JANVIER 2004

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

La loi a ses raisons

Guo Li

Avoir 15 ans, ce n’est pas de tout repos…

LE père et la mère de Su Lan ne pouvaient plus dormir paisiblement depuis qu'elle était disparue il y a quelques jours.  Ils attendaient tous les soirs à côté du téléphone, le cœur serré, les mains froides, espérant qu’un coup de fil leur donnerait des nouvelles de leur fille.

Au moment de sa disparition, Su Lan, 15 ans, faisait ses études dans une école secondaire de premier cycle. Elle fréquentait souvent des garçons aux mœurs douteuses et aimait se rendre dans une boîte de nuit. Un jour, elle avait dit à ses parents que cette vie aventureuse lui plaisait : « Plus tard, je gagnerai beaucoup d’argent. Moins de travail, plus de loisirs. » La veille de sa disparition, c’était le jour de la rentrée scolaire et le père avait accompagné sa fille à l’école, de peur qu’il ne lui arrive malheur en route. Devant la porte d’entrée, elle avait promis à son père de ne plus fréquenter ces gens-là.

Mais elle avait menti; cette nuit-là, elle n’était pas rentrée, laissant ses parents passer une nuit blanche. Le lendemain, le père avait demandé à ses trois frères, ses deux belles-sœurs, son neveu, ainsi qu’à sa femme, de tenter de la retrouver chez des amis et des camarades d’école. Leurs efforts avaient été vains.

Puis, elle était réapparue à la maison, les cheveux teints en rouge et portant un chemisier bien décolleté : elle fumait devant ses parents sans aucune gêne. Elle prétendait qu’elle n'était plus une enfant, mais bien une femme moderne. Sans tarder, elle était allée directement prendre une douche.

Son père, trépignant de colère, avait ramassé les vêtements qu’elle avait laissé traîner et les avait jeté à la poubelle, sans mot dire. Le soir, après le repas, il l'avait enfermée à clef dans une pièce,  les mains liées avec une chaîne dont l’autre extrémité était attachée à une barre de métal de la fenêtre. Visiblement, Su Lan était condamnée et traitée comme une « délinquante » par son père.

C’est là que le père a commis une erreur. Alors qu'il a affaire à une adolescente de 15 ans, le père n’a pas le droit de l’enfermer, encore moins de la traiter comme une délinquante. En effet, selon le Code pénal, toute personne ayant 14 ans révolus, mais n’ayant pas encore atteint 16 ans, n’est pénalement responsable que lorsqu’elle est inculpée de meurtre, vol avec récidive, blessures graves ou autres actions répréhensibles portant un grave préjudice à  l’ordre public de la société.

Écoutons ce que le père déclare à ce propos : « Ce n’est que de cette manière que je peux la corriger. Elle ne peut plus sortir de cette pièce. Je sais que cette punition n’est pas une solution au problème de ma fille, mais je suis au bout du rouleau. ».

Et la mère d'ajouter : « Je l’aime de tout mon cœur, personne ne veut la voir peinée, mais il faut lui infliger une correction pour la ramener dans le droit chemin. »

Toutefois, cette façon de faire n’a pas ouvert les yeux de Su Lan; elle persiste à dire que ses copains sont bons et que sa conduite n’a rien de répréhensible.

Ainsi, l'on se demande bien quand elle pourra être libérée de ses « bons » copains et de la « correction » de son père. Elle ignore ce qu'est le droit chemin. La résistance est souvent plus forte que la sagesse.

Verra bien, celui qui voulait voir

Durant la nuit, on pouvait souvent entendre un très léger bruit provenant de la fenêtre, accompagné de grattements et de respirations. Un chien aboyait de temps en temps à cette heure-là. Monsieur Li et sa femme étaient souvent réveillés par ce bruit.

– Chérie, as-tu entendu le bruit? Je suis sûr qu’il y a quelqu’un tout près de notre fenêtre, dit-il à sa femme.

– Mais qu’est-ce que cette personne peut bien vouloir? répondit-elle.

– Je n’en sais rien; peut-être est-ce un voleur qui nous guette?, avança monsieur Li en tentant d’expliquer le phénomène.

Ces deux-là sont de nouveaux mariés et ils habitent depuis un an une maison de plain-pied de deux pièces. Cette maison est située dans un quartier sillonné de ruelles (hutong). La fenêtre donne sur l'une d’elles. Souvent, ils vont au lit relativement tard.

C’est justement un de ces soirs où M. Li découvrit par hasard un homme de 40-50 ans qui regardait furtivement à l’intérieur de la maison. Pris de panique, M. Li éteignit la lumière et se coucha, mais bien évidemment il ne put trouver le sommeil. Il attendit le lendemain pour raconter cette histoire au directeur du comité de son quartier d’habitation, M. Ma. « Ce genre de choses a lieu ces derniers mois dans notre quartier », dit le directeur Ma, qui ajouta : « Les voyeurs visent spécialement les nouveaux mariés et les jeunes filles. Vu que les méfaits sont commis la nuit, la poursuite est plus difficile. »

« Oh ! Mon dieu! quelle honte! Moi et ma femme avons été exposés à la vue de ce malfaisant! » s’exaspéra monsieur Li.

Pour qu’on ne vienne plus les déranger, monsieur Li pensa à se procurer un chien, un bâton et une corde pour punir le voyeur.

Mais dans ce cas, il songea aussi qu’il valait mieux se renseigner auprès de spécialistes. Le psychologue Yang laissa entendre : « L’homme est par nature très curieux depuis sa naissance et est enclin à épier les choses autour de lui. Certaines personnes dépassent la limite tolérée, cherchant à s’immiscer dans la vie privée des autres. Il s’agit là de la réaction à une série complexe de facteurs psychologiques, tels qu’un problème d'habitude, des représailles, des troubles de la personnalité ou une déviance psychologique. Cet acte doit être condamné sur le plan moral parce qu’il exerce une influence néfaste sur la vie privée des autres. »

Le professeur Wang, un expert en droit, estima pour sa part : « Bien qu’il n'y ait pas actuellement de loi sur le voyeurisme en Chine, ce délit relève de la loi sur les affaires civiles en vigueur. Le voyeur viole le droit d’une personne à sa vie privée. Par ailleurs, il trouble la vie sociale normale et peut inciter quelqu’un à commettre des délits; par conséquent, le voyeur doit assumer la responsabilité et être puni par la loi.

Quant aux victimes, elles ont le droit de collecter des preuves, telles que la prise en flagrant délit et la photographie prise sur-le-champ. »

M. Li et sa femme sont désormais bien armés, mais d’une autre façon : en plus d’un chien, ils ont un appareil-photo et des dispositifs de sécurité sophistiqués.