9e Rencontre des dirigeants des BRICS| Commentaires

La Nouvelle banque de développement des BRICS progressemalgré les difficultés

2017-08-31 17:09

 

XU XIUJUN*

 

Depuis son ouverture officielle en juillet 2015, la Nouvelle banque de développement (NBD) des BRICS poursuit son objectif de lever de fonds pour financer des projets relatifs à la construction d'infrastructures et au développement durable dans les pays des BRICS, ainsi que dans d'autres marchés émergents ou pays en développement. Par le biais de ses actions concrètes, elle vient aujourd'hui en complément des institutions financières multilatérales et régionales existantes dans le domaine de la croissance et du développement à l'échelle mondiale. À mesure que les projets d'investissement se concrétisent les uns après les autres, la NBD progresse à pas sûrs, brisant les divers obstacles rencontrés dans la phase de démarrage.

 

L'ouverture officielle de la Nouvelle banque de développement
des BRICS à Shanghai, le 21 juillet 2015, en présence de Lou Jiwei,
alors ministre chinois des Finances, Yang Xiong, alors maire de Shanghai,
et de l'Indien K. V. Kamath, premier président de la NBD
 

Des opérations en bonne voie

2016 est l'année où les diverses activités de la NBD ont officiellement débuté et où les opérations d'investissement et de financement ont été mises sur les rails. Sur le plan de l'investissement, la banque a ratifié sept programmes de prêt conformes à son concept de développement durable et à son mode d'exploitation efficace. Ces projets, qui totalisent 1,5 milliard de dollars, concernent tous les pays membres (voir le tableau). 10 à 15 autres sont déjà prévus pour 2017, pour un montant total de 2,5 à 3 milliards de dollars.

En accord avec sa vocation, la NBD concentre ses activités sur la construction d'infrastructures et le développement durable. Parmi les sept programmes de prêt approuvés en 2016, six sont orientés vers les énergies renouvelables et visent à réduire les émissions de CO2 à hauteur de 4,8 millions de tonnes au total. En outre, la NBD a mis en place une structure organisationnelle simple et des processus opérationnels hautement efficaces, de telle sorte que le cycle d'approbation d'un projet ne prend que six mois.

 

 

Sur le plan du financement, elle met en œuvre des idées novatrices pour stimuler la collecte de fonds destinés aux projets. Par exemple, en juillet 2016, elle a officiellement émis sa première obligation verte pour une durée de cinq ans, marquant la première apparition de la nouvelle institution sur le marché des capitaux.

D'autre part, la NBD a établi à Johannesburg son Centre régional pour l'Afrique, aujourd'hui pleinement opérationnel. L'entrée en service de ce centre pose les bases du développement des projets en Afrique.

 

Coexistence de défis et d'opportunités

En tant que nouvelle institution financière multilatérale pour le développement, la NBD fait face à des défis de toutes sortes, tant dans la gestion interne que dans le développement des affaires.

Obtenir une appréciation favorable auprès des agences de notation internationales est le plus grand défi qu'elle doit relever. Une bonne note reçue le plus tôt possible est un gage important de la possibilité de réduire les coûts de financement et de lever des fonds en volume suffisant. En 2016, China Chengxin International Credit Rating Co., Ltd et China Lianhe Credit Rating Co., Ltd ont attribué le triple A à l'organisme émetteur de l'obligation de la NBD sur le territoire chinois ainsi qu'à la première obligation verte que la banque a émise, une note élevée qui a de fortes chances d'être renouvelée. Toutefois, sur le marché de notation international dominé par les pays industrialisés, il n'est pas aisé pour la NBD d'obtenir le meilleur score possible, notamment dans la mesure où aucun État membre de la NBD n'a décroché la note souveraine du triple A.

L'autre enjeu auquel se heurte la NBD concerne les meilleures pratiques à adopter pour superviser et contrôler les risques associés aux programmes de prêt. Comparée à la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement et d'autres institutions de développement multilatérales qui existent depuis des décennies, la NBD manque d'expérience dans ce domaine. Qu'ils soient axés sur le développement durable ou la construction d'infrastructures, les projets s'étalent d'une manière générale sur 15 à 20 ans. Ils se caractérisent ainsi par une longue période d'investissement et un faible taux de rentabilité. Dans le même temps, dans le contexte actuel de morosité de l'économie mondiale, il est crucial de contrôler les risques posés par les projets en cours pour pérenniser le fonctionnement de la banque, d'autant plus que certains pays bénéficiaires souffrent de perturbations politiques ou d'une récession économique.

Autre question qui se pose à la NBD : comment trouver l'équilibre entre concurrence et coopération avec les institutions financières multilatérales pour le développement. En dépit de ses cibles et de ses champs d'application précis, inévitablement les activités de la NBD chevaucheront, voire concurrenceront, celles des organisations similaires. Ainsi, la NBD doit chercher d'urgence à forger des atouts qui lui sont propres dans son modèle d'affaires pour se démarquer de ses rivaux et pallier son manque d'expérience, tout en menant une coopération efficace avec les autres bailleurs de fonds multilatéraux spécialisés dans le développement. N'oublions pas que les institutions de financement mondiales et la majorité des institutions régionales du genre aujourd'hui en place sont dominées par les économies développées. Ces dernières craignent que l'arrivée de la NBD vienne bouleverser l'architecture financière internationale existante et n'ont donc aucune raison de la soutenir.

En revanche, la NBD bénéficie d'un soutien vigoureux de la part des autorités nationales des pays membres et des marchés pour son développement, ce qui lui a permis d'entrer dans une phase riche en opportunités. Cette situation s'explique en grande partie par le rythme de croissance des BRICS et la très forte demande en capitaux dans les pays en développement.

D'une part, les BRICS ont enregistré ces dernières années un ralentissement de croissance. Cependant, la dynamique de croissance globale assurée par les BRICS est restée inchangée. Selon les chiffres publiés par le Fonds monétaire international (FMI), le taux de croissance pondéré des BRICS pour 2016 était de 5,0 %, soit 0,9 point de pourcentage de plus que la moyenne affichée par les pays émergents et les pays en développement confondus, et 3,3 points de pourcentage de plus par rapport aux économies développées. La contribution des BRICS à la croissance globale excède ainsi les 50 %. Ces statistiques plaident en faveur d'un appui ferme au développement futur de la NBD.

D'autre part, les pays en développement manifestent un besoin énorme en capitaux, manquant aujourd'hui cruellement d'argent pour bâtir des infrastructures et se convertir au développement durable. À l'heure actuelle, rien que pour mener à bien leurs travaux d'infrastructures envisagés, les pays en développement dans le monde nécessitent chaque année environ 2 000 milliards de dollars, mais la moitié de ces besoins en financement ne peuvent être satisfaits. D'ailleurs, les institutions multilatérales existantes n'ont clairement pas le bras assez long pour couvrir une telle demande. Surtout qu'après l'entrée en vigueur de l'Agenda 2030 pour le développement durable, les besoins en financement pour la réalisation de projets de développement durable devraient considérablement s'accroître. Par conséquent, on peut dire que la création de la NBD est tombée à pic pour répondre aux exigences de notre époque.

 

De larges perspectives de développement

Depuis sa création il y a deux ans, la NBD n'a cessé d'accumuler de l'expérience au fil de ses opérations et se dirige aujourd'hui vers de belles perspectives de développement.

En matière d'attribution des prêts, la quantité et l'ampleur des projets à financer que la NBD prend en charge devraient encore augmenter. Pour 2017-2018, elle garde 23 projets en réserve, estimés à une valeur totale de 6 milliards de dollars, dont cinq en Chine pour un investissement total de 1,7 milliard. Conformément à la Stratégie globale de la NBD pour 2017-2021, d'ici 2021, le nombre de projets approuvés par l'institution devrait se situer dans une fourchette allant de 50 à 75.

En matière de financement, la NBD ne manquera pas d'explorer activement le marché international. En fonction de ses propres besoins financiers et de l'évolution du marché, elle continuera à mettre en œuvre son programme d'émissions obligataires fixé à 10 milliards de yuans. Entre-temps, elle émettra des obligations libellées en roupies indiennes et recherchera des occasions de lancer des obligations au Brésil et en Russie.

Côté élargissement de sa structure, elle accueillera de nouveaux membres afin de mobiliser le soutien et la participation d'un nombre croissant de pays émergents. En vertu de la Stratégie globale de la NBD pour 2017-2021, d'ici 2021, des pays de tailles et de niveaux de développement différents devraient adhérer à la NBD, laquelle envisage de couvrir toutes les régions du monde dans un futur proche.

Côté gestion, la NBD s'adaptera à la nouvelle situation et continuera de parfaire son système d'administration. Du point de vue du processus de demande de prêt, la NBD optimisera constamment l'évaluation et l'approbation des projets pour réduire à une période inférieure à six mois le délai entre le dépôt d'un dossier et sa validation. Cette haute efficacité caractéristique de ses activités est en train de devenir l'un des atouts majeurs de la NBD.

En bref, depuis sa fondation, la NBD parvient à progresser en bravant les difficultés grâce à un modèle de fonctionnement pragmatique et hautement efficace, répondant ainsi de manière satisfaisante aux attentes des BRICS et d'autres pays dans le monde. À l'avenir, elle continuera à se concentrer sur les projets relatifs à la construction d'infrastructures et au développement durable, tout en étendant inlassablement son réseau de partenaires et ses champs de coopération, histoire de s'avancer vers de brillantes perspectives de développement.

 

*XU XIUJUN est un chercheur et le directeur exécutif du Centre d'études sur les BRICS de l'Institut d'économie et de politique mondiales relevant de l'Académie des sciences sociales de Chine.