Wenzhou, ou
si la richesse m’était contée
ZHAN
NI
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Wenzhou
déploie des efforts pour devenir un pôle de l’industrie légère. |
Une histoire raconte qu’un extraterrestre
arrive en Chine et suscite un vif intérêt partout. Les Pékinois
ont l’intention d’étudier les relations entre ces entités et les
humains. Les Shanghaïens, très compétents
dans l’organisation d’expositions, décident justement d’en
tenir une sur cette nouvelle. Les Cantonais, reconnus pour leur
cuisine, pensent à inviter cet extraterrestre chez eux. Pour leur
part, doués pour le commerce, les gens de Wenzhou lui disent de
manière imaginative : « Monsieur, permettez-nous de
vous demander quel genre de commerce nous pourrions faire sur
votre planète ? »
C’est une anecdote que l’on raconte
à Wenzhou, mais à travers celle-ci, on reconnaît bien le sens des affaires des gens de Wenzhou.
Berceau de la richesse
Le fait que les gens de Wenzhou
s’adonnent au commerce remonte loin dans l’histoire. Wenzhou,
située dans le sud-est de la province du Zhejiang, est depuis
toujours une ville d’adoption. Sans vie stable ni logement fixe,
les gens qui y venaient étaient courageux et intrépides, aimaient
la liberté, avaient l’esprit d’indépendance et ne se contentaient
pas de ce qu’ils avaient. Cette région, éloignée de la capitale,
a très peu subi l’influence de la conception traditionnelle de
la supériorité de l’agriculture sur le commerce. Les gens de l’école
de Yongjia de cette région avaient proposé avec force qu’il faudrait
accorder autant d’importance à l’utilitarisme qu’à la moralité.
Cet état de choses a influencé profondément la pensée et l’action
des locaux et leur a inculqué un esprit commercial plus marqué
que celui d’autres régions.
La pénurie des ressources naturelles
et le piètre environnement de vie
ont trempé le
caractère courageux des gens de
Wenzhou. En fait, selon les annales du gouvernement municipal,
parmi les gens de cette ville qui, ces dernières années, ont fait
du commerce en Chine et à l’étranger, 160 000 sont déjà des patrons.
Un peu partout, au Brésil, aux États-Unis, au Japon, en Corée
du Sud, aux Philippines et en France, il y a des gens laborieux
de Wenzhou.
À la
fin de 2002, les entreprises privées représentaient 90 % du
total des entreprises de cette ville. Celles-ci réalisaient une
valeur de production industrielle de 200
milliards de yuans, soit 85 % de la valeur globale de la production
industrielle de cette ville. Un officiel de Wenzhou a dit, en
faisant le bilan de l’économie de la ville : « Wenzhou
possède deux grandes caractéristiques : son économie de marché
a commencé plus tôt et son économie privée est la plus animée de toute la Chine.
Des vicissitudes
L’histoire de la fabrication des
chaussures de Wenzhou remonte très loin dans l’histoire. Sous
le règne de Chenghua (1465-1488) de la dynastie des Ming, des
chaussures de cette ville étaient offertes en tribut à la cour
impériale. Cette industrie a cependant commencé à se développer
vraiment dans les années 1930,
alors que les chaussures
se vendaient bien. Une sorte de chaussures à talon haut pour dames, conçue et
produite à Wenzhou, a été très en vogue dans toute la Chine au
cours des années 70. Avec le développement rapide de l’industrie
de la chaussure, le nombre d'entreprises de ce secteur s’est multiplié;
parmi celles-ci, on en trouvait des
bonnes, mais aussi
des moins bonnes. Il arrivait souvent que des chaussures ne
tiennent le coup que pendant quelques dizaines de minutes...Les Chinois s’efforçaient
alors d’éviter comme
la peste les produits de mauvaise qualité de Wenzhou.
Le 8 août 1987 a été une date humiliante
pour les habitants de Wenzhou et pour leur industrie de la chaussure.
Ce jour-là, quelque 5 000 paires de chaussures de mauvaise qualité
ont été détruites en public sur la place Wulin de Hangzhou et
dans quelques autres endroits. À ce moment-là, Wang Zhentao, de
Wenzhou, vendeur de chaussures dans un magasin de la province du Hubei, s'est exclamé: « C’est le prestige et le crédit
de Wenzhou qui ont été brûlés. » Ce
feu a provoqué le jeune Wang . Il a donc décidé de se lancer
dans la production de chaussures. Son idée
était fort simple : redonner le prestige et le crédit
à Wenzhou. Il a commencé cette carrière difficile après avoir réuni
30 000 yuans de fonds.
Pendant cette période, il a consacré
beaucoup d’énergie dans la conception des chaussures. Chaque année,
il se rendait en Italie et dans d’autres pays européens pour sonder le marché et procéder à des échanges avec des spécialistes étrangers
de ce domaine. Quelques années plus tard, il fondait sa propre
agence et son centre de recherche et développement en Italie ; il y a recruté un styliste de calibre international
afin d’être bien branché sur les nouvelles tendances des chaussures
dans le monde.
En l’espace de treize ans, Wang
Zhentao a transformé une petite fabrique rurale en un groupe de
fabrication de chaussures ayant un capital net de plus 300 millions
de yuans, lequel se classe parmi les premières entreprises du
secteur dans toute la Chine.
Faire le pont entre la marchandise
et la culture
 |
Chaîne
de montage d’appareils électroniques. |
Wang Zhentao n’est pas la seule
personne qui se soit rendu compte de l’importance du prestige
d’un produit. Parmi les 4 000 entreprises privées de Wenzhou,
c’est la marque Hongqingting (libellule rouge) qui est la plus caractéristique.
En 1995, Qian Jinbo, qui s’était
occupé de la vente pendant huit ans, est revenu dans son pays
natal, le district de Yongjia de Wenzhou. Lorsqu’il a fondé sa
société, il a d’abord pensé à introduire des idées culturelles.
À cette époque-là, l’ambiance commerciale était très forte. Toutefois,
passionné de culture, Qian Jinbo estimait que Wenzhou et l’industrie
de la chaussure de Chine étaient un « désert culturel ».
« Je trouve qu’il manque actuellement quelque chose à la
si grande ville qu'est Wenzhou, quelque chose de semblable au
festival de la bière de Munich, au festival du cinéma de
Cannes ou aux festivals du vêtement de Dalian et du cerf-volant
de Weifang. D’ailleurs, ces deux derniers événements se passent
sur la même côte que nous », a lancé Qian, avec beaucoup de regrets. Qian
est né dans un petit village, au bord de la rivière Nanxi de la
province du Zhejiang. Quand il était petit, une libellule rouge
s’était posée sur le livre qu’il était en train de lire. Qian
en avait été très ému : il s’était senti
proche de cet insecte et en harmonie avec la nature.
Pour la ville de Wenzhou, capitale
de la chaussure, Qian Jinbo se charge consciencieusement de la
tâche importante d'y créer un environnement culturel et d'en
renforcer la capacité concurrentielle sur le marché
international. La conception de son entreprise consiste à rapprocher
la culture de la marchandise et l’entreprise de la société.
En 1999, Qian a commencé à étudier
l’histoire de la chaussure. Il a alors fondé le premier centre
de recherche sur la culture de la chaussure et
le premier musée de la culture de la chaussure ; il a
aussi publié le premier dictionnaire en Chine sur les chaussures.
Après sept années d’efforts, l’entreprise Hongqingting s’est beaucoup
développée: elle se place au premier rang du pays parmi les entreprises
du secteur. Son chiffre d’affaires annuel atteint 830 millions
de yuans. Qian Jinbo a été élu « première personne de la culture
de la chaussure de Chine ». Grâce à sa contribution à la culture,
cette entreprise a créé une légende dans l’histoire de la fabrication
des chaussures en Chine.
D’une entreprise familiale à
une famille d’entreprises
 |
Un
atelier du groupe Hongqingting, connu pour ses chaussures. |
Presque toutes les entreprises
de Wenzhou sont issues d'une famille. Cependant, avec leur développement
et depuis l’entrée de la Chine à l’OMC, de plus en plus d'entreprises
de cette ville, autrefois de type familial, se sont transformées
en entreprises modernes.
Parmi ces dernières, le groupe
Zhengtai peut être considéré comme l'une des plus brillantes.
Nan Cunhui, président du conseil d’administration de ce groupe,
a dit : « Après avoir accumulé et assuré la plus-value
des capitaux, nous avons pris conscience qu’il faudrait absolument
que l’entreprise sorte du cocon familial et qu’elle soit plus ouverte à la société, afin de réaliser un grand
bond en avant, et ce en se transformant de la gestion de la production
jusqu'à l’exploitation des capitaux.
Le groupe Zhengtai, fondé en 1984
avec les 50 000 yuans que Nan Cunhui et son ami avait réunis,
est aujourd’hui une grande SARL par actions. Le groupe compte
actuellement 106 actionnaires, dont la majorité ne sont plus des
membres de la famille. C’est d'ailleurs le cas du plus gros actionnaire
qui détient des actions pour des centaines de millions de yuans.
Quoique la structure des actions soit encore teintée d’une couleur
familiale, le groupe applique une gestion selon les critères d’une
SARL. Nan Cunhui souhaite que son entreprise soit une entreprise
aux intérêts de tout le monde.
« Les entreprises ne peuvent
pas se détacher des succursales familiales, a dit Nan. Sans ces
dernières entreprises, il n’y aurait
pas d’industries à Wenzhou. Mais le développement affronte
toujours des défis. Il faut savoir se surpasser pour que l’entreprise
ait un bel avenir. »
Les habitants de Wenzhou restent
modestes lorsque les gens découvrent des produits typiques de
Wenzhou et en font l'éloge ; ceux-ci appartiennent à divers
secteurs, dont la production de chaussures, l’industrie du cuir,
la confection, les appareils électriques à basse tension, les
pièces détachées de voiture et de motocyclette, les articles en
plastique, les lunettes, les stylos, les briquets, les serrures,
etc. Les habitants de la ville considèrent que ces exploits sont
dus à leur diligence et que le gouvernement fait bien son travail
dans tout cela.
Le rôle du gouvernement
Au cours de la Foire internationale
de l’industrie légère, qui a eu lieu à Wenzhou en octobre 2002,
le magasin de vêtement Baoxiniao a été ouvert au centre-ville,
et Qian Xingzhong, le maire de cette ville, avait été invité pour l’inauguration. Ce n’est
pas une chose très difficile d’inviter un officiel important à
participer à la cérémonie d’ouverture, mais il faut payer l’invitation
et l’invité ne peut pas mettre un sou dans sa poche. Le gouvernement
municipal de Wenzhou a bien voulu profiter de cette occasion pour
soutenir l’entreprise, et cette somme d’argent a été spécialement
utilisée dans les services d’assistance publique. On dit que chaque
année, des millions de yuans proviennent de ce domaine.
D’après le maire, le gouvernement
municipal ressemble à un organisme de service dont le travail
est de soutenir le développement
des entreprises privées. Ce que le gouvernement doit faire, c’est
de créer un environnement social stable pour que ces entreprises
se développent par elles-mêmes. Lorsque le développement de l’entreprise
a atteint un certain niveau,
le gouvernement municipal lui conseille de changer sa structure
industrielle et lui fournit des informations sur le marché, le
développement économique de différents pays et régions, ainsi
que des connaissances sur l’OMC. Aujourd’hui, aux yeux des entrepreneurs
de Wenzhou, le gouvernement municipal est un fournisseur d'informations,
un agent de liaison, mais pas un parent ou un gérant.
C’est une autre richesse du développement
de l’économie de Wenzhou.