Les
dernières années, toujours un âge d’or ?
GUO
LI
I. Vivre
de manière autonome
Comme
on l’a vu dans le numéro précédent avec le cas de madame Liu et
de monsieur Wang, cité sous le titre « Une femme désespérée »,
la cohabitation n’est plus un sujet tabou en Chine et ce cas n’est
pas unique. C’est une preuve
du changement des mentalités à la suite de la politique
d’ouverture du pays.. Bien que la cohabitation entre un veuf et
une veuve ou entre divorcés ne soit pas protégée par la loi, ces
derniers y trouvent souvent des avantages qui leur permettent
de vivre dans des conditions plus aisées et sans soucis. C’est
pourquoi le nombre des personnes âgées qui cohabitent augmente,
pour atteindre 50 % de l’ensemble des personnes de cette catégorie
d’âge.
« À mon avis, la cohabitation
n’est pas si mauvaise qu’on pense », dit Wang, une femme
âgée qui cohabite actuellement avec un homme de son âge.
« Mes voisins sont au courant.
Cela ne me gêne pas. Nous nous aimons, et nous nous entraidons
au quotidien. L’amour qu’il a pour moi et le plaisir de vivre
ensemble sous le même toit sont suffisants. À quoi bon un
certificat de mariage ? En cas de divorce, ce papier ne peut
assurer les choses essentielles de la vie conjugale », a-t-elle
continué.
Selon une enquête effectuée parmi
les personnes âgées, les idées de madame Wang sont largement partagées.
En ce qui concerne les conséquences qui en découle, madame Wang
explique d’une manière lucide : « Je suis une personne
âgée, mais je ne suis pas une personne dépourvue. Je touche une
pension mensuelle suffisante pour assurer mes dépenses. Si, un
jour, ma santé devenait précaire, je n’aurais rien à demander
à mes enfants et à mon
vieux partenaire, car une maison pour retraités m’accueillera ;
en outre, si jamais mon vieux conjoint ne me plaît plus, je le
quitterai. C’est tout simple. Pour moi, un certificat de mariage
n’est qu’un papier légal superflu ».
Le choix
qui s’impose
M. Zhang et Mme Shan
ont choisi de cohabiter parce que leurs enfants ne voulaient pas
qu’ils se marient.
Les deux avaient été amoureux pendant
leur jeunesse. La vie les avait éloignés l’un de l’autre. Après
40 ans de séparation, ils se sont retrouvés lors d’une rencontre
d’anciens camarades de classe. Comme ils étaient tous les deux
veuf et veuve, leurs deux cœurs se sont vite rapprochés, et un
jour, avec joie, ils ont annoncé leur mariage à leurs enfants.
Ceux-ci s’y sont opposés énergiquement, de peur que le mariage
en question créent des problèmes de biens de famille et des discordes
entre les enfants des deux familles. Les enfants de Zhang ont
dit à Shan : « Vous et notre père êtes relativement
âgés, avoir un certificat de mariage ou non, peu importe. Notre
maison et la vôtre sont toujours à votre disposition. Vous savez,
les rapports entre les enfants de deux familles sont complexes.
Avec un acte de mariage, si l’un d’entre vous décède, tous les
problèmes seront réglés en vertu de cet acte, les discordes s’ensuivront.
Pour éviter tous les problèmes qui risquent de causer des ennuis
entre nous, il vaut mieux garder les biens tels qu’ils étaient ».
Shan leur a répondu : « À
notre âge, il n’est pas facile de trouver quelqu’un qui nous aime
et avec qui nous pouvons nous entendre facilement. Si vous comprenez
notre point de vue, j’accepterai de cohabiter avec votre père. »
En fait, Shan ne s’intéresse point
aux biens de Zhang. Elle veut uniquement avoir un compagnon pour
les années qui lui restent.
Quels sont
les avis des experts ?
Certains sociologues estiment que
la cohabitation des personnes âgées diffère de celle des jeunes ;
ce phénomène ne doit pas être traité sur le même plan. Les personnes
âgées cherchent uniquement à avoir un compagnon de vie, tandis
que les jeunes sont poussés par l’instinct naturel : avoir
des rapports sexuels et procréer.
L’avocat Mu a laissé entendre que
la cohabitation est un phénomène particulier des amoureux âgés.
Il s’agit là d’une réalité à laquelle nous devons faire face,
bien qu’elle ne soit pas encore reconnue par la loi et que des
questions comme les sentiments, les finances et les enfants poussent
les personnes âgées à faire un choix pour éviter toutes les complications,
par exemple, les différends économiques, les biens de famille
et les problèmes insolubles venant de l’héritage…
C’est aussi la raison pour laquelle
les enfants opposent tant d’obstacles au mariage de leurs parents.
Le juriste Wu estime pour sa part :
« Malgré tout, il ne faut pas encourager la cohabitation.
Bien qu’elle ne soit pas interdite sur le plan juridique, elle
n’est pas non plus protégée par la loi en cas de conflit. Par
conséquent, elle est très fragile et provoque souvent des problèmes
sociaux. »
II. Un père
et ses trois fils
Assis
dans une camionnette, un père de famille était en route vers le
bourg pour demander justice dans un service de conseils juridiques
car ses trois fils l’avaient maltraité.
Devenus grands, ses fils l’avaient
quitté peu après la mort de leur mère. La vie du père était alors
devenue difficile au fur et à mesure qu’il prenait de l’âge. L’idée
qu’ « on a des fils pour prendre soin de soi lorsqu’on
est vieux » est une conception traditionnelle généralement
partagée. Le père aurait pu s’assurer le soutien de ses fils au
soir de sa vie. Mais ses trois fils, poussés par leur propres
intérêts, refusaient de l’aider et de subvenir à tous ses besoins,
et ils l’ont laissé dans une situation embarassante. Désespéré,
le père a eu recours à la justice.
Selon la loi, « les enfants
ont le devoir de soutenir et d’aider leurs parents », et
« s’il advient que les enfants manquent à leur devoir, les
parents inaptes au travail ou qui ne peuvent subvenir à leurs
propres besoins ont le droit d’exiger de leurs enfants aide et
assistance ».
Grâce à la médiation juridique,
les trois fils ont finalement accepté que leur père vive dans
leur famille, à tour de rôle.
Cependant, le père était tout de
même malheureux, car il n’était pas admis à manger à la même table,
ni à prendre la parole ; encore pire, on le traitait comme
un chien, et ce, pour se venger de lui.
Un jour, frappé par l’humiliation,
le père mit le feu au dépôt où on le confinait. Une colère froide
l’avait envahi, au point qu’il en avait oublié la loi.
Il a donc dû comparaître devant
un jury. Il a reconnu son crime sans hésitation. Il a donc été
condamné à deux ans de prison. Son cœur s’est brisé au souvenir
de ses fils qu’il avait entourés de tant de soins et d’affection.