La
loi a ses raisons
Guo
Li
Avoir 15 ans, ce n’est
pas de tout repos…
LE
père et la mère de Su Lan ne pouvaient plus dormir paisiblement
depuis qu'elle était disparue il y a quelques jours. Ils attendaient
tous les soirs à côté du téléphone, le cœur serré, les mains froides,
espérant qu’un coup de fil leur donnerait des nouvelles de
leur fille.
Au moment de sa disparition,
Su Lan, 15 ans, faisait ses études dans une école secondaire
de premier cycle. Elle fréquentait souvent des garçons aux mœurs
douteuses et aimait se rendre dans une boîte de nuit. Un jour, elle
avait dit à ses parents que cette vie aventureuse lui plaisait :
« Plus tard, je gagnerai beaucoup d’argent. Moins de travail,
plus de loisirs. » La veille de sa disparition, c’était le
jour de la rentrée scolaire et le père avait accompagné sa fille
à l’école, de peur qu’il ne lui arrive malheur en route. Devant
la porte d’entrée, elle avait promis à son père de ne plus fréquenter
ces gens-là.
Mais elle avait menti; cette
nuit-là, elle n’était pas rentrée, laissant ses parents passer une
nuit blanche. Le lendemain, le père avait demandé à ses trois frères,
ses deux belles-sœurs, son neveu, ainsi qu’à sa femme, de tenter
de la retrouver chez des amis et des camarades d’école. Leurs efforts
avaient été vains.
Puis, elle était réapparue
à la maison, les cheveux teints en rouge et portant un chemisier
bien décolleté : elle fumait devant ses parents sans aucune
gêne. Elle prétendait qu’elle n'était plus une enfant, mais bien
une femme moderne. Sans tarder, elle était allée directement prendre
une douche.
Son père, trépignant de colère, avait
ramassé les vêtements qu’elle avait laissé traîner et les
avait jeté à la poubelle, sans mot dire. Le soir, après le repas,
il l'avait enfermée à clef dans une pièce, les mains liées avec
une chaîne dont l’autre extrémité était attachée à une barre de
métal de la fenêtre. Visiblement, Su Lan était condamnée et traitée
comme une « délinquante » par son père.
C’est là que le père a commis une erreur.
Alors qu'il a affaire à une adolescente de 15 ans, le père n’a pas
le droit de l’enfermer, encore moins de la traiter comme
une délinquante. En effet, selon le Code pénal, toute personne ayant
14 ans révolus, mais n’ayant pas encore atteint 16 ans, n’est pénalement
responsable que lorsqu’elle est inculpée de meurtre, vol avec récidive,
blessures graves ou autres actions répréhensibles portant un grave
préjudice à l’ordre public de la société.
Écoutons ce que le père
déclare à ce propos : « Ce n’est que de cette manière
que je peux la corriger. Elle ne peut plus sortir de cette pièce.
Je sais que cette punition n’est pas une solution au problème de
ma fille, mais je suis au bout du rouleau. ».
Et la mère d'ajouter :
« Je l’aime de tout mon cœur, personne ne veut la voir peinée,
mais il faut lui infliger une correction pour la ramener dans le
droit chemin. »
Toutefois, cette façon de
faire n’a pas ouvert les yeux de Su Lan; elle persiste à dire que
ses copains sont bons et que sa conduite n’a rien de répréhensible.
Ainsi, l'on se demande bien
quand elle pourra être libérée de ses « bons » copains
et de la « correction » de son père. Elle ignore ce qu'est
le droit chemin. La résistance est souvent plus forte que la sagesse.
Verra bien, celui qui
voulait voir
Durant la nuit, on pouvait souvent entendre
un très léger bruit provenant de la fenêtre, accompagné de grattements
et de respirations. Un chien aboyait de temps en temps à cette heure-là.
Monsieur Li et sa femme étaient souvent réveillés par ce bruit.
– Chérie, as-tu entendu
le bruit? Je suis sûr qu’il y a quelqu’un tout près de notre fenêtre,
dit-il à sa femme.
– Mais qu’est-ce que cette
personne peut bien vouloir? répondit-elle.
– Je n’en sais rien; peut-être
est-ce un voleur qui nous guette?, avança monsieur Li en tentant
d’expliquer le phénomène.
Ces deux-là sont de nouveaux
mariés et ils habitent depuis un an une maison de plain-pied de
deux pièces. Cette maison est située dans un quartier sillonné de
ruelles (hutong). La fenêtre donne sur l'une d’elles.
Souvent, ils vont au lit relativement tard.
C’est justement un de ces
soirs où M. Li découvrit par hasard un homme de 40-50 ans qui regardait
furtivement à l’intérieur de la maison. Pris de panique, M. Li éteignit
la lumière et se coucha, mais bien évidemment il ne put trouver
le sommeil. Il attendit le lendemain pour raconter cette histoire
au directeur du comité de son quartier d’habitation, M. Ma. « Ce
genre de choses a lieu ces derniers mois dans notre quartier »,
dit le directeur Ma, qui ajouta : « Les voyeurs visent
spécialement les nouveaux mariés et les jeunes filles. Vu que les
méfaits sont commis la nuit, la poursuite est plus difficile. »
« Oh ! Mon dieu!
quelle honte! Moi et ma femme avons été exposés à la vue de ce
malfaisant! » s’exaspéra monsieur Li.
Pour qu’on ne vienne plus
les déranger, monsieur Li pensa à se procurer un chien, un bâton
et une corde pour punir le voyeur.
Mais dans ce cas, il songea
aussi qu’il valait mieux se renseigner auprès de spécialistes. Le
psychologue Yang laissa entendre : « L’homme est par nature
très curieux depuis sa naissance et est enclin à épier les choses
autour de lui. Certaines personnes dépassent la limite tolérée,
cherchant à s’immiscer dans la vie privée des autres. Il s’agit
là de la réaction à une série complexe de facteurs psychologiques,
tels qu’un problème d'habitude, des représailles, des troubles de
la personnalité ou une déviance psychologique. Cet acte doit être
condamné sur le plan moral parce qu’il exerce une influence néfaste
sur la vie privée des autres. »
Le professeur Wang, un expert
en droit, estima pour sa part : « Bien qu’il n'y
ait pas actuellement de loi sur le voyeurisme en Chine, ce délit
relève de la loi sur les affaires civiles en vigueur. Le voyeur
viole le droit d’une personne à sa vie privée. Par ailleurs, il
trouble la vie sociale normale et peut inciter quelqu’un à commettre
des délits; par conséquent, le voyeur doit assumer la responsabilité
et être puni par la loi.
Quant aux victimes, elles
ont le droit de collecter des preuves, telles que la prise en flagrant
délit et la photographie prise sur-le-champ. »
M. Li et sa femme sont désormais
bien armés, mais d’une autre façon : en plus d’un chien, ils
ont un appareil-photo et des dispositifs de sécurité sophistiqués.
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