AVRIL  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les dernières années, toujours un âge d’or ?

GUO LI

I. Vivre de manière autonome

Comme on l’a vu dans le numéro précédent avec le cas de madame Liu et de monsieur Wang, cité sous le titre « Une femme désespérée », la cohabitation n’est plus un sujet tabou en Chine et ce cas n’est pas unique. C’est une preuve  du changement des mentalités à la suite de la politique d’ouverture du pays.. Bien que la cohabitation entre un veuf et une veuve ou entre divorcés ne soit pas protégée par la loi, ces derniers y trouvent souvent des avantages qui leur permettent de vivre dans des conditions plus aisées et sans soucis. C’est pourquoi le nombre des personnes âgées qui cohabitent augmente, pour atteindre 50 % de l’ensemble des personnes de cette catégorie d’âge.

« À mon avis, la cohabitation n’est pas si mauvaise qu’on pense », dit Wang, une femme âgée qui cohabite actuellement avec un homme de son âge.

« Mes voisins sont au courant. Cela ne me gêne pas. Nous nous aimons, et nous nous entraidons au quotidien. L’amour qu’il a pour moi et le plaisir de vivre ensemble sous le même toit sont suffisants. À quoi bon  un certificat de mariage ? En cas de divorce, ce papier ne peut assurer les choses essentielles de la vie conjugale », a-t-elle continué.

Selon une enquête effectuée parmi les personnes âgées, les idées de madame Wang sont largement partagées. En ce qui concerne les conséquences qui en découle, madame Wang explique d’une manière lucide : « Je suis une personne âgée, mais je ne suis pas une personne dépourvue. Je touche une pension mensuelle suffisante pour assurer mes dépenses. Si, un jour, ma santé devenait précaire, je n’aurais rien à demander à mes enfants et  à mon vieux partenaire, car une maison pour retraités m’accueillera ; en outre, si jamais mon vieux conjoint ne me plaît plus, je le quitterai. C’est tout simple. Pour moi, un certificat de mariage n’est qu’un papier légal superflu ».

Le choix qui s’impose

M. Zhang et Mme Shan ont choisi de cohabiter parce que leurs enfants ne voulaient pas qu’ils se marient.

Les deux avaient été amoureux pendant leur jeunesse. La vie les avait éloignés l’un de l’autre. Après 40 ans de séparation, ils se sont retrouvés lors d’une rencontre d’anciens camarades de classe. Comme ils étaient tous les deux veuf et veuve, leurs deux cœurs se sont vite rapprochés, et un jour, avec joie, ils ont annoncé leur mariage à leurs enfants. Ceux-ci s’y sont opposés énergiquement, de peur que le mariage en question créent des problèmes de biens de famille et des discordes entre les enfants des deux familles. Les enfants de Zhang ont dit à Shan : « Vous et notre père êtes relativement âgés, avoir un certificat de mariage ou non, peu importe. Notre maison et la vôtre sont toujours à votre disposition. Vous savez, les rapports entre les enfants de deux familles sont complexes. Avec un acte de mariage, si l’un d’entre vous décède, tous les problèmes seront réglés en vertu de cet acte, les discordes s’ensuivront. Pour éviter tous les problèmes qui risquent de causer des ennuis entre nous, il vaut mieux garder les biens tels qu’ils étaient ».

Shan leur a répondu : « À notre âge, il n’est pas facile de trouver quelqu’un qui nous aime et avec qui nous pouvons nous entendre facilement. Si vous comprenez notre point de vue, j’accepterai de cohabiter avec votre père. »

En fait, Shan ne s’intéresse point aux biens de Zhang. Elle veut uniquement avoir un compagnon pour les années qui lui restent.

Quels sont les avis des experts ?

Certains sociologues estiment que la cohabitation des personnes âgées diffère de celle des jeunes ; ce phénomène ne doit pas être traité sur le même plan. Les personnes âgées cherchent uniquement à avoir un compagnon de vie, tandis que les jeunes sont poussés par l’instinct naturel : avoir des rapports sexuels et procréer.

L’avocat Mu a laissé entendre que la cohabitation est un phénomène particulier des amoureux âgés. Il s’agit là d’une réalité à laquelle nous devons faire face, bien qu’elle ne soit pas encore reconnue par la loi et que des questions comme les sentiments, les finances et les enfants poussent les personnes âgées à faire un choix pour éviter toutes les complications, par exemple, les différends économiques, les biens de famille et les problèmes insolubles venant de l’héritage…

C’est aussi la raison pour laquelle les enfants opposent tant d’obstacles au mariage de leurs parents.

Le juriste Wu estime pour sa part : «  Malgré tout, il ne faut pas encourager la cohabitation. Bien qu’elle ne soit pas interdite sur le plan juridique, elle n’est pas non plus protégée par la loi en cas de conflit. Par conséquent, elle est très fragile et provoque souvent des problèmes sociaux. »

II. Un père et ses trois fils

Assis dans une camionnette, un père de famille était en route vers le bourg pour demander justice dans un service de conseils juridiques car ses trois fils l’avaient maltraité.

Devenus grands, ses fils l’avaient quitté peu après la mort de leur mère. La vie du père était alors devenue difficile au fur et à mesure qu’il prenait de l’âge. L’idée qu’ « on a des fils pour prendre soin de soi lorsqu’on est vieux » est une conception traditionnelle généralement partagée. Le père aurait pu s’assurer le soutien de ses fils au soir de sa vie. Mais ses trois fils, poussés par leur propres intérêts, refusaient de l’aider et de subvenir à tous ses besoins, et ils l’ont laissé dans une situation embarassante. Désespéré, le père a eu recours à la justice.

Selon la loi, « les enfants ont le devoir de soutenir et d’aider leurs parents », et « s’il advient que les enfants manquent à leur devoir, les parents inaptes au travail ou qui ne peuvent subvenir à leurs propres besoins ont le droit d’exiger de leurs enfants aide et assistance ».

Grâce à la médiation juridique, les trois fils ont finalement accepté que leur père vive dans leur famille, à tour de rôle.

Cependant, le père était tout de même malheureux, car il n’était pas admis à manger à la même table, ni à prendre la parole ; encore pire, on le traitait comme un chien, et ce, pour se venger de lui.

Un jour, frappé par l’humiliation, le père mit le feu au dépôt où on le confinait. Une colère froide l’avait envahi, au point qu’il en avait oublié la loi.

Il a donc dû comparaître devant un jury. Il a reconnu son crime sans hésitation. Il a donc été condamné à deux ans de prison. Son cœur s’est brisé au souvenir de ses fils qu’il avait entourés de tant de soins et d’affection.