Novembre/Décembre 2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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Le Roi des singes sera-t-il la mascotte des J.O. de 2008?

LI DAOYING,  YU ZHENGJUN et  LI WUZHOU

Alors que la société chinoise se livre actuellement à des conjectures sur le bien-fondé de la candidature de ce personnage célèbre, notre article vous brosse un tour d’horizon de l’intérêt et de l’histoire entourant ce singe mythique.

LA mascotte des jeux Olympiques de Beijing sera-t-elle ou non un singe? Le choix de cette mascotte ne sera arrêté que l’année prochaine, mais déjà en Chine, on discute de cette question depuis le dévoilement de l’emblème des J.O. de 2008. Certains organismes du gouvernement, des établissements de recherche et des associations culturelles ont déjà proposé Sun Wukong (Roi des singes),  le panda géant, le dragon, le lion, le tigre, l’antilope tibétaine, le lapin comme candidats possibles.

Selon des statistiques effectuées il y a peu par le site Web monkeyking2008.com, établi spécialement pour soutenir la candidature de Sun Wukong, 89 % des visiteurs de ce site appuient ce personnage. Quant à l’enquête réalisée par Sina, l’un des grands portails de Chine, c’est le Roi des singes qui a reçu le plus grand nombre de bulletins de vote.

L’histoire du Roi des singes

Sun Wukong est le personnage principal de Xi You Ji (Le pèlerinage vers l’Ouest), un des quatre romans classiques de la Chine. Ce roman a pour thème l’histoire du célèbre moine Xuan Zang de la dynastie des Tang (618-907) et de ses trois disciples, partis en Inde à la recherche des soutras bouddhiques. Dans l’histoire de Chine, un moine nommé Xuan Zang a vraiment existé sous cette dynastie.  Il est parti pour l’Inde en 629, troisième année du règne Zhenguan des Tang (629 apr. J.-C.), à la recherche des soutras. Après avoir surmonté de nombreuses difficultés et parcouru des milliers de kilomètres, il réussit, dix-sept ans plus tard, à revenir à Chang’an (l’actuelle ville de Xi’an) avec plus de 600 soutras en sanscrit.

À partir de ce thème historique, Wu Cheng’en, l’auteur du roman, a imaginé un grand nombre d’histoires fantastiques. Sun Wukong (un singe sorti des fentes d’un bloc de pierre éclatée, laissé par une déesse après avoir réparé le ciel dans l’Antiquité) prend place auprès de Xuan Zang et devient le personnage principal. Dans ce roman, la première partie (chapitre I – chapitre VII) raconte la naissance de Sun Wukong, les troubles qu’il a causés au Royaume céleste et le châtiment qu’il a reçu. Les chapitres VII à XIII concernent l’histoire de Xuan Zang. Du chapitre XIII à la fin, c’est l’histoire des combats de Sun Wukong contre toutes sortes de démons sur le chemin de la recherche des soutras sacrés.

Dès sa naissance, l’orphelin Sun Wukong se débarrasse des vieilles règles et des relations sociales. Il cause des troubles dans le Royaume céleste, le Royaume du dragon et le Royaume des morts. Incarnation de la justice, Sun fait table rase de la dignité, du pouvoir et de la hiérarchie du milieu religieux et lutte inlassablement contre les démons de toutes sortes. C’est la raison pour laquelle Sun Wukong est toujours apprécié par les Chinois depuis des centaines d’années.

Le caractère libre et la bravoure dont Sun Wukong fait preuve expriment l’aspiration de l’humanité à une vie idéale; cependant, finalement vaincu, Sun se convertit au bouddhisme, ce qui prouve la fragilité de l’homme qui vit dans une situation précaire, et sa recherche de la liberté et de la dignité qui est freinée par sa force actuelle.

Si ce roman est toujours apprécié par les Chinois, c’est principalement parce qu’il crée, de manière imaginative, une image mythique comme Sun Wukong.  Il est pour ainsi dire l’ancêtre des Superman et Spiderman.

Citons un épisode de cette histoire. Afin de franchir la montagne de Feu, Sun Wukong va emprunter l’éventail magique de bananier appartenant à la princesse Raksas pour tenter d’éteindre le feu. Furieuse que Sun Wukong ait pu autrefois amadouer son fils, l’Enfant rouge, la princesse prend sa revanche. Elle refuse de lui prêter cet éventail et le fait fuir d’un coup d’éventail. Grâce à une pilule destinée à arrêter le vent soulevé par la princesse, Sun Wukong réussit à vaincre cette dernière. Puis il se transforme en insecte et glisse dans le ventre de la princesse. Finalement, il réussit à l’obliger à lui prêter l’éventail, mais ce dernier est un faux. La troisième fois, Wukong se transforme en mari de la princesse,  Démon-Buffle, pour lui emprunter le véritable éventail, mais ce démon fait la même chose, il s’est déguisé en Bajie, condisciple de Wukong, et ramène l’éventail. Finalement, grâce à l’assistance des dieux, Sun Wukong réussit à vaincre le Démon-Buffle et la princesse Raksas, et  il éteint le feu avec l’éventail de cette dernière. Le maître et ses disciples franchissent alors sans difficulté les 800 li (1li = environ 1/2 km) de la montagne de Feu. Cette histoire pleine de rebondissements est fort captivante.

 Le Roi des singes  dans le monde actuel

Tous les enfants chinois connaissent Sun Wukong. Sa baguette magique est toujours un jouet demandé par les garçons, alors que l’opéra sur ce thème fait partie des représentations importantes. Certains acteurs sont même devenus des professionnels du rôle de Sun Wukong.

« Dans notre famille, quatre générations ont joué le rôle de Sun Wukong. Mon père et moi, nous avons commencé à apprendre l’opéra à six ans. Beaucoup de spectateurs aiment davantage le Roi des singes que moi », a déclaré Zhang Jinlai, (Liuxiaolingtong de son nom d’artiste), celui qui joue le rôle de Sun Wukong.

« Le Grand Sage, Pair du Ciel » est le nom que le Roi des singes s’est donné et on l’appelle « Grand Sage Sun ». En Chine, dans certains temples, on trouve aussi l’image de Sun Wukong. Grâce à la réputation du Roi des singes, cet animal est considéré par les Chinois comme un objet de bon augure.

Par exemple, il y a un singe de pierre dans le temple Baiyun à Beijing. On dit que le toucher au Nouvel An est gage de bonheur. Ces dernières années, on a tellement touché ce singe qu’il est déjà défiguré.

Dans un dessin animé, Sun Wukong est non seulement l’équivalent de Mickey Mouse et de Ronald McDonald pour les enfants chinois, mais aussi un personnage connu en Asie. Au Parc Disney, Sun Wukong est aussi célèbre qu’eux. Troubles au Royaume céleste a été le premier dessin animé et il est encore très demandé sur le marché d’aujourd’hui. Ceux qui s’y intéressent peuvent toujours acheter la vidéocassette par Internet. En 1983, la CCTV (Télévision centrale de Chine) a porté ce roman à l’écran.

NBC a produit un téléfilm : The Lost Empire  avec tous les moyens que permet la technologie moderne. C’est un téléfilm en deux parties dans lequel on a marié les cultures chinoise et occidentale. La chaîne Hallmark Entertainment des États-Unis a distribué le téléfilm « Monkey King ». Steven Spielberg, ce fabricant de rêves, a déclaré vouloir produire un nouveau film « Le Rêve du singe qui voyage vers l’Ouest ». L’histoire raconte que, sous la dynastie des Tang, Sun Wukong est un étudiant de l’Université de l’humanité,  et que le professeur Xuan Zang part avec lui pour l’Inde, mais qu’ils  perdent le nord en mer. Finalement, ils débarquent sur le continent américain où ils apportent des grains de maïs aux Indiens.

Dans le monde, il y a deux romans ayant un thème similaire à celui de Xi You Ji : The Pilgrim’s Progress de John Bunyan et Don Quichotte de Cervantès. The Pilgrim’s Progress est une œuvre constituée de fables sérieuses à la couleur religieuse, tandis que Xi You Ji est une œuvre laïque. C’est une distinction essentielle entre ces deux romans. Quant à Don Quichotte, il se bat contre un ennemi imaginaire. Ce roman, en apparence humoristique, exprime la recherche inlassable d’un idéal. Ce point s’accorde bien à l’esprit essentiel de Xi You Ji.

L’esprit sportif du Roi des singes

« Il existe plus ou moins des liens entre Sun Wukong et le sport; ses prouesses tiennent plutôt à des sauts. Du point de vue du caractère, ce personnage est libre de toute contrainte, mais il respecte les règles. On peut comparer sa recherche des soutras sacrés bouddhiques aux sports extrêmes. Un sportif doit faire preuve de cet esprit. Dans ce sens, l’image de Sun Wukong se conforme à l’esprit des jeux Olympiques. Je trouve donc que le Roi des singes convient comme mascotte des J.O. », a déclaré l’écrivain Zhao Benfu.

Certains spécialistes ont publié des articles à ce sujet. Selon eux, Sun Wukong représente l’essence de l’esprit des J.O. : « Plus vite, plus haut et plus fort ». Sun Wukong se déplace à une vitesse incroyable. Il peut traverser des montagnes et des rivières en une culbute, monter dans les nuages et regarde au loin de là. Par son intelligence, son courage et ses pouvoirs, il peut vaincre tous les démons.

Comme Sun Wukong prend la forme d’un singe, il sait grimper dans un arbre et aime manger des fruits. Toutes ses capacités surnaturelles sont issues de celles des animaux. Habile et intelligent, il est adorable et est doté de grands yeux. Le singe est leste et vif, et Sun Wukong l’est aussi. Il peut obtenir et faire tout ce qu’il veut. Il peut se transformer en un grand ou en un petit objet. Il serait donc facile et adorable de créer des images d’un sportif, ayant l’allure de Sun Wunkong soulevant des haltères, sautant en hauteur ou plongeant dans l’eau, ce qui répond bien à la demande de la mascotte formulée par le Comité international olympique.

La Chine compte 120 millions de personnes nées sous le signe du singe, et on croit que celui qui est né durant l’année du Singe est aussi ingénieux que cet animal. Le nom de famille Sun est le quatorzième nom en importance en Chine. Ceux qui portent ce nom sont considérés comme des descendants du singe. Ces deux catégories de personnes éliront donc sans doute Sun Wukong comme mascotte des J.O.

Règle générale, dans la mythologie chinoise, on ne connaît pas beaucoup le lieu de naissance des dieux, mais celui de Sun Wukong est très clair. Son pays natal se trouve au port de Lianyungang, ville côtière de la Chine de l’Est.

 Le Xi You Ji décrit ainsi le lieu de naissance de Sun : « En Chine de l’Est, près de la mer, il y a un pays du nom d’Aolai. Dans la mer se trouve une montagne connue sous le nom de montagne des Fleurs et des Fruits.» Cette montagne se trouve à 7 km de la ville de Lianyungang, dans la réserve naturelle d’échelon national des monts Yuntai.   

Wu Cheng’en, auteur du roman, est né à Huai’an, ville voisine du port de Lianyungang. De son vivant,  Wu  a visité la montagne des Fleurs et des Fruits, et il a entendu beaucoup d’histoires émouvantes à son propos. En les combinant avec les documents historiques, il a donc imaginé de nombreuses histoires fantastiques.

Dans la montagne des Fleurs et des Fruits, il y a des roches naturelles dont les formes sont semblables aux personnages du roman. Une grosse pierre, d’une hauteur de 7 ou 8 mètres et qui ressemble au buste d’un singe, se dresse sur une colline près d’une route dans cette montagne. Il existe aussi une grosse pierre d’où l’on dit que Sun Wunkong serait sorti, celle que la déesse aurait laissée après avoir réparé le ciel; il y a aussi des pierres ressemblant à Xuan Zang, moine de la dynastie des Tang, vêtu de la longue robe orange des bonzes, et à Bajie, condisciple très gros et maladroit. Nous pouvons imaginer sans peine qu’un tel décor ait pu inspirer l’auteur du roman.

Le site le plus connu est la grotte au Rideau de Perles d’Eau, à mi-chemin du sommet de la montagne des Fleurs et des Fruits. La source descend à l’extérieur de la grotte et cache la sortie de cette dernière. Dans la grotte, l’orifice d’une source ne se ferme jamais. On dit qu’elle conduirait au palais du Roi des dragons, dans lequel Sun Wukong a arraché l’aiguille magique qui sert à fixer la mer.

Actuellement, le gouvernement municipal de Lianyuan, qui appuie Sun Wukong comme mascotte des JO de 2008, fait activement la promotion de ce personnage et du tourisme de la ville. D’après cette dernière, Sun Wukong est la fierté du port de Lianyuan car cette région s’enorgueillit non seulement de cette mythologie, mais aussi abrite les plus anciennes peintures rupestres de Chine. En effet, celles-ci ont 200 ans de plus que les gravures des bouddhas de pierre de Dunhuang. Récemment, au bord de la mer, on a découvert un cercueil deux fois millénaire qui avait été enterré dans cette terre humide. C’est un miracle que le cadavre soit si bien conservé.