L’art
chinois édifie peu à peu sa place au soleil
Yang
Yingshi
Depuis
juin dernier et jusqu’au 13 octobre, le Centre Pompidou présente
un aperçu de l’art chinois contemporain avec son exposition intitulée
« Alors, la Chine?», parrainée par le ministère chinois de la
Culture. Cet art si méconnu est-il en train de devenir une nouvelle
ressource culturelle mondiale?
« C’est la
première fois de son histoire que le Centre Pompidou accueille
une exposition d’art chinois, et c’est, de tous les temps, l’exposition
la plus importante sur l’art chinois contemporain à se tenir en
France », a déclaré M. Fan Dian, conservateur de l’exposition
et vice-président de l’Académie centrale des beaux-arts de Beijing.
« Pour les artistes chinois, depuis longtemps et dans une
certaine mesure, le Centre Pompidou est le ‘centre’ de l’art occidental.
C’est un centre reconnu pour sa promotion de l’art nouveau et
du multiculturalisme. Nous espérons qu’à travers les artistes
et les œuvres que nous avons choisis − une cinquantaine
− nous pourrons illustrer les changements et les caractéristiques
principales de l’art chinois au début de ce siècle; nous souhaitons
aussi que le public occidental comprendra mieux ce qui anime les
artistes chinois au sein de cette société en transformation rapide
et qui s’intègre au mouvement de plus en plus accéléré de la mondialisation. »
Art
nouveau et contexte historique
Bien
que les concepts et les styles traditionnels soient encore dominants
dans la Chine d’aujourd’hui, on voit l’émergence d’une foule de
concepts et d’expérimentations depuis le début des années 1980,
alors que le pays a amorcé son ouverture sur l’extérieur. Les
nouvelles tendances non seulement sont significatives sur le plan
artistique, mais aussi sur le plan culturel. Elles reflètent les
changements sociaux et les changements de l’art chinois.
L’exposition met
l’accent sur le « Nouvel Art chinois» et présente les œuvres
d’un groupe de jeunes artistes du continent. On peut noter les
huiles de Fang Lijun, Liu Xiaodong et Zhou Tiehai; les photographies
de Weng Fen, Xing Danwen et Bai Yiluo; les sculptures de Shi Hui
et de Song Dong; les installations de Hong Lei et de Yang Maoyuan;
les vidéos de Yang Fudong, Li Yongbin et de Wang Jianwei.
L’exposition inclut
également de la musique du rocker bien connu Cui Jian,
des œuvres des réalisateurs Jia Zhangke et Zhang Yimou
et des concepts architecturaux de Wang Shu, Chang Yung Ho et Liu
Jiakun. Fait à noter, l’exposition présente également trois trésors
de l’histoire chinoise : un instrument rituel en jade de
la culture de Liangzhu d’il y a plus de 5 000 ans, trouvé
au cours inférieur du Yangtsé, un miroir en bronze de la dynastie
des Han de l’Ouest (206 av. J.-C. -24 apr. J.-C.) et une calligraphie
de Zhu Yunming de la dynastie des Ming (1368-1644). On peut voir
également des objets typiques de la révolution culturelle (1966-1976)
appartenant à un collectionneur français. Ces éléments historiques
permettent aux visiteurs de mieux comprendre l’histoire et la
culture de la Chine et de se faire une idée du contexte dans lequel
s’inscrivent les œuvres présentées.
Des
perspectives personnelles
L’urbanisation
est probablement la tendance la plus importante dans la Chine
actuelle et est un sujet de préoccupation pour les artistes chinois.
Elle a même été le thème de quelques expositions majeures sur
l’art contemporain, dont la Biennale de Shanghai en 2002. Certaines
des œuvres présentées à Paris touchent ce thème, dont les photographies
de Weng Fen intitulées Assise
sur le mur. Ces photos illustrent une petite Chinoise, assise
sur un mur et qui regarde les gratte-ciel de la ville, et elles
témoignent de ses aspirations et de ses peurs face à la réalité
actuelle.
Par rapport à la
mondialisation, certains artistes chinois ont recours à des éléments
historiques et culturels pour créer un dialogue entre les plans
local et global. Les huiles de Wang Guangyi, par exemple, évoquent
l’art pop occidental, mais elles utilisent les images de travailleurs,
de paysans et de soldats, typiques de la révolution culturelle,
pour critiquer la commercialisation et la mondialisation comme
des produits étrangers qui affluent au pays. Le sculpteur Liu
Jianhua s’inspire de l’art porcelainier traditionnel chinois pour
décrire la vie et les émotions des Chinois contemporains. Alors
que certains artistes se font les adeptes enthousiastes de l’art
occidental moderne des décennies 1980 et 1990, Jia Zhangke, Liu
Xiaodong et Fang Lijun enrichissent leurs films et leurs peintures
de leurs expériences personnelles. Bon nombre d’œuvres liées aux
nouveaux médias sont remarquables en ce qu’elles fusionnent harmonieusement
la technologie et l’art. Bien que la maîtrise de la technologie
ne soit pas aussi au point que ce que l’on peut voir dans l’art
occidental, la perspective, les émotions et les images des œuvres
chinoises sont typiques de la société actuelle et leur style est
très personnel.
Un
respect grandissant
M. Alfred Pacquement,
directeur du Musée d’art moderne du Centre Pompidou, a déclaré
espérer que le public d’aujourd’hui soit mieux informé de la vraie
Chine, car celle-ci n’est plus un pays toujours associé au symbolisme
de la révolution culturelle. Pour sa part, M. Zhang Yu, président
de l’Agence internationale des expositions de Chine, déclare :
« L’exposition de Paris me fait penser à
l’exposition tenue à Berlin il y a deux ans; c’était alors
la première fois que le gouvernement chinois parrainait une exposition
d’art contemporain chinois dans un pays étranger. Avant l’ouverture
de l’exposition, la partie allemande avait décidé de ne louer
que des salles latérales, car elle n’était pas certaine de la
qualité de l’art chinois ni de notre capacité à organiser une
telle expostion. Mais après l’ouverture, elle a regretté d’avoir
agi ainsi car l’exposition était un vrai succès. C’est probablement
les regrets des Allemands qui ont rendu les Français si déterminés
cette fois-ci. Cela veut dire que les artistes chinois gagnent
en respect dans la communauté artistique mondiale. Aujourd’hui,
si un conservateur n’a pas la Chine dans son champ de vision,
il ferait preuve d’aveuglement.»