JANVIER 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Un secret bien gardé

LUO YUANJUN

Quand un héritage qu’on trouvait un peu encombrant se transforme en un véritable trésor!

Les gravures sur bois d'estampes du Nouvel An qui ont été découverte sont numérotées par les personnes désignées.

EN tant que l’un des types de peinture traditionnelle chinoise, l’estampe du Nouvel An appartient aux arts populaires.  L’histoire de la dynastie des Song (960-1279) a même enregistré les moindres détails de ce type de peinture.   Cet art a été en vogue pendant un temps au milieu de la dynastie des Qing (1644-1911), mais il a connu un certain déclin durant les années 1940.  Avec ses images vivantes et enthousiastes, l’estampe traditionnelle du Nouvel An traditionnel exprime des airs de fête et de printemps où le renouveau se fait partout sentir.  Son contenu appartient à quatre types : actualités politiques, us et coutumes, opéras traditionnels et contes populaires.  Elle est habituellement imprimée par xylographie.

Au matin du 11 octobre dernier, la pluie tombait sur le village Jiucheng, dans le district de Wuqiang (Hebei).  L’ancienne résidence des Jia se trouvait en face du site d’une fouille.  Après avoir lancé des pétards, des archéologues ouvrirent le toit de la maison et découvrirent 159 gravures sur bois d’estampes du Nouvel An.

Une première découverte

Les frères de la famille des Jia sont contents de faire don de toutes leurs  gravures sur bois d’estampe du Nouvel An.

En 2000, Jia Zhenbang s’est rendu dans son ancienne résidence pour prendre des choses.  En levant la tête, il aperçut, par hasard, une plaque rouge à motif clair posée au plafond.    Pour en savoir plus sur le secret de son plafond, il l’examina avec une perche de bambou.  Il fut émerveillé par la grande quantité de gravures sur bois qu’il y trouva. Fort heureusement, en tant que descendant d’une famille d’artisans, monsieur Jia était bien conscient de la nécessité de conserver les gravures sur bois

La nouvelle de cette découverte se répandit comme une traînée de poudre, et un grand nombre d’antiquaires accoururent.  Parmi eux, quelqu’un offrit 200 000 yuans pour acheter toutes les gravures du grenier, mais il essuya le refus de monsieur Jia.  En tant que professeur, il connaissait bien la valeur de ces plaques-modèles.  Pour assurer la sécurité de ces objets historiques, le gouvernement du district de Wuqiang envoya donc des policiers en mission de protection.  Finalement, monsieur Jia rencontra des travailleurs de musée de l’estampe du Nouvel An.  Après discussion, on en arriva à une entente.  Par contre, les frères de monsieur Jia n’étaient pas du même avis.  Ce dernier leur expliqua : « Ces gravures sur bois sont des objets précieux transmis dans notre famille de génération en génération; aujourd’hui, nous faisons don de nos collections à l’État pour mieux les conserver.  Ainsi, nous sommes soulagés d’un grand poids que nous a légué notre père.  »

Dans la pièce principale, monsieur Jia montra au public l’acte de propriété foncière et le document de partage des biens familiaux datant de l’année de règne de l’empereur Xianfeng des Qing (1851-1862).  Les dernières recommandations des ancêtres se lisaient ainsi : « Nos gravures sur bois ne sont plus utilisées, mais il n’est pas permis de les vendre ». 

Conserver à tout prix

Depuis les années de règne de l’empereur Jiaqing des Qing (1796-1821), six générations de la famille des Jia se sont consacrées à la création d’estampes du Nouvel An.  D’après les dires de Jia Zhenbang,  les estampes du Nouvel An de sa famille ont connu la faveur populaire jusqu’au début de la République de Chine (1912-1949).  Le déclenchement de la Guerre antijaponaise et l’inondation de 1963 ont accéléré le déclin du secteur de l’estampe du Nouvel An.   Selon ses souvenirs, l’inondation de 1963 a eu des conséquences désastreuses dans son village.  Les maisons se sont effondrées et les villageois devaient se déplacer en canot.  À l’exception des réfugiés, les vieux villageois demeuraient dans des maisons en ruines.  Dès que les eaux se furent retirées, le père de M. Jia embaucha tout de suite des maçons à prix fort pour réparer ses maisons.  La découverte actuelle aide M. Jia à comprendre tout le mal que son père s’est donné pour conserver ces objets précieux.

L’ancienne résidence de la famille des Jia est une maison de cinq pièces située au sud  Toutes les gravures sur bois des estampes du Nouvel An étaient cachées dans le plafond des deux pièces latérales (celle de l’est et celle de l’ouest).  Selon les dires de M.  Jia: « Je ne m’attendais pas à trouver ici des gravures sur bois, et mon père n’en a jamais parlé à un seul membre de ma famille. »

À l’été 1992, Jia Zengqi, père de Jia Zhenbang, avait eu 80 ans.  Le soir, il avait pensé tout à coup à un problème important à résoudre.  Le lendemain, il avait donc demandé à ses fils de réparer les maisons délabrées.  Sur place, ses enfants estimèrent que des travaux de réfection seraient inutiles.  Cependant, leur père persistait dans son opinion.  N’ayant pas le choix, les enfants achetèrent donc des briques et du ciment.  À cette époque, le père de M. Jia ne pouvait pas faire de travail manuel, mais il voulait voir les travaux de réparation de ses propres yeux.  M. Jia  lui demanda donc de prendre une petite charrette.  Ainsi, sous les yeux du père, on acheva une réparation qu’on trouvait bien bizarre…

En effet, des experts estimaient que les murs et le toit à double épaisseur ressemblaient à un cercueil.  De telles réparations violaient un tabou dans les us et coutumes de l’endroit.  Pour sa part,  Jia Zengqi déclara d’un ton désapprobateur : « J’ai constaté que toutes ces maisons délabrées ont été bien réparées et je pourrai fermer paisiblement les yeux en paix.  » Après avoir entendu les paroles de son père, M. Jia se demandait bien pourquoi son père avait agi ainsi.

L’été suivant, son père mourut tranquillement.  Ses dernières volontés à ses enfants disaient : « Vous ne devez pas démolir ces maisons, il est possible que des gens y fassent des recherches dans deux ou trois générations.  » Depuis lors, toutes ces maisons avaient été utilisées comme entrepôt ou étaient restées inhabitées.

Dans les 159 plaques découvertes, une grande majorité sont des ouvrages datant du règne des empereurs Tongzhi et Kangxi des Qing (1662-1875).  Il y a encore treize objets qui sont considérés comme des trésors du pays, dont: Legetu (Tableau des pigeons joyeux), Zhiri Gaosheng (Le lever de soleil), Quebao Jiayin (Une pie qui jacasse dans les branches annonce une bonne nouvelle), Sanyu Zhengmu (Trois poissons rivalisent).  Ces treize plaques à motif clair ont une grande valeur pour la recherche.

 

Document :

Les cinq grandes régions productrices de gravure sur bois des estampes du Nouvel An sont : le district de Wuqiang du Hebei, le district de Yangliuqing de Tianjin, la ville de Weifang du Shandong, la ville de Taohuawu du Jiangsu et la ville de Mianzhu du Sichuan.  L’estampe du Nouvel An du district de Wuqiang reflète les goûts artistiques populaires.  Ayant une haute valeur historique, les couleurs exagérément foncées de ses ouvrages reflètent bien la vie et les aspirations des paysans ainsi que leur physionomie à l’époque.