JANVIER  2003

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Le seul mensuel multilingue d'intérêt général en Chine, publié en français, anglais, espagnol, allemand, arabe et chinois.

 

 

La ville du soleil levant

HOU RUILI

Bateaux de pêche.

Shenzhen est une ville subtropicale ensoleillée qui donne sur la mer de Chine méridionale. Jeune et dynamique, elle a connu un développement rapide et son avenir est prometteur.

La ville n’a que 23 ans. Avant 1979, c’était un endroit en friche, le gouvernement n’y avait rien investi, et les pêcheurs ne savaient pas ce qu’était une industrie, encore moins une ville. À la fin de 1979, un convoi ferroviaire chargé de militaires de la division Génie se dirigeant vers le sud a sonné le début de l’édification de la zone économique spéciale (ZES) de Shenzhen.

On a l’impression que c’est en une seule nuit que les gratte-ciel se sont dressés, que les routes ont sillonné cet endroit du nord au sud et que les oasis ont surgi un peu partout. Pourtant, à l’exception des soldats affectés à la construction et de l’équipement envoyé au début par l’État, le gouvernement n’y a plus consacré un sou par la suite; il n’y avait qu’une politique dite d’ « ouverture ».

Pour la Chine dont l’histoire de fermeture remonte à des centaines d’années, la notion d’ « ouverture » est une réalité durement gagnée. Shenzhen, qui s’étend sur moins de 2 000 km2, a été la première fenêtre de la Chine ouverte au monde, et c’est par celle-ci que les matériaux, quantité de personnes et des fonds étrangers sont entrés et se sont implantés au pays. C’est aussi par cette fenêtre que les Chinois ont vu le monde et ont ouvert leurs horizons. C’est là que la Chine a commencé sa poursuite du niveau mondial, et aujourd’hui, elle s’approche de ce niveau à pas de géant.

En qualité de ville ouverte, on peut dire que Shenzhen a obéi aux principes du marché dès sa fondation. Pour les Chinois, qui venaient de se débarrasser de l’économie planifiée et qui n’avaient eu aucune expérience du marché, cet endroit était rempli d’occasions et de défis. De nombreux jeunes qualifiés y ont afflué des quatre coins du pays. Selon les statistiques, 98 % de la population de Shenzhen est formée de personnes venues d’ailleurs, et l’âge moyen n’est que de 29 ans. Ce sont ces jeunes au dynamisme de pionner qui ont insufflé la vitalité propre à Shenzhen.

« Les premières » de Shenzhen

En août 1980, les « Règlements de la ZES du Guangdong », d’échelon local, furent discutés et adoptés par l’Assemblée populaire nationale. Dès lors, la ZES était inscrite officiellement dans les dossiers de la Chine nouvelle. Si la zone était alors qualifiée de spéciale, c’était par l’ouverture de sa politique visant à attirer les capitaux internationaux et à développer l’économie du pays. Shenzhen a été l’une des premières ZES de la Chine. La Chine, encore sous l’économie planifiée, commença alors à faire du commerce avec les hommes d’affaires étrangers et à procéder par recherches et essais dans le domaine de l’économie de marché.

Selon les analyses des experts, de la Révolution de 1911 à la fondation de la RPC en 1949, la révolution démocratique de la Chine a mis plus de trente ans. Les recherches propres à la révolution et à l’édification du socialisme en Chine, de 1949 à 1979, ont aussi traversé trente ans. Dans ce contexte, le passage de l’économie planifiée traditionnelle à l’économie de marché socialiste aurait dû également demander de trente à cinquante ans.

La fondation de la ZES de Shenzhen a marqué de lever de rideau de l’économie de marché à l’intérieur du pays. Les nombreuses « premières » que la zone a réalisées, comme des balises sur la voie du développement de la Chine nouvelle, ont guidé l’orientation du développement de l’ensemble du pays.

Il y a 23 ans, Shenzhen n’était qu’un petit village pauvre de pêcheurs, de moins de 30 000 habitants. Pendant 23 ans, Shenzhen a cheminé d’un petit bourg limitrophe vers un statut de métropole internationale.

Croissance moyenne annuelle

2001

Ordre dans le pays

PIB

29,5 %

195,4 milliards de yuans

4

Valeur globale de la production industrielle

46,4 %

309,7 milliards de yuans

2

Finances locales

39,6 %

26,2 milliards de yuans

3

PIB par habitant

14,9 %

5 237 dollars US

1

Revenus disponibles habitants de la ville et des bourgs

23 544 yuans

1

Total de l’import-export

39,1 %

68,6 milliards de dollars US

1

Total de l’exportation  

39,4 %

37,5 milliards de dollars US

1

Une des premières à s’ouvrir

Qu’est-ce qui a forgé la « vitesse Shenzhen » ? C’est l’ouverture. S’il n’y avait pas eu l’ouverture vers l’extérieur de la ZES de Shenzhen, il aurait été impossible d’avoir une si large ouverture tous azimuts, tous échelons et dans beaucoup de domaines à la grandeur du pays. Aujourd’hui, cela ne fait plus aucun doute.

En 1979, pour le Guangdong et le Fujian, le gouvernement a fixé l’application de politiques préférentielles et de mesures souples à l’égard de leurs activités économiques vers l’extérieur. Il a accordé davantage d’autonomie à ces provinces pour qu’elles puissent, en comptant sur leurs conditions avantageuses de proximité de Taiwan, de Hongkong et de Macao, développer le plus rapidement possible leur économie.

En mai 1980, un grand nombre d’ingénieurs et de techniciens furent affectés du pays et du Guangdong pour effectuer des recherches, avant d’avancer le plan de construction d’ensemble de la ZES et les procédures d’application. C’est sur cette base que Shenzhen et Zhuhai commencèrent la construction des infrastructures de manière planifiée. En profitant de 30 millions de yuans de prêts bancaires et de revenus provenant des finances locales, Shenzhen entama alors la construction de ses infrastructures  — eau, électricité, routes, télécommunications,  canalisations et  nivellement du terrain, afin d’offrir aux investissements étrangers des installations de production et de vie convenables. En même temps, en adoptant le mode du « rendement de l’investissement » et de « l’accumulation des bénéfices par le réinvestissement », la ZES réussit à résoudre le problème de la pénurie des fonds de construction.

À la fin de 1981, plus d’un an après la création de la ZES de Shenzhen, celle-ci signa près de 600 contrats  d’investissements étrangers, avec absorption de près de 200 millions de dollars US.

Les premiers succès ont apporté confiance et courage aux habitants de Shenzhen et leur ont permis de persévérer sur la voie de l’ouverture. Durant ce processus, il y eut des controverses et des discussions, couvre : Un pays socialiste devrait-il créer des ZES ? Les ZES sont-elles de « nouvelles concessions » ? La création de ZES est-elle une réussite ou un échec ? Comment développer l’économie orientée vers l’exportation ?

Aujourd’hui, Shenzhen a établi des relations commerciales avec plus de 120 pays et territoires et le volume de son exportation représente environ le septième du volume total des exportations de l’intérieur du pays. À la fin de 2001, elle avait attiré plus de 27 000 projets d’investissements étrangers relevant de quelque 70 pays et territoires, avec une absorption des investissements étrangers totalisant 26,6 milliards de dollars US. Près de 90 des 500 entreprises puissantes du monde y ont investi. On constate que les hommes d’affaires étrangers, qui, au début, prenaient Shenzhen comme une usine de traitement de leurs produits, sont maintenant contents d’y établir leurs centres de R&D, surnommés « l’âme d’une entreprise ». On s’aperçoit également qu’au début, ils avaient embauché des travailleurs de Shenzhen et de l’intérieur du pays, mais que de plus en plus d’étrangers travaillent maintenant dans les entreprises de Shenzhen, dont des gestionnaires et des techniciens.

En fait, l’économie ouverte de Shenzhen a changé : d’un type extensif vers un type intensif, d’un accent mis sur le traitement de produits semi-finis vers un accent sur la conception et l’exploitation originale, de l’achat des produits de l’intérieur du pays pour exportation vers la production autonome et la combinaison industrielle, technique et commerciale, du commerce international indirect au commerce direct, des PME aux consortiums internationaux.

La «vitesse Shenzhen» est surprenante, et les experts en ont expliqué les causes : Shenzhen est une ville basée sur l’exportation, et il lui sera tout à fait possible de profiter des conditions favorables de l’intérieur et de l’extérieur du pays et des ressources de toutes sortes du monde pour bondir, d’une économie dominée par l’industrie légère, vers l’étape d’une industrialisation supérieure correspondant au développement de la technologie de pointe.

De nombreux noms célèbres du monde, dont IBM, Philips, Wal-Mart, etc., y ont investi de fortes sommes. Dans la zone franche de Futian, qui couvre une superficie de 1,65 km2, la valeur de l’industrie de technologie de pointe représente plus de 90 % de la valeur industrielle de toute la zone.

L’ouverture a apporté des bénéfices et le développement. Cinq ans après la fondation de la ZES de Shenzhen, une vague d’ouverture avait parcouru toute la Chine, et une disposition d’ouverture tous azimuts, tous niveaux et dans de larges domaines s’était formée, allant des ZES, des régions côtières, des régions fluviales aux villes de l’intérieur du pays. L’ouverture avait atteint 359 villes et districts regroupant 300 millions d’habitants. Ces régions sont ainsi devenues les moteurs puissants du développement économique de la Chine.

La Chine ouverte a apporté une plus grande contribution au monde. Selon les estimations, de 1995 à 2004, rien que pour la construction des infrastructures, la Chine devrait absorber 744 milliards de dollars US. Face à ce gâteau géant, les investisseurs étrangers semblent pris d’une frénésie. Tout comme l’a conclu une mission de l’OMC en 1997, à la suite de son enquête à Beijing et à Shanghai : « Dans quelques années, la Chine sera une source importante de croissance de l’économie mondiale. »

La première portant l’étiquette « économie socialiste »

Avec un vent d’ouverture, il faut apprendre comment maîtriser le marché. La notion d’exploitation et le sens du marché des habitants de Shenzhen se sont aguerris aux fluctuations du marché. Chen Zhiming fait partie des premiers constructeurs qui sont venus à Shenzhen. Puisqu’il voulait toujours y demeurer, il a donc suivi des cours tout en travaillant. Quelques années plus tard, il a gagné quelques millions de yuans dans les transactions foncières. Par la suite, il a réussi plusieurs investissements, et ses avoirs dépassaient 10 millions, bien qu’il n’ait qu’à peine 30 ans. Personne ne pouvait alors imaginer que, deux ans plus tard, à cause d’un mauvais investissement, cet homme serait criblé de dettes, séparé de sa femme et de son enfant et submergé de procès. Après s’être trempé au marché, Chen Zhiming s’est assagi. Il a ramassé de nouveau ses livres et a choisi une nouvelle spécialité avant de tout recommencer. Tels sont les habitants de Shenzhen : plus vaillants dans le marché, lorsque l’échec est plus cuisant.

S’il y a des gens qui comprennent le marché, sa gestion sera ordonnée. La réussite de la transition à l’économie de marché de la ZES de Shenzhen a posé les assises qui ont permis de fixer l’objectif de la réforme de l’économie de marché de tout le pays.

De 1980 à 1984, ce fut l’étape des recherches par projet. À cette époque du début de l’édification de la ZES, la construction des infrastructures de grande envergure se déploya complètement, et le mode de gestion administrative de l’économie sembla mésadapté. C’est ainsi que Shenzhen commença à introduire, dans le système de gestion des infrastructures, le mécanisme de la concurrence, en appliquant l’appel d’offres pour l’adjudication des ouvrages et des ouvrages forfaitaires, et en sélectionnant les meilleurs. Par la suite, elle appliqua la réforme des prix, de la planification et de la distribution des matériaux et des marchandises, des salaires, du travail et du logement. Un nouveau système et un fonctionnement basés sur la régulation par le marché était formé pour l’essentiel.

De 1985 à 1991, Shenzhen attacha de l’importance à la réforme globale du système de régulation du marché, en appliquant à tour de rôle différentes réformes : système forfaitaire et par actionnariat dans les entreprises, réforme du système financier, du système de gestion des biens publics et du système foncier. Par ces réformes, l’encadrement de l’économie planifiée traditionnelle était pratiquement brisé.

Après 1992,  on précisa « quel serait le premier endroit à mettre en place l’économie de marché socialiste au pays », et le travail le plus ardu allait être la réforme des entreprises d’État. Shenzhen implanta alors le système de l’exploitation des capitaux publics et celui de  d’assurance sociale, procéda à la transformation des fonctions gouvernementales et perfectionna le marché. Ces réformes approfondies et de grande portée lui permirent d’élaborer les premières formes d’encadrement de l’économie de marché socialiste, lesquelles furent identifiées en mai 1995 par la Commission d’État de la réforme du système, et ont offert un exemple à suivre pour établir l’économie de marché socialiste à l’échelle du pays.

Après 23 années d’essais, Shenzhen bénéficie désormais d’un marché de marchandises prospère et mûr, d’un marché financier qui s’approche du marché international, d’un marché complet de la main-d’œuvre et du personnel qualifié, d’un marché foncier et d’un marché immobilier qui se sont développés très tôt, d’une ébauche de marché informatique, d’un marché technique en essor et de marchés spécialisés de multiples catégories.

La modernisation en premier

Lorsque Shenzhen a avancé l’objectif d’être la première à réaliser la modernisation dans le pays d’ici à 2005, cette nouvelle a suscité des remous. Face à Pudong qui avait émergé dans les années 90, à Guangzhou qui se tient en position avancée d’ouverture de la Chine, et à Beijing, centre politique et économique, l’objectif de Shenzhen semblait rempli de défis.

Après mûres réflexions, Yu Youjun, le maire, résuma en dix points l’essentiel de la modernisation : l’industrialisation, l’urbanisation, la transition à l’économie de marché, l’informatisation, la prospérité de l’économie, la démocratisation de la politique, l’équité sociale, la vulgarisation de l’éducation, l’augmentation, dans de fortes proportions, du niveau de vie du peuple et le développement soutenable de la société. En vertu de ces points, Shenzhen fixa 42 indices qui couvrent tous les domaines : développement urbain, protection de l’environnement et niveau de vie du peuple. Ces indices visent le niveau des pays moyennement développés, voire même un niveau encore plus élevé. Rien que pour l’indice du PNB par habitant, celui de 7 600 dollars US fixé par Shenzhen dépasse celui élaboré par Beijing pour 2010. De ces 42 indices, on peut constater que Shenzhen non seulement développera son économie, mais encore élèvera le niveau de vie de son peuple et maintiendra le développement soutenable de la société. Il ne reste que deux ans, l’écart à combler même pour Shenzhen est un défi, et le développement rapide des autres villes constitue aussi un défi ; comment donc réalisera-t-elle l’objectif de sa modernisation ? Comment peut-elle garantir qu’elle sera  la première à le réaliser ? Yu Youjun a répondu en disant : saisir le droit d’expérimenter.

En commençant par des politiques préférentielles et après 23 ans de développement, la ZES de Shenzhen a réalisé un développement complet de ses fonctions sociales et a maintenu son avance dans le pays, surtout son économie orientée vers l’exportation. Sur cette base, elle s’efforce d’obtenir le « droit d’expérimenter », en continuant à faire des expériences avant-gardistes dans le développement de la réforme et de l’ouverture et à paver la voie pour tout le pays. C’est aussi la nouvelle mission de la ZES dans le nouveau siècle.

Depuis l’adhésion de la Chine à l’OMC, la nouvelle brèche à percer est celle du domaine commercial dans lequel Shenzhen saisira la première occasion en permettant l’introduction, avant les autres, des capitaux étrangers dans les domaines de la banque, des titres, de la finance, de l’assurance, de la distribution des matériaux, du commerce, du tourisme, de l’informatique, des services, etc. M. Yu m’a confié: « En ce moment, le niveau d’utilisation des capitaux étrangers est le plus élevé dans l’histoire de Shenzhen. En 2003, celle-ci accueillera un nouvel essor de l’ouverture vers l’extérieur et de l’entrée des capitaux étrangers. Cette fois-ci, les grandes multinationales seront en grande majorité, dont dix des 500 entreprises puissantes du monde. »

Si l’on voit encore plus avant, la tendance de Shenzhen d’occuper le peloton de tête en Chine et de prendre de l’avance au plan mondial sera plus évidente. De 2001 à 2005, pour Shenzhen, cinq ans d’absorption des capitaux étrangers égaleront vingt ans, cinq ans d’investissements dans les infrastructures équivaudront à vingt ans, la valeur industrielle totale doublera et les indices de modernisation que l’on a mentionnés seront atteints dans l’ensemble. Lorsque la Chine entrera totalement dans une société d’aisance, Shenzhen aura été la première à avoir réalisé la modernisation.