OCTOBRE  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La Chine… sur quatre roues

QIU JIANGHONG

 

D’un pôle industriel arriéré à un secteur en plein essor, l’évolution de l’industrie automobile chinoise semble avoir atteint sa vitesse de croisière. La société Volkswagen, présente depuis longtemps en Chine, affronte une rude concurrence de la part des autres grands fabricants étrangers. On assiste également à un foisonnement de marchés et d’associations qui tentent de séduire le Chinois moyen dont le rêve d’automobile est bien vivant. Mais ce rêve est-il vraiment réalisable avec le prix élevé des voitures sur le marché chinois? La Chine est sur quatre roues, mais la route est encore semée d’embûches.

IL y a 50 ans, le premier pôle de l’industrie automobile de la Chine nouvelle fut créé à Changchun, dans le Nord-Est. Pendant les trois décennies suivantes, ce pôle a basé largement son fonctionnement sur la fabrication des camions. Malgré la production des voitures Hongqi, la technologie restait arriérée, avec une faible capacité de production.

On rapporte qu’au début des années 80, lorsque, de la porte Tian’anmen, Deng Xiaoping, architecte en chef de la réforme et de l’ouverture, voyait circuler dans l’avenue Chang’an des voitures qui étaient pratiquement toutes de marques étrangères, il s’en inquiétait.

Comment encourager le développement de l’industrie automobile chinoise? Comment faire que les Chinois conduisent des voitures de leur fabrication? Les Chinois affrontaient un défi considérable.

En 1978, une proposition d’introduire une chaîne de production de camions fut soumise à Deng Xiaoping, et il y donna immédiatement une réponse officielle : « Bien sûr! non seulement pour les camions, mais aussi pour les voitures. » Ce fut le début d’un nouveau chapitre de l’industrie automobile chinoise.

Ayant goûté aux avantages des joint-ventures, l’industrie automobile chinoise s’est engagée dans la voie de la croissance rapide. En 1998, la Chine se classait déjà au rang des dix grands fabricants de véhicules automobiles du monde et, cinq ans plus tard, elle est le 4e fabricant mondial, avec un volume annuel de production qui devrait dépasser alors quatre millions d’unités, dont plus d’un million de voitures.

Le développement de l’industrie automobile est en train de changer la vie des Chinois. L’augmentation du nombre de voitures privées a donné un nouveau sens à leur vie et a entraîné le développement du tourisme aux alentours des villes. Les entreprises de réparation et les écoles de conduite prospèrent. Les géants étrangers de l’automobile ont afflué en Chine pour y trouver des occasions d’affaires. La Chine roule à grande vitesse sur l’autoroute d’un développement plein d’opportunités.

 

Stratégies fructueuses de la société Volkswagen

Malgré les prix élevés, les acheteurs sont nombreux, surtout parmi les jeunes.

Des publicités sur les voitures dans un centre commercial de Beijing.

QUAND on parle de voitures en Chine, tout le monde connaît les Santana, Jetta ou Passat. Les produits Volkswagen occupent la moitié du marché de l’automobile, avec des ventes annuelles dépassant les 500 000 unités.

Stratégie 1 : S’emparer du marché chinois

Volkswagen a établi des relations avec la Chine en 1978. Elle a alors exprimé son désir de soutenir activement le développement de l’industrie automobile chinoise par l’intermédiaire d’investissements, de transferts de technologies ou d’autres moyens.

« En concurrence avec les fabricants du Japon et des États-Unis, Volkswagen cherchait depuis longtemps des partenaires en Asie. Parallèlement, elle a tenu compte des perspectives du marché chinois », se souvient Qiu Ke, ex-directeur général de la Société générale d’automobiles et de tracteurs de Shanghai.

Au moment où la Chine a choisi Volkswagen, les fabricants d'automobiles, dont des Japonais et des Étatsuniens, étaient aussi en négociations avec le pays. On raconte que le modèle Santana était celui qui convenait le mieux à la situation chinoise d’alors; pourtant, c’est la franchise des Allemands qui a finalement gagné la sympathie de la Chine.

Malgré le long processus complexe de négociations, Volkswagen a pris les devants par rapport à d’autres fabricants internationaux. En 1985, la Chine et l’Allemagne ont fondé la société à capitaux mixtes Shanghai-Volkswagen. Celle-ci produisait alors principalement des Santana. L’industrie automobile chinoise venait d’entrer dans l’« ère Volkswagen ».

Durant les années 80, l’industrie automobile chinoise est restée assez fragile. Pendant dix ans, le volume d’importation des voitures a continué d’atteindre plus de 300 000 unités. Ce qui préoccupait alors les services intéressés chinois, c’était comment substituer les voitures de fabrication chinoise aux voitures importées. Quant à Volkswagen, il portait toujours haut levé l’étendard d’« aider la Chine à fonder son industrie automobile nationale », tout en s’efforçant de promouvoir la nationalisation.

Grâce à l’excellence de leur technique de fabrication et à leur perfectionnisme, les Allemands ont forgé les bonnes performances des Santana. À l’époque, dans le marché chinois des voitures, faute de concurrence, les Santana ont effectué une forte pénétration. Dans la Chine des années 80, de huit à neuf voitures sur dix en circulation étaient des Santana. À cette époque, la marque était synonyme de voitures.

En 1991, en coopération avec la Chine, Volkswagen a fondé FAW-Volkswagen à Changchun, en Chine du Nord-Est, qui fabriquait alors des modèles comme la Audi, s’orientant ainsi vers les voitures haut de gamme. À l’époque, des secteurs de l’industrie espéraient aussi que Volkswagen puisse produire un modèle plus luxueux que la Santana, afin de satisfaire aux besoins des échelons supérieurs du gouvernement. Dès lors, Volkswagen possédait deux grandes bases de production, dont l’une dans le nord et l’autre dans le sud de la Chine, ce qui lui a permis de lancer le premier jeton parmi les transnationales.

Stratégie 2 : Mettre l’accent sur la marque

La sixième édition du Salon international de l’auto de Beijing a attiré une foule sans précédent. Auparavant, les grandes marques étrangères et les automobiles de fabrication chinoise étaient présentées dans des zones différentes, mais cette fois-ci, Volkswagen a mis les voitures de fabrication allemande et chinoise dans une même zone, et les marques de Volkswagen ont fait sensation.

Bien que les Santana, Jetta, Passat et autres soient connues, tous les gens ne savent pas qu’elles sont fabriquées par Volkswagen. Robert Buchelhofer, président de la région Asie-Pacifique du groupe Volkswagen, avoue : « Nos produits ont du succès sur le marché chinois, mais pas la marque, et nous l’avons réalisé. C’est ainsi que nous avons commencé à nous repositionner pour établir notre marque et redessiner notre avenir. »

Subissant l’impact de l’arrivée en Chine de nombreuses autres multinationales comme GM ou Toyota, la confusion des marques n’était pas une bonne affaire pour Volkswagen. « Les marques de Volkswagen devraient être unifiées, sinon elles ne pourraient pas former un front commun pour faire concurrence sur tous les fronts avec nos adversaires », dit Xu Huanxin, directeur de Volkswagen China Import.

Volkswagen a donc pris une décision : désormais, Volkswagen (China) Investment Company Limited s’occuperait de la publicité de la marque « Volkswagen ». On a donc demandé à Shanghai-Volkswagen et à FAW-Volkswagen d’accorder leurs violons pour mettre l’accent sur la marque « Volkswagen ».

Bien que les Allemands ne puissent pas effacer les noms de Santana et Jetta de la mémoire des Chinois, ils ont commencé à utiliser ingénieusement ces produits connus pour soutenir la marque « Volkswagen ». Ils ne cessent d’inculquer aux Chinois que les Santana, Jetta et Passat sont des modèles « Volkswagen ».

Stratégie 3 :  Réorganiser le réseau de marketing

Peu après l’adhésion de la Chine à l’OMC, Volkswagen et la Chine ont créé conjointement SAIC-Volkswagen Sales Co., Ltd, dont le Groupe d’automobiles de Shanghai possède 50 % des actions, Volkswagen, 30 % et Shanghai-Volkswagen, 20 %. Comme Volkswagen conserve la moitié des actions de ce dernier, la proportion des droits réels est de 60 % pour la partie chinoise et de 40 % pour la partie allemande.

À son arrivée dans le marché chinois, Volkswagen était incapable de développer simultanément la fabrication et la vente. Son choix intelligent a été de se concentrer sur la fabrication et de résoudre quantité de problèmes dans les maillons de la production, en laissant aux partenaires chinois la charge et les risques de l’exploitation du marché.

Depuis la participation de la Chine à l’OMC, le marché automobile chinois commence à s’approcher du marché international, et les géants de l’automobile arrivent en Chine. Avec des marques célèbres et une force égale, chacun s’enorgueillit d’une technologie puissante. Dans un contexte de pleine concurrence,  dans une certaine mesure, celui qui possédera le réseau de vente le mieux établi sera celui qui jouera le rôle principal.

Avoir un bon réseau de marketing est une affaire de vie ou de mort. S’appuyer sur le canal d’autrui et disposer de son propre canal sont deux choses bien différentes. Depuis 1998, les grands de l’automobile n’ont pas cessé de lancer des voitures haut de gamme et de gamme intermédiaire dans le marché chinois et d’édifier leur propre canal de marketing grâce à leurs marques, leurs capitaux et leurs nouveaux produits. Leur objectif est d’introduire régulièrement leurs marques de voitures en Chine à la suite de son adhésion à l’OMC.

Au moment où les autres s’impatientaient de créer un réseau de ventes, les Allemands ont réorganisé tranquillement le réseau existant, alors dispersé en Chine. Avec de faibles investissements, ils ont ainsi acquis le canal de marketing que la partie chinoise exploitait depuis une dizaine d’années, s’assurant le haut du pavé au sein de la concurrence à venir.

Stratégie 4 : Être actif dans l’importation

L’adhésion de la Chine à l’OMC et l’organisation des jeux Olympiques de 2008 apporteront des occasions commerciales au marché automobile. Ceux qui n’ont pas d’usines automobiles en Chine ont commencé à élaborer leur stratégie d’importation, alors que ceux qui en ont cherchent par tous les moyens à élargir l’importation, tout en consolidant la délocalisation de la fabrication.

Après avoir vu tant de voitures « Made in China » et avoir été séduits par les marques importées, les consommateurs chinois resteront-ils fidèles aux marques de Volkswagen? Pour cette société qui occupe 50 % du marché chinois, ce n’est pas si facile de garder ce consommateur.

« C’est le moment, dit avec ambition Walter Hanek, directeur général de l’importation du groupe Volkswagen, nous devons participer à la concurrence sur tous les fronts du marché chinois; ce n’est pas suffisant de n’avoir que des voitures fabriquées par des usines à capitaux mixtes. Les besoins diversifiés des consommateurs nous demandent de fournir absolument des modèles plus variés comme complément de ces voitures. »

En tant que premier modèle des séries importées de Volkswagen, la Sharan est arrivée en Chine.

« La Sharan ne marque que le début de nos affaires d’importation en Chine, dit Hanek, désormais, Volkswagen introduira davantage de superbes voitures. Notre objectif sera de combiner en un ensemble les excellents produits des usines à capitaux mixtes avec les produits importés de pointe, afin de consolider la position avancée des marques de Volkswagen dans les produits et services en Chine. »

Ces paroles traduisent bien la stratégie en profondeur de Volkswagen : faire se compléter les voitures importées et les produits chinois des usines à capitaux mixtes pour former, à l’aide du « Fabriqué en Chine » et du « Fabriqué en Europe », une structure d’approvisionnement présentant toute la gamme de ses produits en Chine.