La
Chine… sur quatre roues
QIU JIANGHONG
D’un pôle industriel arriéré
à un secteur en plein essor, l’évolution de l’industrie automobile
chinoise semble avoir atteint sa vitesse de croisière. La société
Volkswagen, présente depuis longtemps en Chine, affronte une rude
concurrence de la part des autres grands fabricants étrangers. On
assiste également à un foisonnement de marchés et d’associations
qui tentent de séduire le Chinois moyen dont le rêve d’automobile
est bien vivant. Mais ce rêve est-il vraiment réalisable avec le
prix élevé des voitures sur le marché chinois? La Chine est sur
quatre roues, mais la route est encore semée d’embûches.
IL y a 50 ans, le premier pôle de l’industrie
automobile de la Chine nouvelle fut créé à Changchun, dans le Nord-Est.
Pendant les trois décennies suivantes, ce pôle a basé largement
son fonctionnement sur la fabrication des camions. Malgré la production
des voitures Hongqi, la technologie restait arriérée, avec
une faible capacité de production.
On rapporte qu’au début des
années 80, lorsque, de la porte Tian’anmen, Deng Xiaoping, architecte
en chef de la réforme et de l’ouverture, voyait circuler dans l’avenue
Chang’an des voitures qui étaient pratiquement toutes de marques
étrangères, il s’en inquiétait.
Comment encourager le développement de l’industrie
automobile chinoise? Comment faire que les Chinois conduisent des
voitures de leur fabrication? Les Chinois affrontaient un défi considérable.
En 1978, une proposition d’introduire une chaîne
de production de camions fut soumise à Deng Xiaoping, et
il y donna immédiatement une réponse officielle :
« Bien sûr! non seulement pour les camions, mais aussi pour
les voitures. » Ce fut le début d’un nouveau chapitre de l’industrie
automobile chinoise.
Ayant goûté aux avantages des joint-ventures, l’industrie automobile
chinoise s’est engagée dans la voie de la croissance rapide.
En 1998, la Chine se classait déjà au rang des dix
grands fabricants de véhicules automobiles du monde et, cinq
ans plus tard, elle est le 4e fabricant mondial,
avec un volume annuel de production qui devrait dépasser
alors quatre millions d’unités, dont plus d’un million de voitures.
Le développement de l’industrie automobile est
en train de changer la vie des Chinois. L’augmentation du nombre
de voitures privées a donné un nouveau sens à leur vie et a entraîné
le développement du tourisme aux alentours des villes. Les entreprises
de réparation et les écoles de conduite prospèrent. Les géants
étrangers de l’automobile ont afflué en Chine pour y trouver des
occasions d’affaires. La Chine roule à grande vitesse sur l’autoroute
d’un développement plein d’opportunités.
Stratégies
fructueuses de la société Volkswagen
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Malgré les prix élevés,
les acheteurs sont nombreux, surtout parmi les jeunes.
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Des publicités sur les
voitures dans un centre commercial de Beijing.
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QUAND on parle de voitures en Chine, tout le monde
connaît les Santana, Jetta ou Passat.
Les produits Volkswagen occupent la moitié du marché de l’automobile,
avec des ventes annuelles dépassant les 500 000 unités.
Stratégie 1 : S’emparer
du marché chinois
Volkswagen a établi des relations avec la Chine
en 1978. Elle a alors exprimé son désir de soutenir
activement le développement de l’industrie automobile chinoise par
l’intermédiaire d’investissements, de transferts de technologies
ou d’autres moyens.
« En concurrence avec les fabricants du Japon
et des États-Unis, Volkswagen cherchait depuis longtemps des partenaires
en Asie. Parallèlement, elle a tenu compte des perspectives du marché
chinois », se souvient Qiu Ke, ex-directeur général de la Société
générale d’automobiles et de tracteurs de Shanghai.
Au moment où la Chine a choisi
Volkswagen, les fabricants d'automobiles, dont des Japonais et des
Étatsuniens, étaient aussi en négociations avec le pays. On raconte
que le modèle Santana était celui qui convenait le mieux
à la situation chinoise d’alors; pourtant, c’est la franchise des
Allemands qui a finalement gagné la sympathie de la Chine.
Malgré le long processus complexe de négociations,
Volkswagen a pris les devants par rapport à d’autres fabricants
internationaux. En 1985, la Chine et l’Allemagne ont fondé la société
à capitaux mixtes Shanghai-Volkswagen. Celle-ci produisait alors
principalement des Santana. L’industrie automobile chinoise
venait d’entrer dans l’« ère Volkswagen ».
Durant les années 80, l’industrie automobile chinoise
est restée assez fragile. Pendant dix ans, le volume d’importation
des voitures a continué d’atteindre plus de 300 000 unités.
Ce qui préoccupait alors les services intéressés chinois, c’était
comment substituer les voitures de fabrication chinoise aux voitures
importées. Quant à Volkswagen, il portait toujours haut levé l’étendard
d’« aider la Chine à fonder son industrie automobile nationale »,
tout en s’efforçant de promouvoir la nationalisation.
Grâce à l’excellence de leur technique de fabrication
et à leur perfectionnisme, les Allemands ont forgé les bonnes performances
des Santana. À l’époque, dans le marché chinois des voitures,
faute de concurrence, les Santana ont effectué une forte
pénétration. Dans la Chine des années 80, de huit à neuf voitures
sur dix en circulation étaient des Santana. À cette époque,
la marque était synonyme de voitures.
En 1991, en coopération avec la Chine, Volkswagen
a fondé FAW-Volkswagen à Changchun, en Chine du Nord-Est, qui fabriquait
alors des modèles comme la Audi, s’orientant ainsi vers les
voitures haut de gamme. À l’époque, des secteurs de l’industrie
espéraient aussi que Volkswagen puisse produire un modèle plus luxueux
que la Santana, afin de satisfaire aux besoins des échelons
supérieurs du gouvernement. Dès lors, Volkswagen possédait deux
grandes bases de production, dont l’une dans le nord et l’autre
dans le sud de la Chine, ce qui lui a permis de lancer le premier
jeton parmi les transnationales.
Stratégie 2 : Mettre
l’accent sur la marque
La sixième édition du Salon international de l’auto
de Beijing a attiré une foule sans précédent. Auparavant, les grandes
marques étrangères et les automobiles de fabrication chinoise étaient
présentées dans des zones différentes, mais cette fois-ci, Volkswagen
a mis les voitures de fabrication allemande et chinoise dans une
même zone, et les marques de Volkswagen ont fait sensation.
Bien que les Santana, Jetta, Passat
et autres soient connues, tous les gens ne savent pas qu’elles
sont fabriquées par Volkswagen. Robert Buchelhofer, président de
la région Asie-Pacifique du groupe Volkswagen, avoue : « Nos
produits ont du succès sur le marché chinois, mais pas la marque,
et nous l’avons réalisé. C’est ainsi que nous avons commencé à nous
repositionner pour établir notre marque et redessiner notre avenir. »
Subissant l’impact de l’arrivée en Chine de nombreuses
autres multinationales comme GM ou Toyota, la confusion des marques
n’était pas une bonne affaire pour Volkswagen. « Les marques
de Volkswagen devraient être unifiées, sinon elles ne pourraient
pas former un front commun pour faire concurrence sur tous les fronts
avec nos adversaires », dit Xu Huanxin, directeur de Volkswagen
China Import.
Volkswagen a donc pris une décision : désormais,
Volkswagen (China) Investment Company Limited s’occuperait de la
publicité de la marque « Volkswagen ». On a donc demandé
à Shanghai-Volkswagen et à FAW-Volkswagen d’accorder leurs violons
pour mettre l’accent sur la marque « Volkswagen ».
Bien que les Allemands ne puissent pas effacer
les noms de Santana et Jetta de la mémoire des Chinois,
ils ont commencé à utiliser ingénieusement ces produits connus pour
soutenir la marque « Volkswagen ». Ils ne cessent d’inculquer
aux Chinois que les Santana, Jetta et Passat
sont des modèles « Volkswagen ».
Stratégie 3 : Réorganiser le réseau
de marketing
Peu après l’adhésion de la Chine à l’OMC, Volkswagen
et la Chine ont créé conjointement SAIC-Volkswagen Sales Co., Ltd,
dont le Groupe d’automobiles de Shanghai possède 50 % des actions,
Volkswagen, 30 % et Shanghai-Volkswagen, 20 %. Comme Volkswagen
conserve la moitié des actions de ce dernier, la proportion des
droits réels est de 60 % pour la partie chinoise et de 40 %
pour la partie allemande.
À son arrivée dans le marché chinois, Volkswagen
était incapable de développer simultanément la fabrication et la
vente. Son choix intelligent a été de se concentrer sur la fabrication
et de résoudre quantité de problèmes dans les maillons de la production,
en laissant aux partenaires chinois la charge et les risques de
l’exploitation du marché.
Depuis la participation de la Chine à l’OMC, le marché automobile
chinois commence à s’approcher du marché international, et les géants
de l’automobile arrivent en Chine. Avec des marques célèbres et
une force égale, chacun s’enorgueillit d’une technologie puissante.
Dans un contexte de pleine concurrence, dans une certaine mesure,
celui qui possédera le réseau de vente le mieux établi sera celui
qui jouera le rôle principal.
Avoir un bon réseau de marketing est une affaire
de vie ou de mort. S’appuyer sur le canal d’autrui et disposer de
son propre canal sont deux choses bien différentes. Depuis 1998,
les grands de l’automobile n’ont pas cessé de lancer des voitures
haut de gamme et de gamme intermédiaire dans le marché chinois et
d’édifier leur propre canal de marketing grâce à leurs marques,
leurs capitaux et leurs nouveaux produits. Leur objectif est d’introduire
régulièrement leurs marques de voitures en Chine à la suite de son
adhésion à l’OMC.
Au moment où les autres s’impatientaient de créer
un réseau de ventes, les Allemands ont réorganisé tranquillement
le réseau existant, alors dispersé en Chine. Avec de faibles investissements,
ils ont ainsi acquis le canal de marketing que la partie chinoise
exploitait depuis une dizaine d’années, s’assurant le haut du pavé
au sein de la concurrence à venir.
Stratégie 4 : Être
actif dans l’importation
L’adhésion de la Chine à l’OMC et l’organisation
des jeux Olympiques de 2008 apporteront des occasions commerciales
au marché automobile. Ceux qui n’ont pas d’usines automobiles en
Chine ont commencé à élaborer leur stratégie d’importation, alors
que ceux qui en ont cherchent par tous les moyens à élargir l’importation,
tout en consolidant la délocalisation de la fabrication.
Après avoir vu tant de voitures « Made
in China » et avoir été séduits par les marques importées,
les consommateurs chinois resteront-ils fidèles aux marques de Volkswagen?
Pour cette société qui occupe 50 % du marché chinois, ce n’est pas
si facile de garder ce consommateur.
« C’est le moment, dit avec ambition Walter
Hanek, directeur général de l’importation du groupe Volkswagen,
nous devons participer à la concurrence sur tous les fronts du marché
chinois; ce n’est pas suffisant de n’avoir que des voitures fabriquées
par des usines à capitaux mixtes. Les besoins diversifiés des consommateurs
nous demandent de fournir absolument des modèles plus variés comme
complément de ces voitures. »
En tant que premier modèle des séries importées
de Volkswagen, la Sharan est arrivée en Chine.
« La Sharan ne marque que le début de nos
affaires d’importation en Chine, dit Hanek, désormais, Volkswagen
introduira davantage de superbes voitures. Notre objectif sera de
combiner en un ensemble les excellents produits des usines à capitaux
mixtes avec les produits importés de pointe, afin de consolider
la position avancée des marques de Volkswagen dans les produits
et services en Chine. »
Ces paroles traduisent bien la stratégie en profondeur
de Volkswagen : faire se compléter les voitures importées et
les produits chinois des usines à capitaux mixtes pour former, à
l’aide du « Fabriqué en Chine » et du « Fabriqué
en Europe », une structure d’approvisionnement présentant toute
la gamme de ses produits en Chine.
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