MAI  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

« Le travail de diplomate est un métier fascinant »

--Interview de M. Wu Jianmin, ambassadeur de Chine en France

 

M. l’ambassadeur Wu Jianmin, à la première session de la CCPPC.

D’après son curriculum, Wu Jianmin, 64 ans, s’adonne aux activités diplomatiques depuis 1961. Après 42 ans de travail, il déclare aimer encore beaucoup son travail. En mars, il faisait  encore légèrement froid à Beijing, et c’est à l’hôtel Beijing que notre journaliste a interviewé M. Wu Jianmin, nouveau membre de la CCPPC... 

« Je suis encore un novice dans les discussions à la CCPPC 

Journaliste : Monsieur l’Ambassadeur, permettez-moi d’abord de vous féliciter pour votre élection comme membre de la CCPPC. Quels sont vos impressions ?

Wu Jianmin : La CCPPC est un des systèmes politiques de la Chine, et devenir un de ses nouveaux membres est un grand honneur ; c’est pourquoi je dois accomplir ma tâche du mieux que je peux. Je suis maintenant engagé dans une étape d’études et je dois lire sur les fonctions de la CCPPC. En tant que nouveau membre, je dois d’abord bien comprendre mon rôle et ma tâche et les pouvoirs qui me sont impartis avant d’avancer des propositions.

J. : À quoi vous intéressez-vous maintenant ?

Wu : À la stabilité de la situation politique et à l’écart entre les riches et les pauvres. L’afflux d’une grande quantité d’investissements étrangers démontre la stabilité de la situation politique dans l’ensemble du pays. En matière d’investissement étranger, la Chine a dépassé les États-Unis et se classe maintenant au premier rang mondial. « Rester vigilant en temps de paix » est une pensée claire et simple. Elle permet à la couche dirigeante du gouvernement de bien comprendre les problèmes existants. Avec le développement économique, l’écart entre les riches et les pauvres est une des questions importantes. Le gouvernement central doit prendre des mesures pour résoudre ce problème.

« J’aime mon travail »

Wu Jianmin, une personne de caractère ouvert et compréhensif.

J. : Le travail de diplomate est un métier fascinant, parce que le diplomate représente l’image d’un pays. Voudriez-vous me dire quelle est  l’impression la plus profonde que vous avez tirée de votre carrière diplomatique de 42 ans ?

Wu : Le travail de diplomate a été trop souvent entouré de mystère. Grâce au développement de ce travail, nous devons désormais lever le voile sur ce mystère. Le diplomate doit d’abord toujours servir le peuple. À Paris, l’ambassade de Chine doit protéger ses ressortissants. La tâche la plus importante consiste à sauvegarder les droits et les intérêts légaux des ressortissants chinois. Par exemple, un jour, à l’aéroport Charles-de-Gaulle, des passagers chinois avaient été maltraités par des policiers français. Ce fait objectif avait diverses causes :  premièrement, parmi les passagers chinois, il existait vraiment des immigrants illégaux, dont certains avaient détruit toutes leurs pièces d’identité, ce qui constituait des problèmes épineux pour des policiers français ; deuxièmement, la barrière linguistique avait créé des obstacles à la communication mutuelle, et troisièmement, certains policiers français font preuve de discrimination dans le traitement des Asiatiques. Ce problème a finalement été résolu après plusieurs rencontres entre l’ambassade de Chine et la partie française. Il faut dire que bon nombre de Chinois ne connaissent pas bien le droit international public. Au moment où des policiers français les maltraitent, en tant que victimes, ils ont le droit de raconter ce qui se passe au fonctionnaire de l’ambassade pour demander protection. Dans ce cas, l’ambassade de Chine peut envoyer à tout moment un fonctionnaire pour leur fournir de l’assistance, mais des citoyens ont souvent arrangé les affaires à l’amiable.

Dans ma carrière diplomatique de 42 ans, j’ai vécu beaucoup d’expériences et certaines choses ne peuvent pas s’oublier. En voici deux :

Premièrement, en 1999 et en 2000, j’ai contribué à la concrétisation des visites réciproques du pays natal des présidents Jiang Zemin et Jacques Chirac (Yangzhou et Corrèze). Deuxièmement, le 3 décembre 2002, il y a eu le succès de la candidature de Shanghai à la tenue de l’exposition universelle, un grand événement national qui a enthousiasmé tous les Chinois. La tenue de l’exposition universelle en Chine, une exposition qui existe depuis 1851, démontre les efforts déployés par les différents départements du gouvernement, le Conseil chinois pour le développement du commerce international, la municipalité de Shanghai et l’ambassade de Chine en France.

J : On dit que vous y avez beaucoup contribué.

Wu : Notre ambassade en France a vraiment déployé beaucoup d’efforts, car le siège du Bureau international des expositions est à Paris. Notre tâche consistait à faire accepter notre concept au public et à communiquer fréquemment avec les médias. Pour la tenue de l’exposition universelle, les quatre concurrents de Shanghai (les Pays-Bas,  le Mexique, la Corée du Sud et la Russie) avaient aussi leurs avantages comparatifs. Le 3 décembre 2002, M. Gilles Noghès, président du Bureau international des expositions, a annoncé que Shanghai venait de remporter le droit de tenir l’exposition universelle de 2010. Cette nouvelle démontre que Shanghai a connu des changements qui ont captivé l’attention mondiale.

Le même soir, j’ai accordé une interview téléphonique à une radio française, et celle-ci m’a demandé pourquoi notre pays avait eu la chance d’obtenir non seulement la tenue des jeux Olympiques à Beijing, mais aussi celle de l’exposition universelle à Shanghai?

J. : Comment avez-vous répondu à cette question ?

Wu : La Chine est un pays de civilisation ancienne. Sa population représente 22 % de la population mondiale. Depuis 1851, la Chine a subi 151 années de vicissitudes. Les succès de la candidature aux Olympiques et de la candidature à l’exposition universelle sont les corrections de ces injustices, car notre pays a connu un grand développement ces dernières années.

J. : On dit que vos critiques suscitent même des applaudissements chez vos adversaires.

Wu : (rire) Je sens qu’il faut discuter avec ses adversaires. Dans l’exemple que je viens de vous mentionner, une fois rentré à Paris, des amis français m’ont dit qu’ils avaient écouté mon interview. Ils ont estimé que ma réponse était raisonnable.

Dans le monde entier, les peuples sont raisonnables. Nous devons bien expliquer la situation chinoise aux populations étrangères pour les aider à comprendre. En France, le verbe « propager » a un sens péjoratif. À mon avis, le verbe « communiquer » est relativement juste.  

J. : Pourquoi aimez-vous le travail diplomatique ?

Wu : Ces dernières années, j’ai effectué des représentations diplomatiques officielles, populaires, multilatérales et bilatérales. Le travail de diplomate est un métier fascinant. Ses activités concernent des contacts avec des spécialistes, des personnages d’élite de différents milieux et touchent de nouveaux sujets de discussion. Les activités diplomatiques mondiales demandent aux diplomates d’étudier souvent et de bien réfléchir.

« Attacher de l’importance à la diplomatie culturelle » 

J. : Quelle est la situation actuelle des relations sino-françaises ?

M. l’ambassadeur Wu Jianmin et son épouse rencontrent des amis étrangers.

Wu : On peut dire que la situation actuelle est relativement bonne. Les relations bilatérales ressemblent à la construction d’un bâtiment. Elles doivent être soutenues par trois piliers : la politique, l’économie et la culture. Sur le plan politique, le monde est entré dans une longue période de transition après la guerre froide ; sur le plan économique, la France a investi 5,5 milliards de dollars US dans 2 000 projets en Chine. Bien que cette somme ne soit qu’un petit pourcentage du total des investissements étrangers, la France a battu un record historique au plan de l’investissement. D’après les statistiques de la France, le volume du commerce sino-français a atteint 14,8 milliards d’euros. Presque toutes les sociétés françaises de premier rang ont établi des contacts avec la Chine. Actuellement, la Chine suscite un grand intérêt au sein des moyennes et petites entreprises françaises. Les relations culturelles sino-françaises ont aussi enregistré un grand progrès : en 1999,  il y a eu la « Semaine culturelle de Chine » en France ; de l’automne 2000 au printemps 2001, le « Trimestre culturel chinois » en France ; l’« Année culturelle de Chine » en France se tiendra de l’automne 2003 à l’été 2004 ; et de l’automne 2004 à l’été 2005, il y aura l’« Année culturelle de France » en Chine.

D’après l’«Accord sur l’installation mutuelle des centres culturels », signé par la Chine et la France en avril 2001,  la cérémonie de fondation du premier « centre culturel chinois » en Occident a eu lieu à Paris le 29 novembre 2002.

J. : Vous accordez une attention particulière à la diplomatie culturelle, pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Wu : La France est un pays ayant une longue tradition culturelle. Sur ce plan, la Chine et la France partagent les mêmes points de vue, et la culture des deux pays est très riche. Bien que l’histoire de la civilisation française soit moins longue que celle de la Chine, sa civilisation est aussi très vaste. La France est le représentant de la civilisation occidentale, et la Chine, celui de la civilisation orientale. Ainsi, les échanges culturels réciproques entre ces deux pays encouragent la compréhension et les possibilités de coopération mutuelles.

J. : Quel est le statut des Chinois aux yeux des Français ?

Wu : Les Français admirent beaucoup les Chinois. Ils estiment que les Chinois appartiennent à une nation ancienne, riche sur le plan culturel. Dans des familles françaises, j’ai aperçu des produits chinois, voire une table chinoise utilisée dans une maison rurale. Ils estiment aussi que les Chinois sont intelligents et laborieux. Un entrepreneur français m’a dit que la sagesse chinoise est issue de la longue culture du pays.

J. : Le mensuel chinois en langue française La Chine au présent publie des reportages sur la société, l’économie et la vie des habitants de Chine. Qu’est-ce qui pourrait satisfaire au mieux les lecteurs français qui veulent mieux comprendre la Chine ? 

Wu : Dans l’information culturelle, il ne faut pas rechercher des succès rapides et des avantages immédiats. Il faut faire connaître tout ce que possède la Chine, puis approfondir la compréhension des Français sur la Chine. La cuisine, l’édification du pays, l’histoire et la géographie, les arts, la littérature, la médecine, etc. sont des sujets abordés par la revue. En fait, je crois qu’il y a beaucoup de choses que les lecteurs français apprécient.

J. : Comment présenter le processus de modernisation de la Chine ?

Wu : Pour présenter le processus de modernisation de la Chine, on doit donner une appréciation en accord avec les faits et ne pas exagérer à propos des progrès et des résultats. Pour convaincre les lecteurs, l’information doit être juste à propos des difficultés.