La
foi qui révèle des trésors
XIONG
LEI
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Un trésor! La cathédrale
de la vallée Dengchi du diocèse de Leshan de l’église catholique
de Chine, province du Sichuan. Une structure entièrement de
bois bâtie en 1839 par la congrégation lazariste de France. |
Cent trente ans après qu'Armand
David (1826-1900) ait quitté un village montagneux reculé situé
dans la province du Sichuan, les locaux se souviennent encore
de lui. Premier Occidental à avoir décrit le panda géant (Ailuropoda
melanoleucus) au monde, Armand David est évoqué davantage
comme naturaliste que comme prêtre catholique dans le district
de Baoxing, quatre heures de route au sud-ouest de Chengdu, la
capitale provinciale où David a servi comme prêtre de 1867 à 1872.
Baoxing
ne veut pas sombrer dans l’oubli
C’est dans ce district que David a connu cette espèce de mammifères
et qu’il l’a introduit au monde en 1869. Arrivé en Chine en 1862,
Armand David a aussi présenté au monde les premières descriptions
de plus de 180 sortes de plantes et d’animaux uniques à la Chine,
dont plus de 80 furent découvertes dans le district de Baoxing.
« Nous pouvons ne pas être d’accord
avec la manière dont il a fait sortir ces spécimens hors de Chine
au XIXe siècle, dit Jiang Xiolin,
la chef de ce district où les montagnes couvrent 99,6 %
du territoire, mais nous ne pouvons pas nous empêcher d’admirer
les réalisations de David en tant que naturaliste.» En l’honneur
de ces réalisations, les plus de 180 espèces de plantes et d’animaux
chinois que David a décrites ont été inscrites sur des rampes
en pierre le long des rives de la Boaxing, dans la ville de Muping,
siège du district. Selon Jiang et beaucoup d’officiels locaux,
la découverte de David, il y a plus de 130 ans, confère indiscutablement
à Baoxing le statut de « berceau du panda géant ». Toujours selon
ses dires, le district, qui est situé dans la chaîne des Qionglai,
zone de transition entre le bassin du Sichuan et le plateau Qinghai-Tibet,
peut ainsi attirer des visiteurs de partout dans le monde.
Le district abrite maintenant
une réserve naturelle couvrant 40 000 hectares, dont 13%
servent d’habitat au panda géant. La cathédrale catholique où
le père David a passé cinq années de sa vie de prêtre et d’explorateur
est également située à Baoxing.
Un trésor de cathédrale
La cathédrale, une structure
en bois construite en 1839 par les lazaristes français, se tient
toujours bien droite dans le village de Qingping, à 1 750
mètres au-dessus du niveau de la mer. À quelque 28 kilomètres
du siège du district, un chemin de terre mène à ce village en
zigzaguant le long des versants montagneux. Appelé «cathédrale
de la vallée de Dengchi du diocèse de Leshan de l’Église catholique
de Chine», ce bâtiment est l’une des plus anciennes églises catholiques
du Sichuan selon le bénédictin Yang Mankang qui est prêtre à cette
cathédrale depuis 1994. La structure carrée ne se distingue pas
des autres maisons du voisinage, avec son toit en tuiles, mais
la salle principale a l’aspect typique d’une église catholique
romaine. Les premiers prêtres étaient des Français, dit le père
Yang qui est le 23e curé
depuis 1839. C’est toutefois du père David dont on se souvient
davantage. «C’est ici que le père David a vu un panda géant pour
la première fois», dit Paul Xu Renlu, un villageois de 70 ans
qui agit aussi comme bedeau.
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Xu Renlu tint le drapeau
remis par une délégation française. Il est dans la chambre
à coucher du père David. |
Benedict Yang, 33 ans, est maintenant
chargé de quatre des neuf églises de la ville de Ya’an qui dessert
Baoxing et six autres districts. À Baoxing, dont la population
atteint 57 000 personnes, les catholiques sont au nombre
de 5 000, selon Yang, et ils vivent pour la plupart autour
de la cathédrale. À Ya’an, l’église rassemble plus de 30 000
fidèles parmi une population d’un million et demi. « La plupart
des croyants, c’est-à-dire 64 % de ceux-ci, ont plus de 60 ans,
dit Yang, les gens d’âge moyen représentent 15 % et les autres
ont moins de trente ans. Il reconnaît l’existence d’un fossé dans
le groupe des 40-60 ans, en raison de la révolution culturelle
(1966-1976), alors que l’église a dû cesser ses activités.» La
majorité des croyants ont adhéré à l’église en raison de l’influence
familiale. Xu Renlu, dont les ancêtres se sont convertis alors
que les missionnaires français étaient là, est l’un de ceux-là.
Song Chengren, un autre villageois de Qingping dit que lui et
sa mère se sont convertis au moment où ils ont emménagé dans le
village il y a plus de 50 ans. Cet homme de 65 ans vit dans une
maison en bois, voisine de l’église. «Ma mère est devenue aveugle
peu après être devenue veuve et l’église lui a offert un travail»,
dit Song qui a choisi de ne pas révéler son nom de catholique.
Song dit préférer l’église catholique parce qu’elle est propre.
« On n’a pas besoin de brûler des bâtonnets d’encens ou d’acheter
de l’argent en papier pour brûler pour les morts » observe-t-il.
L’église est ouverte aux croyants
locaux une fois par semaine, mais quand le prêtre est présent,
dit Xu Renlu, l’assistance est plus nombreuse. Le père Yang vient
y dire la messe et entendre les confessions environ une fois par
mois. Autrement, les croyants prient à la maison, dit Song. «Nous
n’avons pas cessé de prier, même durant la révolution culturelle,
alors que l’église était fermée et servait de dortoir à des mineurs;
cette fonction a préservé l’église du vandalisme, selon Xu. Dans
ce village de 180 personnes, la moitié des villageois sont catholiques
et il n’y a aucun conflit entre croyants et non croyants.»
La
pauvreté
La principale préoccupation
de Song est de sortir de la pauvreté. Souffrant de sciatique,
il est l’un des villageois les plus pauvres du village. « Voilà
pourquoi mon fils a choisi
de ne pas croire en l’église, soupire-t-il. À 25 ans, il n’a pas
encore trouvé d’épouse parce que nous sommes trop pauvres. »
La question de la pauvreté préoccupe
aussi le père Yang. Puisque les paysans locaux arrivent à peine
à se nourrir et à se vêtir convenablement, il dit :
Vous pouvez difficilement ramasser des contributions ou
des dons auprès de ces personnes. Il est donc très difficile de
garder l’église en activité. Heureusement, la cathédrale figure
à la liste des sites culturels protégés par le gouvernement provincial.
Ces trois dernières années, le gouvernement a alloué 10 000
yuans par année pour maintenir l’église. Et des fonds supplémentaires
viennent d’être accordés pour améliorer les installations contre
l’incendie. »
Yang est fier de cette église
et il cherche à développer de nouveaux canaux pour la financer.
« J’ai répondu à l’appel de Dieu de servir dans une église à la
longue tradition » dit-il. À sa plus grande joie, le district
de Baoxing a été jumelé avec Ezpeleta, la ville natale du père
David. En novembre 2000, l’église a accueilli une délégation de
46 personnes de cette ville, et une délégation de Ya’an s’y est
rendue en janvier dernier. Ses échanges porteront-ils fruit? Le
père Yang prie pour que cela se produise.