AOÛT  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Le marché des portables en Chine

 

LI WUZHOU

« La culture des pouces »

Le technologie CDMA est présente sur le marché chinois.

Pendant ses études universitaires, Xiao Huang a utilisé Internet pour obtenir des informations auprès de ses amis; une fois son diplôme obtenu, ces deux dernières années, il a gardé contact avec eux en envoyant des courts messages (SMS) par son portable. À chacune des retrouvailles avec ses anciens camarades de classe, Xiao demande toujours si l’un d’eux a changé de modèle de téléphone. Chacun veut alors essayer l’appareil dernier cri, chacun cherche les petites histoires drôles qu’il a enregistrées et on se les envoie mutuellement.

Dans la société chinoise moderne, l’envoi des courts messages est très apprécié des jeunes et est très en vogue pour se communiquer des informations. On utilise ces courts messages pour connaître la météo, les résultats de la loterie, les informations de la Bourse, exprimer ses vœux à ses amis, fixer un rendez-vous, etc. Rien d’étonnant à ce qu’on donne au court message le nom de « cinquième média. » Selon des statistiques, à l’heure actuelle, le nombre des courts messages envoyés par les portables en Chine a atteint 60 milliards; en d’autres mots, au moins un message sur six envoyés dans le monde l’a été par un utilisateur chinois. Selon une enquête, en Chine, les 15-25 ans forment le groupe qui aime le plus envoyer des courts messages; ils en envoient en moyenne 5,2 par jour.

Si les Chinois aiment envoyer des SMS, ce n’est pas seulement que le coût de ce «jeu » n’est pas élevé, c’est que cela se conforme au caractère des Orientaux qui préfèrent la communication indirecte. L’envoi de courts messages a donné aux gens une sensation toute nouvelle, de sorte que la « culture des pouces » est de plus en plus acceptée.

En même temps que cette « culture » influence la vie des gens, elle a ouvert une nouvelle ère de consommation pour les télécoms. En 2002, China Mobile et China Unicom, deux sociétés chinoises de télécommunication mobile, ont acheminé 90 milliards de courts messages. En calculant qu’un court message coûte dix fen (la plus petite unité monétaire chinoise),  le revenu annuel de ces deux grandes sociétés a atteint 9 milliards de yuans.

La prestation des services d’abonnement et de téléchargement des courts messages aux utilisateurs de portables est déjà devenue la nouvelle arme secrète des grands portails chinois pour combler leur déficit et accroître leurs profits. À l’aide de ces services, Sina, Sohu et Netease ont dit adieu à leur situation précaire. Aujourd’hui, un nouveau métier a vu le jour : l’écrivain professionnel de courts messages. La publicité pour le recrutement des écrivains de courts messages, des travailleurs bien rémunérés, paraît souvent dans les sites des portails chinois importants. Celui qui peut imaginer le plus d’histoires attirantes gagne le plus d’argent.

Ce petit téléphone baladeur reflète aussi les idées de consommation différentes entre Chinois et Occidentaux. Faisant grand cas de la valeur de l’objet, les Occidentaux sont prêts à débourser un montant convenable pour l’achat d’un téléphone qui possède une fonction principale – la communication mobile – et sur cette base, ils choisissent d’autres fonctions selon leurs propres besoins. Quant aux Chinois, la plupart des gens achètent un portable pour suivre la mode, et ils éprouvent du plaisir à comparer leur modèle de téléphone avec les gens de leur entourage. En comparaison, il y a très peu de gens qui l’utilisent pour leurs activités commerciales. Il n’y a qu’à la campagne que le téléphone est vraiment utilisé pour les affaires par les cultivateurs et les éleveurs.
La première enquête effectuée récemment par le Zhonguo Qingnianbao (Journal de la jeunesse de Chine) et le Renmin Ribao (Quotidien du peuple) sur les tendances de consommation du portable révèle que 35,19 % des utilisateurs n’ont jamais changé de téléphone, mais que 64,81 % ont envie de le changer et d’en acheter un nouveau avant la fin de cette année.

Un marché de portables.

Lorsque le portable a fait son entrée sur le marché chinois au début des années 1990, son prix atteignait 10 000 ou 20 000 yuans, et il était lourd comme une brique; en outre, comme il était un objet rare, on le considérait comme un symbole du statut social et de la richesse. À cette époque-là, le portable faisait partie des produits contrôlés par l’État, la quantité des articles était limitée et on devait payer d’avance 80 % de son prix. Le portable a aussi engendré des phénomènes de corruption. Mais aujourd’hui, on a l’embarras du choix dans l’achat d’un téléphone mobile. On le choisit en tenant compte de sa taille, de sa couleur et de ses fonctions. Il y a certaines personnes qui s’arrachent le modèle dernier cri.

Un cadre de haut rang de Guangdong Mobile a révélé, lors de notre interview : « Du point de vue du niveau de vie, beaucoup de personnes n’ont pas encore les moyens financiers d’acheter un portable, mais ils sont déjà tous nos clients. » Par exemple, à Nanjing, ville où se rassemble le plus grand nombre d’universités en Chine du Sud, rien qu’en juillet, immédiatement après l’examen d’entrée à l’université, 30 000 portables ont été achetés par les futurs étudiants. Selon les enquêtes de  Zhongguo Qingnian Yanjiu (Recherche sur la jeunesse de Chine), 80,2 % des dépenses liées au portable chez les étudiants sont payées par les parents. Et même les élèves du secondaire utilisent déjà cet appareil. Les principales fonctions dont ils se servent sont l’envoi de courts messages et les jeux; moins de 30 % des consommateurs utilisent leur portable pour téléphoner!

L’envoi et la réception de courts messages et le changement fréquent de téléphone font augmenter rapidement la consommation dans le domaine. La généralisation du portable se développe à un rythme excessivement rapide. Le nombre des utilisateurs a dépassé celui des États-Unis et se classe au premier rang mondial. En 2002, 15 % de la population chinoise possédait un portable, et ce chiffre peut atteindre 50 % dans les villes côtières comme Shenzhen ; le nombre de portables a dépassé 250 millions, presque l’équivalant du nombre total aux États-Unis.

Shi Jixing, directeur général de la société de téléphone et de télécommunication Dongfang et vice-président de la fédération China Mobile, a récemment indiqué : « Dans la Chine d’aujourd’hui, chaque jour, il y a 200 000 personnes qui deviennent des utilisateurs du portable. Auparavant, le phénomène ne concernait que les gens des grandes villes, mais maintenant c’est au tour de ceux des villes de moindre importance. Ce ne sont plus seulement les hommes d’affaires qui éprouvent le besoin d’un portable. En dehors des jeunes consommateurs, ce sont maintenant les personnes de plus de 50 ans que ciblent de nombreuses entreprises. L’accroissement rapide du nombre d’utilisateurs du portable a créé un grand marché dans ce domaine.

La rivalité des champions du portable sur le marché chinois

En avril dernier, au moment où le peuple chinois luttaité contre le SRAS, M. Mike Zafirovski, P.D.G. et chef de la direction. de Motorola général, a visité la Chine. Au nom de sa société, il a fait un don d’argent  et de matériel d’une valeur totale de 11,8 millions de yuans pour lutter contre le SRAS. En même temps, il a signé avec Wang Qishan, maire de Beijing par intérim, un mémorandum sur l’investissement de 90 millions de dollars US en vue de l’établissement du centre de R&D à Beijing. Motorola a déjà installé à Shanghai son centre mondial d’achat, ainsi que le centre de gestion de la région Asie-Pacifique.

 

L’envoi de courts messages et de photos, un nouveau moyen de communiquer à distance.

Motorola occupe la première place sur le marché chinois de la téléphonie mobile et elle est la seule société étrangère à participer au projet de CDMA (Code Division Multiple Access), alors que Nokia et Ericsson n’ont pas obtenu l’autorisation. Pour consolider la sphère de ses activités, Motorola continue d’augmenter ses investissements en Chine. Ces cinq dernières années, la valeur de sa production annuelle, le montant total de ses investissements et son montant total d’achat en Chine ont respectivement atteint 10 milliards de dollars US. On prévoit que Motorola investira 500 millions de dollars US dans la formation du personnel et la recherche des équipements d’ici cinq ans.

Pour 2003, ses prévisions de vente en Chine sont de 5,7 milliards de dollar US, soit le quart de la valeur de ses ventes totales. « La Chine est le marché le plus important de Motorola dans le monde, elle est le centre de fabrication et de recherche, a dit M. Zafirovski ; Motorola est la plus grande entreprise étrangère en Chine, et  notre stratégie d’implantation ne changera pas, nos investissements et nos prévisions continueront de se réaliser. »

À la suite de Motorola, Philips, Ericsson, Nokia, Siemens et Samsung ont déclaré à tour de rôle qu’elles déplaceront l’ensemble ou une partie de leurs activités de production en Chine.

Selon les dires de Nokia, à la fin de l’année dernière, la Chine était son deuxième marché dans le monde, après les Etats-Unis, et ce, depuis 3 ans d’affilée. L’année dernière, ses chiffres de vente ont atteint 3,4 milliards d’euros en Chine, chiffre supérieur au niveau de 3,2 milliards d’euros de 2000. Actuellement, Nokia a investi 2,3 milliards de dollars US dans huit entreprises à capitaux mixtes et embauché 5 000 personnes. La société a construit à Beijing la plus grande base de production de portables dans le monde.

Tous ces faits montrent que la Chine deviendra la plus grande base mondiale de production de portables, le marché que les fabricants se disputent et leur champ de bataille. En s’appuyant sur leur technologie de pointe, ces sociétés puissantes renforcent leur part sur le marché chinois.

Siemens, Ericsson, Philips et Alcatel, qui ont obtenu des bons résultats cette année sur le marché chinois, sont en train à la fois d’accélérer leur rythme de recherche de nouveaux modèles et de renforcer sans cesse la coopération avec les producteurs chinois, sachant qu’elles ne sont pas en mesure de concurrencer Motorola et Nokia. Ces quatre sociétés se partagent le marché chinois grâce au transfert des technologies et en produisant conjointement.

Les fabricants chinois relèvent le défi

La variété des modèles répond aux besoins des consommateurs. Un ouvrier du bâtiment possède déjà son portable.

Alors que les gros producteurs visent le marché chinois et implantent leurs usines en Chine, les entreprises chinoises du domaine s’agrandissent elles aussi rapidement.

Avant 1998, le marché chinois était dominé par les marques étrangères. En 1999, le nombre de portables de fabrication chinoise était de 130 000, soit 5 % de la production chinoise totale de ces appareils. En 2001, la quantité de portables fabriqués par les entreprises chinoises s’est élevée à 10,48 millions, soit 12,3 % de la production totale du pays. En 2002, les parts des portables de fabrication chinoise sur le marché ont même atteint 30 %. Bird, TCL et Dongxing, des marques chinoises, font maintenant partie des dix premières marques sur le marché chinois. Au premier trimestre, le nombre de téléphones vendus par TCL a atteint 1,04 million d’unités, au troisième rang après Nokia et Motorola. Actuellement, les entreprises chinoises de portables commencent déjà à ébranler la position dominante des fabricants étrangers.

Selon l’analyse des spécialistes, la concurrence entre les marques chinoises et étrangères est une compétition sur le plan de la technique et de la différence de culture et de gestion. Dans ce domaine, si les entreprises chinoises peuvent se tailler une place, c’est qu’elles connaissent bien la psychologie des consommateurs chinois après avoir réussi à diminuer l’écart technique. Ces fabricants chinois ont formé un bon réseau de vente et fournissent des services de toutes sortes.

Citons Bird en exemple; sa méthode de vente est beaucoup appréciée. Bird possède 28 succursales et plus de 300 agences, ce qui a formé un réseau de vente dans tout le pays. Grâce à cette méthode, Bird a réussi à se classer dans les cinq premiers rangs du marché chinois. En ce qui concerne le produit, les fabricants chinois prennent bien le pouls du marché. La forme extérieure du téléphone et la conception de la sonnerie répondent bien à la demande des consommateurs chinois. À l’heure actuelle, l’envergure de la production de la plupart des entreprises chinoises est encore petite, mais certaines marques telles que TCL, Bird, Kejian, Shouxin et Xiaxin connaissent un bond de leur envergure de production et font preuve d’une capacité concurrentielle certaine. Bien que l’industrie de la téléphonie mobile se développe rapidement, il existe aussi des problèmes qui attirent notre attention : les entreprises chinoises ne cherchent qu’une production d’envergure, sans faire attention à élever la qualité et le niveau technique.

L’avenir du marché chinois de la téléphonie mobile

Pour les jeunes, la mode l’emporte sur les fonctionnalités.

En novembre dernier, CCTV ( Télévision centrale de Chine) avait organisé une activité d’appel d’offres pour l’espace publicitaire en 2003 ; 15 entreprises participantes sur 125 étaient des entreprises de portables. Banda, une marque chinoise, s’est classée en tête, avec un montant total de 108 millions de yuans. À la fin de 2002, le montant global de la publicité télé sur les portables, diffusée à la grandeur du pays, a atteint 700 millions de yuans, soit le double de celui de 2001, créant un record historique sans précédent. On constate donc que la concurrence sur le marché des portables est très acharnée.

Actuellement, dans le monde, le secteur des télécoms est stagnant,  alors que celui des terminaux mobiles de la Chine prospère. Cette industrie est devenue le point chaud de l’investissement. Les ventes annuelles atteignent 100 millions d’unités. Si un portable coûte mille yuans, la demande du marché dans ce domaine sera de plus de 100 milliards de yuans. Mais selon les statistiques récentes du marché, le nombre de portables de fabricants chinois en entrepôt s’élève à 20 millions, soit entre le tiers et le quart de la demande annuelle totale du marché intérieur. Pourtant, ce qui est différent dans ce phénomène, c’est que les parts de marché des fabricants chinois augmentent sans cesse ; chaque année, plus de 200 nouveaux modèles sont lancés, et il y a toujours de nouveaux venus qui participent à cette concurrence.

La surproduction causée par la concurrence paraît de plus en plus évidente. Mais face au cycle de plus en plus court des modèles, l’entreprise ne peut qu’accélérer son rythme de production des nouveaux modèles pour rattraper le rythme du marché ; la conséquence : les bénéfices diminuent et le coût de revient augmente rapidement.

Cas plus grave : un dossier publié il y a peu montre qu’on compte 37 entreprises de portables en Chine (22 entreprises à capitaux étrangers ou à capitaux mixtes). En 2003, leur capacité de production annuelle dépassera 180 milliards d’unités, presque la moitié de la capacité de production annuelle mondiale et quatre fois plus que la quantité sur le marché intérieur. Évidemment, en comparaison avec la faible pente de la courbe des générations de portables, celle du rythme de croissance de leur production surpasse déjà la demande du marché.

Mais qui peut rester impassible face à une telle occasion commerciale? Entre autres, pour occuper le marché, certaines entreprises chinoises d’électroménagers ont utilisé la méthode du «collage de l’étiquette» (attacher sa propre étiquette sur un produit qu’on a monté avec des pièces d’autres compagnies.) C’est la raison importante de l’expansion rapide de la capacité de la production de l’intérieur du pays.

Malgré les inquiétudes à ce sujet, certains prévoient un bel avenir au marché et à la production des portables en Chine. L’augmentation assez rapide du revenu des habitants des villes et des campagnes, la prise de conscience des paysans sur l’importance des informations du marché, l’agrandissement du contingent d’agents des produits agricoles et la demande de liaison des travailleurs provinciaux entraînent également la demande de portables.

Selon Wang Bingke, directeur adjoint du département de la recherche économique du ministre de l’Industrie informatique, le soi-disant problème de surproduction des portables n’existe pas; l’offre et la demande de cet appareil sont presque équilibrées. « En 2002, la production réelle a atteint 120 millions d’unités, dont 55 millions ont été exportés et 65 millions ont été vendus sur le marché intérieur », a-t-il dit. Attendons de voir l’avenir du marché des portables.