrefois la musique des nobles et marquait le statut social d’une personne de cette ethnie  Il y a un demi-siècle, cette musique a commencé à entrer dans les couches populaires de la société.  Son charme ne tient pas tant à la douceur de sa mélodie qu’à son ancienneté.

« Kuang...  », une rafale de coups de gong marque le début du spectacle.  Immédiatement, la cour devient silencieuse.  Les musiciens portant la barbiche et vêtus d’habits classiques commencent à jouer.  Leur musique ressemble à un chant religieux ou à une source qui murmure au loin.  Sous l’accompagnement d’anciens instruments de musique : zheng (cithare à 13-16 cordes), qin (instrument de musique à 5 cordes), erhu (violon chinois), flûte en bambou, la musique ressemble tantôt à une chute d’eau qui dévale des montagnes, tantôt à une marée impétueuse, ce qui stimule l’esprit des auditeurs qui semblent être introduits dans un monde sacré et merveilleux.

Le concert est dirigé par Xuan Ke, 74 ans, un descendant de Tibétains et de Chinois qui maîtrise sept dialectes et parle couramment l’anglais. Selon ses paroles : « Après le fort tremblement de terre qu’a connu Lijiang en 1996, la ville s’est ouverte davantage vers l’extérieur.  Les gens admirent de plus en plus les vedettes de film ou de téléfilm, et ceux qui aiment écouter la musique ancienne des Naxi sont de moins en moins nombreux.  La musique de l’Inde s’inspire d’éléments musicaux occidentaux, ce qui la rend facile à accepter pour les gens d’aujourd’hui.  Dans le cas de la musique ancienne des Naxi, il faut songer aussi à y apporter des réformes.  Par exemple, nous pourrions remplacer le qin par le piano. Nous voulons que notre musique soit le premier choix des voyageurs à Lijiang.»

Ces dernières années, les vieux musiciens sont morts les uns après les autres, ce qui a donné beaucoup de soucis pour la conservation de cette musique traditionnelle.  Zhang Shoukang, 26 ans, est toutefois un héritier de cette musique ancienne.  Partout, chez lui, sont accrochés des flûtes et des erhu.  Pour Zhang, un concert de musique naxi présenté dans un théâtre est une bonne chose, mais les auditeurs doivent payer un prix d’entrée.  Des musiciens jouent donc aussi en plein air, dans le quartier Sifang, ce qui permet de rassembler davantage d’auditeurs et de touristes, qui peuvent danser au tour d’un feu de camp, et de créer de l’animation.  Autour de lui, bon nombre de jeunes amateurs de cette musique se réunissent souvent pour étudier la culture Dongba et l’art de jouer divers instruments de musique.  Dongba était le nom du sorcier dans la religion primitive des Naxi.  L’écriture Dongba est la seule écriture dans le monde marquant le passage de la pictographie aux caractères.  À Lijiang, sur les objets en terre cuite, on peut trouver partout de beaux dessins inspirés de l’écriture Dongba.

Pour bien conserver cette musique ancienne, les vétérans organisent des stages à l’intention des jeunes pour les former et leur faire connaître la quintessence de cette forme musicale.  Selon le directeur de la Commission, l’Ensemble de musique ancienne des Naxi a visité plus de 20 pays étrangers, et leur représentation a toujours été chaleureusement applaudie.