Novembre/Décembre 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Les beautés chinoises de l’Antiquité

À chaque époque ses standards, dit-on. En matière de beauté, certains atouts féminins ont été déclassés au fil du temps, mais la vraie beauté est éternelle…

HUO JIANYING

Statuette funéraire polychrome de la dynastie des Han (206 av. J.-C. -220 apr. J.-C), illustrant la sveltesse d’une suivante de la cour impériale. Fresque d’une suivante de la dynastie des Wei du Nord (386-543) : taille svelte, belle coiffure, sourcils noirs et bien arqués. œuvre de Tang Beh; ce peintre était connu pour ses dessins de beautés. Statuettes de suivantes de la dynastie des Song (960-1279).
La peinture des beautés de la dynastie des Tang du Sud (937-975) a connu un peu plus de changements que celle des Tang. Belles femmes dues à la plume de Chen Hongsui, peintre renommé ayant vécu de la fin des Ming (1368-1644) au début des Qing (1644-1911).

 

Xin Zhui, belle marquise d’il y a 2 000 ans, découverte à Mawandui de Changsha.

AU cours du dernier millénaire, la Chine a vu naître successivement quatre belles femmes renommées dans l'histoire : Xi Shi, Wang Zhaojun, Diao Chan et Yang Yuhuan. En dépit de la vague déferlante des belles femmes modernes, ces quatre beautés ont encore une grande réputation dans tout le pays. Depuis plusieurs années, elles occupent non seulement une place importante dans le monde féminin, mais sont aussi des célébrités connues de tous. Elles ont joué un rôle important dans l’histoire. On s’attarde non seulement devant leur belle apparence, mais on admire aussi leur intelligence, leur esprit vif et leur conduite cavalière.
Le charme et la beauté

Connues de génération en génération, ces quatre beautés chinoises de l’Antiquité ont surpassé les autres femmes non seulement par leur joli minois mais aussi par leur haute moralité. En réalité, on ne tarit pas d’éloges sur leur sincérité, leur dignité et leur noble caractère.

Xi Shi, beauté du royaume de Yue, séduisit par son apparence le roi de Wu pour tuer son maréchal Wu Zixu, et elle causa la perte de son royaume (au Ve siècle av. J.-C.).

Diao Chan, femme du général Lü Bu (époque des Trois Royaumes), contribua au stratagème qui consista à utiliser la séduction d’une belle femme et à tuer le flagorneur Dong Zhuo.

Pour la paix frontalière et l’harmonie ethnique, l’empereur Yuandi des Han (206 av. J.-C. -220) offrit la concubine impériale Wang Zhaojun au khan des Xiongnu qui la fit reine.

Pour tenir compte de la situation dans son ensemble, Yang Yuhuan se sacrifia à la mutinerie de soldats.

Ayant le même statut et le même naturel que ces quatre beautés antiques, Da Ji, concubine favorite de Zhou, dernier souverain des Shang (1765-1122), et Bao Si, concubine favorite du roi You de Zhou, étaient considérées comme des séductrices qui conduisirent l’État et le peuple au désastre. Dans la conception traditionnelle de la nation chinoise, la moralité est plus importante que les apparences de la beauté.

En parlant d’une beauté, la combinaison de la moralité et de la belle apparence semble être la condition principale et la plus ancienne. Le Shi Jing, livre des Odes ou classique de la poésie, est un recueil de 305 hymnes religieux, classés en quatre parties, qui auraient été choisis par Confucius il y a sept cents ou huit cents ans. Guan Ju  est un poème d’amour qui affirme qu’une beauté qui s’unit à un gentleman constitue un mariage heureux. Le charme fait référence à l’apparence et la beauté, à la moralité. Aujourd’hui, on cite encore ce poème d’amour pour expliquer l’importance de la combinaison du charme et de la beauté.
Beautés de l’Antiquité décrites dans des livres historiques

Lorsqu’on parlait des beautés de l’Antiquité, on aimait mettre sur le même plan des beautés de nature différente. « Yan Shou Huan Fei » signifie que la beauté Zhao Feiyan est svelte et que Yang Yuhuan est grosse. Zhao Feiyan était la concubine favorite de l’empereur Cheng des Han et Yang Yuhuan, celle de l’empereur Xuanzong des Tang (618-907). Ces deux belles femmes savaient très bien chanter et danser.

Zhao Feiyan avait une silhouette mince et légère. On disait qu’elle pouvait danser dans la paume (aujourd’hui, un mouvement de danse soutenu par les mains d’un danseur). Pour sa part, Yang Yuhuan avait une silhouette costaude et bien découpée. Lorsqu’elle dansait, ses tournoiements étaient rapides et gracieux.

Bien que différentes, ces deux belles de l’Antiquité avaient une même réputation bien méritée. Il est difficile de dire qui était la première.

Il y a quelques centaines d’années, durant la dynastie des Han, la sveltesse était considérée comme le symbole de la beauté et d’une femme à la mode. La littérature de l’époque décrit non seulement l’apparence de ces beautés mais encore leur sveltesse. La « taille souple en forme de branche de saule » et la « taille souple en forme de soie attachée » sont des descriptions vivantes d’une beauté de ce temps.

Durant la dynastie des Tang, le pays est à l’apogée de sa puissance. Les habitants vivaient dans l’aisance et dans une société entièrement ouverte. C’est une époque d’harmonie durant laquelle la Chine effectue des échanges culturels avec l’étranger. Dans ce contexte, la conception esthétique de la population connaît de grands changements en harmonie avec celle de cette dynastie. Les habitants apprécient alors le front large, le visage rond et la taille bien découpée.

Avoir un port distingué et jouir d’une excellente santé est le standard dominant des belles femmes de cette époque. Le corps robuste et les gestes gracieux sont aussi un type de beauté féminine.  Xiao Man Yao était un surnom pour une beauté costaude ayant une taille bien découpée. Zhao Feiyan et Yang Yuhuan sont deux représentantes de ces deux conceptions esthétiques.

Quelle était l’apparence des belles de l’Antiquité?

Il n’y a que très peu de documents et d’œuvres littéraires enregistrant les vantardises des auteurs.  Canmei Fengmu (avoir des sourcils épais et de grands yeux) et Liuyemei, Xinheyan et Yingtaoxiaokou Yidiandian (avoir des sourcils bien arqués en forme de feuille de saule, des yeux en forme de noyau d’abricot et une petite bouche en forme de cerise) étaient une ligne et une chanson populaires très répandues à cette époque.

Dans le Hanzashi Mixin (Mélanges sous la dynastie des Han), écrit en 147, on se contente de faire un récit sur le choix des concubines pour l’empereur Huandi des Han. Ce livre décrit déjà bien le langage, les manières, la voix, l’apparence, la taille, la couleur de la peau, la couleur et la longueur des cheveux et les organes génitaux des concubines choisies. Il est toutefois difficile de lire un récit qui ne décrit une belle femme qu’en termes très concrets :  une taille de 1,64 m, de larges épaules de 37 cm, un postérieur de 30 cm, de longs bras de 62 cm, un long majeur de 9,2 cm, de longues jambes de 74 cm (côté interne) et de longs pieds de 18 cm. Dommage que l’on ne puisse admirer les mesures tridimensionnelles de leur corps!

Les gens de l’Antiquité soulignaient la taille d’une beauté et négligeaient les tours de poitrine et de postérieur. Dans la société féodale, la femme séduisante a été souvent associée à une femme galante. Dans l’histoire, par ignorance, certaines femmes chinoises ont bandé leur poitrine. Jusqu’aujourd’hui, certains ont considéré le sex-appeal comme un terme péjoratif ou comme le fait d’une femme galante qui cherchait à les provoquer.
Le choix des concubines 

L’expérience acquise au fil de l’histoire mérite l’attention, surtout que la Chine a une histoire plusieurs fois millénaire. Cependant, le nombre de ses beautés reconnues peut se compter sur les doigts de la main. En effet, pendant longtemps, les Chinoises ont eu un statut social très bas sous le joug des rites féodaux. À l’exception des Tang, les autres dynasties reléguèrent la femme dans sa chambre, dès sa tendre jeunesse, de sorte qu’elle fut incapable de participer aux activités sociales.

Dans la Chine antique, le choix des belles femmes existait bien évidemment. Ces activités appartenaient à deux types : populaire et impérial. Au début, le choix des belles femmes était effectué dans les maisons de tolérance. Pendant les années de règne de l’empereur Xining des Song (1068-1077), dans sa capitale Bianjing, on pouvait voir la liste des prostituées appréciées. Ces activités se poursuivirent sous les Ming (1368-1644) et les Qing (1644-1911). Cependant, bien que les candidates eussent bien maîtrisé des instruments de musique, le jeu de Go, la calligraphie et la peinture, la poésie, les odes et la poésie en prose rimée, leur statut social les empêchait de se classer au rang de beauté. Sous le titre de Hua Kui (prostituée renommée), une femme gagnait parfois la sympathie et les éloges des lettrés. Plus tard, des femmes de différents échelons ont aussi participé aux choix des beautés. Malheureusement, on ne leur jetait qu’un coup d’œil dédaigneux. Les prostituées renommées choisies pouvaient difficilement entrer dans une salle officielle. Avec le progrès de la société, ces activités historiques sont heureusement choses du passé.

À la cour impériale, le choix des beautés consistait à sélectionner de belles concubines et de belles suivantes. Ces activités étaient plus solennelles que le choix des beautés modernes. En 1621, l’empereur Xizong des Ming allait tenir sa cérémonie de mariage. Il envoya donc des eunuques pour effectuer une première sélection parmi les jeunes filles de treize à seize ans. Après en avoir choisi 5 000, les eunuques les emmenèrent dans la capitale. Une fois là, des eunuques procédèrent à une deuxième sélection. Toutes les jeunes filles furent mises en rang d’après leur taille et leur grandeur, et les eunuques en choisirent alors 4 000. Le lendemain, ces eunuques vérifièrent soigneusement les oreilles, les yeux, le nez, les cheveux, la peau, les reins, le cou et le dos de ces filles. Celles qui avaient un organe ne correspondant pas au standard exigé étaient exclues. Par la suite, les jeunes filles devaient se présenter. D’après leur langage, leur allure, le ton de leur voix, 2 000 furent rayées de la liste. Le troisième jour, les eunuques mesurèrent à la règle les mains et les pieds des filles et leur demandèrent de marcher quelques dizaines de pas pour observer leur allure et leur manière. Ils en exclurent encore 1 000 autres.

Une fois à la cour impériale, Wenpo (gynécologue de la cour) effectua des examens gynécologiques et vénériens. Après ces examens, il ne resta que 300 candidates. Après un séjour d’un mois à la cour impériale, les jeunes filles devaient encore recevoir la vérification de l’empereur à propos de leur talent, leur intelligence, leurs habiletés, leur caractère et leur moralité. Finalement, les 50 dernières se voyaient conférer le titre de concubine d’honneur.

La concubine impériale examinait ensuite les connaissances des 50 jeunes filles sur la littérature, les mathématiques, la poésie, la calligraphie et la peinture. Finalement, on conférait un titre de dignité aux trois meilleures. Il faut dire qu’une minorité de jeunes filles choisies par la cour impériale devenaient une concubine favorite, et une grande majorité de jeunes filles, vivant une peine indicible, passaient leur temps à ne rien faire. Fort heureusement, cette tragédie de la beauté fait maintenant partie de l’histoire.

Document :

Dix secrets des beautés

Chaque période a eu son standard de beauté. Pour ce qui est de l’apparence, on avait conclu dix règles générales :

1.         Wufa Chanbin : cheveux noirs et brillants, tempes en forme d’ailes de cigale.

2.         Yunzhong Wuhuan : chignon en forme de nuage comme la coiffure de Zhao Feiyan.
3.         Emei Qingdai : sourcils épais et bien arqués.

4.         Mingmou Liupan : grands yeux brillants et bonne vue.

5.         Zhuchun Haochi : lèvres rouges et belles dents blanches.

6.         Yuzhi Subi : mains fines et longs doigts fins et souples, bras blancs et pleins.

7.         Xiyao Xuefu : taille svelte comme les branches d’un saule et peau fine, lisse et blanche.
8.         Lianbu Xiaowa : petits pieds et démarche légère et gracieuse.

9.         Hongzhuang Fenshi : maquillage approprié avec soins de beauté convenables.

10.       Zhiti Touxiang : peau exhalant un doux parfum.