AVRIL  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La réalité des étudiants chinois en France (2)

An Yan

La vie de quelques étudiants chinois

M. Chen Zhu, hier étudiant de l’université Paris VII, aujourd’hui académicien et vice-président de l’Académie des sciences de Chine.

La condition économique est un sujet incontournable quand on veut aborder la vie des étudiants chinois en France. Par rapport à d'autres pays, le coût moyen de la formation et du séjour en France est bon marché: entre 36 000 et 64 000 francs, soit trois fois moins qu'aux États-Unis et deux fois moins qu'en Grande-Bretagne, mais l’étudiant doit être économe.

Le plus grand obstacle dans la vie et les études en France est peut-être le problème de la langue. «  Ma vie à Paris est fatigante,  a avoué Yu Weidong, boursier du gouvernement chinois qui faisait un stage dans un laboratoire de l'École Polytechnique en 1999. Cela tient à plusieurs facteurs dont le plus important est la langue. Bien que j'aie passé une année à l'Université des langues et de la culture de Pékin pour apprendre le français avant de venir ici, j'ai rencontré beaucoup plus de difficultés en langue que je l'imaginais. En fait, je parle principalement l'anglais au laboratoire… le problème de langue m'empêche de m'insérer réellement dans la société française. Bien sûr, il existe d'autres facteurs : la différence dans les us et coutumes, la croyance religieuse, le contexte culturel… Je travaille énormément; le niveau académique de mes collègues et l’équipement du laboratoire sont de première classe, mais je mène vraiment une vie « métro, boulot, dodo » ici. Ce qui m'ennuie le plus, c'est la solitude… »

Il n'est pas facile d'effectuer des études dans un pays étranger. La réussite demande travail et persévérance. Trois étudiants envoyés par le gouvernement chinois en 1979 nous ont décrit leurs études pénibles à la faculté de médecine de l'Université Lyon I. Il faut toutefois dire que ces trois étudiants ont accompli leurs études après avoir surmonté davantage de difficultés que leurs camarades spécialisés dans d'autres disciplines, car le taux d'élimination en médecine est très élevé en France.

«  Tout ce qui s'est passé pendant les dernières années nous semble à la fois familier et étranger et terrible… On était obligé de surmonter tout ça. La réalisation de son rêve exige beaucoup d'efforts et de sacrifices.… Dès l'entrée à la faculté, nous nous sommes rendu compte que nous avions sous-estimé les difficultés. Au cours des deux et trois premiers mois, on était assis dans la salle de cours et on écoutait les professeurs, ne pouvant ni noter ni comprendre. Toute l’énergie qui aurait dû être consacrée aux études était dévorée par la pression morale… Les professeurs nous ont beaucoup aidé à nous sortir de la panique... On a acheté un magnétophone, on enregistrait les cours et on les écoutait à maintes reprises au dortoir. Nous nous entraidions. Dans les cours d'anatomie, l'un de nous trois prenait des notes, l'un dessinait, l'autre recopiait les textes…. On était très économe de notre temps: on s'amusait peu, dormait moins, et on ne faisait presque pas de sport. Mais il y a une chose qu'on n’a pas pu supprimer, c'était de lire des journaux et des revues chinoises. On avait tellement soif de lire en chinois et des nouvelles sur la Chine. »

La situation a-t-elle changé ?

Par rapport au témoignage de la génération des années 1980, les jeunes Chinois d'aujourd'hui ont différents objectifs et différents sentiments dans leurs études en France. Ya Di, 26 ans, est arrivé en France en 1999. Il a passé seulement trois mois à Brest pour apprendre un peu de français avant de s'inscrire à ESC Paris pour suivre des cours de MBA en anglais. « Les étudiants de ma classe viennent de partout. Certains d'entre eux possèdent déjà de riches expériences professionnelles et de vastes connaissances. Même les plus jeunes sont aussi remarquables en ce qui concerne leur capacité d'organisation, leur éloquence et la profondeur de leur réflexion. Cet environnement me crée beaucoup de pression, mais il me permet également d'élargir ma vision et d'apprendre des choses. » L'objectif des études en France est pour lui de « s'inspirer de l’expérience de gestion des entreprises occidentales », puisqu'il a monté une société culturelle à Shanghai quand il avait seulement 22 ans. Cela explique aussi comment il a les moyens de financer ses études dont les frais  s'élèvent à 130 000 francs par an. « Il y a des compagnies françaises qui ont des filiales en Chine, qui veulent bien m'employer si j'accepte de rentrer en Chine, mais je ne suis pas pressé. Après les études, j'aimerais bien travailler dans une multinationale où je pourrais m'inspirer de leur mode de fonctionnement et de gestion au standard international. Ce serait utile pour ma future carrière… »

Le cas de Ya Di est quand même assez exceptionnel parmi les jeunes étudiants chinois qui paient eux-mêmes leurs études. Chen Shasha, une jeune fille du Hunan a connu bien des difficultés. Pour réaliser son rêve d'apprendre l'art à Paris, elle a quitté son pays natal et pris l'avion à destination de Paris après avoir obtenu son bac en 1999, avec le financement de ses parents. Comme la plupart des très jeunes élèves chinois, elle a dû commencer par les écoles de langues pour apprendre l’ABC du français, tout en travaillant pour gagner sa vie. Malgré son assiduité à se rendre étudier à la bibliothèque, Chen Shasha n'a pas pu encore s'inscrire dans une université française à cause de son peu de maîtrise de la langue.

L’apport des étudiants chinois en France au développement socio-économique de la Chine

Les études à l'étranger peuvent apporter une contribution très importante au développement de la Chine. Les personnes d'élites qui ont étudié à l'étranger occupent souvent des positions de responsabilité après leur retour au pays. Parmi eux, Chen Zhu est un exemple type.

Chen Zhu – hier étudiant de l'Université Paris VII, aujourd’hui académicien et vice-président  de l'Académie des sciences de Chine.

Chen Zhu, docteur en sciences de la vie de l'université Paris VII, est maintenant professeur titulaire de l'Université médicale n°1 de Shanghai et académicien des sciences de la Chine. Depuis son retour au pays en 1989, Chen Zhu a surmonté des difficultés inimaginables et réalisé des progrès remarquables dans la recherche en biologie moléculaire du sang et en génétique humaine. Il a remporté de nombreux prix nationaux, tels que le premier prix des progrès en science et technologie, accordé par le ministère de la Santé en 1993, celui accordé par la Commission d'État pour l'Éducation en 1994 pour sa recherche sur le traitement de la leucémie. Ses résultats de recherche ont été publiés dans plusieurs revues scientifiques nationales et internationales. En même temps, il est chargé de la direction d'une vingtaine de projets de recherche, dont des projets financés par la Fondation nationale des sciences naturelles, ceux dans le cadre du « 863 Hi-Tech Program » et des projets de recherche en coopération avec l'Union européenne. Il est aussi directeur du Centre national de la recherche sur le génome humain, intégrée dans le cadre du HGP (Humain Genome Project). En 2000, il a été nommé vice-président de l'Académie des sciences de Chine: il assume non seulement la responsabilité d'un laboratoire et d'un centre de recherche, mais s’occupe aussi de la mission stratégique du développement et de l'innovation de  la  science et de la technologie en Chine.

Aide au développement économique de la région de l'Ouest de Chine

Au cours de 1997, les scientifiques et les chercheurs chinois en France ont lancé la campagne « Aide au développement économique de la région Nord-Ouest de Chine ». C'était la première fois que d’anciens étudiants chinois en France s'organisaient et participaient collectivement au développement du pays.

L’agriculture du Gansu a reçu le soutien des étudiants chinois rentrés de France.

La première région bénéficiaire choisie a été la province de Gansu, une des provinces les moins développées économiquement. Le Service de l'éducation a joué le rôle d'organisateur de cette action en France. L'université de Lanzhou (Lanzhou est le chef-lieu de cette province) a assumé le travail de coordination du côté chinois. Au cours de l'été 1997, un groupe de travail a été organisé, comprenant dix-huit chercheurs qui travaillent ou étudient en France dans des différents domaines ( certains d'entre eux ont une place assez importante dans les milieux scientifiques et techniques en France) et sept scientifiques et chercheurs déjà rentrés en Chine. Ils ont passé huit jours à Lanzhou pour visiter des laboratoires, des hôpitaux, des centres de recherches et les régions les pauvres de la province. Plusieurs conférences ont été données. À partir des informations recueillies et des conditions dont les laboratoires de l'université de Lanzhou disposent, ils ont proposé 56 projets de recherche, parmi lesquels 48 propositions ont obtenu un soutien financier, et 19 projets ont été inclus parmi les projets de la Fondation nationale de sciences naturelles de Chine. Ces projets couvrent les disciplines comme les mathématiques, la physique, la chimie, la géologie, l'agriculture et la médecine.

Le ministère de l'Éducation, le Ministère de l'Agriculture, la Fondation nationale de sciences naturelles de Chine, le Bureau du Conseil des affaires d'État pour l'assistance aux régions pauvres et le gouvernement de la province du Gansu ont investi plus de 3 600 000 yuans à tous ces projets. Parallèlement, certains sujets feront sans doute de bons sujets de coopération entre la France et la Chine.

Avec l'expérience obtenue dans le programme du Gansu, un autre groupe de travail, composé de 18 docteurs chinois en France, a été organisé en juin 1999 afin d'aider le développement économique et scientifique de la deuxième région choisie, la province du Guizhou. Après une visite d'enquête sur place en août de la même année, le groupe de travail a défini l'objectif du programme: établir un partenariat à long terme, en contribuant au développement économique local et en assistant la formation des personnels de haut niveau pour la province. Soixante et un projets de coopération ont été retenus, couvrant les domaines prioritaires de l'enseignement à distance, de la biotechnologie, du développement durable de l'agriculture, de la protection de l'environnement, des nouveaux matériaux, de l'exploitation des ressources touristiques, de la mise en valeur des ressources de la faune et de la flore, de l'aménagement des réserves naturelles, etc.

Au cours de leur enquête, les membres du groupe de travail ont été marqués par la pénurie de personnel de haut niveau au Guizhou. En 1999, on ne comptait que 49 docteurs dans toute la province. Le développement local a un besoin urgent de personnel qualifié, mais aucun des établissements d'enseignement supérieur de la province n'était en mesure de délivrer le diplôme de 3ème cycle. Compte tenu de cette situation, le groupe de travail a proposé un plan de formation qui consiste à envoyer en France des stagiaires et des étudiants du 3ème cycle du Guizhou par l'intermédiaire de ces chercheurs chinois travaillant dans les universités françaises.

En plus de la contribution directe au développement du pays, les personnes qui ont fait des études en France jouent aussi un rôle non négligeable dans le renforcement des relations d'amitié sino-françaises et la multiplication des échanges et de la coopération entre les institutions chinoises et françaises.