FÉVRIER  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La vie heureuse d’une centenaire

                                                                                              LIU XUEMIN

Photo de famille d’une centenaire.

Dans l’arrondissement Daxing de Beijing, les paysages saisonniers du village Lihua sont particulièrement remarquables : au printemps, toutes sortes de fleurs s’épanouissent dans la nature qui renaît ; en été, un bois touffu dresse son écran devant toutes les maisons du village ; à l’automne, les arbres fruitiers sont chargés de fruits parfumés, et en hiver, les arbres givrés captivent l’attention des touristes.

Puisqu’on dit qu’il vaut mieux voir quelque chose une fois de ses propres yeux que d’en entendre parler cent fois, nous y avons effectué une visite et une interview. C’est un paysan d’âge moyen qui nous a accueilli chaleureusement. Chez lui, nous avons bu du thé et déguster des cacahuètes fraîches, en l’écoutant nous parler des mœurs des villageois. Dans son verger, il nous a permis de cueillir des poires bien juteuses.

« Avez-vous des centenaires dans votre village ? », lui ai-je demandé. « Il y en a une qui est très connue : c’est Mme Zhao, une femme très laborieuse. Elle éprouve toujours du plaisir à aider les autres », répondit ce paysan.

Bon pied, bon œil

Une fois entrés dans la cour de Zhao Fengxiu, un doux parfum de poires flottait et chatouillait nos narines. Une dame âgée, qui marchait en s’aidant d’une canne, était en train d’admirer les poiriers. Sans contredit, c’était encore une année de bonne récolte. Bien que de petite taille, cette dame semblait encore solide. Malgré ses cent ans, on dit qu’elle a encore l’ouïe fine et la vue perçante, et ses pieds bandés ne l’empêchent pas de se déplacer assez facilement. Ayant appris le motif de notre visite, la dame demanda aussitôt à son petit-fils et à sa bru de nous offrir du thé et des poires. Après s’être assise autour d’une table, Mme Zhao a dit : « Maintenant, le pays est prospère, nous menons une vie heureuse et nous ne sommes plus démunis. Cette année, les pluies sont abondantes et nous avons encore eu une bonne récolte. Comme mes enfants sont très filiaux, je me porte de mieux en mieux. » Et d’ajouter : « Soyez toujours optimiste, c’est le secret de la longévité. »

Lorsque je lui demandai la recette de sa bonne santé, l’épouse de son petit-fils plaça son mot : « Selon ma belle-mère, ma grand-mère est très fière et, depuis son jeune âge, elle aime être toujours très propre. Avant de se coucher, elle a l’habitude de prendre un bain si elle a fait des travaux manuels. » En effet, toute pimpante, Mme Zhao  était vêtue de bleu, couleur qui mettait bien en valeur son visage rose de santé, joliment encadré par ses cheveux blancs. Son sourire bienveillant témoignait de son énergie et de la sagesse des personnes qui ont su traverser bien des épreuves.

Mme Zhao a eu un passé mouvementé. Il y a plus de 30 ans, son mari est décédé des suites d’une maladie, et elle est restée veuve avec trois enfants (deux garçons et une fille). Aujourd’hui, son fils aîné de 78 ans travaille encore aux champs. Dans sa famille qui regroupe quatre générations,  presque tous les vingt-quatre membres s’affairent du matin au soir et se reposent tout ensemble durant la morte saison. Grâce au travail manuel, Mme Zhao a une bonne constitution et résiste facilement aux petits maux. Selon sa bru,  Mme Zhao n’a attrapé qu’une seule fois une maladie grave. Lorsqu’on lui a fait une perfusion, elle n’a pas manqué de faire ses recommandations à ses enfants : « Je suis âgée, vous ne devez rien gaspiller pour moi ! ».

Mme Zhao est très travailleuse. Elle ne reste jamais inactive. Quand la main-d’œuvre engagée par la famille travaille aux champs, elle s’occupe des enfants à domicile. Ainsi, certains villageois plaisantent sur elle, en disant : « C’est un vieil enfant qui s’occupe des petits ! » L’année dernière, lors de la moisson d’automne, alors que les autres travaillaient aux champs, Mme Zhao gardait la maison. Profitant de ce temps-là, elle a vanné 50 kg de soja. Bien que ses enfants eussent tenté de la dissuader d’accomplir cette tâche, elle voulait encore travailler et rejetait sa canne. Dans ce cas-là, ses enfants ont dû s’incliner devant son insistance. Satisfaite de sa vie frugale, cette centenaire savoure bien son bonheur. Bien entourée par ses enfants, elle veut toujours garder le meilleur pour eux. Ayant peur d’empêcher ses enfants de dormir si elle a besoin de se lever pendant la nuit, elle mange toujours très peu au dîner. Elle ne boit jamais de thé.

Quel est le secret de sa longévité ?

Depuis l’Antiquité, une espérance de vie de 70 ans était très rare en Chine, mais aujourd’hui Mme Zhao est centenaire. Son régime alimentaire y est pour quelque chose.  Depuis qu’elle a 73 ans, chaque matin, elle mange un mélange composé d’un œuf frais et d’une demi-coquille d’œuf d’huile de sésame auquel elle ajoute un peu de vinaigre. Dès que je lui ai demandé pourquoi elle mangeait cela, elle m’a répondu :  « On dit que ce mélange est bon pour la santé. » L’œuf est très nourrissant, l’huile de sésame peut éliminer les sécrétions et humecter les poumons, et le vinaigre peut aider à empêcher le durcissement des vaisseaux sanguins.  En hiver et au printemps, chaque matin, Mme Zhao boit un bol d’une boisson chaude, sucrée au gingembre. C’est aussi un type d’aliments qui favorise la longévité.

Encore une année de bonne récolte.

Comme notre visite s’étirait et que nous craignions de fatiguer cette dame âgée, Mme Zhao  dit avec humour :  « Je ne suis pas une personne inactive ! » L’épouse de son petit-fils ajouta : « Ma grand-mère fait souvent la lessive. Pour éviter le gaspillage, les détergents abrasifs et la machine à laver, elle utilise toujours un pain de savon et la planche à laver. » Mme Zhao, satisfaite des propos tenus par l’épouse de son petit-fils, s’esclaffa de rire comme une enfant, en montrant avec fierté ses mains aux veines saillantes.

Ne se contentant pas de cette démonstration, elle nous montra également comment elle était encore capable d’enfiler une aiguille. Nous avons fixé sur pellicule cette image saisissante : une aiguille dans sa main gauche, le fil dans sa main droite, elle semblait enfiler l’aiguille comme par magie !

On ne sait pas combien d’histoires cette centenaire peut raconter. Bien sûr, chaque famille a ses propres problèmes et la famille nombreuse de Mme Zhao n’a pas échappé à la règle, puisque l’on dit que dans ce genre de famille, les différends sont monnaie courante. Mais cette centenaire optimiste a toujours confiance en l’avenir. Pour vivre longtemps, il faut s’en inspirer.