La
loi, c’est la loi
GUO
LI
Un
ramasseur d’ordures
Dans une rue d’un
quartier d’habitation de Beijing, les trottoirs étaient souvent
squattés par des coiffeurs ambulants ou des ramasseurs d’ordures.
Chaque fois que je marchais dans cette rue, j’y rencontrais toujours
un vieux ramasseur qui attendait patiemment que des gens viennent
vendre leurs vieilleries. Et oui, en Chine, un kg de vieux journaux
vaut 0,8 ou 0,9 yuan et un bidon plastique, 0,2 yuan.
Un ramassis de vieux
livres, de papiers, de boîtes de carton, de souliers, de bouteilles,
de ferrailles, voire même de vieux ordinateurs étaient entassés
pêle-mêle sur le trottoir, et des mauvaises odeurs s’en échappaient
parfois. Au jour de grand vent, des sacs en plastique et des papiers
s’envolaient, certains d’entre eux restaient même accrochés aux
arbres, ce qui donnait un aspect hideux à la ville que le gouvernement
municipal veut très propre.
Ce
vieillard semblait se contenter de ce travail facile grâce auquel
il peut gagner sa vie ; en effet, il revend au service de
la voirie les déchets qu’il a récupérés dans la journée. Par la suite, certains employés s’occupent
du triage des objets pour les recycler. Mais comme le service
de voirie n’est pas bien mécanisé, les déchets s’étendaient parfois
sur une zone encore plus large !
Malgré tout, ce vieux semblait bien loin de penser que
ces ordures pouvaient nuire au passage des piétons (qui devaient
faire demi-tour) ou contribuer à la malpropreté de l’environnement….
En somme, le quartier
souffrait d’une nouvelle source de pollution, de sorte que les
piétons, les cyclistes et les habitants du quartier se plaignirent
de lui et demandèrent son expulsion.
Une voiture de police
arriva donc et l’un des agents s’adressa au vieux ramasseur, en
disant :
« Savez-vous
qu’il est interdit de squatter le trottoir à des fins quelconques ?
Je vous ai averti maintes fois. »
« Écoutez bien,
aujourd’hui, nous allons emporter tous vos déchets pour que la
loi soit respectée. »
Le vieux tenta de
les en empêcher. La bousculade finit par lui valoir une contravention.
Pardieu ! Vous
parlez d’une loi ! Je n’ai pas volé ni pillé. Je vis de mon
travail. Ne vaudrait-il pas mieux que vous punissiez les voleurs
et les imposteurs ? ». Au bout d’un moment, il s’écria :
« Au moins, donnez-moi un emploi, n’importe quoi, pour que
je puisse vivre ! » La voiture de police s’éloigna de
lui.
Désespéré, le vieux
enfourcha son triporteur et se perdit dans le flot continu des
cyclistes, fredonnant Demain sera encore meilleur… demain sera encore
meilleur !
Un
coup du ciel ?
Un
soir, une ambulance fonçait à toute allure sur un grand boulevard
de Beijing. Elle conduisait d’urgence un homme qui venait d’être
blessé gravement à la tête. Il avait rapidement besoin d’un pansement
pour arrêter une hémorragie.
Ce soir-là, cet homme,
du nom de Sun, collet blanc d’une grande compagnie située rue
Xibianmen, avait été trouvé sur le trottoir, la figure ensanglantée.
Pourtant, il connaissait bien cette rue où il passait chaque jour
pour se rendre de son domicile à son travail. Quelqu’un avait-il
essayé de le tuer ? Pourquoi ?
L’enquête policière
s’effectua sur place. On y trouva un cendrier qui pouvait être
l’« arme » meurtrière, parce que, sur ce cendrier, on
découvrit des taches de sang ; ces faits furent même confirmés
par une dame qui était présente sur les lieux au moment de « l’attaque ».
« J’ai vu un
bloc qui tombait du ciel et qui s’est écrasé justement sur cet
homme. C’est moi qui ai téléphoné au 110 », dit-elle à l’agent
de police.
« Merci beaucoup
de vos renseignements qui sont très utiles », lui dit l’agent
de police, en levant les yeux vers le grand bâtiment où habitaient
22 familles. Le cendrier a dû être lancé de cette direction, de
l’une des fenêtres ouvertes, se dit-il.
L’attaque en question
avait causé une thrombose cérébrale partielle à M. Sun. Une hospitalisation
de 70 jours réussit à lui sauver la vie. Peu à peu, il récupéra
la mémoire. Il chercha alors à savoir qui était l’auteur de cette
affaire. Ou bien, s’agissait-il simplement d’un accident ?
Sa femme se posait aussi les mêmes questions.
« Chérie, quel
drame, si j’étais décédé, dit M. Sun. Juste à l’idée que tu aurais
pu être veuve et mon enfant, orphelin de père, j’ai le cœur serré.
Heureusement je suis sauvé. Le problème, c’est de trouver l’auteur
de ce méfait », répétait-il à sa femme de son lit d’hôpital.
Et d’ajouter : « De cette façon, nous pourrons porter
plainte contre lui et compenser les frais médicaux et les pertes
économiques subies. »
Des mois s’écoulèrent
sans résultat, car les 22 familles refusaient toutes de reconnaître
le cendrier comme un objet leur appartenant. Sans preuve et sans
aveu, l’acte d’accusation fut renvoyé à l’accusateur, soit M.
Sun. Mais l’affaire n’en resta pas là, car ce dernier intenta
un autre procès qui aboutit au jugement suivant : les 22 familles furent condamnées à payer 8
000 yuans à M. Sun à titre d’indemnité. Le juge déclara qu’il
s’agissait là d’un principe de justice relative et non absolue,
principe basé sur un raisonnement faisant appel à la déduction.
En vertu de celui-ci, la loi protège l’individu et la victime,
expliqua le juge.