DEVENIR
MÈRE DANS LA TRENTAINE AVANCÉE
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« J'ai acheté des livres
et des contes pour enfants afin de me préparer à être une
bonne mère. »
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Song Jianing attend un enfant. Elle aura 37 ans
un mois après la naissance de cet enfant. Son mari, Zhang Zhiling,
dit avec un soupir qu’il passera bientôt le cap de la quarantaine.
Tous deux travaillent pour la Télévision centrale de Chine (CCTV).
Song Jianing, parlez-moi un
peu de vos parents.
Mes parents sont tous deux à la retraite. Ma mère
était infirmière en chef de l’hôpital de l’Amitié sino-japonaise.
C’est là que je vais accoucher. Mon père est ingénieur de haut niveau
de l’Institut de recherche sur l’automation sidérurgique. Bien qu’il
ait 68 ans, il est encore actif car son unité a encore besoin de
lui. Il est en bonne forme. Il peut jouer au ping-pong comme un
jeune sans ressentir la fatigue! Pourtant, il va renoncer au travail
dans un mois afin de jouer son rôle de grand-papa à temps complet.
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La famille dans l'attente
de l'événement heureux.
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Depuis combien d’années êtes-vous
mariés?
Quatre ans maintenant.
Et cet appartement?
Nous en sommes propriétaires. Nous apprécions
beaucoup la vie simple. Nous avons décoré sans ostentation. Un peu plus
de 50 m2, cela nous suffit. Nous avons transformé la seconde
chambre en bibliothèque. Plus tard, ce sera la chambre de l’enfant.
Zhang : Comme nous avons aménagé autour de la fête du Printemps, nous
avons accordé une large place au rouge. La porte d’entrée était
abîmée, nous l’avons repeinte en rouge, couleur de bon augure.
Avoir un enfant à 37 ans,
cela cause un problème?
Song : Je ne suis pas du genre de femme qui se pâme d’admiration devant
les enfants des autres et ne peuvent s’empêcher de les prendre et
de les embrasser. Un enfant, c’est bien, mais pas essentiel. J’ai
une très bonne santé, donc, avoir un enfant à mon âge n’est pas
un inconvénient. Certaines femmes souffrent d’hypertension, de rétention
d’eau, etc. Moi, rien. Même pas de nausées. Élever un enfant aujourd’hui,
c’est presque un luxe : il faut beaucoup d’argent. Quand on
est plus jeune, on vit encore chez ses parents. Il est donc préférable
de ne pas avoir d’enfant dans ces conditions.
Zhang : Il faut donner du bonheur à un enfant. Si on n’en a pas les
moyens, on ne doit pas en avoir.
Cette naissance va sûrement
changer des choses dans votre vie.
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Indépendamment de leur
prix, ces porcelaines sont précieuses parce qu'elles me plaisent.
Photos Lisa Carducci
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Song : Bien sûr! Et c’est une autre raison pour laquelle je voulais
attendre. Pour mon travail, j’ai beaucoup voyagé, au Guangxi, au
Guizhou, au Tibet, etc., et j’adore voyager. Avec un enfant, je
serai moins libre. Quand j’avais 20 ans, je me disais qu’à 30 ans
j’aurais un enfant. Et quand j’ai atteint la trentaine, je me disais
qu’à la quarantaine, je serais prête à moins me déplacer, à mener
une vie tranquille. J’en ai vu d’autres, et c’était très bien.
Mais vous n’avez pas attendu
40 ans; pourquoi?
Zhang : L’enfant est arrivé, nous le gardons! Pour moi non plus, avant,
ce n’était pas essentiel d’avoir un enfant.
Song : Cela tombait bien! En 2002, j’avais travaillé dix ans comme
présentatrice; je trouvais que c’était le moment de m’arrêter et
de changer un peu ma vie.
Vous fumez?
Zhang : Oui, mais pas tellement. Je m’enferme dans la cuisine et j’ouvre
la fenêtre. Avant, je fumais un peu plus parce que je sortais souvent
avec les copains, trois fois par semaine. Depuis qu’elle est enceinte,
je reste davantage à la maison; je sors trois ou quatre fois par
mois seulement.
Song : Avant ma grossesse, je prenais un peu de vin rouge à l’occasion.
Maintenant, aucun alcool. Je fais attention à mon alimentation;
je consomme surtout ce qui est bon pour le bébé.
Vos parents insistaient-ils
pour que vous leur donniez un petit-fils ou une petite-fille?
Zhang : Dans leur for intérieur, ils le désiraient sûrement, mais ils
ne parlaient pas.
Song : Ma mère m'a seulement dit : « Si tu songes à avoir
un enfant, n’attends pas trop longtemps. »
Ils ont déjà des petits-enfants?
Song : J’ai un jeune frère; il est papa depuis même pas cent jours.
(Les Chinois célèbrent le 100e jour d’un nouveau-né,
qui marque une étape.)
Zhang : Moi, j’ai deux frères dont l’un a un enfant de 3 ans.
Quelle a été votre réaction en découvrant cette
grossesse?
Song : Nous étions à la fois
excités et inquiets. Bonheur et contradiction.
Votre attitude vis-à-vis des
enfants a-t-elle changé depuis que vous-mêmes êtes en cause?
Song : Forcément. Et nous nous préparons à lui donner une belle vie. Ce
n’est pas facile pour un enfant de grandir, d’aller à l’école… J’ai
déjà acheté une soixantaine de livres et revues sur l’éducation.
Tous les jours je lis, et je mets en pratique les conseils prénataux.
Par exemple?
On dit qu’il faut faire écouter de la musique
au fœtus, et lui parler. Je ne sais pas si c’est vraiment utile,
mais cela ne peut lui faire de mal. Tous les soirs, nous « faisons
la classe » au bébé : la musique, les contes, et la conversation.
Je lui explique ce que nous avons fait dans la journée. Son papa
aussi lui parle : « Aujourd’hui, j’ai amené ta maman à
la place Tian’anmen », ou « au parc des Bambous pourpres »;
il chante, et lui lit des poèmes.
Zhang : Seulement des choses positives. Une femme enceinte ne doit
pas regarder de choses laides, ou qui font peur; cela influence
l’enfant.
Song : J’aime bien visiter des expositions. Et je collectionne des
porcelaines anciennes. Elles sont dans le studio. Je me sens très
bien quand je m’assois là pour lire.
Discutez-vous de la façon
dont vous l’élèverez?
Song : Pas
encore. Nous y verrons au fur et à mesure que les situations se
présenteront.
Puisqu’il n’y a pas d’écoles
pour les parents…
Song : Il y en a! La compagnie américaine Babycare donne des cours :
l’alimentation de la future mère, le bain du bébé, l’importance
de le masser, etc. On peut choisir. À la télé, il y a souvent des
émissions sur l’éducation moderne. Il y a aussi moyen de communiquer
par courriel avec des spécialistes quand on a un problème, ou par
téléphone, à des heures données. Et plusieurs sites Web ont des
pages spéciales sur la maternité, les soins et l’éducation des enfants,
et des réseaux de communications entre parents et avec des professionnels.
Existe-t-il des regroupements
de parents, pour des discussions avec des spécialistes?
Pas que je sache. Mais les mères peuvent s’organiser
entre elles pour échanger leur expérience. Des points de vue contradictoires
jaillit la lumière, n’est-ce pas? Certains magazines organisent
parfois des rencontres du genre.
Que voudriez-vous changer
dans l’éducation de votre enfant par rapport à celle que vous avez
reçue?
Zhang : Autrefois, l’éducation était très stricte. Rigide. Sévère et froide.
Je voudrais être plus souple avec mon enfant. Que nous ayons une
relation amicale, mais respectueuse. Autrefois, les parents chinois
battaient les enfants désobéissants. Je pense que malgré tout il
y a des moments où il faut encore le battre.
Vos parents vous frappaient
quelquefois?
Les deux :
Bien sûr!
Song : Je ne crois pas que je battrai mon enfant. Le punir…? Je ne
sais pas. C’est pourquoi je lis beaucoup, pour apprendre des méthodes.
Je penche vers une éducation « agréable », une atmosphère
détendue. Lui apprendre à ne pas craindre la société, à réussir
sa vie. Former son caractère.
(Pendant notre conversation, Zhang verse du
thé pour lui et moi dans des tasses minuscules qui symbolisent le
geste de « partager l’amitié », mais la future maman boit
de l’eau.)
Vous faites du sport?
Zhang : Très peu. Du ping-pong, quelquefois. Auparavant, je jouais
parfois au basket-ball, mais pas souvent car c’est très cher :
75 yuans l’heure (9 USD) de location.
Song : Moi, je n’en fais pas…
Comment vous déplacez-vous?
Song : Pour le travail, je prends la navette. Pour les sorties, mon mari
conduit la voiture. Avant, je prenais assez souvent le bus, mais
une fois enceinte, j’y ai renoncé. J’ai de la difficulté à m’y tenir
debout.
Personne ne vous cède sa place?
Avant d’être enceinte, j’étais si maigre (48
kg) que même avec 20 kg de plus, on ne pouvait être sûr
de mon état. Surtout en hiver, avec des vêtements épais. On devait
croire que j’étais seulement un peu rondelette. Dans le bus pour
le travail on me fait asseoir. Les gens m’ouvrent la porte, me sourient,
s’intéressent à l’évolution de ma grossesse. Au bureau, pour m’éviter
les rayons de l’écran d’ordinateur, mes collègues me proposent d’écrire
mes traductions à la main et de les transcrire elles-mêmes à l’ordinateur.
Quand vous étiez présentatrice
à la télé, vous vous couchiez à 20 h 30 pour être belle à l’écran.
Et maintenant?
Song : Nous nous couchons autour
de 22 h, après 20 minutes de « cours » au bébé
puisqu’il me fait toujours signe à 21 h 30. Le matin, à 5 h, il
a faim. Je me lève et mange; du beurre d’arachide, du lait en poudre.
J’évite de faire couler l’eau ou de cuisiner pour ne pas réveiller
les voisins. Ensuite je retourne dormir un peu. Je pars pour le
travail à 7 h 30. Je déjeune à la cantine; il y a un grand choix
de mets, et c’est bon. Le soir, mon mari fait la cuisine. En vrai
professionnel, particulièrement les plats occidentaux. Tous deux
aimons beaucoup les jiaozi (bouchée de pâte farcie de légumes,
viande ou œufs); ma belle-mère les fait très bien, et elles nous
en donne surgelés. Si nous n’avons pas le temps de préparer un repas,
c’est pratique.
Et les travaux ménagers?
Song : Auparavant,
je m’en chargeais. Maintenant, il m’aide beaucoup.
À la CCTV, que faites-vous?
Zhang : Je travaille pour la chaîne internationale, en chinois, comme
réalisateur. Auparavant, j’étais caméraman.
Song : Moi,
à la programmation en français pour outre-mer. C’est le français
qui m’a toujours permis de gagner ma vie. Mon travail m’a permis
de rencontrer Boutros Boutros-Ghali, Jacques-Yves Cousteau, Lionel
Jospin, Bernard Pivot, Gérard Depardieu et Carole Bouquet, etc.
C’est pourquoi je souhaite que notre enfant apprenne les langues
étrangères, qui lui ouvriront un bel horizon.
(Soudain, des larmes perlent
aux yeux de la future maman.) Je suis très
émue de penser que le bébé va quitter mon ventre bientôt. Je suis
habituée de vivre avec mon bébé, jouer, parler, travailler et sortir
avec lui.
Après la naissance, le couple s’est installé
chez les parents de Song Jianing pour six mois afin de bénéficier
d’aide. L’enfant est une fille. Elle s’appelle Zhang Caiwei. « Cai »
veut dire cueillir, et « Wei », jeune pousse de pois sauvage.
C’est un prénom que son père a trouvé dans Shi Jing de Confucius.
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