Le marché
des portables en Chine
LI
WUZHOU
« La
culture des pouces »
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Le technologie CDMA
est présente sur le marché chinois. |
Pendant
ses études universitaires, Xiao Huang a utilisé Internet pour
obtenir des informations auprès de ses amis; une fois son diplôme
obtenu, ces deux dernières années, il a gardé contact avec eux
en envoyant des courts messages (SMS) par son portable. À chacune
des retrouvailles avec ses anciens camarades de classe, Xiao demande
toujours si l’un d’eux a changé de modèle de téléphone. Chacun
veut alors essayer l’appareil dernier cri, chacun cherche les
petites histoires drôles qu’il a enregistrées et on se les envoie
mutuellement.
Dans
la société chinoise moderne, l’envoi des courts messages est très
apprécié des jeunes et est très en vogue pour se communiquer des
informations. On utilise ces courts messages pour connaître la
météo, les résultats de la loterie, les informations de la Bourse,
exprimer ses vœux à ses amis, fixer un rendez-vous, etc. Rien
d’étonnant à ce qu’on donne au court message le nom de « cinquième
média. » Selon des statistiques, à l’heure actuelle, le nombre
des courts messages envoyés par les portables en Chine a atteint
60 milliards; en d’autres mots, au moins un message sur six envoyés
dans le monde l’a été par un utilisateur chinois. Selon une enquête,
en Chine, les 15-25 ans forment le groupe qui aime le plus envoyer
des courts messages; ils en envoient en moyenne 5,2 par jour.
Si
les Chinois aiment envoyer des SMS, ce n’est pas seulement que
le coût de ce «jeu » n’est pas élevé, c’est que cela se conforme
au caractère des Orientaux qui préfèrent la communication indirecte.
L’envoi de courts messages a donné aux gens une sensation toute
nouvelle, de sorte que la « culture des pouces » est
de plus en plus acceptée.
En
même temps que cette « culture » influence la vie des
gens, elle a ouvert une nouvelle ère de consommation pour les
télécoms. En 2002, China Mobile et China Unicom,
deux sociétés chinoises de télécommunication mobile, ont acheminé
90 milliards de courts messages. En calculant qu’un court message
coûte dix fen (la plus petite
unité monétaire chinoise), le
revenu annuel de ces deux grandes sociétés a atteint 9 milliards
de yuans.
La
prestation des services d’abonnement et de téléchargement des
courts messages aux utilisateurs de portables est déjà devenue
la nouvelle arme secrète des grands portails chinois pour combler
leur déficit et accroître leurs profits. À l’aide de ces services,
Sina, Sohu et Netease ont dit adieu à leur situation précaire.
Aujourd’hui, un nouveau métier a vu le jour : l’écrivain
professionnel de courts messages. La publicité pour le recrutement
des écrivains de courts messages, des travailleurs bien rémunérés,
paraît souvent dans les sites des portails chinois importants.
Celui qui peut imaginer le plus d’histoires attirantes gagne le
plus d’argent.
Ce
petit téléphone baladeur reflète aussi les idées de consommation
différentes entre Chinois et Occidentaux. Faisant grand cas de
la valeur de l’objet, les Occidentaux sont prêts à débourser un
montant convenable pour l’achat d’un téléphone qui possède une
fonction principale – la communication mobile – et sur cette base,
ils choisissent d’autres fonctions selon leurs propres besoins.
Quant aux Chinois, la plupart des gens achètent un portable pour
suivre la mode, et ils éprouvent du plaisir à comparer leur modèle
de téléphone avec les gens de leur entourage. En comparaison,
il y a très peu de gens qui l’utilisent pour leurs activités commerciales.
Il n’y a qu’à la campagne que le téléphone est vraiment utilisé
pour les affaires par les cultivateurs et les éleveurs.
La première enquête effectuée récemment par le Zhonguo Qingnianbao (Journal
de la jeunesse de Chine) et le Renmin Ribao (Quotidien
du peuple) sur les tendances de consommation du
portable révèle que 35,19 % des utilisateurs n’ont jamais
changé de téléphone, mais que 64,81 % ont envie de le changer
et d’en acheter un nouveau avant la fin de cette année.
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Un marché de portables. |
Lorsque
le portable a fait son entrée sur le marché chinois au début des
années 1990, son prix atteignait 10 000 ou
20 000 yuans, et il était lourd comme une brique; en outre, comme
il était un objet rare, on le considérait comme un symbole du
statut social et de la richesse. À cette époque-là, le portable
faisait partie des produits contrôlés par l’État, la quantité
des articles était limitée et on devait payer d’avance 80 %
de son prix. Le portable a aussi engendré des phénomènes de corruption.
Mais aujourd’hui, on a l’embarras du choix dans l’achat d’un téléphone
mobile. On le choisit en tenant compte de sa taille, de sa couleur
et de ses fonctions. Il y a certaines personnes qui s’arrachent
le modèle dernier cri.
Un
cadre de haut rang de Guangdong Mobile a révélé, lors de
notre interview : « Du point de vue du niveau de vie,
beaucoup de personnes n’ont pas encore les moyens financiers d’acheter
un portable, mais ils sont déjà tous nos clients. » Par exemple,
à Nanjing, ville où se rassemble le plus grand nombre d’universités
en Chine du Sud, rien qu’en juillet, immédiatement après l’examen
d’entrée à l’université, 30 000 portables ont été achetés
par les futurs étudiants. Selon les enquêtes de
Zhongguo Qingnian Yanjiu (Recherche sur la jeunesse de Chine), 80,2
% des dépenses liées au portable chez les étudiants sont payées
par les parents. Et même les élèves du secondaire utilisent déjà
cet appareil. Les principales fonctions dont ils se servent sont
l’envoi de courts messages et les jeux; moins de 30 % des
consommateurs utilisent leur portable pour téléphoner!
L’envoi
et la réception de courts messages et le changement fréquent de
téléphone font augmenter rapidement la consommation dans le domaine.
La généralisation du portable se développe à un rythme excessivement
rapide. Le nombre des utilisateurs a dépassé celui des États-Unis
et se classe au premier rang mondial. En 2002, 15 % de la
population chinoise possédait un portable, et ce chiffre peut
atteindre 50 % dans les villes côtières comme Shenzhen ;
le nombre de portables a dépassé 250 millions, presque l’équivalant
du nombre total aux États-Unis.
Shi
Jixing, directeur général de la société de téléphone et de télécommunication
Dongfang et vice-président de la fédération China Mobile, a récemment
indiqué : « Dans la Chine d’aujourd’hui, chaque jour,
il y a 200 000 personnes qui deviennent des utilisateurs du portable.
Auparavant, le phénomène ne concernait que les gens des grandes
villes, mais maintenant c’est au tour de ceux des villes de moindre
importance. Ce ne sont plus seulement les hommes d’affaires qui
éprouvent le besoin d’un portable. En dehors des jeunes consommateurs,
ce sont maintenant les personnes de plus de 50 ans que ciblent
de nombreuses entreprises. L’accroissement rapide du nombre d’utilisateurs
du portable a créé un grand marché dans ce domaine.
La
rivalité des champions du portable sur le marché chinois
En
avril dernier, au moment où le peuple chinois luttaité contre
le SRAS, M. Mike Zafirovski, P.D.G. et chef de la direction. de
Motorola général, a visité la Chine. Au nom de sa société, il
a fait un don d’argent et
de matériel d’une valeur totale de 11,8 millions de yuans pour
lutter contre le SRAS. En même temps, il a signé avec Wang Qishan,
maire de Beijing par intérim, un mémorandum sur l’investissement
de 90 millions de dollars US en vue de l’établissement du centre
de R&D à Beijing. Motorola a déjà installé à Shanghai son
centre mondial d’achat, ainsi que le centre de gestion de la région
Asie-Pacifique.
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L’envoi de courts messages
et de photos, un nouveau moyen de communiquer à distance. |
Motorola
occupe la première place sur le marché chinois de la téléphonie
mobile et elle est la seule société étrangère à participer au
projet de CDMA (Code Division Multiple Access), alors que Nokia
et Ericsson n’ont pas obtenu l’autorisation. Pour consolider la
sphère de ses activités, Motorola continue d’augmenter ses investissements
en Chine. Ces cinq dernières années, la valeur de sa production
annuelle, le montant total de ses investissements et son montant
total d’achat en Chine ont respectivement atteint 10 milliards
de dollars US. On prévoit que Motorola investira 500 millions
de dollars US dans la formation du personnel et la recherche des
équipements d’ici cinq ans.
Pour
2003, ses prévisions de vente en Chine sont de 5,7 milliards de
dollar US, soit le quart de la valeur de ses ventes totales. « La
Chine est le marché le plus important de Motorola dans le monde,
elle est le centre de fabrication et de recherche, a dit M. Zafirovski ;
Motorola est la plus grande entreprise étrangère en Chine, et
notre stratégie d’implantation ne changera pas, nos investissements
et nos prévisions continueront de se réaliser. »
À la
suite de Motorola, Philips, Ericsson, Nokia, Siemens et Samsung
ont déclaré à tour de rôle qu’elles déplaceront l’ensemble ou
une partie de leurs activités de production en Chine.
Selon
les dires de Nokia, à la fin de l’année dernière, la Chine était
son deuxième marché dans le monde, après les Etats-Unis, et ce,
depuis 3 ans d’affilée. L’année dernière, ses chiffres de vente
ont atteint 3,4 milliards d’euros en Chine, chiffre supérieur
au niveau de 3,2 milliards d’euros de 2000. Actuellement, Nokia
a investi 2,3 milliards de dollars US dans huit entreprises à
capitaux mixtes et embauché 5 000 personnes. La société a construit
à Beijing la plus grande base de production de portables dans
le monde.
Tous
ces faits montrent que la Chine deviendra la plus grande base
mondiale de production de portables, le marché que les fabricants
se disputent et leur champ de bataille. En s’appuyant sur leur
technologie de pointe, ces sociétés puissantes renforcent leur
part sur le marché chinois.
Siemens,
Ericsson, Philips et Alcatel, qui ont obtenu des bons résultats
cette année sur le marché chinois, sont en train à la fois d’accélérer
leur rythme de recherche de nouveaux modèles et de renforcer sans
cesse la coopération avec les producteurs chinois, sachant qu’elles
ne sont pas en mesure de concurrencer Motorola et Nokia. Ces quatre
sociétés se partagent le marché chinois grâce au transfert des
technologies et en produisant conjointement.
Les
fabricants chinois relèvent le défi
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La variété des modèles
répond aux besoins des consommateurs. Un ouvrier du bâtiment
possède déjà son portable. |
Alors
que les gros producteurs visent le marché chinois et implantent
leurs usines en Chine, les entreprises chinoises du domaine s’agrandissent
elles aussi rapidement.
Avant
1998, le marché chinois était dominé par les marques étrangères.
En 1999, le nombre de portables de fabrication chinoise était
de 130 000, soit 5 % de la production chinoise totale de
ces appareils. En 2001, la quantité de portables fabriqués par
les entreprises chinoises s’est élevée à 10,48 millions, soit
12,3 % de la production totale du pays. En 2002, les parts
des portables de fabrication chinoise sur le marché ont même atteint
30 %. Bird, TCL et Dongxing, des marques chinoises, font
maintenant partie des dix premières marques sur le marché chinois.
Au premier trimestre, le nombre de téléphones vendus par TCL a
atteint 1,04 million d’unités, au troisième rang après Nokia et
Motorola. Actuellement, les entreprises chinoises de portables
commencent déjà à ébranler la position dominante des fabricants
étrangers.
Selon
l’analyse des spécialistes, la concurrence entre les marques chinoises
et étrangères est une compétition sur le plan de la technique
et de la différence de culture et de gestion. Dans ce domaine,
si les entreprises chinoises peuvent se tailler une place, c’est
qu’elles connaissent bien la psychologie des consommateurs chinois
après avoir réussi à diminuer l’écart technique. Ces fabricants
chinois ont formé un bon réseau de vente et fournissent des services
de toutes sortes.
Citons
Bird en exemple; sa méthode de vente est beaucoup appréciée. Bird
possède 28 succursales et plus de 300 agences, ce qui a formé
un réseau de vente dans tout le pays. Grâce à cette méthode, Bird
a réussi à se classer dans les cinq premiers rangs du marché chinois.
En ce qui concerne le produit, les fabricants chinois prennent
bien le pouls du marché. La forme extérieure du téléphone et la
conception de la sonnerie répondent bien à la demande des consommateurs
chinois. À l’heure actuelle, l’envergure de la production de la
plupart des entreprises chinoises est encore petite, mais certaines
marques telles que TCL, Bird, Kejian, Shouxin et Xiaxin connaissent
un bond de leur envergure de production et font preuve d’une capacité
concurrentielle certaine. Bien que l’industrie de la téléphonie
mobile se développe rapidement, il existe aussi des problèmes
qui attirent notre attention : les entreprises chinoises
ne cherchent qu’une production d’envergure, sans faire attention
à élever la qualité et le niveau technique.
L’avenir
du marché chinois de la téléphonie mobile
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Pour les jeunes, la
mode l’emporte sur les fonctionnalités. |
En
novembre dernier, CCTV ( Télévision centrale de Chine) avait organisé
une activité d’appel d’offres pour l’espace publicitaire en 2003 ;
15 entreprises participantes sur 125 étaient des entreprises de
portables. Banda, une marque chinoise, s’est classée en
tête, avec un montant total de 108 millions de yuans. À la fin
de 2002, le montant global de la publicité télé sur les portables,
diffusée à la grandeur du pays, a atteint 700 millions de yuans,
soit le double de celui de 2001, créant un record historique sans
précédent. On constate donc que la concurrence sur le marché des
portables est très acharnée.
Actuellement,
dans le monde, le secteur des télécoms est stagnant, alors que celui des terminaux mobiles de la Chine prospère. Cette
industrie est devenue le point chaud de l’investissement. Les
ventes annuelles atteignent 100 millions d’unités. Si un portable
coûte mille yuans, la demande du marché dans ce domaine sera de
plus de 100 milliards de yuans. Mais selon les statistiques récentes
du marché, le nombre de portables de fabricants chinois en entrepôt
s’élève à 20 millions, soit entre le tiers et le quart de la demande
annuelle totale du marché intérieur. Pourtant, ce qui est différent
dans ce phénomène, c’est que les parts de marché des fabricants
chinois augmentent sans cesse ; chaque année, plus de 200
nouveaux modèles sont lancés, et il y a toujours de nouveaux venus
qui participent à cette concurrence.
La
surproduction causée par la concurrence paraît de plus en plus
évidente. Mais face au cycle de plus en plus court des modèles,
l’entreprise ne peut qu’accélérer son rythme de production des
nouveaux modèles pour rattraper le rythme du marché ; la
conséquence : les bénéfices diminuent et le coût de revient
augmente rapidement.
Cas
plus grave : un dossier publié il y a peu montre qu’on compte
37 entreprises de portables en Chine (22 entreprises à capitaux
étrangers ou à capitaux mixtes). En 2003, leur capacité de production
annuelle dépassera 180 milliards d’unités, presque la moitié de
la capacité de production annuelle mondiale et quatre fois plus
que la quantité sur le marché intérieur. Évidemment, en comparaison
avec la faible pente de la courbe des générations de portables,
celle du rythme de croissance de leur production surpasse déjà
la demande du marché.
Mais
qui peut rester impassible face à une telle occasion commerciale?
Entre autres, pour occuper le marché, certaines entreprises chinoises
d’électroménagers ont utilisé la méthode du «collage de l’étiquette»
(attacher sa propre étiquette sur un produit qu’on a monté avec
des pièces d’autres compagnies.) C’est la raison importante de
l’expansion rapide de la capacité de la production de l’intérieur
du pays.
Malgré
les inquiétudes à ce sujet, certains prévoient un bel avenir au
marché et à la production des portables en Chine. L’augmentation
assez rapide du revenu des habitants des villes et des campagnes,
la prise de conscience des paysans sur l’importance des informations
du marché, l’agrandissement du contingent d’agents des produits
agricoles et la demande de liaison des travailleurs provinciaux
entraînent également la demande de portables.
Selon
Wang Bingke, directeur adjoint du département de la recherche
économique du ministre de l’Industrie informatique, le soi-disant
problème de surproduction des portables n’existe pas; l’offre
et la demande de cet appareil sont presque équilibrées. « En
2002, la production réelle a atteint 120 millions d’unités, dont
55 millions ont été exportés et 65 millions ont été vendus sur
le marché intérieur », a-t-il dit. Attendons de voir l’avenir
du marché des portables.