XIXe Congrès du Parti communiste chinois| Point de vue d’experts

Un nouvel équilibre des pouvoirs

2017-10-23 12:38

 

 

ZHANG WEIWEI*

 

Le Parti communiste chinois (PCC) doit sa force à tous les gens du peuple qui ont combattu à ses côtés pour parvenir à l'indépendance nationale et qui l'ont aidé à remporter la guerre civile contre le Guomindang.

Toutefois, le Parti est sorti du droit chemin à un moment de l'histoire : il a commis des erreurs de jugement et de calcul qui ont eu des conséquences tragiques comme la Révolution culturelle (1966-1976) ou la mise en œuvre de politiques hostiles aux échanges et au commerce, ce qui a provoqué une perte de dynamisme économique.

 
 
 

Après s'être rendu compte de ses erreurs, le PCC

 a réajusté ses politiques, sorti la population chinoise de la pauvreté et accompli un miracle économique qui a étonné le monde entier.

De nos jours, l'expansion économique rapide et l'amélioration considérable des conditions de vie du peuple, en particulier si elles sont replacées dans un contexte international, démontrent que les réformes entreprises par la Chine ont plutôt bien porté leurs fruits. Depuis 1992, date à laquelle le concept d'« économie de marché socialiste » a été avancé, la Chine a réalisé de multiples percées qui ont injecté dynamisme et vitalité dans l'économie, en lui évitant de passer par de douloureux cycles de crises économiques et financières.

 

 

La gouvernance du parti unique

Tous ces progrès n'auraient pu voir le jour si la Chine avait adopté un système multipartite sur le modèle occidental. Sous la gouvernance du PCC, la Chine est exempte des querelles politiques partisanes comme l'on voit en Occident, ce qui explique en partie pourquoi la nation chinoise parvient toujours à établir un consensus pour avancer en accord avec les intérêts de la grande majorité des citoyens.

Dans une large mesure, le PCC a perpétué les traditions confucianistes et construit un prodigieux système de sélection des dirigeants sur la base de leurs mérites et de leurs performances. Par exemple, la plupart des décideurs aux plus hautes sphères du pouvoir ont exercé au moins deux fois plus longtemps que les secrétaires du Parti ou les gouverneurs au niveau provincial.

À vrai dire, le terme « parti » n'est peut-être pas approprié pour désigner le PCC, car ce dernier n'a rien de comparable avec les institutions politiques tels les Républicains et les Démocrates aux États-Unis, qui ouvertement représentent les intérêts groupés de leurs circonscriptions et se livrent une guerre d'influence. Imprégné des traditions politiques de la Chine, le PCC défend depuis toujours les intérêts de l'écrasante majorité du peuple. Un fait reconnu par la population, puisque le plus grand nombre a vu ses conditions de vie s'améliorer de façon non négligeable ces dernières décennies.

En ce sens, le PCC est davantage considéré comme un parti étatique ou une combinaison des Républicains et des Démocrates (dans un supposé contexte américain) et de tous les autres partis, dont la compétence est la norme et le consensus, et qui favorise l'esprit d'entreprise.

 

 

La leçon apprise de l'Occident

Les 1,3 milliard de Chinois sont maintenant couverts par un système national d'assurance maladie et de retraite, tandis que de l'autre côté de l'Océan Pacifique, le gouvernement américain débat sur le sort de l'Obamacare, hésitant entre le garder ou le supprimer.

L'actuel dysfonctionnement politique aux États-Unis est en quelque sorte enraciné dans ce que le politologue Francis Fukuyama appelle la « vetocratie » : autrement dit, lorsqu'un parti peut unilatéralement bloquer d'importantes mesures politiques. L'ancien président américain Barack Obama avait promis de « changer » les institutions rigides du pays. Non seulement, il n'a pas réussi à tenir sa promesse, mais en plus, nombre de ses mesures ont probablement des chances d'être démantelées par son successeur.

D'un point de vue chinois, les tendances surcapitalistes des États-Unis qui ont tourmentées la société américaine pendant des années, en causant des crises économiques cycliques, la stagnation des salaires et l'accroissement des inégalités de revenus, devraient être immédiatement réformées.

En Europe, il arrive souvent que les réformateurs politiques regardant vers l'avenir finissent par être destitué, comme l'a prouvé le sort réservé à l'ancien chancelier allemand Gerhard Schröder. Si l'Allemagne est forte au sein de l'UE aujourd'hui, c'est principalement grâce aux grandes réformes sociales et réglementaires engagées par M. Schröder. Pourtant, ses dernières années au Bundestag ont été embourbées dans la controverse, ce qui l'a finalement conduit à démissionner.

Le problème est de savoir comment sortir de l'impasse qui existe entre mesures de réforme et démocratie à l'occidentale.

Tel est l'enjeu essentiel. Il existe trois pouvoirs qui sont aux fondements d'une nation : politique, social et du capital. L'équilibre entre ces pouvoirs décide de la perspective de réforme et même du sort de la nation.

Aux États-Unis, le pouvoir du capital affiche un avantage sur les pouvoirs politique et social. Influencé par le capital, le pouvoir politique américain manque d'indépendance et de neutralité, n'ayant d'autre choix que de céder aux exigences émanant des divers intérêts personnels.

De la même façon, le pouvoir du capital a imprégné le pouvoir social dans ses moindres aspects. Cela ne fait aucun doute au vu de sa capacité à contrôler les médias traditionnels et à fixer l'agenda social du pays. Si le penchant actuel en faveur du pouvoir du capital n'est pas rectifié à temps, il est fort probable qu'une nouvelle crise, encore plus grave, se déclenche. Pourtant, pas l'ombre d'une réforme pour s'attaquer à ces problèmes n'est en vue.

En Chine, il est impossible pour les 100 Chinois les plus riches d'influencer le Bureau politique du Comité central du PCC ; alors qu'aux États-Unis, les quelque dix magnats les plus fortunés peuvent façonner les politiques de la Maison-Blanche.

Dans le cas de l'Europe, les forces sociales peuvent souvent mettre à mal le processus de décision. La plupart du temps, de cette situation naît un dilemme où les gens ont tendance à privilégier le gain personnel aux dépens des objectifs collectifs et de long terme. Face à ce manque de consensus dans la démocratie européenne, il est difficile pour les gouvernements de poser des bases solides pour la réforme.

 

 

Un équilibre dynamique

Le pouvoir politique en Chine a, dans l'ensemble, réussi à conserver son indépendance et sa neutralité au cours d'une trentaine d'années de réforme et d'ouverture, malgré la croissance rapide de ses pouvoirs social et du capital. En Chine, le pouvoir du capital est limité dans une large mesure par les forces politiques et sociales, le rendant incapable d'imposer un diktat politique. Certes, le fossé entre les riches et les pauvres s'est élargi ces dernières années, mais le pouvoir politique en Chine a majoritairement réussi à garantir l'élévation constante du niveau de vie des catégories modestes.

Dans le même temps, le pouvoir social en Chine a hérité d'une tradition d'égalitarisme, de telle sorte que la société chinoise est presque toujours encline à limiter le pouvoir du capital. Cet équilibre entre les pouvoirs politique, social et du capital a permis à la Chine d'éviter le genre de crise financière et crise de la dette qu'ont connu les États-Unis, tout en faisant de la vaste majorité des Chinois les bénéficiaires du développement rapide du pays.

La position relativement neutre et désintéressée du pouvoir politique de la Chine, soit le PCC, est l'élément clé derrière la réussite de la réforme menée en Chine. L'équilibre stable entre ces trois pouvoirs étaie le franc succès que connaît la Chine d'aujourd'hui.

Le pouvoir du capital peut générer efficacité et richesse, mais sa nature axée sur le profit peut conduire à des disparités de revenus extrêmes ou à des crises économiques. À l'heure où la société chinoise active exerce plus d'influence dans tous les aspects des processus politique et de décision, nous ne devons pas perdre de vue les objectifs à long terme.

Après vingt années passées à travailler/étudier à l'étranger et à voyager dans une centaine de pays et régions, j'en suis arrivé à la simple conclusion que la structure du parti chinois et sa gouvernance de type méritocratique transcende le modèle occidental, comme l'illustrent l'amélioration continue du bien-être de la population et la hausse du taux de satisfaction de l'opinion publique quant à l'approche chinoise pour la modernisation.

Le 5 octobre 2016, le centre de recherche américain Pew Research Center a publié les résultats d'un sondage, révélant que les Chinois se montrent optimistes vis-à-vis de l'avenir économique à long terme. « Environ 82 % pensent que les enfants qui grandissent aujourd'hui au pays bénéficieront d'une meilleure situation financière que leurs parents », indique le rapport. Il fait remarquer que « l'attitude positive du peuple chinois contraste nettement avec le pessimisme observé aux États-Unis et dans la plupart des pays européens ».

D'un point de vue tactique, la Chine peut apprendre beaucoup de l'Occident sans pour autant présenter le syndrome américain du surcapitalisme ou le syndrome grec de l'État-providence excessif. D'un point de vue stratégique, il est impératif qu'elle maintienne sa position politique comme elle l'a toujours fait.

Pour ce qui est des nations en développement, le PCC peut servir de référence à celles qui cherche le bon chemin vers la croissance économique, que ces nations soient en Asie, en Amérique latine ou en Afrique.

À l'avenir, la Chine continuera de suivre la voie qu'elle a choisie et poursuivra la réforme, pour servir au mieux les intérêts de son peuple.

 

 

*ZHANG WEIWEI est responsable de l'Institut de recherche sur la Chine relevant de l'université Fudan.