L’université
française à mes yeux
ZHU
JING
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L'ÉNA à Strasbourg. |
Dans
tous les pays, les universités se trouvent au sommet de la pyramide
intellectuelle et constituent l’une des sources principales de
la culture d’un pays. Porteuses bien actives de la culture française,
les universités de France accueillent chaque année des dizaines
de milliers d’étudiants venus des quatre coins du monde. Pour
ces étudiants, la vie universitaire française, renommée pour sa
diversité et son dynamisme, offre une belle occasion de découvrir
plus à
fond
la culture du pays, puisque celle-ci se reflète dans le mode d’organisation,
la pédagogie et l’esprit qui règnent sur les campus. Plus particulièrement
pour les étudiants chinois qui viennent de l’autre bout du monde,
la vie universitaire française semble, dès le premier abord, très
différente de la vie dans une université chinoise, ce qui leur
permet de mieux saisir les différences culturelles entre les deux
pays.
Il
est incontestable que les universités françaises jouissent d’une
réputation prestigieuse au niveau international. Quelques noms
comme l’ENA et la Sorbonne suffisent pour évoquer la réputation
de ces institutions. En outre, bon nombre d’universités existent
depuis fort longtemps, ce qui se reflète dans la richesse de leur
enseignement et de leurs travaux de recherche et séduit les étudiants
étrangers. Et que dire des nombreux monuments et vestiges historiques
qui ornent les campus. À mon avis,
ils contribuent à créer une atmosphère inspirante pour
la vie étudiante. Mais pour les étudiants chinois, les avantages
ne s’arrêtent pas là....
La liberté
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Des espaces
de travail qui favorisent l'étude. |
Par
rapport aux lycéens chinois qui doivent participer au concours
national pour être admis à l’université, les lycéens français
semblent favorisés. Premièrement, pour eux, l’admission semble
assez facile. Une fois leur baccalauréat obtenu, les étudiants
peuvent poser leur candidature aux universités et aux facultés
de leur choix, sauf dans quelques écoles prestigieuses dont l’entrée
fait l’objet de concours de sélection et exige quelques conditions
préalables.
Deuxièmement,
les étudiants jouissent de la liberté de résidence. Chacun peut
choisir le type de logement qui lui convient, soit louer une chambre
dans une résidence universitaire ou un studio chez un particulier,
soit loger chez des parents ou des amis. Libre à soi ! Toutefois,
cette liberté a un prix. Contrairement aux universités chinoises
qui assurent le logement aux étudiants, les universités françaises
n’en fournissent pas ; on n’y obtient que quelques renseignements.
Les étudiants doivent se débrouiller eux-mêmes.
En
ce qui concerne les libertés, il faut noter encore les options mises
à la disposition des étudiants lorsqu’il s’agit de l’inscription
aux cours facultatifs ou aux activités de loisirs et de sports
organisées par l’école. On ne semble pas craindre de s’y retrouver
seul, puisqu’on constate souvent des cours avec un seul élève !
Finalement, il faut aussi citer les droits de regroupement, de
grève, de modification du sujet d’étude ou de recherche, voire
même la possibilité de changer de faculté ou d’école.
L’accessibilité et la libéralité
Les
universités françaises sont reconnues non seulement pour la qualité,
mais aussi pour l’accessibilité. Dans les universités publiques,
la scolarité est gratuite. On ne paye que les frais d’inscription,
entre 200 et 400 euros par an. En plus, les étudiants bénéficient
de multiples avantages, allant de la subvention au logement à
une réduction sur les prix de transport et de restauration, accordées
par l’école ou par les autorités publiques, ce qui permet aux
étudiants de poursuivre des études avec un coût de la vie minimum.
Par exemple, à Strasbourg, tous les étudiants ont droit à une
allocation de logement, accordée par le département en fonction
du niveau de revenu et du loyer mensuel, ce qui peut couvrir jusqu’à
la moitié des charges de logement, ainsi qu’à une carte culture,
ce qui leur permet de fréquenter les musées, les théâtres et les
cinémas à moindre coût. En effet, du point de vue financier, les
universités françaises font preuve d’un très bon rapport qualité-prix.
En
matière de libéralités accordées par les autorités, il ne faut
pas oublier que les Français passent plus de temps en vacances
que les autres. Les vacances sont généreusement programmées dans
le calendrier scolaire. Durant l’année, les étudiants peuvent
profiter au moins de trois grandes périodes de vacances (Noël,
Printemps, Pâques), sans compter les trois mois consécutifs de
vacances en été et les nombreux jours fériés.
La solidarité
La
France, comme la plupart des pays européens, reste très attachée
à la solidarité sociale. Tous les étudiants, qu’ils soient de
nationalité française ou non, sont obligatoirement couverts par
la sécurité sociale. À mon arrivée en France, la première question
qu’on m’a posée était : « Etes-vous bien couvert? »
La solidarité sociale estudiantine s’organise en une caisse mutuelle
qui gère les cotisations des étudiants et prend en charge les
frais de soins. Chaque étudiant, grâce à une cotisation annuelle
de 150 euros, peut bénéficier d’un remboursement de 80 %
de ses dépenses en santé.
L’ouverture
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Une
entrée de l'Université de Beijing. |
Pour
la plupart des étudiants chinois, la plus grande différence se
trouve peut-être dans l’organisation physique des universités
françaises qui est marquée par l’ouverture totale. Les bâtiments
universitaires ne sont pas regroupés dans un campus protégé par
un mur d’enceinte, ce qui est le cas en Chine, mais sont dispersés
dans la ville, voire même en banlieue. Bien que dans certaines
villes, comme à Strasbourg, les principaux bâtiments universitaires
soient concentrés dans un même quartier et en un véritable campus,
il n’y a toujours pas d’entrée contrôlée. Le campus est accessible
à tout le monde.
Et
cette ouverture ne se limite pas au plan matériel, puisque le
champ des études universitaires s’élargit bien au-delà du campus.
Les professeurs distribuent rarement aux élèves des manuels écrits ;
ils indiquent seulement une bibliographie pour que les élèves
puissent faire la recherche des documents nécessaires à l’approfondissement
des matières enseignées. D’ailleurs, les multiples liens avec
la vie pratique comme les stages, les enquêtes sur le terrain,
les séminaires et les visites permettent aux étudiants de bien
connaître la réalité sociale, tout en poursuivant leurs études
théoriques.
Le revers de la médaille
N’y
a-t-il que des avantages ? Bien sûr que non. Ceux qui croient
qu’on mène une vie paradisiaque dans les universités françaises
ont certainement tort. Comme dans tous les pays, les avantages
et les droits s’accompagnent ici d’obligations et de restrictions.
Si
l’entrée à l’université est relativement libre, la sortie semble
contingentée et un moment difficile pour les étudiants. Tous ne
quittent pas l’école avec un diplôme. Certains d’entre eux doivent
abandonner leurs études à cause de leurs mauvaises notes. Et même
ceux qui peuvent tenir jusqu’au bout ne sont pas assurés d’un
diplôme, car les examens de fin d’études sont généralement très
difficiles ; beaucoup d’étudiants sont obligés de passer
des épreuves de rattrapage pour obtenir leur diplôme.
Suivre
des cours est aussi une expérience pénible pour les débutants
en français. Les professeurs s’expriment souvent dans une langue
châtiée et leur élocution est rapide, sans compter leur vocabulaire
qui est émaillé de citations et de blagues difficiles à saisir.
Les étudiants étrangers doivent donc redoubler d’efforts au début
pour ne pas tirer de l’arrière dans leurs études.
Finalement,
la liberté n’est pas au rendez-vous lorsqu’on écrit une dissertation :
la composition est strictement encadrée par des exigences explicites,
même la taille des lettres est indiquée...
Voilà
l’université française à mes yeux. Si elle est une digne représentante
de « liberté, égalité et fraternité », elle se caractérise
aussi par sa recherche de l’ouverture, de la perfection, du raffinement
et de la clarté. Un défi parfois difficile à relever !