Novembre/Décembre 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

Bon 850e anniversaire, Beijing!

LU RUCAI

Le temple Baita (Dagoba blanc) conçu et construit par un ingénieur népalais à l’époque des Yuan. Le pont Lugou (pont Marco Polo) construit sous la dynastie des Jin.

Depuis l’attribution de son titre de capitale en 1153, Beijing cumule une histoire de 850 ans. À la façon d’un livre d’histoire, notre reportage vous fait découvrir les faits, les caractéristiques et les personnages marquants de cette ville.

LA ville de Beijing ne date pas d’hier. M. Lin Yutang, prosateur chinois déjà connu en Occident au dernier siècle, a écrit un article intitulé Beiping l’émouvante, (l’ancien nom de Beijing) dans lequel on peut lire : « Beijing est comme une grande dame âgée au caractère mûr. » Encore aujourd’hui, on déterre beaucoup de vestiges millénaires dans des chantiers de construction. C’est grâce à ces découvertes archéologiques que Beijing peut s’enorgueillir de sa valeur et de sa civilisation. Depuis 850 ans, du pont Marc Polo, construit sous la dynastie des Jin (1115-1234) mais qui peut encore porter la charge des passagers et des voitures, jusqu’à la porcelaine à décor bleu de l’époque des Yuan (1271-1368), et depuis les siheyuan (maisons à cour carrée) jusqu’aux palais royaux, toutes ces particularités ont permis à la ville de Beijing d’être « une perle » qui brille dans l’histoire culturelle du monde.

Beijing la généreuse

« Beijing a l’esprit ouvert. Elle accueille toutes les idées, dépassées comme nouvelles, sans avoir un penchant particulier pour les unes ou les autres , » dit Lin Yutang. Alors que, dans la Chine d’aujourd’hui, les Han forment la nationalité principale, ce sont les Nüzhen, une ethnie minoritaire du Nord, qui ont fondé Beijing comme capitale. Si l’on dit que Beijing a un caractère tolérant, c’est parce que pendant les 850 ans qui ont suivi, les dominateurs des dynasties des Yuan et des Qing (1644-1911) étaient tous issus d’ethnies minoritaires des tribus nomades de la Chine du Nord. Que ce soit la gastronomie mongole des Yuan, le temple de Yonghe du bouddhisme tibétain ou le dialecte et les vêtements typiques des ethnies minoritaires, tous montrent que Beijing intègre les traditions culturelles de toutes les nationalités et les combine avec la culture des Han. En outre, des personnages comme Marco Polo, Matteo Ricci et Giuseppe Gastiglione, ainsi que des techniques telles que l’horlogerie, la peinture, la photographie et l’astronomie, sont entrés dans Beijing au cours de ces 850 années. Ces techniques correspondaient d’une part à la mode de cette époque et, d’autre part, faisaient partie du contenu important et nécessaire de la civilisation d’une capitale, ce qui prouve le caractère tolérant de Beijing.

L’application de la politique d’ouverture et de réforme a permis à Beijing d’approfondir ce trait. De plus en plus d’étudiants, d’entreprises étrangères et de concepts culturels de l’Occident sont apparus et ont donné un aspect plus varié à la capitale. Depuis sa fondation comme capitale jusqu’aujourd’hui, il y a des étrangers, des personnes de toutes nationalités, des citadins à la vieille mentalité et des étudiants aux idées nouvelles à Beijing. « Beiping est multicolore. Elle a des couleurs royales, des couleurs historiques, des couleurs mongoles… Elle a des temples, d’anciens jardins et des pagodes. Toutes les pierres, tous les arbres et tous les ponts peuvent raconter des histoires, » décrivait Li Yutang, il y a quelque 70 ans.

Bien que Beijing soit devenue une capitale au XIIe siècle, elle garde la structure urbaine formée au début du XVe siècle, à l’époque du règne de l’empereur Yongle des Ming. Ayant la porte Tia’anmen comme centre, la ville de Beijing est traversée par un axe central et entourée par des périphériques. On ne peut se perdre dans cette ville, car les rues sont droites. Beijing conserve à la fois d’anciens siheyuan et édifie un centre commercial moderne de l’ère actuelle. Le parc des sciences et techniques de Zhongguancun est un autre aspect du développement urbain de Beijing.

Beijing de toujours et d’aujourd’hui

Beijing n’a pas changé. On trouve encore au Palais impérial, au Palais d’Été et dans les hutong (ruelles) les empreintes des empereurs et des habitants d’il y a des centaines d’années. Dans la rue Liulichang (rue des antiquaires) et dans le marché nocturne de Donghuamen, on peut découvrir des objets anciens, des peintures et des aliments traditionnels. Pourtant, Beijing a aussi beaucoup changé. Les gratte-ciel dominent des petites maisons traditionnelles, cafés et salons de thé se jouxtent, les costumes à la mode remplacent l’habillement terne et les échangeurs concurrencent le pont Marco Polo. Mais ce qui n’a pas changé, c’est la tolérance, l’ouverture et la largeur de vues de cette vieille capitale.

Zhongdu de la dynastie des Jin (1153-1215) 

En tenant compte du statut important de Beijing, Wan Yanlian, quatrième empereur de la dynastie des Jin, abandonna son palais royal (qui se trouvait dans la ville actuelle d’Acheng, province du Heilongjiang) et transféra en 1151 sa capitale à Yanjing (la ville actuelle de Beijing) qui a ainsi acquis un statut important malgré l’opposition de certains grands dignitaires. Les travaux de construction de la capitale nécessitèrent le labeur de 1,2 million de personnes et durèrent deux ans. Cet empereur transféra officiellement sa capitale à Yanjing et la nomma Zhongdu. Cette capitale se trouvait dans la partie sud-ouest de l’actuelle Beijing et n’atteignait pas le tiers de sa superficie actuelle. Au centre-ville se trouvait la Cité impériale, entourée des offices de grands dignitaires, du terrain de polo impérial et du palais de réception des hôtes étrangers. À l’extérieur de la Cité impériale, les maisons des citadins protégeaient en quelque sorte le palais impérial.

Le pont  Lugou. « Un pont hors pair dans le monde », écrivit dans ses notes de voyage le voyageur italien Marco Polo. Ce pont fut construit à l’époque des Jin. Les Chinois l’ont nommé le pont Lugou, alors que les Occidentaux l’ont appelé le pont Marco Polo. Sa construction commença en 1189, vingt-neuvième année du règne de l’empereur Shizong des Jin, et elle fut achevée trois ans plus tard ( en 1192). Ce pont a 266,5m de long et 9,3 m de large. De chaque côté du tablier, court une balustrade avec colonnettes surmontées de 485 lions en pierre tous différents. À cette époque-là, ce pont était la seule porte d’entrée et de sortie de la ville, et il a été un passage important des approvisionnements de toutes les dynasties.

Dadu de la dynastie des Yuan (1272-1368)

Dessin du palais impérial de Beijing, achevé au milieu de la période des Ming (1368-1644).

À cause de la destruction de Zhongdu des Jin par les guerres et le manque d’eau, les dominateurs de la dynastie des Yuan, venus de la steppe de la Mongolie du Nord, choisirent le nord-est de la ville pour y construire leur capitale : Dadu. Les travaux durèrent 18 ans (1267-1285) et la superficie de la ville équivalait alors à celle de deux

Zhongdu. La Cité impériale était encore interdite aux habitants de la ville qui se dispersaient aux environs du Palais impérial. Ils habitaient des siheyuan, cloisonnés par des ruelles. La ville de Dadu abritait de 400 000 à 500 000 habitants à l’époque de la prospérité des Yuan, et le commerce florissant lui a permis de devenir le centre de la Chine et du monde.

La porcelaine blanche à décor bleu . La route de la Soie a toujours été le passage important de l’exportation de la porcelaine, de la soierie et du thé de Chine. La boussole, la poudre à canon et la typographie, inventées par les Chinois, furent introduites par les Arabes en Occident. À l’époque des Yuan, le transport maritime devint aussi un mode d’exportation pour la Chine, et la porcelaine blanche à décor bleu se classa alors parmi les articles exportés. La porcelaine de ce genre, créée à Jingdezhen sous les Yuan, est toujours appréciée par les collectionneurs chinois et étrangers.

Marco Polo (1254-1324). Sous la domination des Yuan, la Chine était le pays le plus grand et le plus riche du monde. Les dirigeants faisaient preuve de curiosité envers les objets importés, et ils encourageaient le commerce avec l’extérieur. À cette époque, des ambassadeurs occidentaux, des commerçants, des voyageurs et des missionnaires des pays occidentaux affluèrent à Dadu. Le missionnaire italien Marco Polo fut l’un des personnages les plus connus. Mandaté par l’empereur Shizu des Yuan, il fit des enquêtes dans toutes les régions de Chine. Il décrivit dans ses notes de voyage les scènes de prospérité de Dadu, ce qui incita l’intérêt des Occidentaux pour la civilisation chinoise.

Beijing sous les Ming (1421-1644)

Un théâtre de la dynastie des Qing décoré d’un portrait d’anciens artistes célèbres.

Construite sur la base de Dadu des Yuan, la Beijing des Ming a été agrandie.  La construction urbaine dura quinze ans. Les principaux bâtiments se trouvaient sur un axe long de 8 km qui traversait la ville du sud au nord. Des deux côtés de l’axe, les bâtiments étaient bien disposés et symétriques. Chaque année, il y avait des milliers d’artisans qui venaient travailler à la construction de la ville. À cette époque, on comptait vingt portes qui servaient à différents usages. Par exemple, une armée qui avait gagné une bataille devait entrer dans la ville par la porte Deshengmen, alors que la porte Andingmen était la porte destinée à l’armée qui partait vers les champs de bataille. Sous les Ming, Beijing possédait déjà sa structure actuelle.

Le Temple du Ciel. La Chine est un pays agricole à la longue histoire, mais aux temps anciens, alors que les sciences et techniques n’étaient pas développées, seules les éléments naturels décidaient de la récolte. Croyant que le «Ciel » était le dieu qui décidait de toutes choses, les dominateurs du Moyen Âge construisirent de nombreux temples pour implorer de bonnes récoltes et le bonheur du peuple. Les temples et les autels construits sous les Ming sont très connus dans l’histoire chinoise : le Temple du Ciel, l’autel de la Terre, l’autel du Soleil et l’autel de la Lune sont respectivement destinés au sacrifice à ces différents dieux. La construction du Temple du Ciel, achevée en 1420, dix-huitième année du règne de Yongle des Ming, dura 14 ans. Ce temple occupe 273 hectares, deux fois plus que la Cité impériale. Chaque année, les empereurs des dynasties des Ming et des Qing y organisaient une grande cérémonie pour offrir un sacrifice au Ciel.

Le navigateur Zheng He. Zheng He des Ming a commencé à naviguer cent ans plus tôt que Fernando de Magallanes qui représentait l’Espagne et fit un voyage au long cours en 1519. En 1405, Zheng effectua son premier voyage, et il eut la mission de diriger une flotte composée de milliers de personnes pour traverser le Pacifique, l’océan Indien et la mer d’Arabie à sept reprises; à quelques occasions, il s’est rendu vers la côte est de l’Afrique et au port de la mer Rouge, et il a visité une trentaine de pays asiatiques et africains. À la différence des expéditions des navigateurs européens, les voyages de Zheng He n’avaient pas pour objet les intérêts économiques, mais de montrer au monde l’autorité et la richesse de l’empereur chinois. Partout où Zheng He arrivait, il offrait aux locaux quantité d’objets pour obtenir leur respect envers l’empereur chinois.

Matteo Ricci (1552-1610). Après la Renaissance, l’Occident s’est transformé en une société capitaliste, et certains missionnaires vinrent alors en Chine et y diffusèrent la doctrine chrétienne et les nouvelles sciences et techniques. La Chine de cette époque refusait toutes les affaires commerciales avec l’étranger, mais elle acceptait des missionnaires. L’Italien Matteo Ricci arriva en Chine en 1582 (dixième année du règne de Wanli des Ming), et il fut reçu par l’empereur en lui offrant des objets exotiques. Vivant comme les Chinois, Matteo Ricci propagea d’abord des connaissances scientifiques et effectua des activités religieuses pour que le christianisme se répande ouvertement dans la société fermée des Ming.

Beijing sous la dynastie des Qing (1644-1911) 

La zone de la porte Qianmen à Beijing sur un rouleau de peinture de la dynastie des Qing (1644-1911).

Les dominateurs de la dynastie des Qing ont gardé presque entièrement la structure urbaine de Beijing des Ming. Même dans la Cité impériale, on restaura, transforma et ajouta peu de bâtiments. Les dominateurs des Qing attachaient toutefois de l’importance à la construction de jardins pour se divertir pendant leurs loisirs. « Trois collines et cinq jardins » ( le jardin Jingming de la colline Yuquan, le jardin Jingyi des collines Parfumées, le Palais d’Été de la colline Wanshou, le jardin Changchun et le Jardin Yuanmin), situés dans la banlieue nord-ouest de Beijing, étaient bien aimés par l’impératrice et les concubines.

L’Opéra de Pékin. Cet opéra, formé au milieu de la dynastie des Qing, est encore adoré par les gens. Les voix stridentes et les maquillages spéciaux laissent une impression profonde. Au début, l’opéra de Pékin était un art populaire qu’on donnait en plein air. Comme il n’y avait ni micro ni effets de lumière, on devait avoir recours à cette façon de faire pour mieux diffuser cet art. L’un des caractères importants de l’opéra de Pékin est son aspect formel. Les expressions, comme la joie et la colère, les mouvements, comme l’ouverture et la fermeture d’une porte, ainsi que certaines actions, comme monter à cheval et dans un palanquin, comprennent une série d’expressions déjà décidées. En outre, la couleur du maquillage évoque aussi différentes images. Le rouge symbolise le courage, le noir, la droiture et la loyauté, et le blanc, la méchanceté

La qipao (robe chinoise fendue sur les côtés). C’était à l’origine la robe des femmes mandchoues de la dynastie des Qing. Dotée de longues manches, cette robe était ample, longue et cachait bien la silhouette des femmes. Mais sous l’influence de la robe courte occidentale, la robe chinoise fut raccourcie et laissa voir un peu les jambes. Au fur et à mesure de la libéralisation des mentalités des Chinois, la robe chinoise laissa voir les jambes sur les côtés et dévoila les bras. De plus en plus de Chinoises commencèrent alors à aimer cette robe qui laissait voir leur belle silhouette. C’est ainsi qu’on la porte aujourd’hui.

Giuseppe Castiglione (1688-1766). Au début, cet homme est entré dans le Palais impérial de l’empereur Kangxi grâce à la peinture à l’huile de style occidental. Respectant les rites impériaux, il devint le peintre attitré de l’empereur. Ses tableaux qui mariaient bien le style occidental et la façon traditionnelle chinoise de peindre possèdent une haute valeur artistique.

La capitale de la Chine nouvelle (1949- ) 

La porte Desheng et des rues du début du XXe siècle.

Quelle ville allait-on choisir pour capitale de la Chine nouvelle ? Le président Mao Zedong et Wang Jiaxiang, responsable du Bureau du Nord-Est d’alors, partageaient le même avis. Ils ont abandonné les villes de Nanjing, de Xi’an et de Kaifeng, qui ont  toutes été des capitales dans l’histoire de la Chine, et ils ont choisi Beijing qui avait une position stratégique et économique très importante à ce temps-là. Lorsque Mao Zedong a organisé la bataille de Pingjin, l’Armée populaire de libération a encerclé la ville de Beijing au lieu de l’attaquer. Finalement, cette ville millénaire a été libérée de façon pacifique, les monuments historiques ont été bien protégés.

Edgar Snow (1905-1972) Journaliste américain sur le champ de bataille, cet homme a effectué des reportages sur la guerre révolutionnaire du Parti communiste chinois et a fait connaître la voix de la Chine. Son livre intitulé Red Star over China a livré un témoignage juste de la révolution dirigée par le Parti communiste chinois. Après la fondation de la Chine nouvelle, Edgar Snow a visité la Chine à trois reprises et a transmis à Nixon l’invitation de la Chine. Il a apporté une contribution importante au développement de l’amitié sino-américaine.

Une métropole ouverte

Matteo Ricci et Giuseppe Castiglione n’auraient pu imaginer à quel point Beijing est aujourd’hui une ville ouverte et tolérante. Cette ville, qui refusait de faire du commerce avec l’étranger sous les Qing, est maintenant une métropole internationale. Pour l’heure, on y compte presque 13 000 entreprises à capitaux étrangers. Parmi les 500 entreprises les plus puissantes du monde, près de 150 ont investi à Beijing. En plus, 35 000 étudiants venus de différents pays s’y perfectionnent dans des établissements d’enseignement supérieur.

Une ville culturelle et historique

Des milliers d’années se sont écoulées, mais dans la Beijing du XXIe siècle, on trouve toujours le Palais impérial plusieurs fois centenaire et des siheyuan. On peut y visiter les hutong en tricycle et découvrir le charme des antiquités dans la rue Liulichang, tout comme goûter à la viande rôtie du restaurant Kaorouwan, ouvert à l’époque des Ming. L’ancien et le moderne s’y côtoient et tentent de vivre en harmonie.