Vie
de campus et vie sexuelle : incompatibles?
CHEN
XINXIN
À
la fin de janvier dernier, Xiao Lin et Xiao Ma, deux étudiants,
ont été renvoyés de l’ Institut des postes et télécommunications
de Chongqing parce qu’ils avaient eu des rapports sexuels prémaritaux
et que Xiao Ma était enceinte. Selon l’article 20 du Code des étudiants : « Si la conduite morale des étudiants
est répréhensible, l’école a le droit de sanctionner en fonction
de la gravité des circonstances; dans les cas les plus graves,
il y aura mise en observation dans l’école, voire même renvoi
de l’école. » En vertu de cet article, l’institut a demandé
aux deux jeunes de reconnaître avoir eu des rapports illicites
et de faire leur autocritique sur leur « conduite morale
répréhensible » ; or, Xiao Lin et Xiao Ma ont refusé
d’obtempérer à cette demande, car ils ne pensaient pas que leur
amour constitue une conduite morale répréhensible et que leurs
rapports sexuels puissent être qualifiés d’ « acte illicite ».
Xiao Ma a toujours été considérée
comme une élève ayant une bonne conduite en classe, ses camarades
s’entendent bien avec elle, son professeur en parle en termes
positifs : «C’est une élève ayant des goûts et un esprit
entreprenants, elle déborde d’entrain. Aux yeux de Xiao Lin, elle
est une fille ayant une bonne nature, qui aime penser aux autres
et les aider.
L’opinion
des deux en cause
« Nous ne sommes pas convaincus qu’un
seul écart de conduite puisse être jugé comme une conduite morale
répréhensible », écrit Xiao Ma, j’ai donné mon amour et ce
que j’ai de plus précieux à la personne qui m’aime, et quel que
soit le résultat, j’ai aimé et je ne le regretterai jamais. »
Pour sa part, Xiao Lin a exprimé : « Je pense que j’ai
tort, j’ai des torts envers elle et envers ses parents, je dois
assumer la plus grande part des responsabilités. Mais l’institut
nous a demandé de reconnaître notre conduite morale répréhensible
et d’avoir eu des rapports « illicites » ; cela,
je ne le reconnais pas. J’estime qu’un étudiant doit posséder
tous les droits légitimes d’un citoyen, y compris le droit d’exercer
sa sexualité. Elle et moi, nous nous aimons sincèrement. Si nous
avons été jusque là, c’est qu’on n’a pas pu se maîtriser; nous
n’avons pas causé de tort à la société, à l’institut et aux autres.
Pourquoi nos rapports seraient-ils considérés comme une conduite
morale répréhensible et des actes illicites ? »
Les échos
de l’entourage
Le père de Xiao Ma est fonctionnaire,
et il a été surpris par la conduite de sa fille. Toutefois, la
façon dont l’institut a traité les jeunes l’a indigné; il trouve
que l’école doit avoir un rôle d’éducateur, qu’elle ne doit pas
imposer à tort et à travers des règles aux étudiants qui ont eu
un écart de conduite fortuit, les priver de leur droit d’être
éduqués et de détruire ainsi leur avenir.
Après maintes discussions avec
la direction de l’institut, celle-ci a maintenu fermement son
opinion. Le président a déclaré : « La première éducation
que donne l’école est de travailler au perfectionnement du sens
moral. Le non-respect du code de conduite de l’école doit être
sanctionné. Les relations sexuelles prémaritales sont certainement
un geste illicite. Si l’on dit que c’est un geste correct et que
cet amour est innocent, les autres étudiants suivront cet exemple
et cela engendrera des conséquences en chaîne. En tant qu’éducateurs,
nous ne pouvons pas rester indifférents. » Un autre enseignant
a exprimé : « Si l’école n’adopte pas les mesures qui
s’imposent, les autres étudiants croiront que l’école ferme les
yeux sur ces situations ; renvoyer ces deux élèves de l’école
sert de signal d’alarme. »
Dans ce contexte, à la fin de 2002,
ces deux étudiants ont intenté un procès contre l’institut en
disant que celui-ci avait empiété sur leurs droits à la vie privée
et à recevoir l’éducation. En janvier dernier, le tribunal a rejeté
leur demande. Bien que la cour n’ait pas établi de dossier, bon
nombre de médias se sont intéréressés à l’affaire et font grand
cas de l’événement.
La sexualité
n’est plus une zone interdite
Ces dernières années, le nombre
d’étudiants qui ont des rapports sexuels augmente. Au Hunan, dans
le triangle formé par trois écoles supérieures, un « village
du concubinage » a fait son apparition. Ces étudiants estiment
qu’ils représentent les tendances actuelles.
« Les années 1980 marquent
une ligne de démarcation, a analysé le chercheur Zhu Qi, vice-directeur
de l’Association de sexologie de Chine; pendant les trente années
qui ont suivi la fondation de la Chine nouvelle, les rapports
sexuels étaient contraints strictement par la moralité sociale.
Dès 1978, surtout dans les années 1990, la conception des Chinois
sur la sexualité s’est transformée sous l’influence de la conception
occidentale. » Le professeur Pan Suiming, directeur de l’Institut
des recherches en sexologie, relevant de l’Université du peuple
de Chine, a déclaré : « Dans l’histoire chinoise plusieurs
fois millénaire, on peut déclarer pour la première fois que les
rapports sexuels ne servent pas seulement à donner naissance à
des enfants; les Chinois commencent à réaliser que la sexualité
est un droit propre et ils lient la sexualité avec l’amour et
le plaisir. » Selon ses statistiques : la proportion
des rapports sexuels prémaritaux chez les hommes et les femmes
au dessus de 40 ans est respectivement de 45,7 % et de 24,1 %,
et de 72,2 % et 46,2 % entre 25 ans et 29 ans.
Il y a peu, un organisme autorisé
a effectué une enquête parmi les étudiants sur la perception de
la sexualité. Quarante pour cent des étudiants ont exprimé « approuver »
ou « comprendre », 30 %, « ignorer ».
Dix ans auparavant, ceux qui exprimaient un « pour »
formaient la minorité; plus de 50 % des étudiants exprimaient
que le « concubinage » était une dégénérescence morale
ou un manque de maturité.
Tous ces phénomènes montrent que
la conception de la sexualité des jeunes s’ouvre de plus en plus
et que ceux qui ont des rapports sexuels prémaritaux sont de plus
en plus jeunes. Xiao Zhou, une étudiante d’une université des
langues, a dit : « Les rapports sexuels prémaritaux
ne sont plus une zone interdite pour les étudiants, certains louent
des appartements hors du campus, c’est leur secret. » Son
petit ami, Li Feng, trouve que ces deux étudiants, qui ont été
renvoyés par l’école, sont bien malchanceux; selon lui, les rapports
sexuels se produisent de temps à autre à l’école, mais personne
ne trouve que ces rapports soient immoraux, ils font partie du
droit et du secret des personnes.
Bon nombre de parents interviewés
ont exprimé que les étudiants sont devenus adultes et qu’il est
compréhensible que des amoureux aient des rapports sexuels. Un
sociologue a estimé pour sa part qu’une des causes de cette situation
tient à la précocité de la puberté chez les jeunes et au fait
que les gens se marient de plus en plus tard; il est donc difficile
de garder un bon état psychologique quand on traverse une « étape
d’attente » d’une dizaine d’années pour avoir des rapports
sexuels.
Comment
affronte-t-on les nouveaux problèmes?
Il
n’y a jamais eu autant de personnes à témoigner de la sympathie
aux amoureux. Le directeur de l’Institut des postes et télécommunications
de Chongqing, Nie Neng, a dit : « Je n’ai pas pensé
qu’ils auraient l’opinion publique en leur faveur. Mais, moi,
en tant que directeur, cette situation n’est plus tolérable. Bien
que ces rapports soient non explicites, cela ne veut pas dire
qu’ils sont permis au sein du campus. Qu’on ose défier cette interdiction,
c’est inadmissible. Depuis longtemps, nous pratiquons une éducation
orthodoxe, et c’est seulement en continuant de faire ainsi que
nous pourrons garder l’esprit de l’école. »
D’après ce qu’on rapporte, l’université
de Shenzhen aurait implanté, à l’essai, des règlements scolaires,
dont un article énonce : « Les gestes suivants sont
interdits entre étudiants de sexe différent : se tenir la
main, s’enlacer, se tenir par les reins ou les épaules et
s’embrasser. » En cas d’enfreinte, l’école imposera une sanction
en déduisant des points. Tous ceux qui atteindront 30 points seront
renvoyés de l’école.
À Shanghai, une école supérieure
connue a rangé le « baiser en public » dans les mauvaises
conduites qui sont enregistrées dans le dossier des étudiants,
et dans les cas très graves, les étudiants risquent d’être renvoyés
de l’école. Actuellement, presque toutes les écoles supérieures
ont une position nette sur la question du concubinage en dehors
de l’école---Interdiction !
Li Yinhe, sociologue et expert
en sexologie a déclaré : « Premièrement, le gouvernement
et les secteurs de l’éducation doivent prendre des mesures efficaces
en matière d’éducation sexuelle; deuxièmement, l’éducation sexuelle
des jeunes doit attacher de l’importance aux pratiques et aux
manières raffinées. Actuellement, on parle trop de la sexualité
sous l’angle médical, en termes de maladies vénériennes ou de
sida, la sexualité semble être liée avec la maladie. »
Tout récemment, en Angleterre,
Margaret McCluskez , âgée de 21 ans et mère d’une fillette de
4 ans, a intenté un procès contre son école secondaire et a gagné
son procès. Actuellement, elle étudie à l’université de Cambridge.
À ses 16 ans, elle s’était retrouvée enceinte, alors qu’elle était
au couvent, et elle avait été renvoyée de son école. Elle ne peut
pas oublier la grande douleur morale et la honte qu’elle avait
vécues. Finalement, l’école s’est excusée auprès d’elle et lui
a versé 6 250 euros et a garanti de réviser les règles touchant
les étudiantes enceintes.