La réalité des étudiants
chinois en France (2)
An
Yan
La vie
de quelques étudiants chinois
 |
M.
Chen Zhu, hier étudiant de l’université Paris VII, aujourd’hui
académicien et vice-président de l’Académie des sciences de
Chine. |
La condition économique est un
sujet incontournable quand on veut aborder la vie des étudiants
chinois en France. Par rapport à d'autres pays, le coût moyen
de la formation et du séjour en France est bon marché: entre 36
000 et 64 000 francs, soit trois fois moins qu'aux États-Unis
et deux fois moins qu'en Grande-Bretagne, mais l’étudiant doit
être économe.
Le plus grand obstacle dans la
vie et les études en France est peut-être le problème de la langue.
« Ma vie à Paris est fatigante,
a avoué Yu Weidong, boursier du gouvernement chinois qui
faisait un stage dans un laboratoire de l'École Polytechnique
en 1999. Cela tient à plusieurs facteurs dont le plus important
est la langue. Bien que j'aie passé une année à l'Université des
langues et de la culture de Pékin pour apprendre le français avant
de venir ici, j'ai rencontré beaucoup plus de difficultés en langue
que je l'imaginais. En fait, je parle principalement l'anglais
au laboratoire… le problème de langue m'empêche de m'insérer réellement
dans la société française. Bien sûr, il existe d'autres facteurs :
la différence dans les us et coutumes, la croyance religieuse,
le contexte culturel… Je travaille énormément; le niveau académique
de mes collègues et l’équipement du laboratoire sont de première
classe, mais je mène vraiment une vie « métro, boulot, dodo »
ici. Ce qui m'ennuie le plus, c'est la solitude… »
Il n'est pas facile d'effectuer
des études dans un pays étranger. La réussite demande travail
et persévérance. Trois étudiants envoyés par le gouvernement chinois
en 1979 nous ont décrit leurs études pénibles à la faculté de
médecine de l'Université Lyon I. Il faut toutefois dire que ces
trois étudiants ont accompli leurs études après avoir surmonté
davantage de difficultés que leurs camarades spécialisés dans
d'autres disciplines, car le taux d'élimination en médecine est
très élevé en France.
« Tout ce qui s'est passé
pendant les dernières années nous semble à la fois familier et
étranger et terrible… On était obligé de surmonter tout ça. La
réalisation de son rêve exige beaucoup d'efforts et de sacrifices.…
Dès l'entrée à la faculté, nous nous sommes rendu compte que nous
avions sous-estimé les difficultés. Au cours des deux et trois
premiers mois, on était assis dans la salle de cours et on écoutait
les professeurs, ne pouvant ni noter ni comprendre. Toute l’énergie
qui aurait dû être consacrée aux études était dévorée par la pression
morale… Les professeurs nous ont beaucoup aidé à nous sortir de
la panique... On a acheté un magnétophone, on enregistrait les
cours et on les écoutait à maintes reprises au dortoir. Nous nous
entraidions. Dans les cours d'anatomie, l'un de nous trois prenait
des notes, l'un dessinait, l'autre recopiait les textes…. On était
très économe de notre temps: on s'amusait peu, dormait moins,
et on ne faisait presque pas de sport. Mais il y a une chose qu'on
n’a pas pu supprimer, c'était de lire des journaux et des revues
chinoises. On avait tellement soif de lire en chinois et des nouvelles
sur la Chine. »
La situation
a-t-elle changé ?
Par rapport au témoignage de la
génération des années 1980, les jeunes Chinois d'aujourd'hui ont
différents objectifs et différents sentiments dans leurs études
en France. Ya Di, 26 ans, est arrivé en France en 1999. Il a passé
seulement trois mois à Brest pour apprendre un peu de français
avant de s'inscrire à ESC Paris pour suivre des cours de MBA en
anglais. « Les étudiants de ma classe viennent de partout.
Certains d'entre eux possèdent déjà de riches expériences professionnelles
et de vastes connaissances. Même les plus jeunes sont aussi remarquables
en ce qui concerne leur capacité d'organisation, leur éloquence
et la profondeur de leur réflexion. Cet environnement me crée
beaucoup de pression, mais il me permet également d'élargir ma
vision et d'apprendre des choses. » L'objectif des études
en France est pour lui de « s'inspirer de l’expérience de
gestion des entreprises occidentales », puisqu'il a monté
une société culturelle à Shanghai quand il avait seulement 22
ans. Cela explique aussi comment il a les moyens de financer ses
études dont les frais s'élèvent
à 130 000 francs par an. « Il y a des compagnies françaises
qui ont des filiales en Chine, qui veulent bien m'employer si
j'accepte de rentrer en Chine, mais je ne suis pas pressé. Après
les études, j'aimerais bien travailler dans une multinationale
où je pourrais m'inspirer de leur mode de fonctionnement et de
gestion au standard international. Ce serait utile pour ma future
carrière… »
Le cas de Ya Di est quand même
assez exceptionnel parmi les jeunes étudiants chinois qui paient
eux-mêmes leurs études. Chen Shasha, une jeune fille du Hunan
a connu bien des difficultés. Pour réaliser son rêve d'apprendre
l'art à Paris, elle a quitté son pays natal et pris l'avion à
destination de Paris après avoir obtenu son bac en 1999, avec
le financement de ses parents. Comme la plupart des très jeunes
élèves chinois, elle a dû commencer par les écoles de langues
pour apprendre l’ABC du français, tout en travaillant pour gagner
sa vie. Malgré son assiduité à se rendre étudier à la bibliothèque,
Chen Shasha n'a pas pu encore s'inscrire dans une université française
à cause de son peu de maîtrise de la langue.
L’apport
des étudiants chinois en France au développement socio-économique
de la Chine
Les études à l'étranger peuvent
apporter une contribution très importante au développement de
la Chine. Les personnes d'élites qui ont étudié à l'étranger occupent
souvent des positions de responsabilité après leur retour au pays.
Parmi eux, Chen Zhu est un exemple
type.
Chen Zhu – hier étudiant de l'Université Paris VII,
aujourd’hui académicien et vice-président
de l'Académie des sciences de Chine.
Chen Zhu, docteur
en sciences de la vie de l'université Paris VII, est maintenant
professeur titulaire de l'Université médicale n°1 de Shanghai
et académicien des sciences de la Chine. Depuis son retour au
pays en 1989, Chen Zhu a surmonté des difficultés inimaginables
et réalisé des progrès remarquables dans la recherche en biologie
moléculaire du sang et en génétique humaine. Il a remporté de nombreux prix nationaux, tels que
le premier prix des progrès en science et technologie, accordé
par le ministère de la Santé en 1993, celui accordé par la Commission
d'État pour l'Éducation en 1994 pour sa recherche sur le traitement
de la leucémie. Ses résultats de recherche ont été publiés dans
plusieurs revues scientifiques nationales et internationales.
En même temps, il est chargé de la direction d'une vingtaine de
projets de recherche, dont des projets financés par la Fondation
nationale des sciences naturelles, ceux dans le cadre du « 863
Hi-Tech Program » et des projets de recherche en coopération
avec l'Union européenne. Il est aussi directeur du Centre national
de la recherche sur le génome humain, intégrée dans le cadre du
HGP (Humain Genome Project). En 2000, il a été nommé vice-président de l'Académie des
sciences de Chine: il assume non seulement la responsabilité d'un
laboratoire et d'un centre de recherche, mais s’occupe aussi de
la mission stratégique du développement et de l'innovation de
la science et de la technologie en Chine.
Aide au développement
économique de la région de l'Ouest de Chine
Au cours de 1997, les scientifiques
et les chercheurs chinois en France ont lancé la campagne « Aide
au développement économique de la région Nord-Ouest de Chine ».
C'était la première fois que d’anciens étudiants chinois en France
s'organisaient et participaient collectivement au développement
du pays.
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L’agriculture
du Gansu a reçu le soutien des étudiants chinois rentrés de
France. |
La première région bénéficiaire
choisie a été la province de Gansu, une des provinces les moins
développées économiquement. Le Service de l'éducation a joué le
rôle d'organisateur de cette action en France. L'université de
Lanzhou (Lanzhou est le chef-lieu de cette province) a assumé
le travail de coordination du côté chinois. Au cours de l'été
1997, un groupe de travail a été organisé, comprenant dix-huit
chercheurs qui travaillent ou étudient en France dans des différents
domaines ( certains d'entre eux ont une place assez importante
dans les milieux scientifiques et techniques en France)
et sept scientifiques et chercheurs déjà
rentrés en Chine. Ils ont passé huit jours à Lanzhou pour visiter
des laboratoires, des hôpitaux, des centres de recherches et les
régions les pauvres de la province. Plusieurs conférences ont
été données. À partir des informations recueillies et des conditions
dont les laboratoires de l'université de Lanzhou disposent, ils
ont proposé 56 projets de recherche, parmi lesquels 48 propositions
ont obtenu un soutien financier, et 19 projets ont été inclus
parmi les projets de la Fondation nationale de sciences naturelles
de Chine. Ces projets couvrent les disciplines comme les mathématiques,
la physique, la chimie, la géologie, l'agriculture et la médecine.
Le
ministère de l'Éducation, le Ministère de l'Agriculture, la Fondation nationale de sciences naturelles de Chine, le Bureau du Conseil
des affaires d'État pour l'assistance aux régions pauvres et le
gouvernement de la province du Gansu ont investi plus de 3 600
000 yuans à tous ces projets. Parallèlement, certains sujets feront sans doute de bons sujets de coopération
entre la France et la Chine.
Avec
l'expérience obtenue dans le programme du Gansu, un autre groupe
de travail, composé de 18 docteurs chinois en France, a été organisé
en juin 1999 afin d'aider le développement économique et scientifique
de la deuxième région choisie, la province du Guizhou. Après une
visite d'enquête sur place en août de la même année, le groupe
de travail a défini l'objectif du programme: établir un partenariat
à long terme, en contribuant au développement économique local
et en assistant la formation des personnels de haut niveau pour
la province. Soixante et un projets de coopération ont été retenus,
couvrant les domaines prioritaires de l'enseignement à distance,
de la biotechnologie, du développement durable de l'agriculture,
de la protection de l'environnement, des nouveaux matériaux, de
l'exploitation des ressources touristiques, de la mise en valeur
des ressources de la faune et de la flore, de l'aménagement des
réserves naturelles, etc.
Au
cours de leur enquête, les membres du groupe de travail ont été
marqués par la pénurie de personnel de haut niveau au Guizhou.
En 1999, on ne comptait que 49 docteurs dans toute la province.
Le développement local a un besoin urgent de personnel qualifié,
mais aucun des établissements d'enseignement supérieur de la province
n'était en mesure de délivrer le diplôme de 3ème cycle. Compte
tenu de cette situation, le groupe de travail a proposé un plan
de formation qui consiste à envoyer en France des stagiaires et
des étudiants du 3ème cycle du Guizhou par l'intermédiaire de
ces chercheurs chinois travaillant dans les universités françaises.
En
plus de la contribution directe au développement du pays, les
personnes qui ont fait des études en France jouent aussi un rôle
non négligeable dans le renforcement des relations d'amitié sino-françaises
et la multiplication des échanges et de la coopération entre les
institutions chinoises et françaises.