Malédiction
ou bénédiction?
DANS
l’histoire, les grandes calamités ont souvent marqué un tournant.
Cette fois-ci, bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer l’impact
global du SRAS, il est clair que celui-ci a contribué à bouleverser
les habitudes de la société chinoise. Non seulement le personnel
médical a dû déployer des efforts surhumains pour guérir les nombreux
patients et sauver des vies, mais chaque Chinois a dû repenser sa
façon de vivre et de faire dans un contexte nouveau. C’est une période
d’introspection qui permet de mieux passer à l’action.
C’est précisément sur cet aspect que s’attarde
l’article Comment le SRAS change furtivement la Chine. Vous
y découvrirez que même le gouvernement a dû réajuster ses méthodes
de travail et s’orienter vers la transparence qu’exigeait l’opinion
publique. Grâce aux mesures actives qui ont été prises, des enquêtes
ont par la suite révélé que 70 % des personnes interrogées
se montraient relativement satisfaites du travail du gouvernement.
En dépit du besoin évident de faire tourner la machine économique,
les élites du pays ont clairement réaffirmé que l’intérêt public
devait passer avant l’économie.
Toute la société chinoise semble aussi réajuster
sa vie : on accorde dorénavant une plus grande place aux activités
sportives pour fortifier sa santé et les activités familiales ont
la faveur. Les relations humaines et la qualité de vie reprennent
le haut du pavé, alors qu’il y a peu la course à l’argent semblait
être l’activité de prédilection.
On nettoie, on prend des habitudes d’hygiène qu’on avait perdues
ou on en découvre de nouvelles, on aère, on se questionne sur sa
façon de manger et sur l’intérêt séculaire qu’on portait à consommer
de la viande provenant d’animaux sauvages. On prévoit même un intérêt
accru pour l’écologie. Et dans tout ce branle-bas, les secteurs
liés à Internet semblent avoir été ceux qui ont à la fois profité
le plus de la situation, mais aussi ceux qui ont permis aux gens
de rester étroitement en contact au lieu d’être isolés.
Toujours dans cette atmosphère de remise en question salutaire,
un tibétologue vous offre ce mois-ci sa réflexion inédite dans
La conception idéalisée des Occidentaux sur le Tibet. Ce
Tibet, décrit comme un Shangri-la sur terre par James Hilton, et
dont George Orwell disait qu’il n’y avait pas de meilleur endroit
pour les voyageurs et des explorateurs, correspond-il exactement
aux qualificatifs qu’on lui attribue? L’engouement pour le bouddhisme
tibétain qu’éprouvent les Occidentaux joue-t-il un rôle dans l’intérêt
qu’ils portent aussi à la région? La mondialisation a-t-elle eu
une influence dans l’internationalisation de la question tibétaine?
La période est sans aucun doute propice pour réfléchir aussi à toutes
ces questions.
Et puisque le bonheur se cache souvent dans le
malheur, nous apprend ce mois-ci notre chronique Art de vivre,
les Chinois ne se laissent pas abattre et préparent activement l’Année
de la culture de Chine en France qui se tiendra à partir d’octobre
prochain. L’article Les peintres chinois du XXe siècle seront
au rendez-vous lève un peu le voile sur l’une des expositions
qui s’y tiendront. Bonne lecture!
Hu Chunhua
Directeur de la section française
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