Bon
850e anniversaire, Beijing!
LU
RUCAI
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Le temple Baita (Dagoba blanc) conçu et construit par un ingénieur
népalais à l’époque des Yuan. |
Le pont Lugou (pont Marco Polo) construit
sous la dynastie des Jin. |
Depuis
l’attribution de son titre de capitale en 1153, Beijing cumule une
histoire de 850 ans. À la façon d’un livre d’histoire, notre reportage
vous fait découvrir les faits, les caractéristiques et les personnages
marquants de cette ville.
LA ville de Beijing ne
date pas d’hier. M. Lin Yutang, prosateur chinois déjà connu en
Occident au dernier siècle, a écrit un article intitulé Beiping
l’émouvante, (l’ancien nom de Beijing) dans lequel on
peut lire : « Beijing est comme une grande dame âgée
au caractère mûr. » Encore aujourd’hui, on déterre beaucoup
de vestiges millénaires dans des chantiers de construction. C’est
grâce à ces découvertes archéologiques que Beijing peut s’enorgueillir
de sa valeur et de sa civilisation. Depuis 850 ans, du pont Marc
Polo, construit sous la dynastie des Jin (1115-1234) mais qui peut
encore porter la charge des passagers et des voitures, jusqu’à la
porcelaine à décor bleu de l’époque des Yuan (1271-1368), et depuis
les siheyuan (maisons à cour carrée) jusqu’aux palais royaux,
toutes ces particularités ont permis à la ville de Beijing d’être
« une perle » qui brille dans l’histoire culturelle du
monde.
Beijing la généreuse
« Beijing
a l’esprit ouvert. Elle accueille toutes les idées, dépassées comme
nouvelles, sans avoir un penchant particulier pour les unes ou les
autres , » dit Lin Yutang. Alors que, dans la Chine d’aujourd’hui,
les Han forment la nationalité principale, ce sont les Nüzhen, une
ethnie minoritaire du Nord, qui ont fondé Beijing comme capitale.
Si l’on dit que Beijing a un caractère tolérant, c’est parce que
pendant les 850 ans qui ont suivi, les dominateurs des dynasties
des Yuan et des Qing (1644-1911) étaient tous issus d’ethnies minoritaires
des tribus nomades de la Chine du Nord. Que ce soit la gastronomie
mongole des Yuan, le temple de Yonghe du bouddhisme tibétain ou
le dialecte et les vêtements typiques des ethnies minoritaires,
tous montrent que Beijing intègre les traditions culturelles de
toutes les nationalités et les combine avec la culture des Han.
En outre, des personnages comme Marco Polo, Matteo Ricci et Giuseppe
Gastiglione, ainsi que des techniques telles que l’horlogerie, la
peinture, la photographie et l’astronomie, sont entrés dans Beijing
au cours de ces 850 années. Ces techniques correspondaient d’une
part à la mode de cette époque et, d’autre part, faisaient partie
du contenu important et nécessaire de la civilisation d’une capitale,
ce qui prouve le caractère tolérant de Beijing.
L’application
de la politique d’ouverture et de réforme a permis à Beijing d’approfondir
ce trait. De plus en plus d’étudiants, d’entreprises étrangères
et de concepts culturels de l’Occident sont apparus et ont donné
un aspect plus varié à la capitale. Depuis sa fondation comme capitale
jusqu’aujourd’hui, il y a des étrangers, des personnes de toutes
nationalités, des citadins à la vieille mentalité et des étudiants
aux idées nouvelles à Beijing. « Beiping est multicolore. Elle
a des couleurs royales, des couleurs historiques, des couleurs mongoles…
Elle a des temples, d’anciens jardins et des pagodes. Toutes les
pierres, tous les arbres et tous les ponts peuvent raconter des
histoires, » décrivait Li Yutang, il y a quelque 70 ans.
Bien que Beijing soit
devenue une capitale au XIIe siècle, elle garde la structure
urbaine formée au début du XVe siècle, à l’époque du
règne de l’empereur Yongle des Ming. Ayant la porte Tia’anmen comme
centre, la ville de Beijing est traversée par un axe central et
entourée par des périphériques. On ne peut se perdre dans cette
ville, car les rues sont droites. Beijing conserve à la fois d’anciens
siheyuan et édifie un centre commercial moderne de l’ère
actuelle. Le parc des sciences et techniques de Zhongguancun est
un autre aspect du développement urbain de Beijing.
Beijing de toujours et
d’aujourd’hui
Beijing n’a pas changé.
On trouve encore au Palais impérial, au Palais d’Été et dans les
hutong (ruelles) les empreintes des empereurs et des habitants
d’il y a des centaines d’années. Dans la rue Liulichang (rue des
antiquaires) et dans le marché nocturne de Donghuamen, on peut découvrir
des objets anciens, des peintures et des aliments traditionnels.
Pourtant, Beijing a aussi beaucoup changé. Les gratte-ciel dominent
des petites maisons traditionnelles, cafés et salons de thé se jouxtent,
les costumes à la mode remplacent l’habillement terne et les échangeurs
concurrencent le pont Marco Polo. Mais ce qui n’a pas changé, c’est
la tolérance, l’ouverture et la largeur de vues de cette vieille
capitale.
Zhongdu de la dynastie
des Jin (1153-1215)
En tenant compte du statut
important de Beijing, Wan Yanlian, quatrième empereur de la dynastie
des Jin, abandonna son palais royal (qui se trouvait dans la ville
actuelle d’Acheng, province du Heilongjiang) et transféra en 1151
sa capitale à Yanjing (la ville actuelle de Beijing) qui a ainsi
acquis un statut important malgré l’opposition de certains grands
dignitaires. Les travaux de construction de la capitale nécessitèrent
le labeur de 1,2 million de personnes et durèrent deux ans. Cet
empereur transféra officiellement sa capitale à Yanjing et la nomma
Zhongdu. Cette capitale se trouvait dans la partie sud-ouest de
l’actuelle Beijing et n’atteignait pas le tiers de sa superficie
actuelle. Au centre-ville se trouvait la Cité impériale, entourée
des offices de grands dignitaires, du terrain de polo impérial et
du palais de réception des hôtes étrangers. À l’extérieur de la
Cité impériale, les maisons des citadins protégeaient en quelque
sorte le palais impérial.
Le pont Lugou. « Un pont hors pair dans le monde », écrivit dans ses notes
de voyage le voyageur italien Marco Polo. Ce pont fut construit
à l’époque des Jin. Les Chinois l’ont nommé le pont Lugou, alors
que les Occidentaux l’ont appelé le pont Marco Polo. Sa construction
commença en 1189, vingt-neuvième année du règne de l’empereur Shizong
des Jin, et elle fut achevée trois ans plus tard ( en 1192). Ce
pont a 266,5m de long et 9,3 m de large. De chaque côté du tablier,
court une balustrade avec colonnettes surmontées de 485 lions en
pierre tous différents. À cette époque-là, ce pont était la seule
porte d’entrée et de sortie de la ville, et il a été un passage
important des approvisionnements de toutes les dynasties.
Dadu de la dynastie
des Yuan (1272-1368)
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Dessin du palais impérial de Beijing, achevé au milieu de la période
des Ming (1368-1644). |
À cause de la destruction
de Zhongdu des Jin par les guerres et le manque d’eau, les dominateurs
de la dynastie des Yuan, venus de la steppe de la Mongolie du Nord,
choisirent le nord-est de la ville pour y construire leur capitale :
Dadu. Les travaux durèrent 18 ans (1267-1285) et la superficie de
la ville équivalait alors à celle de deux
Zhongdu. La Cité impériale
était encore interdite aux habitants de la ville qui se dispersaient
aux environs du Palais impérial. Ils habitaient des siheyuan,
cloisonnés par des ruelles. La ville de Dadu abritait de 400 000
à 500 000 habitants à l’époque de la prospérité des Yuan, et le
commerce florissant lui a permis de devenir le centre de la Chine
et du monde.
La porcelaine blanche à
décor bleu . La route de la Soie a toujours été le passage
important de l’exportation de la porcelaine, de la soierie et du
thé de Chine. La boussole, la poudre à canon et la typographie,
inventées par les Chinois, furent introduites par les Arabes en
Occident. À l’époque des Yuan, le transport maritime devint aussi
un mode d’exportation pour la Chine, et la porcelaine blanche
à décor bleu se classa alors parmi les articles exportés. La porcelaine
de ce genre, créée à Jingdezhen sous les Yuan, est toujours appréciée
par les collectionneurs chinois et étrangers.
Marco Polo
(1254-1324). Sous la domination des Yuan, la Chine était le pays
le plus grand et le plus riche du monde. Les dirigeants faisaient
preuve de curiosité envers les objets importés, et ils encourageaient
le commerce avec l’extérieur. À cette époque, des ambassadeurs occidentaux,
des commerçants, des voyageurs et des missionnaires des pays occidentaux
affluèrent à Dadu. Le missionnaire italien Marco Polo fut l’un des
personnages les plus connus. Mandaté par l’empereur Shizu des Yuan,
il fit des enquêtes dans toutes les régions de Chine. Il décrivit
dans ses notes de voyage les scènes de prospérité de Dadu, ce qui
incita l’intérêt des Occidentaux pour la civilisation chinoise.
Beijing sous les Ming
(1421-1644)
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Un théâtre de la dynastie des Qing décoré d’un portrait d’anciens artistes
célèbres. |
Construite sur la base de Dadu des Yuan,
la Beijing des Ming a été agrandie. La construction urbaine dura
quinze ans. Les principaux bâtiments se trouvaient sur un axe long
de 8 km qui traversait la ville du sud au nord. Des deux côtés de
l’axe, les bâtiments étaient bien disposés et symétriques. Chaque
année, il y avait des milliers d’artisans qui venaient travailler
à la construction de la ville. À cette époque, on comptait vingt
portes qui servaient à différents usages. Par exemple, une armée
qui avait gagné une bataille devait entrer dans la ville par la
porte Deshengmen, alors que la porte Andingmen était la porte destinée
à l’armée qui partait vers les champs de bataille. Sous les Ming,
Beijing possédait déjà sa structure actuelle.
Le Temple du Ciel.
La Chine est un pays agricole à la longue histoire, mais aux temps
anciens, alors que les sciences et techniques n’étaient pas développées,
seules les éléments naturels décidaient de la récolte. Croyant que
le «Ciel » était le dieu qui décidait de toutes choses, les
dominateurs du Moyen Âge construisirent de nombreux temples pour
implorer de bonnes récoltes et le bonheur du peuple. Les temples
et les autels construits sous les Ming sont très connus dans l’histoire
chinoise : le Temple du Ciel, l’autel de la Terre, l’autel
du Soleil et l’autel de la Lune sont respectivement destinés au
sacrifice à ces différents dieux. La construction du Temple du Ciel,
achevée en 1420, dix-huitième année du règne de Yongle des Ming,
dura 14 ans. Ce temple occupe 273 hectares, deux fois plus que la
Cité impériale. Chaque année, les empereurs des dynasties des Ming
et des Qing y organisaient une grande cérémonie pour offrir un sacrifice
au Ciel.
Le navigateur Zheng
He. Zheng He des Ming a commencé à naviguer
cent ans plus tôt que Fernando de Magallanes qui représentait l’Espagne
et fit un voyage au long cours en 1519. En 1405, Zheng effectua
son premier voyage, et il eut la mission de diriger une flotte composée
de milliers de personnes pour traverser le Pacifique, l’océan Indien
et la mer d’Arabie à sept reprises; à quelques occasions, il s’est
rendu vers la côte est de l’Afrique et au port de la mer Rouge,
et il a visité une trentaine de pays asiatiques et africains. À
la différence des expéditions des navigateurs européens, les voyages
de Zheng He n’avaient pas pour objet les intérêts économiques, mais
de montrer au monde l’autorité et la richesse de l’empereur chinois.
Partout où Zheng He arrivait, il offrait aux locaux quantité d’objets
pour obtenir leur respect envers l’empereur chinois.
Matteo Ricci
(1552-1610). Après la Renaissance, l’Occident s’est transformé en
une société capitaliste, et certains missionnaires vinrent alors
en Chine et y diffusèrent la doctrine chrétienne et les nouvelles
sciences et techniques. La Chine de cette époque refusait toutes
les affaires commerciales avec l’étranger, mais elle acceptait des
missionnaires. L’Italien Matteo Ricci arriva en Chine en 1582 (dixième
année du règne de Wanli des Ming), et il fut reçu par l’empereur
en lui offrant des objets exotiques. Vivant comme les Chinois, Matteo
Ricci propagea d’abord des connaissances scientifiques et effectua
des activités religieuses pour que le christianisme se répande ouvertement
dans la société fermée des Ming.
Beijing sous la dynastie
des Qing (1644-1911)
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La zone de la porte Qianmen à Beijing sur un rouleau de peinture de
la dynastie des Qing (1644-1911). |
Les dominateurs de la
dynastie des Qing ont gardé presque entièrement la structure urbaine
de Beijing des Ming. Même dans la Cité impériale, on restaura, transforma
et ajouta peu de bâtiments. Les dominateurs des Qing attachaient
toutefois de l’importance à la construction de jardins pour se divertir
pendant leurs loisirs. « Trois collines et cinq jardins »
( le jardin Jingming de la colline Yuquan, le jardin Jingyi des
collines Parfumées, le Palais d’Été de la colline Wanshou, le jardin
Changchun et le Jardin Yuanmin), situés dans la banlieue nord-ouest
de Beijing, étaient bien aimés par l’impératrice et les concubines.
L’Opéra de Pékin.
Cet opéra, formé au milieu de la dynastie des Qing, est encore adoré
par les gens. Les voix stridentes et les maquillages spéciaux laissent
une impression profonde. Au début, l’opéra de Pékin était un art
populaire qu’on donnait en plein air. Comme il n’y avait ni micro
ni effets de lumière, on devait avoir recours à cette façon de faire
pour mieux diffuser cet art. L’un des caractères importants de l’opéra
de Pékin est son aspect formel. Les expressions, comme la joie et
la colère, les mouvements, comme l’ouverture et la fermeture d’une
porte, ainsi que certaines actions, comme monter à cheval et dans
un palanquin, comprennent une série d’expressions déjà décidées.
En outre, la couleur du maquillage évoque aussi différentes images.
Le rouge symbolise le courage, le noir, la droiture et la loyauté,
et le blanc, la méchanceté
La qipao (robe
chinoise fendue sur les côtés). C’était à l’origine la robe des
femmes mandchoues de la dynastie des Qing. Dotée de longues manches,
cette robe était ample, longue et cachait bien la silhouette des
femmes. Mais sous l’influence de la robe courte occidentale, la
robe chinoise fut raccourcie et laissa voir un peu les jambes. Au
fur et à mesure de la libéralisation des mentalités des Chinois,
la robe chinoise laissa voir les jambes sur les côtés et dévoila
les bras. De plus en plus de Chinoises commencèrent alors à aimer
cette robe qui laissait voir leur belle silhouette. C’est ainsi
qu’on la porte aujourd’hui.
Giuseppe Castiglione
(1688-1766). Au début, cet homme est entré dans le Palais impérial
de l’empereur Kangxi grâce à la peinture à l’huile de style occidental.
Respectant les rites impériaux, il devint le peintre attitré de
l’empereur. Ses tableaux qui mariaient bien le style occidental
et la façon traditionnelle chinoise de peindre possèdent une haute
valeur artistique.
La capitale de la
Chine nouvelle (1949- )
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La porte Desheng et des rues du début du XXe siècle. |
Quelle ville allait-on choisir pour capitale
de la Chine nouvelle ? Le président Mao Zedong et Wang Jiaxiang,
responsable du Bureau du Nord-Est d’alors, partageaient le même
avis. Ils ont abandonné les villes de Nanjing, de Xi’an et de Kaifeng,
qui ont toutes été des capitales dans l’histoire de la Chine, et
ils ont choisi Beijing qui avait une position stratégique et économique
très importante à ce temps-là. Lorsque Mao Zedong a organisé la
bataille de Pingjin, l’Armée populaire de libération a encerclé
la ville de Beijing au lieu de l’attaquer. Finalement, cette ville
millénaire a été libérée de façon pacifique, les monuments historiques
ont été bien protégés.
Edgar Snow
(1905-1972) Journaliste américain sur le champ de bataille, cet
homme a effectué des reportages sur la guerre révolutionnaire du
Parti communiste chinois et a fait connaître la voix de la Chine.
Son livre intitulé Red Star over China a livré un témoignage
juste de la révolution dirigée par le Parti communiste chinois.
Après la fondation de la Chine nouvelle, Edgar Snow a visité la
Chine à trois reprises et a transmis à Nixon l’invitation de la
Chine. Il a apporté une contribution importante au développement
de l’amitié sino-américaine.
Une
métropole ouverte
Matteo
Ricci et Giuseppe Castiglione n’auraient pu imaginer à quel point
Beijing est aujourd’hui une ville ouverte et tolérante. Cette ville,
qui refusait de faire du commerce avec l’étranger sous les Qing,
est maintenant une métropole internationale. Pour l’heure, on y
compte presque 13 000 entreprises à capitaux étrangers. Parmi les
500 entreprises les plus puissantes du monde, près de 150 ont investi
à Beijing. En plus, 35 000 étudiants venus de différents pays s’y
perfectionnent dans des établissements d’enseignement supérieur.
Une ville culturelle
et historique
Des
milliers d’années se sont écoulées, mais dans la Beijing du XXIe
siècle, on trouve toujours le Palais impérial plusieurs fois centenaire
et des siheyuan. On peut y visiter les hutong en tricycle
et découvrir le charme des antiquités dans la rue Liulichang, tout
comme goûter à la viande rôtie du restaurant Kaorouwan, ouvert à
l’époque des Ming. L’ancien et le moderne s’y côtoient et tentent
de vivre en harmonie.
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