FÉVRIER  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Le « nid vide »

GUO LI

Le « nid vide » est l’expression qui qualifie la vie solitaire de certaines personnes âgées dans la Chine d’aujourd’hui.

Autrefois, on voyait souvent des grandes familles formées de quatre générations, voire même cinq, qui vivaient sous le même toit. Bien que vénérables, ces familles ont peu à peu disparu, après la chute du système féodal renversé par la révolution démocratique populaire en 1949. Dès lors, on a encouragé les gens à établir un petit ménage de deux ou trois membres.

La Chine compte aujourd’hui 130 millions de vieillards, soit le dixième de la population nationale. Ce nombre se chiffrera à 170 millions  en 2010, et à 200 millions en 2020. Du fait de l’application du planning familial et de l’augmentation de l’espérance de vie, le problème de la vieillesse est à l’ordre du jour, bien avant la date qu’avaient prévue les spécialistes.

Selon des statistiques établies récemment, les « nids vides » représentent le tiers des ménages des personnes âgées, dont 55 % à Tianjin, 34 % à Beijing et 37 % à Shanghai. Les mêmes spécialistes ont prévu que ce pourcentage atteindrait 90 % dans 50 ans. Ceci  nous pousse à étudier sérieusement ce problème, à défaut de quoi il portera atteinte à la santé physique et psychologique de la population, surtout à celle des personnes qui ont emménagé dans les grandes tours modernes.

Un exemple-type

Mme Gao, une veuve de 68 ans, vit maintenant seule dans un appartement de 62 m2, fournie par l’unité de travail de son mari. Auparavant, elle était entourée des soins et de l’affection de ses enfants. Cette coutume féodale, vieille de plusieurs siècles, correspondait bien à son souhait, celui « d’avoir des enfants pour s’assurer un soutien durant le vieil âge ».

Il est clair que le changement de vie qu’a subi Mme Gao est dû à la mentalité des nouvelles générations qui bénéficient des avantages du développement rapide de l’économie nationale, de l’ouverture et de la réforme du pays.

« Vous voyez, je suis seule dans cet appartement « vide ». Mon fils gère une entreprise rurale dans la banlieue de Beijing, un autre est col blanc dans une société mixte, ma fille tient une boutique. Chacun d’eux cherchait à bâtir son propre foyer. Ils m’ont quittée, il y a plusieurs années, parce qu’ils étaient occupés par leurs affaires », dit cette vieille dame. Et d’ajouter : « Je n’ai pas besoin de leur argent, car je touche une pension mensuelle suffisante pour assurer ma vie quotidienne. Leur absence de la maison m’a rendue mélancolique et inquiète ».

L’importance des maladies psychosomatiques

Un jour, Mme Gao est allée voir son médecin à l’hôpital, et celui-ci lui a dit que son état correspondait aux premières réactions du « nid vide », et que ce cas est fort généralisé parmi les personnes âgées, surtout parmi celles qui mènent une vie solitaire. La dépression, la fatigue et les souvenirs du passé risquent d’occuper toute la place. Ces personnes perdent ainsi leurs principaux centres d’intérêts et d’occupations, et elles nourrissent des idées noires.

« Si on laisse aller ces maux pendant trois ou quatre mois, on affrontera certaines maladies », a conclu le médecin.

On entend par là que les maladies chroniques comme l’hypertension, le diabète, les maladies cardiaques et cérébrales ainsi que l’hyperlipémie sont des maladies courantes chez les vieillards solitaires ; il est donc nécessaire de consulter le médecin à temps, de subir des examens réguliers, de s’adonner à des  exercices de gymnastique appropriés… sans oublier de prendre ses médicaments.

Par ailleurs, la privation des soins prodigués par les enfants provoque parfois certaines surprises déplorables : inanition, ostéoporose, fracture, surtout la fracture du fémur.

Le psychologue Ma a donné un exposé sur la psychologie des personnes âgées qui vivent dans un « nid vide », lors d’une causerie organisée par les volontaires d’un Comité de médiation d’un quartier d’habitation de Beijing. Selon lui, l’inactivité est un facteur important des problèmes psychologiques de la vieillesse. La solution à ce problème consiste à nouer  des liens d’amitié avec des gens, à fréquenter des amis, à bavarder, à écrire, à participer aux activités sociales et à se préoccuper des questions de société. Il faut donc s’efforcer d’établir diverses associations et organisations comme centre d’activités pour les vieillards, des maisons pour retraités, des services de consultations psychologiques, etc., et créer de nombreuses formes de divertissements à leur intention, comme des causeries, des concerts, des conférences, des concours artistiques, pour que ces vieillards puissent vivre dans la joie, avoir une bonne santé et écouler leurs vieux jours dans l’entrain et la bonne humeur.

« Pratiquement,  il faut tout d’abord avoir un régime alimentaire équilibré ; il faut manger de manière équilibrée, ni trop ni trop peu. Sur le plan psychologique, il faut adopter une attitude optimiste à l’égard de la vie, s’abstenir de se mettre en colère et de s’énerver, éviter les émotions trop fortes. On dit souvent que l’irritation et l’impatience nuisent au foie », a-t-il conclu.

Aujourd’hui en Chine, il existe des organisations de volontaires qui consacrent la majorité de leur temps à converser avec les personnes âgées, de façon à régler leurs problèmes personnels venant du « nid vide ».

Grâce aux aides de ces volontaires, Mme Gao a changé sa mentalité et a décidé de se libérer du « nid vide ». Faisant fi de l’opposition de ses enfants, elle a épousé un vieux monsieur du nom de Jihui, un ancien soldat de l’Armée populaire de libération. Celui-ci a une fille à Shenzhen, ville bien industrialisée de la Chine, près de Hongkong. Elle venait le voir qu’une fois l’an. Depuis la mort de sa femme, il y a 20 ans, Jihui vivait tout seul. On connaît très peu de choses de son histoire. Il serait sorti vainqueur des champs de bataille au cours de la guerre de résistance contre le Japon…

Tous les deux étaient contents de penser au mariage. Comme Mme Gao l’a dit à ses amis : « J’ai maintenant quelqu’un à qui je parle et à qui je pense. N’est-ce pas là notre deuxième printemps ? Il faut le chérir ».

 Le hic, c’est que les enfants ont tenté de freiner les ardeurs matrimoniales de leurs parents. Ainsi, la fille de Jihui est venue à Beijing en apprenant le mariage de son père, parce qu’elle ne voulait pas que l’appartement où il habitait tombe dans les mains d’autres personnes. Les trois enfants de Mme Gao ont fait de même avec leur mère, cette fois-ci pour l’héritage. Mais ces enfants étaient rarement présents auparavant, et le couple s’est senti protégé par la loi. Le mariage a eu lieu malgré tout.

Oui, le soleil couchant est toujours magnifique au crépuscule !

Encadré :

Quelle est votre opinion ?

Faites-nous connaître votre opinion et nous la ferons découvrir à tous nos lecteurs. La rubrique Forum sera ainsi un lieu d’échanges sur les questions qui animent la vie quotidienne, tant chinoise qu’étrangère.