JANVIER  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

Les ONG chinoises de la base, est-ce du sérieux?

LOUISE CADIEUX

Des membres d’ONG chinoises de la base agitent leur « climatiseur économiseur d’énergie» en symbole de leur volonté de rafraîchir cette planète qui se réchauffe constamment.

Un air pratiquement irrespirable! Des cours d’eau extrêmement pollués par des déchets industriels ! Des déserts qui grugent les prairies et les terres cultivées! Des villes en pénurie d’eau! Et ça empire…, voilà le triste bilan qu’on entendait fréquemment, il n’y a pas si longtemps encore, lorsque des commentateurs ou des scientifiques décrivaient l’écosystème de la Chine. Bien sûr, maintenant, tout n’est pas complètement changé, mais en 2001, la Chine a investi 93 milliards de dollars dans le grand ménage de son environnement. C’est un effort colossal, alors que, selon certains experts, le budget de sa Défense est estimé à 45 milliards de dollars. Si la protection de l’environnement est devenue un pôle de préoccupation à tous les échelons et qu’on met actuellement les bouchées doubles pour changer cette situation dramatique, le travail «silencieux» des ONG de la base en environnement y est pour quelque chose. Sans relâche, surtout depuis le milieu des années 90, elles ont sensibilisé à l’urgence de la tâche le grand public et les autorités qui voulaient bien leur prêter l’oreille. Elles ont essayé bien des méthodes, du tourisme aux exposés théoriques, des campagnes de nettoyage aux forums sur des questions bien précises. Hier, elles participaient au sommet de Johannesburg; aujourd’hui, elles travaillent fort à implanter son plan d’action; demain, elles continueront sûrement à motiver les gens qu’elles auront éveillés à comprendre que de la protection de leur univers dépend directement leur bien-être.

Deux ans de préparatifs intenses

Le sommet, c’est dès l’an 2000 que les ONG chinoises de la base ont commencé à s’y préparer. En effet, cette année-là, Village global, une de ces ONG de Beijing, avait organisé, avec cinq autres de ses homologues, une série d’activités pour le jour de la Terre. Celles-ci avaient rassemblé des ONG de plus de dix provinces de Chine, mais surtout, l’événement marquait le premier rassemblement public d’échelon national, organisé par des ONG et portant le thème de l’environnement.

Luo Yu (au centre) de la province du Guizhou, a célébré son 13e anniversaire durant le sommet dans lequel elle s’était très engagée.

Dès lors, s’est formé un réseau de partage d’expériences et d’échange d’informations, de sorte que, au moment où la nouvelle du sommet a été diffusée en Chine, beaucoup d’ONG ont senti qu’elles avaient la responsabilité de faire connaître au monde la voix de la société civile chinoise. Ce fut donc le point de départ de deux années d’une préparation consciencieuse pendant laquelle se sont succédé réunions régionales, conférences, activités de sensibilisation et consultations.

Les agences gouvernementales ont aussi participé aux préparatifs. Par exemple, à l’une des activités préparatoires au sommet, le Forum sur la consommation durable, quelque deux cents participants, dont des officiels du gouvernement, étaient présents pour réfléchir aux modes de consommation des Chinois. À une autre rencontre, l’Atelier des ONG chinoises sur le Sommet, outre les représentants des ONG, on comptait aussi des chercheurs de plus de vingt provinces. D’autres rencontres ont rassemblé des représentants de l’ONU et des officiels de l’Agenda 21 en Chine. En somme, les ONG prenaient part entière au grand mouvement de coordination des efforts.

C’est dans ce contexte qu’une délégation d’ONG a été formée en vue de la participation au sommet de Johannesburg. Cette délégation comprenait dix-huit représentants de douze ONG de la base. Leurs délégués ont ensuite suivi une formation où ils ont étudié les procédures d’un grand rassemblement international et recueilli des informations sur le grand sommet auquel ils allaient prendre part. Un groupe plus restreint de coordination, formé de Village global, Amis de la Terre (Hongkong), Écoréseau du Yunnan et de l’Association de conservation (Hongkong) a aussi été mis sur pied pour assumer la responsabilité d’organiser d’autres activités et d’élaborer des communications permettant de faire connaître les ONG de la base aux médias et aux participants du sommet.

Dix-huit délégués, un seul engagement : forger un avenir meilleur

Des VCD et des brochures couvrant vingt-six ONG de la base en Chine ont été  distribués au sommet.

La délégation des dix-huit ONG chinoises de la base regroupait des membres venant de Beijing, du Yunnan, du Shandong, du Shanxi, du Hebei, du Jiangsu, de Chongqing, du Sichuan et de Hongkong.  De la campagne ou des villes, ces délégués représentaient la diversité des réalités de la Chine, mais un seul objectif les animait : un avenir meilleur. Voyons plutôt les commentaires de certains d’entre eux, à la suite de leur expérience au sommet.

Liao Xiaoyi, présidente de Village global de Beijing : «La prise de conscience du public et sa participation sont fondamentales pour implanter un développement durable. Les ONG chinoises ont franchi un petit pas au sommet, mais c’est un grand pas pour la société civile chinoise vers le monde.»

Wang Yongchen, co-directrice de Volontaires pour une planète verte : « À ce sommet, nous avons beaucoup appris sur le volontariat et sur ses fonctions dans ce monde. Nous y avons rencontré beaucoup de personnes qui partagent notre passion. »

Ng Mei, directrice des Amis de la Terre : Sommes-nous une génération montante ou une génération descendante? Cela dépend des gestes que nous poserons, dans quelle mesure nous serons engagés à porter bien haut la cause de la justice sociale, du partage des responsabilités et des ressources. Le sommet est une marche en avant d’une alliance globale de citoyens qui sont dotés d’une conscience altruiste.»

Zhang Zhongming, directeur des Amis Verts du Hebei : « J’étais la seule personne de la province du Hebei à participer au sommet. À mon retour, les dirigeants du gouvernement de notre province m’ont invité à discuter du développement durable dans notre région. Le sommet a créé une grande opportunité de travailler avec le gouvernement.»

Lu Wei, Amis de la nature du Jiangsu : « J’ai passé un an et demi à enquêter, à pied, sur l’état du Yangtsé, et je suis très inquiet de sa dégradation. Durant le sommet, j’ai appris beaucoup sur les questions globales touchant l’eau, j’ai discuté de solutions possibles avec des gens d’autres pays et compris comment, à titre d’ONG, je peux aider à mieux protéger le système du Yangtsé.»

Lu Chen, directeur de Entrer dans la nature, province du Shandong : « Les gens de mon village sont très fiers de ma participation au sommet.  (…) Plusieurs personnes ont appris la notion de développement durable et les fonctions d’une ONG grâce à ma participation. Je crois donc que je pourrai en retirer un soutien accru. »

Jun Sun, coordonnateur de programmes au Centre de formation de Village global : « Notre centre de formation est situé au village Duijiushi, dans le district de Yanqing, où vivent quarante familles de paysans. Je suis très content de pouvoir leur rapporter des messages très pratiques du sommet. Et j’espère voir des représentants des paysans chinois au prochain sommet, puisqu’il y a 900 millions de paysans en Chine. »

Su Wenping, Volontaire de la délégation : « La diversité est de plus en plus importante dans un monde influencé par la globalisation. Chaque pays et chaque nation doit conserver ses propres caractéristiques. La Chine doit aussi se fier à ses connaissances typiques et à sa culture traditionnelle en matière de développement durable.

Zhao Lijian, Coordonnateur, Programme international, Village global :  Les valeurs de la jeunesse vont forger les valeurs de l’humanité. Le sommet m’a donné la chance de penser à la mission de la jeunesse d’aujourd’hui.»

De l’Afrique du Sud à la Chine

Dès la fin de septembre dernier, des délégués ont discuté le plan d’action du suivi du sommet avec leurs homologues de plus de 30 ONG de la base.

À en juger par ces paroles, les délégués semblent avoir retiré beaucoup de fierté de leur participation au sommet, où ils ont surtout concentré leurs énergies à participer aux ateliers, expositions, forums et tables rondes qui se tenaient en marge des rencontres plus officielles. Ils y ont discuté des grandes questions sociales toujours d’actualité, dont la réduction de la pauvreté, le commerce équitable, le développement communautaire, la société civile, les valeurs traditionnelles, la consommation et la production durables et le tourisme écologique, afin d’en rapporter une réflexion approfondie pour une application en Chine. Ils ont aussi applaudi lorsque le premier ministre Zhu Rongji a annoncé au monde entier que le gouvernement chinois avait ratifié le Protocole de Kyoto. Ils ont félicité Shanghai lorsque la ville a reçu le titre de «Ville au développement durable». Ils ont distribué des milliers et des milliers de documents sur leurs actions et partagé leurs expériences dans des rassemblements populaires. Ils ont senti la lourde responsabilité qu’ils portaient sur leurs épaules en tant que premiers représentants des ONG chinoises de la base à une conférence des Nations unies. À Johannesburg, les délégués des ONG chinoises de la base étaient les « petits nouveaux » du processus d’un sommet, mais en faisant connaître leurs activités, leurs réalisations et leur esprit typique d’ONG − égalité, participation, autodiscipline, respect mutuel, engagement, ils ont transformé l’ancienne image de la Chine en montrant celle de la nouvelle société civile chinoise. Johannesburg a été une scène et une plate-forme d’apprentissage. Les ONG de la base ont pu mieux comprendre la portée du rôle qu’elles pouvaient jouer.

Pour l’heure, le suivi du sommet prend surtout la forme de rencontres d’information : dans des patelins reculés comme dans la Capitale, avec des étudiants, des collègues, des journalistes, des membres du gouvernement et le grand public.  En somme, rien n’est acquis, mais à Johannesburg les ONG chinoises de la base ont fait savoir au monde entier que leur pays était bel et bien éveillé à la question environnementale.