Le
« nid vide »
GUO LI
Le
« nid vide » est l’expression qui qualifie la vie solitaire
de certaines personnes âgées dans la Chine d’aujourd’hui.
Autrefois, on voyait souvent des
grandes familles formées de quatre générations, voire même cinq,
qui vivaient sous le même toit. Bien que vénérables, ces familles
ont peu à peu disparu, après la chute du système féodal renversé
par la révolution démocratique populaire en 1949. Dès lors, on
a encouragé les gens à établir un petit ménage de deux ou trois
membres.
La Chine compte aujourd’hui 130
millions de vieillards, soit le dixième de la population nationale.
Ce nombre se chiffrera à 170 millions
en 2010, et à 200 millions en 2020. Du fait de l’application
du planning familial et de l’augmentation de l’espérance de vie,
le problème de la vieillesse est à l’ordre du jour, bien avant
la date qu’avaient prévue les spécialistes.
Selon des statistiques établies
récemment, les « nids vides » représentent le tiers
des ménages des personnes âgées, dont 55 % à Tianjin, 34 % à Beijing
et 37 % à Shanghai. Les mêmes spécialistes ont prévu que ce pourcentage
atteindrait 90 % dans 50 ans. Ceci nous pousse à étudier sérieusement ce problème,
à défaut de quoi il portera atteinte à la santé physique et psychologique
de la population, surtout à celle des personnes qui ont emménagé
dans les grandes tours modernes.
Un exemple-type
Mme Gao, une veuve de
68 ans, vit maintenant seule dans un appartement de 62 m2,
fournie par l’unité de travail de son mari. Auparavant, elle était
entourée des soins et de l’affection de ses enfants. Cette coutume
féodale, vieille de plusieurs siècles, correspondait bien à son
souhait, celui « d’avoir des enfants pour s’assurer un soutien
durant le vieil âge ».
Il est clair que le changement
de vie qu’a subi Mme Gao est dû à la mentalité des nouvelles générations
qui bénéficient des avantages du développement rapide de l’économie
nationale, de l’ouverture et de la réforme du pays.
« Vous voyez, je suis seule
dans cet appartement « vide ». Mon fils gère une entreprise
rurale dans la banlieue de Beijing, un autre est col blanc dans
une société mixte, ma fille tient une boutique. Chacun d’eux cherchait
à bâtir son propre foyer. Ils m’ont quittée, il y a plusieurs
années, parce qu’ils étaient occupés par leurs affaires »,
dit cette vieille dame. Et d’ajouter : « Je n’ai pas
besoin de leur argent, car je touche une pension mensuelle suffisante
pour assurer ma vie quotidienne. Leur absence de la maison m’a
rendue mélancolique et inquiète ».
L’importance
des maladies psychosomatiques
Un
jour, Mme Gao est allée voir son médecin à l’hôpital, et celui-ci
lui a dit que son état correspondait aux premières réactions du
« nid vide », et que ce cas est fort généralisé parmi
les personnes âgées, surtout parmi celles qui mènent une vie solitaire.
La dépression, la fatigue et les souvenirs du passé risquent d’occuper
toute la place. Ces personnes perdent ainsi leurs principaux centres
d’intérêts et d’occupations, et elles nourrissent des idées noires.
« Si on laisse aller ces maux
pendant trois ou quatre mois, on affrontera certaines maladies »,
a conclu le médecin.
On entend par là que les maladies
chroniques comme l’hypertension, le diabète, les maladies cardiaques
et cérébrales ainsi que l’hyperlipémie sont des maladies courantes
chez les vieillards solitaires ; il est donc nécessaire de
consulter le médecin à temps, de subir des examens réguliers,
de s’adonner à des exercices de gymnastique appropriés… sans oublier de prendre ses
médicaments.
Par ailleurs, la privation des
soins prodigués par les enfants provoque parfois certaines surprises
déplorables : inanition, ostéoporose, fracture, surtout la
fracture du fémur.
Le psychologue Ma a donné un exposé
sur la psychologie des personnes âgées qui vivent dans un « nid
vide », lors d’une causerie organisée par les volontaires
d’un Comité de médiation d’un quartier d’habitation de Beijing.
Selon lui, l’inactivité est un facteur important des problèmes
psychologiques de la vieillesse. La solution à ce problème consiste
à nouer des liens d’amitié
avec des gens, à fréquenter des amis, à bavarder, à écrire, à
participer aux activités sociales et à se préoccuper des questions
de société. Il faut donc s’efforcer d’établir diverses associations
et organisations comme centre d’activités pour les vieillards,
des maisons pour retraités, des services de consultations psychologiques,
etc., et créer de nombreuses formes de divertissements à leur
intention, comme des causeries, des concerts, des conférences,
des concours artistiques, pour que ces vieillards puissent vivre
dans la joie, avoir une bonne santé et écouler leurs vieux jours
dans l’entrain et la bonne humeur.
« Pratiquement, il faut tout d’abord avoir un régime alimentaire équilibré ;
il faut manger de manière équilibrée, ni trop ni trop peu. Sur
le plan psychologique, il faut adopter une attitude optimiste
à l’égard de la vie, s’abstenir de se mettre en colère et de s’énerver,
éviter les émotions trop fortes. On dit souvent que l’irritation
et l’impatience nuisent au foie », a-t-il conclu.
Aujourd’hui en Chine, il existe
des organisations de volontaires qui consacrent la majorité de
leur temps à converser avec les personnes âgées, de façon à régler
leurs problèmes personnels venant du « nid vide ».
Grâce aux aides de ces volontaires,
Mme Gao a changé sa mentalité et a décidé de se libérer
du « nid vide ». Faisant fi de l’opposition de ses enfants,
elle a épousé un vieux monsieur du nom de Jihui, un ancien soldat
de l’Armée populaire de libération. Celui-ci a une fille à Shenzhen,
ville bien industrialisée de la Chine, près de Hongkong. Elle
venait le voir qu’une fois l’an. Depuis la mort de sa femme, il
y a 20 ans, Jihui vivait tout seul. On connaît très peu de choses
de son histoire. Il serait sorti vainqueur des champs de bataille
au cours de la guerre de résistance contre le Japon…
Tous les deux étaient contents
de penser au mariage. Comme Mme Gao l’a dit à ses amis :
« J’ai maintenant quelqu’un à qui je parle et à qui je pense.
N’est-ce pas là notre deuxième printemps ? Il faut le chérir ».
Le
hic, c’est que les enfants ont tenté de freiner les ardeurs matrimoniales
de leurs parents. Ainsi, la fille de Jihui est venue à Beijing
en apprenant le mariage de son père, parce qu’elle ne voulait
pas que l’appartement où il habitait tombe dans les mains d’autres
personnes. Les trois enfants de Mme Gao ont fait de même avec
leur mère, cette fois-ci pour l’héritage. Mais ces enfants étaient
rarement présents auparavant, et le couple s’est senti protégé
par la loi. Le mariage a eu lieu malgré tout.
Oui, le soleil couchant est toujours
magnifique au crépuscule !
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