Un
jalon dans l’histoire des fouilles archéologiques
LI
RUI
 |
Laihe (contenant
à vin) de la dynastie
des Zhou de l’Ouest. |
Le
19 janvier dernier, des paysans du village de Yangjia, province
du Shaanxi, ramassaient de la terre sur la pente d’une colline.
À un moment donné, le bruit bizarre que faisaient les coups de
pioche a attiré l’attention d’un paysan. Au même moment, un autre
paysan découvrait une fosse profonde dans laquelle 27 objets qui
semblaient remonter à plus de 3 000 ans s’offraient au regard.
Siège
de la découverte des guerriers et des chevaux en terre cuite,
le Shaanxi est une province riche en vestiges archéologiques.
Face à cette découverte splendide, ces honnêtes paysans décidèrent
de protéger l’entrée de cette fosse et d’aller vite chercher des
archéologues. Rapidement, la réputation du village Yangjia s’est
répandue comme une traînée de poudre dans l’ensemble du pays.
Autrefois, on y avait découvert trois autres fosses qui abritaient
des objets en bronze et une autre avec une série de carillons.
Ces quatre fosses mesurent 200 m d’est en ouest et 100 m du nord
au sud.
Après
les fouilles de la fosse du village Dongjia, au mont Qishan en
1975, et celles du village Fufeng en 1976, cette dernière découverte
a captivé beaucoup d’experts en archéologie de la province du
Shaanxi. Sans aucun doute, cette découverte offre des matériaux
concrets pour les études sur l’histoire des Zhou de l’Ouest (1121-771
av. J. -C.).
La
valeur de ces objets
« Cette
nuit, je suis trop énervé pour m’endormir, et j’ai bu du vin rouge… »
« C’est
vraiment une grande découverte qui me bouleverse »
« Cette
découverte, qui a fait sensation dans le pays, a une valeur inestimable
et une grande portée sociale », dit M. Li Xueqin, chef du groupe
des experts étudiant l’histoire dynastique de la période finale
des Xia (2207-1766 av. J.-C.), des Shang (1850-1122 av. J.-C.)
et des Zhou (1121-771 av. J.-C.) et président de l’Institut de
la civilisation de l’université Qinghua.
La
Chine est l’un des quatre pays de civilisation ancienne. La civilisation
chinoise, qui remonte très loin dans l’histoire, n’a pas une chronologie
complète de son histoire dynastique. D’après des livres anciens
et des documents historiques, la civilisation chinoise antique
aurait débuté par Fuxi (personnage légendaire considéré comme
le premier souverain de la Chine). Elle a ensuite prospéré avec
Huangdi (personnage légendaire considéré comme l’empereur Jaune
et le père de la culture chinoise) et se serait terminée sous
le règne des souverains Yao, Shun et Yu (trois empereurs de l’époque
légendaire) et sous les dynasties des Xia, des Shang et des Zhou.
La civilisation préhistorique remonterait à une époque
encore plus ancienne : à
celle de Suiren Shi (inventeur légendaire du briquet à
cheville) et à celle de Youchao Shi (constructeur des premières
habitations).
Aux époques des Xia, des Shang
et des Zhou, la civilisation de la Chine était entrée dans une
période de grande prospérité, mais malheureusement, des erreurs
chronologiques perdurent.
Grâce à une centaine d’années d’études
archéologiques, des savants occidentaux ont obtenu des résultats
remarquables dans les études sur l’histoire antique de la Grèce,
de l’Égypte et d’autres pays civilisés ; l’histoire de la
Grèce remonterait à plus de 6 000 ans, à l’exception des époques
légendaires.
L’histoire
de la Chine antique remonterait à l’an 841 av. J. -C., première
année du régime républicain des frères Zhou Gong et Zhao Gong.
Ainsi, les études sur l’histoire dynastique des
Xia, des Shang et des Zhou consistent à établir des
tableaux chronologiques scientifiques et à jeter une base solide
pour approfondir l’origine historique de la civilisation chinoise
de ces époques antiques. Un groupe de scientifiques, dirigé par
M. Li, ont livré, peu de temps avant les découvertes de Yangjia,
un rapport par étapes sur les travaux de l’histoire dynastique
des Xia, des Shang et des Zhou. Dans ce rapport,
ces scientifiques ont classé par ordre chronologique les rois
des Zhou de l’Ouest. Depuis lors, des discussions confrontant
les opinions différentes étaient en cours tant à l’intérieur qu’à
l’extérieur du pays. Ainsi, la découverte de ces 27 objets en
bronze sont des preuves concrètes pour la chronique de ce rapport.
Les 27 objets en bronze portent
certaines inscriptions. Trois cent cinquante caractères chinois
étaient gravés sur un grand plat. En nombre de caractères, cette
inscription dépasse celle du plat Shiqiang (un plat découvert
portant des inscriptions de 284 caractères chinois), de sorte
que le grand plat porte les plus longues inscriptions à avoir
été découvertes dans des fouilles depuis 1949. Les inscriptions
de douze ding (vase à trois pieds) ont aussi atteint 300
caractères environ. On dit que la valeur des 350 caractères du
grand plat peut se comparer
aux Documents des générations antérieures ou Le Livre
le plus vénérable. Toutes les inscriptions concernent l’histoire
des Zhou de l’Ouest, et elles établissent la chronologie de onze
rois (à l’exception du dernier roi You). M. Li a dit :
« Toutes les inscriptions de ces 27 objets en bronze
et celles du plat Shiqiang ont clairement démontré l’histoire
des Zhou de l’Ouest. »
 |
Les inscriptions du
laiding (récipient à trois pieds) de la dynastie des
Zhou de l’Ouest comportent 270 caractères. |
Il y a deux objets sur lesquels
sont clairement inscrits l’année, le mois, les dix troncs célestes,
les douze rameaux terrestres et les phases de la Lune. Ils portent en outre la 42e et la
43e année de règne d’un roi (habituellement, on ne
disait pas son nom). D’après l’analyse, ces objets en bronze appartiendraient
au règne du roi Xuan de la dynastie des Zhou de l’Ouest; leur
forme, leurs motifs et le type des caractères chinois constituent
une norme permettant de juger la date des autres objets en bronze
découverts lors des fouilles. Leurs inscriptions peuvent être
consultées pour la recherche sur le calendrier de la dynastie
des Zhou de l’Ouest.
Qui
était le propriétaire de ces objets en bronze?
La
Chine antique était fortement hiérarchisée. Une grande majorité
d’historiens et de personnages spécialisés dans les rites avaient
bien compris que le souverain des Zhou de l’Ouest pouvait utiliser
neuf ding (vase à trois pieds) et huit gui ( récipient
rond ayant une bouche et deux anses); la principauté, sept ding
et six gui et le haut fonctionnaire cinq ding et
quatre gui.
Cependant,
parmi les 27 objets en bronze récemment découverts, il n’y a que
douze ding, dont dix ont la même forme et le même motif
ornemental. En observant leurs différentes dimensions, on s’est
aperçu que le plus grand ding a une hauteur de 58 cm et
un calibre de 45 cm. Ces 27 objets en bronze nouvellement découverts
soulèvent la question suivante : « Pourquoi un noble
féodal pouvait-il utiliser tant de ding? »
M. Li a dit : « Jusqu’à
l’époque des Printemps et Automnes (722-481 av. J.–C.), la famille
des Shan formait la grande majorité des nobles de la dynastie
des Zhou de l’Ouest. Cependant, quand la famille des Shan est-elle
apparue ? À quel endroit le souverain des Zhou de l’Ouest
lui conféra-t-il des titres et des domaines? Ce sont des questions
historiques et mystérieuses que l’on se pose depuis plus de 1
000 ans. Tout en respectant les remarques du Shiji (Mémoires
historiques de Sima Qian) et du Zuozhuan (composition de
Zuo Qiuming, qui avec le Chunqiu ―Printemps et Automnes―
dont il est un des trois commentaires, est l’un des Treize Classiques),
les milieux scientifiques ont estimé que le premier ancêtre de
la famille des Shan serait Zhen, cadet du roi Cheng de la dynastie
des Zhou de l’Ouest. Aujourd’hui, les inscriptions du plat en
bronze découvert ont clairement démontré que le premier ancêtre
du clan des Shan est un des fonctionnaires qui a vécu sous le
règne des rois Wen et Wu de la dynastie des Zhou de l’Ouest. D’après
des inscriptions, on a appris que le propriétaire de ces 27 objets
en bronze était le huitième descendant de la famille des Shan,
un fonctionnaire forestier de la dynastie des Zhou de l’Ouest.
Plus tard, il est devenu général. Après sa victoire sur les barbares,
le roi Xuan de la dynastie des Zhou de l’Ouest lui aurait conféré
des titres et des domaines. Par ailleurs, des inscriptions font
état des titres et des domaines qui avaient été conférés à la
famille des Shan par les rois Wen, Wu et Xiao de la dynastie des
Zhou de l’Ouest.
D’après les découvertes à Yangjia,
ce village aurait été le centre de la grande famille des Shan
et des domaines que lui avaient conférés les rois de la dynastie
des Zhou de l’Ouest.
D’après ce qu’on rapporte, des
travaux de prospection y sont en cours. Peut-être, un jour, y
découvrira-t-on des cours, des tombeaux et une grande quantité
d’objets en bronze de cette grande famille.
La conservation
dans des fosses
À
Baoji, dans la province du Shaanxi, il y a 3 000 ans, le plateau
de lœss constituait l’empire de la dynastie des Zhou de l’Ouest.
On peut imaginer la scène animée des fermes, des terrains de chasse
et des lieux de divertissements à cette époque prospère.
 |
Shu wufuyi
(récipient à eau) de la dynastie des Zhou de l’Ouest. |
L’objet en bronze était un symbole important de la qualité des nobles
sous cette dynastie. Le
procédé technologique utilisé dans sa fabrication
était complexe, la forme et les motifs ornementaux étaient hors
pair.
À la fin de la dynastie des Zhou de l’Ouest, des
invasions des barbares ont suscité la fuite précipitée des nobles,
et le transfert de la capitale vers l’Est par le souverain. Dans
ce contexte, des objets en bronze furent précipitamment cachés en
creusant des caves. Ces hommes avaient l’intention de retrouver
tous ces trésors dès leur retour, mais ces derniers sont restés
ensevelis plus de 3 000 ans.
Des fosses creusées temporairement
conservent habituellement, pêle-mêle, des objets en bronze, mais
tous ces objets récemment découverts étaient disposés dans un
ordre parfait. D’un côté de la cave, deux terrasses damées
montrent que cette cave avait été sciemment creusée et que
la conservation y avait été organisée. Cependant, on ne sait pas
pourquoi. Peut-être cette conservation avait-elle pour but d’échapper
aux agressions des barbares ou tout autre motif encore ignoré.
Aux traces d’éléments calcinés, on constate que l’endroit
a subi un fort incendie.
Sans aucun doute, la découverte
de ces 27 objets en bronze nous aide à poursuivre les recherches
archéologiques, à enrichir les connaissances historiques et à
perfectionner la chronique de la Chine antique. Pour éclaircir
tous ses mystères, du temps est encore nécessaire.