SEPTEMBRE,  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La loi, c’est la loi

GUO LI

Un ramasseur d’ordures

Dans une rue d’un quartier d’habitation de Beijing, les trottoirs étaient souvent squattés par des coiffeurs ambulants ou des ramasseurs d’ordures. Chaque fois que je marchais dans cette rue, j’y rencontrais toujours un vieux ramasseur qui attendait patiemment que des gens viennent vendre leurs vieilleries. Et oui, en Chine, un kg de vieux journaux vaut 0,8 ou 0,9 yuan et un bidon plastique, 0,2 yuan.

Un ramassis de vieux livres, de papiers, de boîtes de carton, de souliers, de bouteilles, de ferrailles, voire même de vieux ordinateurs étaient entassés pêle-mêle sur le trottoir, et des mauvaises odeurs s’en échappaient parfois. Au jour de grand vent, des sacs en plastique et des papiers s’envolaient, certains d’entre eux restaient même accrochés aux arbres, ce qui donnait un aspect hideux à la ville que le gouvernement municipal veut très propre.

Ce vieillard semblait se contenter de ce travail facile grâce auquel il peut gagner sa vie ; en effet, il revend au service de la voirie les déchets qu’il a récupérés dans la journée.  Par la suite, certains employés s’occupent du triage des objets pour les recycler. Mais comme le service de voirie n’est pas bien mécanisé, les déchets s’étendaient parfois sur une zone encore plus large !  Malgré tout, ce vieux semblait bien loin de penser que ces ordures pouvaient nuire au passage des piétons (qui devaient faire demi-tour) ou contribuer à la malpropreté de l’environnement….

En somme, le quartier souffrait d’une nouvelle source de pollution, de sorte que les piétons, les cyclistes et les habitants du quartier se plaignirent de lui et demandèrent son expulsion.

Une voiture de police arriva donc et l’un des agents s’adressa au vieux ramasseur, en disant :

« Savez-vous qu’il est interdit de squatter le trottoir à des fins quelconques ? Je vous ai averti maintes fois. »

« Écoutez bien, aujourd’hui, nous allons emporter tous vos déchets pour que la loi soit respectée. »

Le vieux tenta de les en empêcher. La bousculade finit par lui valoir une contravention.

Pardieu ! Vous parlez d’une loi ! Je n’ai pas volé ni pillé. Je vis de mon travail. Ne vaudrait-il pas mieux que vous punissiez les voleurs et les imposteurs ? ». Au bout d’un moment, il s’écria : « Au moins, donnez-moi un emploi, n’importe quoi, pour que je puisse vivre ! » La voiture de police s’éloigna de lui.

Désespéré, le vieux enfourcha son triporteur et se perdit dans le flot continu des cyclistes, fredonnant Demain sera encore meilleur… demain sera encore meilleur !

Un coup du ciel ?

Un soir, une ambulance fonçait à toute allure sur un grand boulevard de Beijing. Elle conduisait d’urgence un homme qui venait d’être blessé gravement à la tête. Il avait rapidement besoin d’un pansement pour arrêter une hémorragie.

Ce soir-là, cet homme, du nom de Sun, collet blanc d’une grande compagnie située rue Xibianmen, avait été trouvé sur le trottoir, la figure ensanglantée. Pourtant, il connaissait bien cette rue où il passait chaque jour pour se rendre de son domicile à son travail. Quelqu’un avait-il essayé de le tuer ? Pourquoi ?

L’enquête policière s’effectua sur place. On y trouva un cendrier qui pouvait être l’« arme » meurtrière, parce que, sur ce cendrier, on découvrit des taches de sang ; ces faits furent même confirmés par une dame qui était présente sur les lieux au moment de « l’attaque ».

« J’ai vu un bloc qui tombait du ciel et qui s’est écrasé justement sur cet homme. C’est moi qui ai téléphoné au 110 », dit-elle à l’agent de police.

« Merci beaucoup de vos renseignements qui sont très utiles », lui dit l’agent de police, en levant les yeux vers le grand bâtiment où habitaient 22 familles. Le cendrier a dû être lancé de cette direction, de l’une des fenêtres ouvertes, se dit-il.

L’attaque en question avait causé une thrombose cérébrale partielle à M. Sun. Une hospitalisation de 70 jours réussit à lui sauver la vie. Peu à peu, il récupéra la mémoire. Il chercha alors à savoir qui était l’auteur de cette affaire. Ou bien, s’agissait-il simplement d’un accident ? Sa femme se posait aussi les mêmes questions.

« Chérie, quel drame, si j’étais décédé, dit M. Sun. Juste à l’idée que tu aurais pu être veuve et mon enfant, orphelin de père, j’ai le cœur serré. Heureusement je suis sauvé. Le problème, c’est de trouver l’auteur de ce méfait », répétait-il à sa femme de son lit d’hôpital. Et d’ajouter : « De cette façon, nous pourrons porter plainte contre lui et compenser les frais médicaux et les pertes économiques subies. »

Des mois s’écoulèrent sans résultat, car les 22 familles refusaient toutes de reconnaître le cendrier comme un objet leur appartenant. Sans preuve et sans aveu, l’acte d’accusation fut renvoyé à l’accusateur, soit M. Sun. Mais l’affaire n’en resta pas là, car ce dernier intenta un autre procès qui aboutit au jugement suivant :  les 22 familles furent condamnées à payer 8 000 yuans à M. Sun à titre d’indemnité. Le juge déclara qu’il s’agissait là d’un principe de justice relative et non absolue, principe basé sur un raisonnement faisant appel à la déduction. En vertu de celui-ci, la loi protège l’individu et la victime, expliqua le juge.