Un
secret bien gardé
LUO YUANJUN
Quand un héritage qu’on trouvait un
peu encombrant se transforme en un véritable trésor!
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Les gravures sur
bois d'estampes du Nouvel An qui ont été découverte sont
numérotées par les personnes désignées.
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EN tant que l’un des types de peinture traditionnelle chinoise,
l’estampe du Nouvel An appartient aux arts populaires. L’histoire
de la dynastie des Song (960-1279) a même enregistré les moindres
détails de ce type de peinture. Cet art a été en vogue pendant
un temps au milieu de la dynastie des Qing (1644-1911), mais il
a connu un certain déclin durant les années 1940. Avec ses images
vivantes et enthousiastes, l’estampe traditionnelle du Nouvel An
traditionnel exprime des airs de fête et de printemps où
le renouveau se fait partout sentir. Son contenu appartient à quatre
types : actualités politiques, us et coutumes, opéras traditionnels
et contes populaires. Elle est habituellement imprimée par xylographie.
Au matin du 11 octobre dernier, la pluie tombait sur le
village Jiucheng, dans le district de Wuqiang (Hebei). L’ancienne
résidence des Jia se trouvait en face du site d’une fouille.
Après avoir lancé des pétards, des archéologues ouvrirent le
toit de la maison et découvrirent 159 gravures sur bois d’estampes
du Nouvel An.
Une première découverte
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Les frères de la famille
des Jia sont contents de faire don de toutes leurs gravures
sur bois d’estampe du Nouvel An. |
En 2000, Jia Zhenbang s’est rendu dans son ancienne résidence pour
prendre des choses. En levant la tête, il aperçut, par hasard,
une plaque rouge à motif clair posée au plafond. Pour en savoir
plus sur le secret de son plafond, il l’examina avec une perche
de bambou. Il fut émerveillé par la grande quantité de gravures
sur bois qu’il y trouva. Fort heureusement, en tant que descendant
d’une famille d’artisans, monsieur Jia était bien conscient de la
nécessité de conserver les gravures sur bois
La nouvelle de cette découverte se répandit comme une traînée de
poudre, et un grand nombre d’antiquaires accoururent. Parmi eux,
quelqu’un offrit 200 000 yuans pour acheter toutes les gravures
du grenier, mais il essuya le refus de monsieur Jia. En
tant que professeur, il connaissait bien la valeur de ces plaques-modèles.
Pour assurer la sécurité de ces objets historiques, le gouvernement
du district de Wuqiang envoya donc des policiers en mission de protection.
Finalement, monsieur Jia rencontra des travailleurs de musée de
l’estampe du Nouvel An. Après discussion, on en arriva à une entente.
Par contre, les frères de monsieur Jia n’étaient pas du même avis.
Ce dernier leur expliqua : « Ces gravures sur bois sont
des objets précieux transmis dans notre famille de génération en
génération; aujourd’hui, nous faisons don de nos collections à l’État
pour mieux les conserver. Ainsi, nous sommes soulagés d’un grand
poids que nous a légué notre père. »
Dans la pièce principale, monsieur Jia montra au public l’acte
de propriété foncière et le document de partage des biens familiaux
datant de l’année de règne de l’empereur Xianfeng des Qing (1851-1862).
Les dernières recommandations des ancêtres se lisaient ainsi :
« Nos gravures sur bois ne sont plus utilisées, mais il n’est
pas permis de les vendre ».
Conserver à tout prix
Depuis les années de règne de l’empereur Jiaqing des Qing (1796-1821),
six générations de la famille des Jia se sont consacrées à la création
d’estampes du Nouvel An. D’après les dires de Jia Zhenbang, les
estampes du Nouvel An de sa famille ont connu la faveur populaire
jusqu’au début de la République de Chine (1912-1949). Le déclenchement
de la Guerre antijaponaise et l’inondation de 1963 ont accéléré
le déclin du secteur de l’estampe du Nouvel An. Selon ses souvenirs,
l’inondation de 1963 a eu des conséquences désastreuses dans son
village. Les maisons se sont effondrées et les villageois devaient
se déplacer en canot. À l’exception des réfugiés, les vieux villageois
demeuraient dans des maisons en ruines. Dès que les eaux se furent
retirées, le père de M. Jia embaucha tout de suite des maçons à
prix fort pour réparer ses maisons. La découverte actuelle aide
M. Jia à comprendre tout le mal que son père s’est donné pour conserver
ces objets précieux.
L’ancienne résidence de la famille des Jia est
une maison de cinq pièces située au sud Toutes les gravures sur
bois des estampes du Nouvel An étaient cachées dans le plafond des
deux pièces latérales (celle de l’est et celle de l’ouest). Selon
les dires de M. Jia: « Je ne m’attendais pas à trouver ici
des gravures sur bois, et mon père n’en a jamais parlé à un seul
membre de ma famille. »
À l’été 1992, Jia Zengqi, père de Jia Zhenbang,
avait eu 80 ans. Le soir, il avait pensé tout à coup à un problème
important à résoudre. Le lendemain, il avait donc demandé à ses
fils de réparer les maisons délabrées. Sur place, ses enfants estimèrent
que des travaux de réfection seraient inutiles. Cependant, leur
père persistait dans son opinion. N’ayant pas le choix, les enfants
achetèrent donc des briques et du ciment. À cette époque, le père
de M. Jia ne pouvait pas faire de travail manuel, mais il voulait
voir les travaux de réparation de ses propres yeux. M. Jia lui
demanda donc de prendre une petite charrette. Ainsi, sous les yeux
du père, on acheva une réparation qu’on trouvait bien bizarre…
En effet, des experts estimaient que les murs
et le toit à double épaisseur ressemblaient à un cercueil. De telles
réparations violaient un tabou dans les us et coutumes de l’endroit.
Pour sa part, Jia Zengqi déclara d’un ton désapprobateur :
« J’ai constaté que toutes ces maisons délabrées ont été bien
réparées et je pourrai fermer paisiblement les yeux en paix. »
Après avoir entendu les paroles de son père, M. Jia se demandait
bien pourquoi son père avait agi ainsi.
L’été suivant, son père mourut tranquillement.
Ses dernières volontés à ses enfants disaient : « Vous
ne devez pas démolir ces maisons, il est possible que des gens y
fassent des recherches dans deux ou trois générations. » Depuis
lors, toutes ces maisons avaient été utilisées comme entrepôt ou
étaient restées inhabitées.
Dans les 159 plaques découvertes, une grande majorité sont des
ouvrages datant du règne des empereurs Tongzhi et Kangxi des Qing
(1662-1875). Il y a encore treize objets qui sont considérés comme
des trésors du pays, dont: Legetu (Tableau des pigeons joyeux),
Zhiri Gaosheng (Le lever de soleil), Quebao Jiayin
(Une pie qui jacasse dans les branches annonce une bonne nouvelle),
Sanyu Zhengmu (Trois poissons rivalisent). Ces treize plaques
à motif clair ont une grande valeur pour la recherche.
Document :
Les cinq grandes régions productrices de gravure
sur bois des estampes du Nouvel An sont : le district de Wuqiang
du Hebei, le district de Yangliuqing de Tianjin, la ville de Weifang
du Shandong, la ville de Taohuawu du Jiangsu et la ville de Mianzhu
du Sichuan. L’estampe du Nouvel An du district de Wuqiang reflète
les goûts artistiques populaires. Ayant une haute valeur historique,
les couleurs exagérément foncées de ses ouvrages reflètent bien
la vie et les aspirations des paysans ainsi que leur physionomie
à l’époque.
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