Novembre/Décembre 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

La loi a ses raisons…

Guo Li

L’impasse

Une jeune dame nommée Feng Mei, l’air triste, errait dans les rues d’une petite ville à quelques kilomètres d’une houillère de la province du Shanxi.

Il n’y a pas longtemps, cette houillère s’était écroulée à la suite d’une explosion provoquée par un coup de grisou, faisant une centaine de morts et de blessés. Certains chefs du bureau d’administration avaient alors été accusés d’avoir camouflé la réalité et ils ont été condamnés à une peine de prison de 4 à 10 ans, en vertu de la Loi sur la sécurité publique des mines.

Cette petite ville, ou plutôt cette agglomération de mineurs, avait pu être développée grâce à la houillère. Ce secteur avait vraiment amélioré la situation de cette région reculée. Les communications routières, les quartiers d’habitation, l’hôpital, les écoles… avaient fait leur apparition sur cette terre autrefois désertique. Malheureusement, la rénovation technique n’avait pas suivi le rythme; alors que les puits étaient usés, la production grimpait en flèche pour répondre à la demande croissante du charbon sur le marché.

Ce jour-là, Feng Mei était allée chercher un travail dont avait besoin la famille pour survivre. Depuis que son mari était décédé dans un accident minier, elle se trouvait dans une situation précaire, car son mari lui avait laissé un enfant de 8 ans, né de sa première épouse, morte trois ans auparavant, et un père de 60 ans. Encore pire, leur union n’était pas légitime. D’après ses dires, elle ne possédait pas d’acte de mariage ni de livret d’état civil; trop occupés par la noce, ils n’avaient pas pensé à se faire enregistrer à la mairie. Par ailleurs, ils croyaient que la célébration et la reconnaissance des parents et des amis suffisaient à légaliser leur union. Dès le premier jour après la noce, le père l’avait considérée comme sa belle-fille, et l’enfant, comme sa belle-mère.

Aujourd’hui, elle se trouvait dans une impasse parce qu’elle n’avait pas le droit d’hériter quoi que ce soit de la famille. Un jour, elle avait tenté de toucher les indemnités de son mari, au nom de son enfant, mais elle n’a pas pu. Finalement, c’était son beau-père qui les avait touchées.

La seule issue possible pour elle était de quitter la famille et de se « remarier ».

De retour chez elle, accoudée sur la table et la tête dans les mains, elle était plongée dans une profonde réflexion.

« Feng Mei, as-tu trouvé un travail? », lui demanda son beau-père, puis d’ajouter : « Tu peux nous quitter sans problème. Je pense que je pourrai m’occuper de mon petit-fils. »

« Non papa… Je ne vous quitterai pas, si vous continuez à me considérer comme votre bru. » Après un petit moment de silence, elle dit : « Je trouverai un travail et je ferai tout mon possible pour que votre petit-fils puisse poursuivre ses études.»

Le vieux père, rouge de honte, baissa la tête et dit : « Pour que ta présence à la maison soit justifiée et que tu puisses jouir du droit d'héritage, et vu que l'enfant a besoin d'une mère admirable comme toi, je propose de t’épouser… mes jours sont comptés. »

Feng Mei fit signe que non, et elle sortit…

Deux parricides

Zhan Dengke et Li Zijie, un couple âgé de plus de 60 ans, furent tués par leur fils Zhan Hongjiang, 32 ans, employé d’une usine et diplômé de l’Institut de l’industrie mécanique. Pour son entourage, cet homme avait un caractère renfermé, mais il était très poli avec ses collègues. Nul n’avait constaté sa cruauté, alors comment aurait-il pu commettre un crime aussi atroce qu’horrible ?

En fait, Zhan Hongjiang est un joueur depuis son temps à l’école secondaire. Il est criblé de dettes qui s’élèvent à 300 000 yuans. Le jour du crime, il avait demandé à son père de lui prêter de l’argent pour régler ses dettes. Le père avait refusé catégoriquement et Hongjiang s’était querellé avec lui. Enragé, Hongjiang avait brandi une barre de fer et assommé son père, ainsi que sa mère, qui était à ses côtés, dans l’intention de les secouer.

Il avait alors commencé à fouiller les tiroirs et les armoires. Il avait découvert enfin deux récépissés de dépôt de banque ayant chacun un montant de 100 000 yuans, de même qu'un contrat d’achat d’un immeuble au nom de son frère cadet. Le sang lui était monté à la tête. Il avait alors repris la barre et asséné des coups mortels à ses parents.

 « Menteurs ! menteurs ! Je vous déteste ! », avait-il crié frénétiquement en jetant la barre.

Il se dénonça à la police et avoua tous les faits. Dans ses aveux, on remarqua que la froideur de ses parents et leur partialité à l’égard du cadet étaient la cause qui le conduisit à l’assassinat.

Une jeune fille nommée Dujuan, 18 ans, a commis un crime inqualifiable. Un jour, elle s’était querellée violemment avec sa mère. Elle avait appelé son copain, 20 ans, pour venir lui donner un coup de main pour la tuer. Les deux avaient mis la victime dans une valise et l’avaient déposée dans une rue. Cette scène atroce s’était produite rien que pour assouvir une haine aveugle.

 Les douloureux souvenirs qu’elle avait gravés dans sa mémoire l’ont fourvoyée. L’idée de tuer sa mère était devenue de jour en jour plus imminente.

« Ma mère rejette ses malheurs matrimoniaux sur moi, en disant qu'elle aurait pu quitter mon père, si je n'étais pas née. Chaque fois qu'elle était mécontente ou contrariée, elle me battait. C'est de cette façon qu'elle m’a élevée… elle ne m'a jamais considérée comme sa fille ; elle était froide envers moi. » En sanglotant, elle dit au juge, lors de l’audience : « Ce que j'avais besoin alors à mon âge, c'était de l’affection de ma mère et elle ne me l’a pas donnée ; j'ai passé des jours terrifiants dans ma petite chambre. »

  « Je n'ai rien à regretter et à me repentir. » dit-elle.

L’opinion des experts : Le parricide n’est pas un cas à négliger

Selon des statistiques effectuées par le tribunal populaire de l’échelon intermédiaire de Beijing, le tribunal a jugé 14 cas de parricide en 2001, 26 en 2002 et 6 au premier trimestre de 2003. La plupart d’entre eux sont des homicides volontaires, suscités par des disputes familiales ou des conflits dus aux sentiments. Selon une enquête, à l’heure actuelle, 20 % des élèves du primaire et du secondaire et 16 % des étudiants universitaires affrontent des problèmes psychologiques, des problèmes sentimentaux et des problèmes de personnalité.

Le directeur Da Hua du Centre de recherches psychologiques sur les crimes relevant de l’Université des sciences politique et juridique estime que les cas de parricide tendent à augmenter ces dernières années en Chine. Il précise qu’aujourd’hui, l’ancienne notion de la famille se heurte à la notion de l’économie de marché et que l’intérêt individuel joue un rôle principal dans les relations humaines. Les conflits peuvent facilement entraîner n’importe quel acte immoral et n’importe quelle infraction, d’où les possibilités de tragédie.