L’ardeur
des éditeurs et la floraison du roman
HUANG
YI
Aujourd’hui,
la Chine édite quelque cent mille ouvrages par an. La valeur et
la richesse des nouvelles publications témoignent de la prospérité
et du développement rapide de l’édition.
En
1992, sur une décision de l’Administration chinoise de la presse
et de l’édition , était créé le Prix national du livre, prix
bisannuel considéré jusqu’à maintenant comme le plus important
par les éditeurs chinois. Depuis son inauguration en 1993, 614
ouvrages publiés dans le pays ont été couronnés.
Le
jury qui se réunit pour lire les ouvrages recommandés, les analyser,
les discuter et les juger, prend soin d’accorder la première importance
à la qualité des nouvelles créations. Des œuvres nouvelles ont
pu ainsi faire surface l’une après l’autre, en particulier celles
se rapportant aux domaines de la philosophie, des sciences sociales,
et couvrant des disciplines variées.
C’est ainsi que l’unanimité des voix est allée aux 70 ans du
Parti communiste chinois et à la Biographie de Zhou Enlai.
Parmi les autres ouvrages couronnés, on remarque en particulier
une création recommandée par le célèbre philosophe chinois Ren
Jiyu, intitulée Histoire du taoïsme chinois, un remarquable
traité d’histoire et de pensée philosophique. Il convient de citer
encore, entre autres, l’Histoire de l’esthétisme chinois
et 50 ans de l’économie chinoise de Su Xing. Ces
œuvres représentent le fruit d’un sérieux travail de recherche
entrepris avec un louable esprit créateur qui leur confère une
valeur académique durable et incontestable.
L’apport
du cadre légal
La mise
en vigueur en Chine de la Loi sur le droit d’auteur contribue
non seulement à la protection de la propriété intellectuelle des
auteurs, mais elle stimule en même temps le commerce du copyright
des publications, lequel a franchi des pas importants ces toutes
dernières années. L’introduction d’ouvrages venant des États-Unis,
de Grande-Bretagne, de France, du Japon et d’Allemagne a
été suivie de celles d’auteurs espagnols, italiens, hollandais,
belges, coréens et israéliens. Notons que des traductions réussies
d’auteurs étrangers renommés figurent de la même façon au palmarès.
De ces sélections littéraires ont émergé bon nombre de romans
de valeur.
Rappelons
en passant qu’avant l’application de la politique de réforme et
d’ouverture, seul un petit nombre de maisons d’édition avaient
le droit de publication, telles les Éditions littéraires du peuple,
les Éditions de la jeunesse chinoise, les Éditions de la littérature
et de l’art nouveau de Shanghai et les Éditions littéraires et
artistiques des Cent Fleurs de Tianjin. Le souffle vivifiant de
la réforme et de l’ouverture a fait émerger une constellation
de maisons d’édition qui se chiffrent aujourd’hui par dizaines.
Avant la fondation du Prix national du livre, c’était l’Association
des écrivains de Chine qui se chargeait de décerner le Prix littéraire
Mao Dun, tant envié des auteurs chinois et bien accueilli par
les lecteurs. Aucune belle œuvre n’a pu échapper à la vue
des membres du jury. Parmi les 22 ouvrages couronnés en cinq ans,
11 avaient été publiés par les Éditions littéraires du peuple,
produits par des écrivains de la vieille génération, tels que
Wei Wei avec son Orient, Liu Baiyu avec son Second Soleil,
ou sortis de la main d’hommes en pleine maturité comme Li Guowen,
auteur du Printemps en plein hiver. Des jeunes espoirs
du roman se sont distingués, tels que Liu Xinwu et son Pavillon
de la Cloche et du Tambour, Zhang Jie et ses Ailes de plomb,
Mo Yingfeng avec son Ode au Général.
Quelques
auteurs particulièrement remarquables
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Vue du salon international
du livre tenu à Beijing en 2002. Zhang Jingde. |
Parmi
ces onze livres couronnés, quatre en particulier font vibrer nos
cordes sensibles: Le Bourg des hibiscus de Gu Hua, la
Guerre et l’Homme de Wang Huo, le Plateau du cerf blanc
de Chen Zhongshi et La Poussière est tombée d’ Ah Lai.
Gu Hua observe de ses yeux d’épervier le combat contre
les droitiers au sein du Parti communiste chinois et procède à
une analyse pertinente des luttes politiques de caractère «gauchiste».
À travers la description de la situation tragique à laquelle étaient
condamnés de simples gens, Gu Hua fustige sans pitié ces «gauchistes»
qui ont plongé le pays et le peuple dans des misères sans fin.
Il faut avouer qu’il n’était pas facile, à l’orée de la réforme
et de l’ouverture, de publier un tel livre, et le courage de son
éditeur force l’admiration .
Wang
Huo s’est fait un nom avec son roman la Guerre et l’Homme
qui reproduit, comme l’indique son titre, la guerre
de Résistance contre le Japon ainsi que les hommes qui l’ont vécue.
Le commentateur Ma Shitu a écrit : «La vie d’une famille
reflète la société chinoise dans une région sous le contrôle du
Guomindang». La description des principaux personnages, en particulier
celle du premier personnage, nous révèle la réalité de la résistance
antijaponaise dans une région gouvernée par le Guomindang. Derrière
l’histoire des vicissitudes qu’a connues une famille au temps
du Guomindang, se défile l’histoire romancée de la Résistance
sous ce gouvernement. Le lecteur se croirait replongé dans le
cadre imposant de la guerre, marqué de couleurs éclatantes dignes
d’une épopée.
Chen
Zhongshi décrit son Plateau du Cerf blanc dans un
style soutenu, mais simple, sans fard. Quelques
centaines de mille mots lui ont suffi pour faire revivre
un demi-siècle d’histoire du plateau de lœss, où la vie des gens
nous invite à de profondes réflexions. Comme l’a dit son vieil
ami He Qizhi, ex-rédacteur en chef de la revue Dangdai
(Époque contemporaine), c’est une glorieuse histoire de 50 ans
d’évolution sur la plaine du Weihe, dans la province du Shanxi,
et un rouleau de peinture aux magnifiques couleurs de la campagne
chinoise.
Ah Lai,
quant à lui, a voulu faire de La poussière est tombée une
élégie de la décadence et de la fin irrémédiable du régime féodal
du tusi (chef traditionnel) tibétain. Le mérite du roman
réside dans le fait qu’il incite le lecteur à réfléchir longuement
sur le passé, le présent et l’avenir de l’humanité. La poussière
est tombée, mais quel enseignement pourrions-nous en tirer ?
La lecture
de tous ces romans nous fait apprécier la profondeur des sentiments
exprimés et la vigueur de leur expression. Et l’on ne peut que
se réjouir d’une nouvelle floraison du roman chinois.
Maintenant,
des centaines de maisons d’édition publient des œuvres littéraires,
dont des centaines de romans qui donnent l’embarras du choix aux
lecteurs. En même temps, dans le sillon tracé par les membres
du jury, des lecteurs ont appris à en découvrir de plus longs
et de meilleure qualité, tout en suivant de près les activités
pour sélectionner les livres à couronner.
À part
le Prix littéraire Mao Dun, patronné par l’Association des écrivains
de Chine, le Prix national du Livre jouit d’une plus grande autorité.
À son palmarès figurent en particulier quatre romans publiés par
les Éditions littéraires du peuple : Le Droit Chemin des
hommes de Zhou Meisen, Le Tableau des dix mille li
de la Grande Muraille de Zhou Erfu, Briser l’encerclement
de Liu Jianwei et Je suis le Soleil de Deng Yiguang.
Zhou
Erfu appartient à la vieille génération des écrivains chinois,
déjà connu pour son Matin de Shanghai. Cette fois, son
roman le Tableau des dix mille li de la Grande Muraille
est une œuvre monumentale en six volumes. Ce véritable poème épique
ouvre de larges horizons, dans un cadre magnifique enrichi d’une
documentation de faits historiques réels. Il a pris l’initiative
de peindre comme personnages principaux des figures de haut rang
des trois partis : nous, l’ami et l’ennemi, traçant génialement
les portraits de Zhou Enlai, Jiang Jieshi (Tchiang Kaï-chek),
Wang Jingwei, Tojo Hideki, Roosevelt, Staline et autres.
Zhou
Meisen a réussi à faire du Droit chemin des hommes une
œuvre qui reflète directement la réalité de la vie, ce qui lui
a valu non seulement d’être couronnée, mais encore, une fois portée
au grand et petit écran, de profondément toucher bien des spectateurs.
L’apparition de ce jeune écrivain, parée d’une auréole toute particulière,
promet de fécondes répercussions sur l’évolution du roman chinois.
Deng
Yiguang a réussi, dans Je suis le Soleil, à composer la
symphonie d’une vie semée de revers et d’épreuves, pendant une
période qui dure plusieurs décennies. Comme l’a fait remarquer
le rédacteur responsable de sa publication, Je suis le Soleil
nous place devant la réalité vivante et a conquis le lecteur par
la profondeur de son contenu et la beauté de sa forme.
Liu
Jianwei, par son Briser l’encerclement, a touché ses lecteurs
ainsi que les spectateurs du téléfilm inspiré de son roman, par
ses personnages animés de sentiments patriotiques et d’héroïsme
cornélien. Il nous fait en même temps réfléchir sur la nécessité
de moderniser notre armée pour défendre la sécurité du pays.
À présent,
les bons romans ne manquent pas parmi les centaines, voire le
millier d’ouvrages publiés chaque année. Nous nous sommes contentés
ici de citer quelques-unes des publications des Éditions littéraires
du peuple qui sont présentes au palmarès du Prix national du Livre
et du Prix littéraire Mao Dun.
HUANG YI est membre de l’Association
des écrivains de Chine, ainsi qu’ex-rédacteur en chef adjoint du
Journal d’histoires littéraires.