SEPTEMBRE,  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

L’art chinois édifie peu à peu sa place au soleil

Yang Yingshi

Depuis juin dernier et jusqu’au 13 octobre, le Centre Pompidou présente un aperçu de l’art chinois contemporain avec son exposition intitulée « Alors, la Chine?», parrainée par le ministère chinois de la Culture. Cet art si méconnu est-il en train de devenir une nouvelle ressource culturelle mondiale?

« C’est la première fois de son histoire que le Centre Pompidou accueille une exposition d’art chinois, et c’est, de tous les temps, l’exposition la plus importante sur l’art chinois contemporain à se tenir en France », a déclaré M. Fan Dian, conservateur de l’exposition et vice-président de l’Académie centrale des beaux-arts de Beijing. « Pour les artistes chinois, depuis longtemps et dans une certaine mesure, le Centre Pompidou est le ‘centre’ de l’art occidental. C’est un centre reconnu pour sa promotion de l’art nouveau et du multiculturalisme. Nous espérons qu’à travers les artistes et les œuvres que nous avons choisis − une cinquantaine − nous pourrons illustrer les changements et les caractéristiques principales de l’art chinois au début de ce siècle; nous souhaitons aussi que le public occidental comprendra mieux ce qui anime les artistes chinois au sein de cette société en transformation rapide et qui s’intègre au mouvement de plus en plus accéléré de la mondialisation. »

Art nouveau et contexte historique

Bien que les concepts et les styles traditionnels soient encore dominants dans la Chine d’aujourd’hui, on voit l’émergence d’une foule de concepts et d’expérimentations depuis le début des années 1980, alors que le pays a amorcé son ouverture sur l’extérieur. Les nouvelles tendances non seulement sont significatives sur le plan artistique, mais aussi sur le plan culturel. Elles reflètent les changements sociaux et les changements de l’art chinois.

L’exposition met l’accent sur le « Nouvel Art chinois» et présente les œuvres d’un groupe de jeunes artistes du continent. On peut noter les huiles de Fang Lijun, Liu Xiaodong et Zhou Tiehai; les photographies de Weng Fen, Xing Danwen et Bai Yiluo; les sculptures de Shi Hui et de Song Dong; les installations de Hong Lei et de Yang Maoyuan; les vidéos de Yang Fudong, Li Yongbin et de Wang Jianwei.

L’exposition inclut également de la musique du rocker bien connu Cui Jian,  des œuvres des réalisateurs Jia Zhangke et Zhang Yimou et des concepts architecturaux de Wang Shu, Chang Yung Ho et Liu Jiakun. Fait à noter, l’exposition présente également trois trésors de l’histoire chinoise : un instrument rituel en jade de la culture de Liangzhu d’il y a plus de 5 000 ans, trouvé au cours inférieur du Yangtsé, un miroir en bronze de la dynastie des Han de l’Ouest (206 av. J.-C. -24 apr. J.-C.) et une calligraphie de Zhu Yunming de la dynastie des Ming (1368-1644). On peut voir également des objets typiques de la révolution culturelle (1966-1976) appartenant à un collectionneur français. Ces éléments historiques permettent aux visiteurs de mieux comprendre l’histoire et la culture de la Chine et de se faire une idée du contexte dans lequel s’inscrivent les œuvres présentées.

Des perspectives personnelles

L’urbanisation est probablement la tendance la plus importante dans la Chine actuelle et est un sujet de préoccupation pour les artistes chinois. Elle a même été le thème de quelques expositions majeures sur l’art contemporain, dont la Biennale de Shanghai en 2002. Certaines des œuvres présentées à Paris touchent ce thème, dont les photographies de Weng Fen intitulées Assise sur le mur. Ces photos illustrent une petite Chinoise, assise sur un mur et qui regarde les gratte-ciel de la ville, et elles témoignent de ses aspirations et de ses peurs face à la réalité actuelle.

Par rapport à la mondialisation, certains artistes chinois ont recours à des éléments historiques et culturels pour créer un dialogue entre les plans local et global. Les huiles de Wang Guangyi, par exemple, évoquent l’art pop occidental, mais elles utilisent les images de travailleurs, de paysans et de soldats, typiques de la révolution culturelle, pour critiquer la commercialisation et la mondialisation comme des produits étrangers qui affluent au pays. Le sculpteur Liu Jianhua s’inspire de l’art porcelainier traditionnel chinois pour décrire la vie et les émotions des Chinois contemporains. Alors que certains artistes se font les adeptes enthousiastes de l’art occidental moderne des décennies 1980 et 1990, Jia Zhangke, Liu Xiaodong et Fang Lijun enrichissent leurs films et leurs peintures de leurs expériences personnelles. Bon nombre d’œuvres liées aux nouveaux médias sont remarquables en ce qu’elles fusionnent harmonieusement la technologie et l’art. Bien que la maîtrise de la technologie ne soit pas aussi au point que ce que l’on peut voir dans l’art occidental, la perspective, les émotions et les images des œuvres chinoises sont typiques de la société actuelle et leur style est très personnel.

Un respect grandissant

M. Alfred Pacquement, directeur du Musée d’art moderne du Centre Pompidou, a déclaré espérer que le public d’aujourd’hui soit mieux informé de la vraie Chine, car celle-ci n’est plus un pays toujours associé au symbolisme de la révolution culturelle. Pour sa part, M. Zhang Yu, président de l’Agence internationale des expositions de Chine, déclare : « L’exposition de Paris me fait penser à  l’exposition tenue à Berlin il y a deux ans; c’était alors la première fois que le gouvernement chinois parrainait une exposition d’art contemporain chinois dans un pays étranger. Avant l’ouverture de l’exposition, la partie allemande avait décidé de ne louer que des salles latérales, car elle n’était pas certaine de la qualité de l’art chinois ni de notre capacité à organiser une telle expostion. Mais après l’ouverture, elle a regretté d’avoir agi ainsi car l’exposition était un vrai succès. C’est probablement les regrets des Allemands qui ont rendu les Français si déterminés cette fois-ci. Cela veut dire que les artistes chinois gagnent en respect dans la communauté artistique mondiale. Aujourd’hui, si un conservateur n’a pas la Chine dans son champ de vision, il ferait preuve d’aveuglement.»