JUILLET  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La médecine, une vocation à la bienveillance

HUO JIANYING

 

Statuette en cuivre des Song (960-1279) dont le corps est marqué de 666 points d’acupuncture.

Les gens d’aujourd’hui ont l’habitude de surnommer le personnel soignant les « Anges en blanc », mais dans la Chine antique, on considérait les médecins qui sauvaient les mourants et soignaient les blessés comme des êtres sacrés. Hier comme aujourd’hui, le personnel médical assume une tâche sacrée, préserver la vie de l’être humain.

Depuis l’Antiquité, de nombreux médecins célèbres ont été surnommés, par respect, « rois de la médecine », et des temples leur ont été dédiés en plusieurs endroits. Par exemple, le Temple du roi de la médecine de la ville de Anguo (Hebei) présente dix médecins célèbres de l’Antiquité, dont Pi Tong, Bian Que, Hua Tuo, Zhang Zhongjing, Huangpu Mi et Sun Simiao, tous connus grâce à leur art médical de haut calibre et à leur contribution remarquable au développement de la médecine chinoise.

Shennong, martyr de la médecine et des médicaments traditionnels chinois

La médecine et les médicaments traditionnels chinois, dont l’histoire est très longue, ont été formés progressivement grâce aux connaissances acquises, durant la vie et par la pratique, sur les propriétés médicinales des plantes, des animaux et des minéraux, ainsi que grâce aux expériences et aux leçons accumulées par les gens dans leur lutte contre les maladies. Leur ancêtre est Shennong, le Yandi de l’Antiquité.

Selon la légende, les ancêtres de la nation chinoise étaient les « Trois empereurs » : Fuxi, Shennong et Nüwa. Parmi eux, Shennong est celui qui a exercé la plus grande influence sur le processus historique de la nation chinoise.

Shennong aux deux cornes, selon la description légendaire des anciens.

Dans les temps anciens, outre toutes sortes de calamités naturelles, la faim et les maladies constituaient la pire menace pour le genre humain. Shennong contribua à résoudre ces deux problèmes. Il apprit aux gens non seulement comment distinguer les fruits et les légumes sauvages, mais encore comment cultiver et récolter des céréales pour contrer la faim.

Lorsque les gens étaient confrontés à des maladies, Shennong allait un peu partout afin de trouver des herbes médicinales, et il en goûtait lui-même pour connaître leur nature et leurs effets. Il finit par découvrir bon nombre de plantes pouvant guérir des maladies. On racontait qu’il aurait été empoisonné 72 fois en un seul jour et qu’il serait mort des effets d’une plante hautement toxique.

Bien que, même aujourd’hui, on ne sache pas si Shennong a vraiment existé, on vénère toujours la mémoire de cet ancêtre légendaire qui sacrifia sa vie pour la survie et la multiplication de la nation chinoise. Les anciens l’imaginaient comme une divinité ayant la tête d’un bœuf et un corps humain, et ils considéraient Shennongjia comme son lieu de naissance et le berceau de sa tribu. Shennongjia est une forêt montagneuse de la province du Hubei qui prit son nom parce que, selon la légende, Shennong y aurait dressé une hutte pour cueillir des plantes médicinales.

Shennongjia est aussi un lieu sacré écologique qui garde un aspect vierge; on y trouve non seulement une flore et une faune précieuses, mais encore de riches ressources pour la médecine traditionnelle chinoise, y compris plus de 2 000 espèces médicinales. C’est sur cette terre fertile que Shennong créa la plus ancienne civilisation agricole et médicinale de la nation chinoise.

Pratiquer la médecine pour le bien du peuple

Le Compendium Materia Medica, rédigé par Li Shizhen (1518-1593), célèbre médecin des Ming (1368-1644), présente 1 892 espèces de médicaments traditionnels avec 1 160 illustrations.

Selon le concept traditionnel chinois de la médecine, l’art médical est synonyme de bienfaisance, un concept médical dérivé du confucianisme, qui demande à une personne pratiquant la médecine d’aider les autres avec un cœur bienfaisant et d’être exigeante envers elle-même comme le ferait une personne de bien.

Dans les peintures antiques, les médecins portaient souvent à la taille une gourde contenant des médicaments. Ces médecins étaient fiers de « porter la gourde pour le bien des gens ». En général, on divisait les médecins en deux catégories : ceux en clinique et les itinérants, les premiers formant la majorité. La pharmacie traditionnelle chinoise servait aussi de clinique où, après avoir posé leur diagnostic, les médecins prescrivaient des ordonnances appliquées par les patients. Si nécessaire, les médecins effectuaient aussi des visites à domicile. Cette pratique s’est maintenue pendant des milliers d’années et perdure dans certaines régions.

Bon nombre de pharmacies traditionnelles jouissent d’une haute réputation pour leurs « produits authentiques, leurs prix raisonnables et leur honnêteté ». Dans la pharmacie Hu Qingyu à Hangzhou (Zhejiang), toutes les tablettes portent des inscriptions suspendues vers l’extérieur, sauf une, vers l’intérieur. Cette dernière porte les mots « se garder de toute fraude », écrits par le patron Hu Xueyan à l’intention de ses employés et de lui-même.

Les anciens Chinois estimaient que les bons médecins devaient posséder non seulement une excellente maîtrise de l’art médical et une haute moralité professionnelle, mais encore un fort sens des responsabilités sociales. On disait que les anciens médecins étaient divisés en classes : ceux de la classe supérieure soignaient le pays, ceux de classe moyenne traitaient les patients et ceux de la classe inférieure guérissaient les maladies. Ceci illustre le fait que la profession médicale assume une grande responsabilité sociale touchant l’économie nationale et le bien-être du peuple. Autrefois, parmi les intellectuels, circulait une expression : « Si quelqu’un ne peut pas être un bon ministre, il doit être un bon médecin. » À leurs yeux, un bon ministre et un bon médecin n’étaient que deux professions différentes, les deux fonctions étant vitales pour le pays et le peuple.

Un modèle éternel

Dans la Chine antique, il y avait beaucoup d’excellents médecins, tant sur les plans professionnel que moral, et ceux-ci ont apporté une contribution impérissable à l’existence et au développement de la nation chinoise.

Sun Simiao, le « roi de la médecine », dans une estampe du Nouvel An.

L’un d’eux, Sun Simiao (581-682), était considéré par les gens du milieu et d’ailleurs comme un « médecin de génie ». Li Shimin, empereur Taizong des Tang (618-907), lui a conféré le titre de « roi de la médecine ».

Diligent dès l’enfance, Sun Simiao a étudié de nombreux ouvrages sur le confucianisme, le taoïsme, le bouddhisme et la médecine, et il a fait preuve d’une maîtrise exceptionnelle en médecine. Son intérêt dans ce domaine aurait tenu à son enfance maladive. Sa famille n’étant pas riche, la maladie dont il souffrait et la lourde charge financière qu’elle imposait l’auraient décidé à devenir médecin. La réputation de cet homme érudit et talentueux se diffusa même jusqu’à la cour impériale. Deux empereurs des Tang, Taizong et Gaozong, lui ont même offert des postes officiels, mais il les a refusés, préférant concentrer toute son énergie à la recherche médicale.

Outre la consultation des ouvrages médicaux écrits par les anciens, Sun Simiao rendit visite aux médecins célèbres, sans se laisser abattre par la distance de leur demeure. Il a longtemps habité à la campagne, plantait et cueillait des herbes médicinales et guérissait quantité de gens. On le citait en exemple pour sa parole : « La vie humaine a une valeur suprême, dépassant de loin celle de l’or. » Il était exigeant pour lui-même et ses élèves : « Considérer chaque patient, riche ou pauvre, comme un proche parent et traiter leur angoisse comme les vôtres. Aller les soigner de tout cœur sous toutes les conditions, qu’il fasse jour ou nuit, chaud ou froid, que vous ayez faim ou soif ou que vous soyez fatigués. »

Tout en étudiant assidûment les anciens livres médicaux et en se basant sur ses expériences cliniques, Sun fit un bilan complet, allant des théories fondamentales, comme la physiologie, la pathologie, le traitement, les médicaments et les ordonnances, aux différentes branches, dont la médecine interne et externe, la gynécologie, la pédiatrie et l’acupuncture, et il rédigea en 652 un ouvrage médical le Beiji Qianjin Yaofang (Prescriptions importantes en cas d’urgence). Trente ans plus tard, sur la base de cet ouvrage, il écrivit un manuel intitulé Qianjin Yifang (Supplément des prescriptions importantes). Ces ouvrages sont encore des classiques indispensables de la médecine traditionnelle chinoise.

Les accomplissements en médecine de Sun Simiao sont multiples. Il a été le fondateur de la gynécologie en Chine et a jeté les bases de la pédiatrie chinoise. Il s’est efforcé de préconiser une thérapie synthétique. Fort en utilisation des médicaments et en acupuncture, il connaissait également les traitements pour préserver la santé. Il était un médecin aux idées novatrices, ce qui lui a permis d’étudier les ouvrages des anciens, sans être à cheval sur les règlements. Il est mort à 101 ans, une longévité extrêmement rare, même aujourd’hui.

Nouveaux défis pour la médecine

La pharmacie Tongrentang, une vieille enseigne de Beijing, maintient la tradition d’effectuer des consultations cliniques.

Selon la médecine traditionnelle chinoise, les maladies sont causées par un déséquilibre entre le bon et le mauvais qi (énergie vitale). Le bon qi assure une fonction physiologique normale et une capacité de résistance aux maladies, alors que le mauvais qi désigne tous les éléments pouvant causer les maladies. Quand le bon qi est faible, le mauvais qi saisit l’occasion d’envahir le corps humain et cause la maladie. Par conséquent, la médecine traditionnelle chinoise met l’accent sur l’immunité, liée à l’état de la constitution et de l’esprit, l’environnement de vie, la nutrition, les exercices, etc. Soutenir le bon qi et chasser le mauvais forment l’idée directrice fondamentale de la médecine chinoise dans le traitement des maladies.

En médecine chinoise, les problèmes à résoudre par le diagnostic sont les causes de la maladie, sa nature, sa position, sa situation, ainsi que la lutte entre le bon et le mauvais qi au cours de la maladie. Il existe quatre moyens pour le faire : l’observation, l’auscultation et le flair, l’interrogation et la prise du pouls. Pour poser son diagnostic, le médecin observe l’état d’esprit du patient, son visage et sa langue, écoute sa voix, sent son souffle et son odeur, le questionne et tâte son pouls. Par l’intermédiaire des changements de pulsations, les causes et l’état de la maladie peuvent être établis, mais seuls les médecins ayant de l’expérience peuvent bien maîtriser les informations détectées.

Selon la théorie de la médecine traditionnelle chinoise, le SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) est une maladie fébrile, causée par un mauvais qi externe, dont le symptôme principal est une fièvre persistante. Pour la médecine chinoise, un mauvais qi externe concerne les diverses sortes de microbes, comme les bactéries et les virus, qui entrent dans l’organisme, font augmenter la chaleur interne et produisent quantité de toxines endommageant les organes internes. Les médecins de médecine traditionnelle chinoise ont ainsi prescrit des ordonnances pour prévenir et traiter le SRAS ; ces prescriptions visaient à augmenter l’immunité et à soulager la douleur et la fièvre. La pratique prouve que combiner la médecine traditionnelle chinoise et la médecine occidentale pour soigner les patients du SARS est efficace.