La danse des Tang
HUO
JIANYING
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Figurines
en terre cuite représentant des danseuses des Tang. |
À l’époque des Tang, la danse impériale
était de deux types : la danse Wenwu,
aussi appelée danse souple; et la danse Wuwu,
considérée comme une danse vigoureuse. Le style de chacune était
tout à fait différent de celui de l’autre. Wenwu
était décontractée et élégante;
Wuwu était rapide, énergique et au rythme
bien marqué. Par la suite, la danse Huwu, d’origine populaire,
s’est intégrée aux formes de danse de cette dynastie.
La danse
Wuwu
En 633, à Chang’an, capitale de
la dynastie des Tang (618-907), les chants de combat retentissaient
jusqu’aux nues. Les soldats en armure étaient alignés en formation
de combat. Tantôt ils sautaient, tantôt ils luttaient, armés.
Cette scène émouvante a bouleversé le monde.
Pourtant, ce n’était pas un vrai
champ de bataille. C’était une des représentations de La musique sur la bataille gagnée par le prince Qin. Li Shimin, empereur
Taizong des Tang, avait organisé cette représentation pour évoquer
la scène où, quinze ans auparavant,
il avait été chargé des affaires
militaires pressantes. Il avait alors aussi dirigé les combats
pour disputer le trône.
Dès l'âge de 19 ans, en suivant
son père, il avait participé
à un soulèvement et avait été mêlé à d'innombrables combats.
Li connaissait bien la difficulté de prendre le pouvoir des Tang.
Il a enseigné inlassablement aux grands dignitaires : «
Maintenant, la paix règne en Chine; mais si on oublie le combat, le pays sera en
péril ».
La
musique sur la bataille
gagnée par le prince Qin
est une grande pièce de théâtre qui fait l’éloge de Li
Shimin. Cet empereur a accompli des exploits remarquables pour
fonder la dynastie des Tang. Avant son accession au trône, il
portait le titre de prince Qin. On avait mis en scène cette pièce
de théâtre pour encourager la volonté invincible des soldats et
du peuple.
Cette pièce de théâtre est une
danse Wuwu à la puissance impétueuse: 120
danseurs, 100 chanteurs et 100 musiciens prennent part à la représentation.
La musique a été composée par le musicien impérial Lü Cai, sous
l’inspiration des chansons populaires.
La représentation débute par une
formation militaire placée en rond à gauche, en carré à droite.
Les chars se frayent un passage et les soldats suivent de près.
La formation militaire se modifie, au rythme de la musique, pour
présenter un total de douze formations. Devant cette scène majestueuse,
les spectateurs se sentent exaltés. Personne ne peut s’empêcher
de battre la mesure et de chanter sous l’accompagnement musical.
La danse de l’épée est une danse
représentative de la danse Wuwu.
C’est une danse développée à partir de l’art de l’escrime. À l’époque
des Tang, la danseuse avec épée la plus connue était une belle
fille du nom de famille Gongsun.
Souvent, la foule se rassemblait
sur une place à Yancheng, dans le Henan, et après le roulement
des tambours, Gongsun entrait en scène. Ses mouvements variés,
scandés par le maniement de l’épée, sa fière allure et sa force
ébranlaient les spectateurs, comme une ardeur capable de soulever
les montagnes et de renverser le cours d’un fleuve. D’après les
Anciens, l’art de l’escrime ou la danse de l’épée demandaient
de soigneuses recherches, non seulement au plan de la forme physique,
mais surtout au plan de l’esprit, afin de bien combiner les deux.
Après avoir admiré la danse de
l’épée, Zhang Xu, grand calligraphe des Tang, a beaucoup amélioré
sa technique d’écriture Caoshu; les traits inspirés des mouvements
de danse sont caractérisés par leur rythme vif. Il a avoué avoir
acquis l’esprit de cette technique grâce à la danse de Gongsun.
Dans son enfance, Du Fu, célèbre
poète des Tang, a assisté à une présentation de danse de cette
belle fille. Sa chorégraphie impeccable et la scène émouvante
lui ont laissé une impression inoubliable. Des années plus tard,
la représentation de Li Shierniang, disciple de Gongsun, l’a fait se
remémorer la danse de l’épée de Gongsun; son ardeur a été exaltée
et il a alors composé le fameux poème
Admirer la présentation de la danse de l’épée
de la disciple de Gongsun.
La danse
Wenwu
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Figurines
de danseuses et de musiciennes des Tang. |
Après son accession au trône, Li
Shimin se mit à discuter, avec ses dignitaires, de la politique
pour gouverner le pays. Selon ses affirmations, à titre d’empereur
de la dynastie des Tang, bien qu’il eut pris le pays en comptant
sur la tactique militaire, pour le gouverner, il devait compter
sur les lettres. Les arts choisis pour gouverner le pays dépendaient
de la période . En vertu de cette théorie, après le rétablissement
de la paix à l’intérieur du pays, il a accordé de l’importance
à l’édification économique et à l’éducation populaire.
En 633, Li Shimin retourna dans
son pays natal, le district de Wugong. Cette année-là, le pays
connaissait un dynamisme et une prospérité accrues. Dans le palais
Qingshan, il invita les dignitaires à composer des poèmes, en
vue de faire l’éloge de la prospérité et de la paix du pays. Pour
danses, il demanda aux musiciens de mettre ses poèmes en musique,
sous le titre de La musique
du Palais Qingshan.
La musique mélodieuse et la danse
gracieuse incarnaient la prospérité qui règnait alors sur le territoire
de la dynastie des Tang. La
musique du Palais Qingshan est une œuvre représentative de la danse Wenwu. Elle traduit le fondement théorique
sur lequel repose la pensée de l’empereur Taizong des Tang: se
développer sur les plans moral et intellectuel pour gouverner
le pays.
Li Longji, empereur Xuanzong, était
un fin mélomane. Il pouvait composer, exécuter et même jouer des
rôles dans les pièces musicales et dansées, ainsi que jouer du
tambour. D’après les légendes, le son du tambour qu’il battait
pouvait faire éclore les fleurs au printemps et tomber les feuilles
mortes à l'automne.
En quelques décennies, à l'initiative
de cet empereur et grâce à la prospérité des Tang, la danse Wenwu s'est rapidement développée; ainsi, au début du VIIIe
siècle, cette danse connut son apogée. Grâce à sa passion de la
musique et de la chorégraphie, à l'âge de 56 ans, Xuanzong épousa
Yang Yuhuan, une jeune fille de 22 ans. La mélodie Habit
multicolore décoré de plumes fut probablement composée
spécialement par l’empereur Xuanzong en l’honneur deYang Yuhuan.
Cette danse harmonise l’amour humain avec la beauté d’un royaume
céleste et combine parfaitement la réalité et l’imaginaire.
L’œuvre Habit
multicolore décoré de plumes a été composé après que
l’empereur ait regardé au loin le mont Nüer, couvert de nuages.
D’après la légende, le mont Nüer serait le monde des immortels.
L’empereur a imaginé qu’il y voyait une fée en train de danser.
À ses yeux, cette fée était Yang Yuhuan. Au moment de sa création
chorégraphique, l’empereur a été inspiré par la musique de l’Inde,
imprégnée d'une couleur religieuse. Yang Yuhuan était douée pour
la danse de genre lyrique et connaissaît aussi la danse Hu.
Pour cette raison, les instruments de musique utilisés furent
ceux de la Plaine centrale et des contrées de l’Ouest. Peu de
temps après la composition de cette musique, Yang Yuhuan pouvait
exécuter la danse en suivant la musique.
Habit
multicolore décoré de plumes attache
de l’importance aux costumes. La danseuse doit être vêtue d’un
habit aux couleurs de l’arc-en-ciel et porter des parures de tête
qui pendent. Deux longues manches flottent au gré de ses mouvements,
et la longue jupe est décorée de plumes multicolores. La tenue
vestimentaire de la danseuse suffit à émerveiller les spectateurs.
La musique est composée de trois
grandes parties divisées en trente-six épisodes. La première partie
n’est qu’un ensemble instrumental de carillons, de flûte, de zheng (cithare à 13-16 cordes) et de xiao (flûte droite en bambou). La deuxième partie est une musique
lyrique, accompagnée de chants et de danses, dont le rythme est
de plus en plus accéléré. La
troisième partie est une danse de genres variés, tantôt lyrique,
tantôt vive. Au début, cette danse est exécutée en solo ou en
duo. Par la suite, plusieurs centaines de dames de la cour sont
mobilisées pour la participation.
La danse
Huwu
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Costume
de danse des Tang. |
Une fois sortie de la cour impériale
et devenue populaire, la danse a eu un vaste champ d’action. La
danse exotique a charmé la dynastie des Tang, de Chang’an jusqu'à
la frontière, des villes jusqu'à la campagne.
Li Bai, grand poète des Tang, est
le seul poète de l’histoire chinoise qui soit entré dans la cour
impériale pour composer des poèmes sur commande. Chaque fois,
pour le convoquer, des eunuques devaient le trouver dans des tavernes,
quelque part à Chang’an, et le traîner car il était ivre. Durant
les deux ans qu’il a passés à la cour impériale, Li Bai n’a pas
beaucoup composé pour l’empereur Xuanzong; toutefois, il a écrit
pas mal d'œuvres poétiques sur les femmes hu
(Hu signifie: ce qui
vient de loin ou est exotique).
À cette époque, il n'y a pas que
Li Bai qui ait été charmé par la danse Huwu
(la danse de style exotique ou exécutée par des Hu);
de nombreux lettrés, des dignitaires, des jeunes hommes et des
belles filles se sont laissés captiver, au point de tout oublier,
lors d’une représentation de danse Huwu.
Dans les époques anciennes, la
danse traditionnelle chinoise avait divers caractères : lyrique,
réservé, grave, à rythme lent et calme.
La danse Huwu, exécutée à l’origine en dehors de
la dynastie des Tang, s'est pourtant avérée un art chorégraphique
tout à fait nouveau pour les membres de cette dynastie: elle s'est
intégrée tout naturellement dans leur vie et dans la danse et
la musique chinoises.
Au début des Tang, il y avait dix
danses de musique impériale: l'une était la danse traditionnelle
han, une danse folklorique issue de la population; les autres
étaient des danses exotiques (à part la musique coréenne, les
huit autres appartenaient à la danse Huwu et avaient été introduites des contrées
de l’Ouest ). Le long de la route de la Soie, les personnages
exotiques affluaient vers la dynastie des Tang qui s’ouvrait sur
l’extérieur.
Les tavernes tenues par les femmes
hu étaient dispersées dans tous les coins
de la ville de Chang’an. On pouvait y goûter non seulement les
plats exotiques et déguster du vin des contrées de l’Ouest, mais
aussi assister à des représentations de danses exotiques. L'une
d’elle était la danse exotique tournoyante; elle était qualifiée
de tourbillon parce que la danseuse tournait aussi vite que lui.
De nombreux poèmes des Tang ont bien présenté la danse exotique tournoyante.
Par exemple, par un poème de Li Rui, on peut découvrir la danse
Huwu : la danseuse lève les épaules, roule les yeux et tournoie vite sur le tapis
multicolore. La sueur coule le long de ses parures de tête déjà
obliques, et ses bras se posent, en forme de croissant sur les
reins. La danse exotique et les tavernes tenues par les femmes
hu, non seulement embellissaient la vie quotidienne des Tang, mais
fournissaient aussi une contribution impérissable pour développer
et faire prospérer la danse de la dynastie des Tang.
La capacité de chanter et de danser
était considérée comme une connaissance que toutes les personnes
des Tang, de l’empereur jusqu'aux gens du commun, devaient maîtriser.
Cette dynastie correspond à l'apogée du développement de la chorégraphie
durant l’Antiquité. Le nombre des danses d’envergure devenues
célèbres a dépassé la centaine.
Malheureusement, presque toutes
ces danses impériales merveilleuses ne se sont pas transmises
jusqu'à notre époque. Habit multicolore décoré de plumes
n’a pas été présentée sur scène depuis la rébellion d’An Lushan-Shi
Siming en 755.
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La
chorégraphie de l’histoire d’amour Dunhuang en rêve,
présentée sur une fresque de Dunhuang. |
L’empereur Li Yu de la dynastie
des Tang du Sud (937-975) adorait aussi la danse. Il tenta de
monter une répétition de Habit
multicolore décoré de plumes . Toutefois, à cause de
l’agitation sociale et du manque d'argent, il n’a pas réussi.
Depuis lors, les générations subséquentes ne purent découvrir
le charme de la danse des Tang que par les poèmes et les écrits
littéraires.
Pour
admirer la mise en scène de la danse des Tang, il aura fallu attendre
jusqu’aux années 1980. Une fresque des grottes de Dunhuang a été
inspirée par cette danse. Il est étonnant de voir que cette
mise en scène qui représente une scène de danse au Royaume des Cieux, ressemble à celle décrite dans les poèmes
des Tang. Le langage chorégraphique sur la
fresque des Tang a enfin ressuscité la danse de cette dynastie;
le charme de celle-ci peut réapparaître sur scène. La
Route de la Soie , Le
Rêve sur Dunhuang , L’imitation
de la danse, Départ
du défilé Yangguan à l’Ouest La Danse de l’épée et d'autres pièces
dansées sont montées successivement sur scène. La pièce dansée La musique ancienne de Dunhuang présente
directement les vingt-cinq partitions de musique des Tang arrangées
avec succès pour la scène. L’imitation
de la danse musicale des Tang, et La
danse musicale de Chang’an, présentées plus de mille
fois, ont toujours été bien accueillies.
La danse des Tang, qui a sommeillé
plus de mille ans, est aujourd’hui réapparue. Elle est comme une
nouvelle vogue de chorégraphie qui s’harmonise bien
à l’époque que vit la Chine.