SEPTEMBRE,  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

 

L’université française à mes yeux

ZHU JING

L'ÉNA à Strasbourg.

Dans tous les pays, les universités se trouvent au sommet de la pyramide intellectuelle et constituent l’une des sources principales de la culture d’un pays. Porteuses bien actives de la culture française, les universités de France accueillent chaque année des dizaines de milliers d’étudiants venus des quatre coins du monde. Pour ces étudiants, la vie universitaire française, renommée pour sa diversité et son dynamisme, offre une belle occasion de découvrir plus à

fond la culture du pays, puisque celle-ci se reflète dans le mode d’organisation, la pédagogie et l’esprit qui règnent sur les campus. Plus particulièrement pour les étudiants chinois qui viennent de l’autre bout du monde, la vie universitaire française semble, dès le premier abord, très différente de la vie dans une université chinoise, ce qui leur permet de mieux saisir les différences culturelles entre les deux pays.

Il est incontestable que les universités françaises jouissent d’une réputation prestigieuse au niveau international. Quelques noms comme l’ENA et la Sorbonne suffisent pour évoquer la réputation de ces institutions. En outre, bon nombre d’universités existent depuis fort longtemps, ce qui se reflète dans la richesse de leur enseignement et de leurs travaux de recherche et séduit les étudiants étrangers. Et que dire des nombreux monuments et vestiges historiques qui ornent les campus. À mon avis,  ils contribuent à créer une atmosphère inspirante pour la vie étudiante. Mais pour les étudiants chinois, les avantages ne s’arrêtent pas là....

La liberté

Des espaces de travail qui favorisent l'étude.

Par rapport aux lycéens chinois qui doivent participer au concours national pour être admis à l’université, les lycéens français semblent favorisés. Premièrement, pour eux, l’admission semble assez facile. Une fois leur baccalauréat obtenu, les étudiants peuvent poser leur candidature aux universités et aux facultés de leur choix, sauf dans quelques écoles prestigieuses dont l’entrée fait l’objet de concours de sélection et exige quelques conditions préalables.

Deuxièmement, les étudiants jouissent de la liberté de résidence. Chacun peut choisir le type de logement qui lui convient, soit louer une chambre dans une résidence universitaire ou un studio chez un particulier, soit loger chez des parents ou des amis. Libre à soi ! Toutefois, cette liberté a un prix. Contrairement aux universités chinoises qui assurent le logement aux étudiants, les universités françaises n’en fournissent pas ; on n’y obtient que quelques renseignements. Les étudiants doivent se débrouiller eux-mêmes.

En ce qui concerne les libertés, il faut noter encore les options mises à la disposition des étudiants lorsqu’il s’agit de l’inscription aux cours facultatifs ou aux activités de loisirs et de sports organisées par l’école. On ne semble pas craindre de s’y retrouver seul, puisqu’on constate souvent des cours avec un seul élève ! Finalement, il faut aussi citer les droits de regroupement, de grève, de modification du sujet d’étude ou de recherche, voire même la possibilité de changer de faculté ou d’école.

L’accessibilité et la libéralité

Les universités françaises sont reconnues non seulement pour la qualité, mais aussi pour l’accessibilité. Dans les universités publiques, la scolarité est gratuite. On ne paye que les frais d’inscription, entre 200 et 400 euros par an. En plus, les étudiants bénéficient de multiples avantages, allant de la subvention au logement à une réduction sur les prix de transport et de restauration, accordées par l’école ou par les autorités publiques, ce qui permet aux étudiants de poursuivre des études avec un coût de la vie minimum. Par exemple, à Strasbourg, tous les étudiants ont droit à une allocation de logement, accordée par le département en fonction du niveau de revenu et du loyer mensuel, ce qui peut couvrir jusqu’à la moitié des charges de logement, ainsi qu’à une carte culture, ce qui leur permet de fréquenter les musées, les théâtres et les cinémas à moindre coût. En effet, du point de vue financier, les universités françaises font preuve d’un très bon rapport qualité-prix.

En matière de libéralités accordées par les autorités, il ne faut pas oublier que les Français passent plus de temps en vacances que les autres. Les vacances sont généreusement programmées dans le calendrier scolaire. Durant l’année, les étudiants peuvent profiter au moins de trois grandes périodes de vacances (Noël, Printemps, Pâques), sans compter les trois mois consécutifs de vacances en été et les nombreux jours fériés.

La solidarité

La France, comme la plupart des pays européens, reste très attachée à la solidarité sociale. Tous les étudiants, qu’ils soient de nationalité française ou non, sont obligatoirement couverts par la sécurité sociale. À mon arrivée en France, la première question qu’on m’a posée était : « Etes-vous bien couvert? » La solidarité sociale estudiantine s’organise en une caisse mutuelle qui gère les cotisations des étudiants et prend en charge les frais de soins. Chaque étudiant, grâce à une cotisation annuelle de 150 euros, peut bénéficier d’un remboursement de 80 % de ses dépenses en santé.

L’ouverture

Une entrée de l'Université de Beijing.

Pour la plupart des étudiants chinois, la plus grande différence se trouve peut-être dans l’organisation physique des universités françaises qui est marquée par l’ouverture totale. Les bâtiments universitaires ne sont pas regroupés dans un campus protégé par un mur d’enceinte, ce qui est le cas en Chine, mais sont dispersés dans la ville, voire même en banlieue. Bien que dans certaines villes, comme à Strasbourg, les principaux bâtiments universitaires soient concentrés dans un même quartier et en un véritable campus, il n’y a toujours pas d’entrée contrôlée. Le campus est accessible à tout le monde.

Et cette ouverture ne se limite pas au plan matériel, puisque le champ des études universitaires s’élargit bien au-delà du campus. Les professeurs distribuent rarement aux élèves des manuels écrits ; ils indiquent seulement une bibliographie pour que les élèves puissent faire la recherche des documents nécessaires à l’approfondissement des matières enseignées. D’ailleurs, les multiples liens avec la vie pratique comme les stages, les enquêtes sur le terrain, les séminaires et les visites permettent aux étudiants de bien connaître la réalité sociale, tout en poursuivant leurs études théoriques.

Le revers de la médaille

N’y a-t-il que des avantages ? Bien sûr que non. Ceux qui croient qu’on mène une vie paradisiaque dans les universités françaises ont certainement tort. Comme dans tous les pays, les avantages et les droits s’accompagnent ici d’obligations et de restrictions.

Si l’entrée à l’université est relativement libre, la sortie semble contingentée et un moment difficile pour les étudiants. Tous ne quittent pas l’école avec un diplôme. Certains d’entre eux doivent abandonner leurs études à cause de leurs mauvaises notes. Et même ceux qui peuvent tenir jusqu’au bout ne sont pas assurés d’un diplôme, car les examens de fin d’études sont généralement très difficiles ; beaucoup d’étudiants sont obligés de passer des épreuves de rattrapage pour obtenir leur diplôme.

Suivre des cours est aussi une expérience pénible pour les débutants en français. Les professeurs s’expriment souvent dans une langue châtiée et leur élocution est rapide, sans compter leur vocabulaire qui est émaillé de citations et de blagues difficiles à saisir. Les étudiants étrangers doivent donc redoubler d’efforts au début pour ne pas tirer de l’arrière dans leurs études.

Finalement, la liberté n’est pas au rendez-vous lorsqu’on écrit une dissertation : la composition est strictement encadrée par des exigences explicites, même la taille des lettres est indiquée...

Voilà l’université française à mes yeux. Si elle est une digne représentante de « liberté, égalité et fraternité », elle se caractérise aussi par sa recherche de l’ouverture, de la perfection, du raffinement et de la clarté. Un défi parfois difficile à relever !