JUIN  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

L’ardeur des éditeurs et la floraison du roman

     

 HUANG YI

Aujourd’hui, la Chine édite quelque cent mille ouvrages par an. La valeur et la richesse des nouvelles publications témoignent de la prospérité et du développement rapide de l’édition.

En 1992, sur une décision de l’Administration chinoise de la presse et de l’édition , était créé le Prix national du livre, prix bisannuel considéré jusqu’à maintenant comme le plus important par les éditeurs chinois. Depuis son inauguration en 1993, 614 ouvrages publiés dans le pays ont été couronnés.

Le jury qui se réunit pour lire les ouvrages recommandés, les analyser, les discuter et les juger, prend soin d’accorder la première importance à la qualité des nouvelles créations. Des œuvres nouvelles ont pu ainsi faire surface l’une après l’autre, en particulier celles se rapportant aux domaines de la philosophie, des sciences sociales, et couvrant des disciplines  variées. C’est ainsi que l’unanimité des voix est allée aux 70 ans du Parti communiste chinois et à la Biographie de Zhou Enlai. Parmi les autres ouvrages couronnés, on remarque en particulier une création recommandée par le célèbre philosophe chinois Ren Jiyu, intitulée Histoire du taoïsme chinois, un remarquable traité d’histoire et de pensée philosophique. Il convient de citer encore, entre autres, l’Histoire de l’esthétisme chinois et 50 ans de l’économie chinoise de Su Xing. Ces œuvres représentent le fruit d’un sérieux travail de recherche entrepris avec un louable esprit créateur qui leur confère une valeur académique durable et incontestable.

L’apport du cadre légal

La mise en vigueur en Chine de la Loi sur le droit d’auteur contribue non seulement à la protection de la propriété intellectuelle des auteurs, mais elle stimule en même temps le commerce du copyright des publications, lequel a franchi des pas importants ces toutes dernières années. L’introduction d’ouvrages venant des États-Unis, de Grande-Bretagne, de France, du Japon et d’Allemagne a été suivie de celles d’auteurs espagnols, italiens, hollandais, belges, coréens et israéliens. Notons que des traductions réussies d’auteurs étrangers renommés figurent de la même façon au palmarès. De ces sélections littéraires ont émergé bon nombre de romans de valeur.

Rappelons en passant qu’avant l’application de la politique de réforme et d’ouverture, seul un petit nombre de maisons d’édition avaient le droit de publication, telles les Éditions littéraires du peuple, les Éditions de la jeunesse chinoise, les Éditions de la littérature et de l’art nouveau de Shanghai et les Éditions littéraires et artistiques des Cent Fleurs de Tianjin. Le souffle vivifiant de la réforme et de l’ouverture a fait émerger une constellation de maisons d’édition qui se chiffrent aujourd’hui par dizaines. Avant la fondation du Prix national du livre, c’était l’Association des écrivains de Chine qui se chargeait de décerner le Prix littéraire Mao Dun, tant envié des auteurs chinois et bien accueilli par les lecteurs. Aucune belle œuvre n’a pu échapper à la vue des membres du jury. Parmi les 22 ouvrages couronnés en cinq ans, 11 avaient été publiés par les Éditions littéraires du peuple, produits par des écrivains de la vieille génération, tels que Wei Wei avec son Orient, Liu Baiyu avec son Second Soleil, ou sortis de la main d’hommes en pleine maturité comme Li Guowen, auteur du Printemps en plein hiver. Des jeunes espoirs du roman se sont distingués, tels que Liu Xinwu et son Pavillon de la Cloche et du Tambour, Zhang Jie et ses Ailes de plomb, Mo Yingfeng avec son Ode au Général.

Quelques auteurs particulièrement remarquables

Vue du salon international du livre tenu à Beijing en 2002. Zhang Jingde.

Parmi ces onze livres couronnés, quatre en particulier font vibrer nos cordes sensibles: Le Bourg des hibiscus de Gu Hua, la Guerre et l’Homme de Wang Huo, le Plateau du cerf blanc de Chen Zhongshi et La Poussière est tombée d’ Ah Lai.

Gu Hua observe de ses yeux d’épervier le combat contre les droitiers au sein du Parti communiste chinois et procède à une analyse pertinente des luttes politiques de caractère «gauchiste». À travers la description de la situation tragique à laquelle étaient condamnés de simples gens, Gu Hua fustige sans pitié ces «gauchistes» qui ont plongé le pays et le peuple dans des misères sans fin. Il faut avouer qu’il n’était pas facile, à l’orée de la réforme et de l’ouverture, de publier un tel livre, et le courage de son éditeur force l’admiration .

Wang Huo s’est fait un nom avec son roman la Guerre et l’Homme qui reproduit, comme l’indique son titre, la guerre de Résistance contre le Japon ainsi que les hommes qui l’ont vécue. Le commentateur Ma Shitu a écrit : «La vie d’une famille reflète la société chinoise dans une région sous le contrôle du Guomindang». La description des principaux personnages, en particulier celle du premier personnage, nous révèle la réalité de la résistance antijaponaise dans une région gouvernée par le Guomindang. Derrière l’histoire des vicissitudes qu’a connues une famille au temps du Guomindang, se défile l’histoire romancée de la Résistance sous ce gouvernement. Le lecteur se croirait replongé dans le cadre imposant de la guerre, marqué de couleurs éclatantes dignes d’une épopée.

Chen Zhongshi décrit son Plateau du Cerf blanc dans un style soutenu, mais simple, sans fard. Quelques centaines de mille mots lui ont suffi pour faire revivre un demi-siècle d’histoire du plateau de lœss, où la vie des gens nous invite à de profondes réflexions. Comme l’a dit son vieil ami He Qizhi, ex-rédacteur en chef de la revue Dangdai (Époque contemporaine), c’est une glorieuse histoire de 50 ans d’évolution sur la plaine du Weihe, dans la province du Shanxi, et un rouleau de peinture aux magnifiques couleurs de la campagne chinoise.

Ah Lai, quant à lui, a voulu faire de La poussière est tombée une élégie de la décadence et de la fin irrémédiable du régime féodal du tusi (chef traditionnel) tibétain. Le mérite du roman réside dans le fait qu’il incite le lecteur à réfléchir longuement sur le passé, le présent et l’avenir de l’humanité. La poussière est tombée, mais quel enseignement pourrions-nous en tirer ?

La lecture de tous ces romans nous fait apprécier la profondeur des sentiments exprimés et la vigueur de leur expression. Et l’on ne peut que se réjouir d’une nouvelle floraison du roman chinois.

Maintenant, des centaines de maisons d’édition publient des œuvres littéraires, dont des centaines de romans qui donnent l’embarras du choix aux lecteurs. En même temps, dans le sillon tracé par les membres du jury, des lecteurs ont appris à en découvrir de plus longs et de meilleure qualité, tout en suivant de près les activités pour sélectionner les livres à couronner.

À part le Prix littéraire Mao Dun, patronné par l’Association des écrivains de Chine, le Prix national du Livre jouit d’une plus grande autorité. À son palmarès figurent en particulier quatre romans publiés par les Éditions littéraires du peuple : Le Droit Chemin des hommes de Zhou Meisen, Le Tableau des dix mille li de la Grande Muraille de Zhou Erfu, Briser l’encerclement de Liu Jianwei et Je suis le Soleil de Deng Yiguang.

Zhou Erfu appartient à la vieille génération des écrivains chinois, déjà connu pour son Matin de Shanghai. Cette fois, son roman le Tableau des dix mille li de la Grande Muraille est une œuvre monumentale en six volumes. Ce véritable poème épique ouvre de larges horizons, dans un cadre magnifique enrichi d’une documentation de faits historiques réels. Il a pris l’initiative de peindre comme personnages principaux des figures de haut rang des trois partis : nous, l’ami et l’ennemi, traçant génialement les portraits de Zhou Enlai, Jiang Jieshi (Tchiang Kaï-chek), Wang Jingwei, Tojo Hideki, Roosevelt, Staline et autres.

Zhou Meisen a réussi à faire du Droit chemin des hommes une œuvre qui reflète directement la réalité de la vie, ce qui lui a valu non seulement d’être couronnée, mais encore, une fois portée au grand et petit écran, de profondément toucher bien des spectateurs. L’apparition de ce jeune écrivain, parée d’une auréole toute particulière, promet de fécondes répercussions sur l’évolution du roman chinois.

Deng Yiguang a réussi, dans Je suis le Soleil, à composer la symphonie d’une vie semée de revers et d’épreuves, pendant une période qui dure plusieurs décennies. Comme l’a fait remarquer le rédacteur responsable de sa publication, Je suis le Soleil nous place devant la réalité vivante et a conquis le lecteur par la profondeur de son contenu et la beauté de sa forme.

Liu Jianwei, par son Briser l’encerclement, a touché ses lecteurs ainsi que les spectateurs du téléfilm inspiré de son roman, par ses personnages animés de sentiments patriotiques et d’héroïsme cornélien. Il nous fait en même temps réfléchir sur la nécessité de moderniser notre armée pour défendre la sécurité du pays.

À présent, les bons romans ne manquent pas parmi les centaines, voire le millier d’ouvrages publiés chaque année. Nous nous sommes contentés ici de citer quelques-unes des publications des Éditions littéraires du peuple qui sont présentes au palmarès du Prix national du Livre et du Prix littéraire Mao Dun.

HUANG YI est membre de l’Association des écrivains de Chine, ainsi qu’ex-rédacteur en chef adjoint du Journal d’histoires littéraires.